« Quel peuple rend l’amour qu’on lui donne, sinon à qui le trompe et le flagorne, et ne le méritant pas n’en est que plus aimé ? »
André Suarès, Lord Spleen en Cornouailles

JPEG

Je cultive mon jardin.
Les roses ont des épines, mais leurs fleurs et leur parfum me sont raisons de vivre et d’espérer.
Pour autant, même contre elle, on est de son époque.
Il faut donc bien la vivre, aussi, jusque dans ses cloaques. Et Dieu sait que les égouts de ce temps ne sentent pas la rose !

JPEG

JPEG

Je n’y peux rien, j’aime trop la beauté pour ne pas détester la laideur, pas tant celle du corps que celle de l’âme. Plus que jamais dénoncer et combattre la laideur destructrice des hommes et des femmes de pouvoir, de paraître et de profit, ces tumeurs ambulantes qui corrompent tout ce qu’elles touchent.
Un Sarkozy ne peut tromper que ceux qui lui ressemblent, et malheureusement ils sont nombreux à être aussi profondément médiocres, aussi viscéralement lâches, et au fond aussi désespérément puérils que celui qu’avec une grande perspicacité ils élisent pour les représenter.
Il est des êtres dont la laideur intérieure se voit littéralement sur leur visage, transparaît dans chacun de leurs mouvements, déforme chacune de leurs expressions et s’exprime malgré eux dans leur voix.
Ils sont loin d’être la majorité, mais ils la séduisent parfois un temps car dans les débuts rien n’est plus reposant que de se laisser aller à la bassesse.
Je me faisais ces réflexions après avoir entendu sur France-Inter un de ces être vils qui déshonorent la politique et dont le discours, répugnant dans la forme autant que dans le fond, me donne à tout instant envie de vomir.
Un adjectif définit parfaitement l’attitude et les propos de Nathalie Kosciusko-Morizet sur France-Inter hier : sordide. L’écoutant, j’entendais la voix de son maître : ce n’était qu’insinuations perfides, et non seulement perfides, mais malhonnêtes, et sciemment, volontairement, malhonnêtes, approximations, demi vérités et mensonges grossiers.
« Je ne sais pas s’il y a un cabinet noir à l’Élysée, mais… » ânonnait-elle sans trêve.
En voilà une au moins qui a compris le message de l’infâme Basile du Barbier de Séville, ce parangon des lâches :

« La calomnie, Monsieur ? Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens près d’en être accablés. Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville, en s’y prenant bien : et nous avons ici des gens d’une adresse ! ... D’abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le diable ; puis tout à coup, on ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil ; elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ? »

Quel mépris des autres, et, au fond, quel mépris de soi-même !
Sarkozy, trader de la politique désormais has been, peut prendre sa retraite, il a formé une élève qui promet de dépasser le maître.
Dans la laideur, mais aussi dans le grotesque (étonnant comme le discours de ces malfaisants se retourne contre eux pour les dépeindre comme ils sont, au moment même où pour mieux masquer leur déchéance ils tentent d’attribuer leurs tares à autrui).
Comme la tache de sang sur la main de lady Macbeth, la médiocrité toujours refait surface : ce qui, après le haut-le-cœur, frappait l’esprit, c’est l’extraordinaire sottise, l’insondable médiocrité de la « prestation » de cette prétendue « bête politique ».
Comment, si taré soit-il, un politicien à l’époque de l’internet peut-il encore s’imaginer convaincre avec des ruses aussi cousues de fil blanc, des procédés rhétoriques aussi éculés ? Quand elle se fait aussi visible, la malhonnêteté intellectuelle devient risible.
Et ce sont ces gens-là qui vont pourfendant le populisme et la démagogie !
Pendant ces quelques minutes, Nathalie Kosciusko-Morizet a sans cesse utilisé le mot « évidence », sans doute, parce qu’elle sentait bien que son discours était tout sauf évident.
Après cette performance, il est une « évidence » qui ne lui échappera sans doute pas si elle prend la peine de visionner son enregistrement : quand on se la joue Messaline, il arrive qu’on se révèle Bécassine…

Histoire de souligner le contraste, et à l’intention de ceux de mes lecteurs qu’incommoderait cette « évidence » que NKM et ses propos ne sentent pas la rose, je cueille, dans le livre que j’ai commis récemment en compagnie de ma merveilleuse amie Debbie Robertson, « Ubaye, vallée ouverte », un petit texte fleuri et tout pénétré des vœux pieux d’un humanisme sans doute dépassé, puisqu’il chante le respect de la vie et le sens de la parole donnée, que ce soit à autrui ou à soi-même :

La vie en rose

Enfin, sur le fond de la « contre-attaque » sarkozyenne, voici la réponse d’une « dame », comme dirait le camarade Sarkozy, d’une magistrate, comme on dit quand on est un citoyen digne de ce nom, au délire paranoïaque intéressé de celui qui n’est jamais si vulgaire que quand il tente de jouer au grand seigneur, tant le contre-emploi saute aux yeux :

03/07/2014

Oui les juges ont des opinions politiques, non ce n’est pas ce qui les détermine

par Evelyne Sire-Marin. Vice président du TGI de Paris, et néanmoins syndiquée.

On apprend donc, avec la mise en examen d’un ancien Président de la République, pour la deuxième fois sous la 5ème République (après Jacques Chirac), que certains juges auraient des opinions politiques, et même pire, seraient syndiqués.
Nicolas Sarkozy, jetant sa cape de prestidigitateur sur les six affaires de trafic d’influence et de corruption dont les ombres se rapprochent, n’a qu’une chose à dire : rien sur le fond, tout sur le complot des juges rouges contre lui.
Nicolas Sarkozy quitte le tribunal de Bordeaux, où il vient d’être interrogé par les juges dans le dossier Bettencourt, le 22 novembre 2012. Photo Pierre Andrieu. AFP.
Puisque l’une des deux juges d’instruction appartient au syndicat de la Magistrature (on oublie d’ailleurs toujours l’autre juge d’instruction et l’intérêt de la co-désignation des juges pour éviter ce type d’attaques), tout est pipé.
Et d’en tirer une conséquence implicite qui a été peu développée : il aurait fallu, s’agissant de LUI, nommer deux juges non syndiqués. On n’est pas loin de ce que le Front National a lui-même toujours revendiqué dans son programme : l’interdiction du syndicalisme judiciaire et la dissolution du Syndicat de la Magistrature.
Imagine-t-on une démocratie où, avant de désigner des juges d’instruction pour suivre un dossier, on s’interrogerait sur l’opinion politique de chacun des magistrats ? Et comment faire ? La majorité des magistrats ne sont syndiqués ni à l’USM (l’Union syndicale des magistrats, syndicat majoritaire), ni au Syndicat de la Magistrature. Est-ce à dire qu’ils n’ont pas d’opinion politique ? Faut-il alors contrôler leurs votes pour la connaître ?
Les magistrats seraient bien les seuls. Les journalistes, les avocats, les policiers ont tous des convictions politiques, et personne ne pense que cela leur interdit d’être des professionnels irréprochables. Mais les juges, eux, devraient être des pages blanches, des cerveaux transparents, pour être impartiaux.
C’est ignorer, d’abord, que la majorité des affaires judiciaires nécessitent une technicité, une compétence juridique, qui n’a pas grand-chose à voir avec les convictions politiques personnelles du magistrat : juger qu’un enfant est ou non en danger, rendre une décision en matière successorale, contractuelle, commerciale, exige surtout de respecter (et de connaître) la multiplicité des textes en vigueur, et leur application jurisprudentielle. Difficile de dire si les auteurs de ces décisions judiciaires sont de droite ou de gauche.
Et les juges pénaux ? Ils représentent moins d’un dixième des 9000 magistrats, et captent toute la lumière médiatique. Les juges d’instruction, juges des libertés, juge d’application des peines, présidents de correctionnelle ou de Cour d’Assises, peuvent-ils être des citoyens, dotés d’une liberté d’opinion et d’expression ?
C’est en tout cas ce qu’affirme le code de déontologie des magistrats réalisé par le Conseil Supérieur de la Magistrature : "Le magistrat bénéficie des droits reconnus à tout citoyen d’adhérer à un parti politique, à un syndicat professionnel, ou à une association et de pratiquer la religion de son choix."
Mais quels que soient les engagements citoyens du magistrat, comment Monsieur Sarkozy, qui est avocat, peut-il ignorer que le code pénal et le code de procédure pénale, auxquels il a lui-même ajouté plus de 30 lois, enserrent les pouvoirs des juges dans un formalisme extrêmement strict, sans aucune possibilité d’interprétation personnelle, quelles que soient leurs convictions ?
La garde à vue par exemple, dont il estime qu’elle n’aurait pas dû s’appliquer à sa personne, concerne 800.000 personnes par an, parfois pour des infractions comme la vente de bouteilles d’eau à la sauvette, dont chacun pourra juger de la gravité au regard de qualifications comme le trafic d’influence ou la corruption, en toile de fond de l’affaire à l’origine de sa garde à vue, où l’on soupçonne des financements libyens de la campagne présidentielle de 2007, à hauteur de 50 millions d’euros.
Quant à la mise en examen, elle s’impose lorsqu’il existe des indices permettant de penser que quelqu’un a commis une infraction, notamment pour lui permettre d’accéder au dossier, et d’exercer toute une série de droits (droit de recours, demandes d’expertises, d’auditions, de confrontations…).
Si les savoureuses écoutes téléphoniques entre M. Sarkozy, son avocat et deux hauts magistrats, réalisé à partir de téléphones acquis au nom d’identités usurpées, et techniquement conçus pour échapper à la surveillance policière, ne sont pas des indices graves ou concordants de trafic d’influence justifiant, non pas une condamnation, mais une mise en examen pour continuer à enquêter, il vaut mieux décider de supprimer le juge d’instruction, comme le souhaitait un certain Nicolas Sarkozy.
La procédure pénale française est ainsi : des soupçons, et c’est la garde à vue ; des indices, et c’est la mise en examen ; des charges suffisantes d’avoir commis une infraction, et c’est le tribunal.
Nicolas Sarkozy en est à la deuxième étape, et personne ne peut dire si le dossier justifiera qu’il passe à la 3ème.
Personne, même pas les juges, qu’ils soient rouges ou bleus.

Histoire de compléter ma réponse aux deux commentaires de l’ami Klépal, j’ajoute ces quelques lignes de Suarès, sur lesquelles je suis tombé tout à l’heure en poursuivant la lecture de son essai sur Cervantès :

André Suarès, Au nom de la beauté

© Sagault 2014 pour les trois photos !
Cliquez sur elles pour les agrandir…