Je ne taquine que rarement la muse érotique, préférant dans ce domaine la réalité à la fiction, et considérant que l’intimité sied au sexe, ce qui, à en juger par l’impudeur systématique actuellement en vigueur, fait tout autant de moi un dinosaure que mon rejet catégorique de la cuisine moléculaire et des fractales mises à toutes les sauces.
Mais un événement crapoteux récemment survenu dans les hautes sphères du pouvoir me pousse à prendre position de missionnaire en faveur de l’érotisme, non que je m’intéresse à ce qui se passe dans l’intimité du sommet de l’état, mais à cause de l’insondable médiocrité du casting et du scénario, transformant ce qui aurait pu devenir une tragédie shakespearienne en un vaudeville d’une telle grossièreté que même le peu regardant Feydeau s’en fût détourné avec dégoût.
C’est pourquoi, espérant retrouver un peu de cette légèreté subtile qui caractérisait l’une des grandes époques de l’érotisme, notre dix-huitième siècle, je me permets à mes risques et périls d’exhumer le petit dialogue anonyme et d’époque incertaine que voici :
« Mon père, j’ai péché…
– Je suis au courant, Madame, n’en doutez pas.
– À plusieurs reprises, mon père…
– J’ai bonne mémoire, Madame.
– J’y ai pris plaisir, mon père, grand plaisir…
– Madame, je suis assuré que vous n’étiez pas seule dans ce cas !
– Plus grave encore, mon père, c’était avec un homme d’église.
– Madame, rien de rare en l’occurrence. Vous le savez, ma chère fille, la chair est faible et l’esprit souffle où il veut… Au moins, vous étiez sans doute [1] en de bonnes mains.
– Mais de tels actes, mon père, méritent la damnation éternelle !
– Madame, suffit que vous ayez péché. N’allez pas ajouter à votre faute le crime plus grand encore de douter de la clémence de Dieu, comme s’il était en votre pouvoir de juger à Sa place !
– Vous croyez donc, mon cher père, que je puisse compter sur l’indulgence de Notre Seigneur ?
– Je n’ai pas à en juger et ne puis rien vous promettre, ma chère fille. Mais je ne serais nullement étonné qu’Il utilisât vos coupables faiblesses pour vous mener peu à peu, à travers les repentirs qu’elles engendrent, à faire tout doucement votre salut en ce monde et dans l’autre. Comme vous le savez, Madame, contrairement aux vôtres, les voies de Dieu sont impénétrables…
– Hélas, mon père, j’avais bien juré de ne plus succomber, mais le moyen de résister à tant d’empressement…
– Ego ti absolvo… Pour pénitence, ma fille, et afin de m’assurer de la réalité de votre repentir, je ne te rendrai visite en ton boudoir que mardi prochain.
– Oh, merci, mon père !
– Allez en paix, ma chère fille… Et, Madame, pendant que j’y pense, dites à votre cher mari qu’à ne me point visiter de si longtemps, il risque de provoquer, non certes le mien, mais le juste courroux de notre Père à tous, et que s’il ne vient de lui-même à confesse, je l’irai confesser de force !

Extrait des « Sacrées Confessions » manuscrit inédit de l’abbé Gazeau (1671-1769) en cours de publication par Alain Sagault (France)


Lisant la lettre aussi odieuse que grotesque qu’il vient de commettre dans ce torchon qu’est Le Figaro, m’apparaît une fois de plus combien stupéfiante est la capacité de Nicolas Sarkozy à salir tout ce qu’il touche, comme l’avait si bien senti l’homme à qui le plus indigne de nos Présidents avait jeté : « Casse-toi, pauvre con ! »
Qu’un être aussi bas à tous égards ait pu être élu Président de la République en dit long sur ses électeurs.
Ce qui ne dédouane nullement l’actuel président, certes plus normal (pas grand mérite à cela), mais presque aussi dangereux et à peine plus scrupuleux dans la manipulation des électeurs et le respect des promesses…

[1Jusqu’à la Révolution au moins, « sans doute » voulait très logiquement dire : « sans aucun doute ».