Et s'il n'y avait que les éléphants ! zonzonna l'abeille {JPEG}

Et s’il n’y avait que les éléphants ! zonzonna l’abeille

JPEG

De la photo 1 à la photo 2, exemple d’un changement qui est un progrès…
Cliquez pour vérifier !


<sjcycle10626|center>
Ceci, n’en déplaise à Magritte, est un diaporama



D’abord, un dernier rappel, pour ceux que cela pourrait intéresser :

Dans un moment où règnent comme jamais le bruit et la fureur, et alors que Palmyre sera peut-être réduite en poussière demain, il est peut-être utile de se demander ce que peuvent encore nous apporter l’art et le silence si parlant et si fécond qu’à son meilleur il provoque en nous.
D’où le livre double que nous proposons Jean Klépal et moi, tête-bêche, autour des rapports de l’art et du silence. Pour en voir et savoir plus, deux liens :

http://www.sagault.com/-ACTUALITES-.html

http://www.ateliersdartistes.com/SILENCE-ON-PEINT.html


40 ÉLÉPHANTS PAR JOUR
Barbarie et barbarismes, même combat ?



Aujourd’hui, comme chaque jour, les braconniers ont abattu en Afrique 40 éléphants.

L’EI espère se bâtir un futur en égorgeant le présent et en annihilant le passé.

Shell va forer dans l’Arctique, qui est lancé par nos soins dans une course palpitante avec l’Antarctique pour savoir qui des deux fondra le plus vite.

Les banques et les états sont entre les mains d’une oligarchie mafieuse qui mène contre les peuples une guerre civile impitoyable.

Fruit de nos efforts assidus, la sixième extinction massive des espèces est en bonne voie.

Non, je ne tente pas d’établir une liste des composantes du désastre, je ne l’esquisse même pas, un résumé de la catastrophe en cours serait encore bien trop long !

Chers Candides de tout poil, pour être optimiste aujourd’hui, il vous est indispensable de connaître la recette du pâté d’alouettes et de vous en servir sans modération. L’alouette représentant les raisons d’être optimiste, le cheval (de préférence un boulonnais, près de deux mètres et une tonne de muscles) les raisons d’être radicalement pessimiste.

Il est des moments où l’optimisme déguise une lâcheté irresponsable et finit par devenir criminel. Ce dont a besoin notre époque, c’est d’un pessimisme actif, associant la lucidité, qui permet de regarder les choses en face, et le refus de la résignation, qui permet d’agir en connaissance de cause, sans illusions ni compromissions.

Affolés par l’effondrement de notre univers, nous sommes en train de créer une « civilisation » dans laquelle il faut marcher sur la tête pour ne pas être pris pour un fou.
La norme étant désormais d’être malhonnête, cette nouvelle règle a pour évident corollaire qu’il devient malhonnête d’être honnête, comme ont pu s’en apercevoir nombre de lanceurs d’alerte. Les anormaux qui s’efforcent encore, à contre-courant, de rester honnêtes, deviennent ainsi des tricheurs aux yeux du bandit, désormais si profondément corrompu qu’il est honnêtement persuadé d’être honnête…
Ce renversement carnavalesque de toutes les valeurs a ses mérites, tant que les bouffons (le retour de fortune, dans les banlieues notamment, de ce terme quasiment disparu a évidemment un sens) ne prennent le pouvoir que le temps d’en montrer les failles, les contradictions et les limites, l’obligeant à se regarder en face et à se réguler.
Mais quand l’anti-conformisme devient obligatoire, il nie sa seule raison d’être et entraîne une perte de repères si totale que le chaos s’installe, ouvrant le chemin à des « retours à l’ordre » non moins chaotiques mais encore plus dévastateurs.
Et cela vaut pour tous les aspects de notre vie, y compris pour ceux qui nous paraissent à première vue moins importants, notre langue, par exemple…
Parlons-en, de notre langue !


UNE LANGUE BIEN PENDUE



Des éléphants qui ne sont pas menacés d’extinction, mais sont au contraire de plus en plus nombreux, ce sont ceux qui s’ébattent avec une effarante vulgarité dans le fragile magasin de porcelaine qu’est devenue la langue française, aussi impitoyablement massacrée par ses usagers, académiciens compris, que le sont les pauvres pachydermes africains par les braconniers du même nom.
C’est moins grave, dites-vous ? Voire…
Après le vocabulaire, réduit, cas de le dire, à sa plus simple expression, c’est la syntaxe qui part en lambeaux, et avec elle la capacité de raisonner, d’inscrire dans la durée, de développer une pensée cohérente, d’exprimer ses émotions autrement que par monosyllabes ou borborygmes.
Vous vous êtes déjà habitué, vous rendez les armes, par paresse, par commodité, et parce que la majorité parlante est contagieuse : les barbarismes, comme la barbarie, ça se transmet, ça s’étend comme une épidémie.
« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés… », votre serviteur inclus ! Oui, je l’avoue en rougissant jusqu’aux oreilles, entraîné par l’exemple, il m’arrive de laisser échapper des fautes, oui, je me surprends parfois à participer à ce honteux lynchage de notre langue !

Face à ce relâchement généralisé, parler et écrire correctement le français exige de plus en plus un effort conscient, même des « locuteurs » censés les plus performants.
Car c’est le fonctionnement même de notre langue qui n’est désormais plus compris par la majorité d’entre nous, comme le montrent des exemples toujours plus nombreux, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral.
Je relève par exemple dans le très tendance et raffiné programme d’une association culturelle à vocation musicale, à propos d’un projet conçu par une scène nationale de théâtre, le morceau de virtuose inculture que voici :
« Le week-end « La saveur de l’autre » dont l’enjeu est de faire débat, élever le niveau de compréhension sur l’une des grandes questions humaines de ce siècle naissant : les migrations et son corolaire, l’hospitalité. »

Il y a encore quinze ans, un texte (si j’ose dire) d’une telle énormité ne serait jamais passé. Mais on n’arrête pas le progrès, et la Grande Culture n’a plus que faire de si insignifiants détails, si tant est qu’elle soit encore capable de les discerner !

Dans Le Monde, 17 mars 2015 : « Ces travaux pharaoniques, d’un coût total de 350 millions d’euros, doit s’achever entre fin 2017 et début 2018. »
D’un avocat fort cultivé : « On en tire les conséquences, qui est la reprise… »
Patrick Cohen, sur France-Inter : « Je vous parlais à l’instant de l’influence du net, quel est celui du… »
Bruno Le Roux, encore sur France-inter, après avoir usé d’un argument ahurissant que même Bernard Guetta a récusé (en substance, si cette loi est dangereuse en de mauvaises mains, suffira aux citoyens de voter pour nous, qui saurons ne pas faire usage des armes antidémocratiques qu’elle nous donne !) : « Nous vivons dans une république sur lequel… »
Pire encore, Philippe Chrétien, parlant du Népal, toujours sur France-Inter : « Le tourisme, son seul et principal revenu » !
Voyez comme j’ai peu confiance en mes lecteurs, pessimiste que je suis ! Je n’ai pu m’empêcher de mettre ces énormes fautes en italique, de peur que vous ne les voyiez pas…
De fait, ce terriblement contagieux délitement de la langue touche au moins autant nos élites autoproclamées que le reste de la population.
Nous perdons notre langue, dévoyée et appauvrie jusqu’à n’être plus que la caricature d’elle-même, et cette perte nous laisse orphelins du passé, faisant de nous par là même des handicapés du présent, puisque nous ne pouvons être pleinement nous-mêmes qu’en disposant de la part de passé qui nous forme et sans laquelle nous ne pourrions exister en tant qu’êtres conscients.

Nous sommes tous les enfants de notre langue, puis, dans la mesure où nous la faisons évoluer, nous en devenons les parents, et c’est très bien ainsi. Il est naturel que la vie continue, et elle ne peut évidemment le faire sans plus ou moins changer.
Mais le français, à la suite de l’anglais, est en train d’involuer, littéralement étranglé par ses enfants, qui deviennent peu à peu incapables d’en assurer la transmission.

Cet affaissement d’une langue commune qui engendrait dans nos sociétés une certaine cohérence de pensée encourage le communautarisme, chacun se replie sur soi, fait tribu comme il peut, ne vit plus qu’au « présent ». Un présent étriqué, réduit au cercle de « famille » plus ou moins mafieux, amputé du temps et de l’espace véhiculés par chaque langue nationale.
Un présent morcelé, nouvelle Tour de Babel, dès lors voué par sa fragmentation même au conditionnement unificateur universel par cet ersatz d’esperanto qu’est l’anglais des affaires, sorte de pidgin pour financiers décérébrés et bobos écervelés.

On évoque souvent les valeurs, on s’accroche à des mots clés, liberté, égalité, fraternité. Il serait peut-être temps, là encore, de nous souvenir que ces idées ont été élaborées par des hommes qui connaissaient leur langue, qui savaient ce que parler veut dire et prenaient le temps de peser leurs mots et de débattre de leurs idées à l’aide d’un instrument formidablement précis et cohérent, forgé par une longue évolution…
Cet instrument qui est en train de nous tomber des mains, c’est notre langue, la langue française.

Liberté, égalité, fraternité. Depuis un demi-siècle, dans notre monde, quels mots ont-ils été plus ouvertement bafoués que ces trois-là, constamment utilisés pour désigner le contraire de ce qu’ils nomment ?
Contrairement à ce que les hommes de pouvoir tentent sans cesse de nous faire croire, ce n’est pas être passéiste, ce n’est pas être un conservateur rétrograde que de refuser, dans son époque, ce qu’elle produit de pire. Et son évolution actuelle fait qu’aucun être humain digne de ce nom ne peut accepter ce qu’elle est en train de produire.
Il n’y a aucune raison d’admettre comme nécessaire, inévitable et source de progrès ce qui constitue une régression, aboutissant à une situation pire que celle qui précédait.
Si les mots ont un sens, jamais le progrès ne peut consister à rendre les choses pires qu’elles n’étaient !
Parler sa langue, c’est entre autres savoir que le mot changement n’est pas un sésame synonyme de progrès
Quel progrès, vraiment, le jour où nous aurons enfin compris que, comme le veut l’étymologie du verbe progresser, ce n’est pas parce qu’on change qu’on progresse, mais parce qu’on avance !