En post-scriptum anticipé, deux remarques d’actualité toute fraîche :

Il faut cesser de calomnier les riches. Nous sommes très injustes avec eux : comme le prouvent les réactions des habitants du 16e arrondissement de Paris, les riches sont solidaires, on ne peut plus solidaires.
Entre eux.

Hier matin sur France-Inter, dans Boomerang, une émission que je n’aime pas beaucoup plus que l’hystérique mondain qui l’anime, une bouffée d’air frais : Alejandro Jodorowski venu parler d’art et de vie avec ce mélange de gaieté et de profondeur qui le rend si précieux. Sur la nécessité de l’art et l’engagement qu’il exige, ce véritable artiste est autrement convaincant que les zozos de l’art contemporain de marché…


Il y a près de quatre mois que je n’ai rien fait paraître sur le globe de l’homme moyen, et plus d’un an que j’y proposais quelques-unes de mes Remarques en passant, dont vous trouverez ci-après la vingt-huitième livraison. C’est que je me refuse à réagir en permanence, et que je me demande de plus en plus si dans l’universelle clameur à laquelle nous sommes constamment soumis le meilleur moyen d’être entendu ne serait pas de se taire ; savoir faire silence est du moins la voie la plus sûre pour s’entendre soi-même et cesser d’être stupidement réactif à la manière pavlovienne des « créateurs de richesses » et autres stupides et terrifiants amateurs de pouvoir, de profit et de paraître dont la race maudite persiste à vouloir nous tuer pour nous apprendre à vivre.
Commençons donc par évoquer le silence…

« Le silence, qui rend possible l’attention et la concentration, est ce qui nous permet de penser. Or le monde actuel privatise cette ressource ou la confisque. »

Matthew Crawford



« À partir du moment où il y a silence et écoute, le sacré devient possible. »

Juliette Binoche, France-Inter, 23 mai 2015



« La poésie est une éternelle jeunesse qui ranime le goût de vivre jusque dans le désespoir. »

André Suarès, Temples grecs, Maisons des dieux, 1937



Une autre raison de mon silence réside dans la consternation que je ressens à voir se vérifier mes pires craintes quant à l’état du monde et à celui de notre pays. J’aurai l’occasion de revenir sur la succession d’infamies par lesquelles s’illustre depuis 2012 l’actuel gouvernement de gauche ultra-libérale, dévoué serviteur de l’oligarchie économico-financière mondialisée. Je me contenterai ici de quelques citations qui me semblent éclairantes.

« Un gouvernement qui accroît les pouvoirs de la police et de l’armée tend inexorablement vers le fascisme. »

Le cinéaste Paul Verhoeven, lors d’un entretien avec Télérama début 2016



« La manifestation (et l’organisation) de la peur, dans ses formes banales et pathologiques, est le fil rouge de toute existence. L’histoire de chaque individu peut être racontée en observant la manière dont il réagit, interagit et négocie avec ses peurs, dès sa naissance et tout au long de sa vie.
La peur ne marque pas seulement l’existence individuelle mais aussi la vie sociale. Au fond, cela a été observé, toute culture peut être décodée comme un ingénieux mécanisme qui rend la vie vivable malgré la conscience et la peur de la mort. »
« L’organisation et la régénération méthodique de la peur constituent l’essence même de la méthode mafieuse, et l’instrumentum regni au moyen duquel la mafia devient un centre de pouvoir. »

Roberto Scarpinato, Le retour du Prince, pouvoir et criminalité



« Nous résistons au mal en refusant de nous laisser entraîner par la surface des choses, en nous arrêtant et en réfléchissant, en dépassant l’horizon du quotidien. »

Hannah Arendt



« L’esprit de désobéissance naît de votre jugement moral d’adulte qui vous dit que quelque chose ne tourne pas rond dans la société et vous incite à résister. La désobéissance morale est la clé du progrès. »

Une activiste québecoise



Pendant la guerre, on demanda à Churchill de diminuer le budget de la culture en faveur de la guerre. Il répondit : « Alors pourquoi nous battons-nous ? »


Terminons en beauté par cette saillie de Jean Cocteau, qui n’est pas si bête qu’elle en a l’air :
« Si je préfère les chats aux chiens, c’est parce qu’il n’y a pas de chats policiers. »

Et puisque nous en sommes à la dangerosité animale, je vous livre cette photo prise en Piémont, qui, si vous faites l’effort de cliquer dessus, vous confirmera que les chiens sont plus dangereux que les loups, maintenant qu’ils conduisent.
Sans doute un dommage collatéral de la campagne « Boire ou conduire, il faut choisir ! »



REMARQUES EN PASSANT 28



AMOUREUX
Envers et contre tout, je reste amoureux.
Amoureux de la vie, et souvent amoureux comblé.
Amoureux de l’humanité et très souvent amoureux déçu, amoureux trompé et enragé, crevant d’envie d’étrangler celle qu’il aime encore et ne peut qu’haïr.

ART
De Cioran, dans L’inconvénient d’être né, ces quelques lignes sur l’art de son temps, toujours actuelles :
« La physionomie de la peinture, de la poésie, de la musique, dans un siècle ? Nul ne peut se la figurer. Comme après la chute d’Athènes ou de Rome, une longue pause interviendra, à cause de l’exténuation des moyens d’expression, ainsi que de l’exténuation de la conscience elle-même. L’humanité, pour renouer avec le passé, devra s’inventer une seconde naïveté, sans quoi elle ne pourra jamais recommencer les arts. »
« À mesure que l’art s’enfonce dans l’impasse, les artistes se multiplient. Cette anomalie cesse d’en être une, si l’on songe que l’art, en voie d’épuisement, est devenu à la fois impossible et facile. »

« ARTISTES »
Comment devenir un artiste sans se fatiguer, telle est la leçon de l’AC, cette tumeur maligne qui a confisqué l’appellation « art contemporain ». Ne demandez pas aux artistes contemporains de travailler ; ils n’ont pas le temps, ils communiquent.
C’est qu’il leur faut entrer dans le moule de l’art officiel, je veux dire du terrorisme académique. Les écoles des Beaux-Arts sont désormais des écoles de conformisme et produisent à la chaîne non des artistes ayant un métier, mais des commerciaux capables de « faire art » avec n’importe quoi, de pratiquer brillamment ces singeries que sont l’originalité formatée et la provocation obligatoire, et de théoriser à l’aide d’un métalangage stéréotypé leur totale impuissance à créer autre chose que des ectoplasmes sans vie.
Ainsi formaté et reproductible à l’infini, l’artiste contemporain de marché excelle à faire semblant de sortir des clous sans jamais dépasser les limites du bon mauvais goût ni sortir des rails du consensus institutionnel qui lui garantit que, pourvu qu’il reste convenablement attaché à sa mangeoire, il pourra tout au long d’une brillante carrière commerciale brouter paisiblement les lauriers du succès tout en ruminant les avantages d’un statut qui lui permet de s’épargner les affres et les risques d’une pratique exigeante de la création artistique.
Car, ne l’oublions jamais, on est artiste aujourd’hui parce qu’on a décidé qu’on l’est, et non par ce qu’on fait. Parfait hermaphrodite, l’artiste contemporain s’engendre lui-même.
Ex nihilo…

AVARICE
Vouloir ne rien perdre conduit à ne plus rien posséder.

CARPE DIEM
Refuser de profiter de l’instant parce qu’on n’est pas sûr qu’il puisse durer, c’est lâcher la proie pour l’ombre, puisque la durée n’est faite que de la succession des instants.

COMMON DECENCY
La common decency chère à Orwell, plus qu’en France, je la trouve en Italie chez mes amis du Saluzzese et mes amis vénitiens. Impression de vivre en société, d’une convivialité naturelle, nullement forcée. Une ambiance, mieux une atmosphère, un air de douce liberté, une sorte de bénévolence ; quelque chose chante, on ne sait quoi, une note faible et légère, la cloche un peu lointaine et tremblante d’un paradis perdu un instant retrouvé, au détour d’une rue, sur une façade, à une devanture.
Et même quand le parfum s’évanouit, on sent qu’il n’est jamais bien loin, toujours sur le point de revenir, pour peu qu’on garde tous les sens entrouverts et le cœur en paix.
Illusion peut-être, survivance presque évanouie, mais qui fonctionne encore, comme un reste de société humaine dans un monde déraciné et décérébré.

CORRUPTION (inconsciente ?)
Une nommée Catherine Pégard, directrice du château de Versailles, se félicitait sur France-Inter d’avoir fait éditer par son sponsor Hermès des foulards à l’effigie dudit château. Elle « justifiait » ce pitoyable et assez sordide mélange des genres par un discours ignoble, bourré d’éléments de langage d’un pharisianisme particulièrement répugnant, dans le style de l’immonde Descoing. Qui nous délivrera de ces fausses élites prêtes à toutes les bassesses, rompues à toutes les prostitutions ?

DAESH OU L’ART CONTEMPORAIN
Si l’art « interroge », Daesh est le plus grand artiste de notre temps.
Car il est un domaine où Daesh affiche une expertise que nous pouvons lui envier, celui de l’art contemporain : depuis la nuit des temps les barbares ont toujours été des as de la communication…
L’art contemporain, tel qu’il se définit à la suite de Duchamp et de sa ridicule et si dangereuse prétention à faire œuvre d’art par la seule décision arbitraire de « l’artiste » (montrant bien par là qu’il ne s’agit plus dès lors de créer véritablement, mais de revendiquer, de façon terroriste, un statut dépourvu de toute légitimité), cet art-là a sans doute aujourd’hui trouvé ses plus grands artistes, ses vrais démiurges, les créateurs de Daesh, qui en sont la conséquence logique et le suprême aboutissement. Ce sont eux qui font aujourd’hui le plus bel acte de création duchampesque : la décapitation, l’égorgement, et la façon dont ils les mettent en scène, voilà des performances qui ont une autre allure qu’un chichiteux plug anal ou qu’un étron desséché sous vitrine, et qui questionnent un peu plus sérieusement le sens de la vie – et celui de la mort.
La destruction de Palmyre par ces plasticiens ultimes, ça a tout de même une autre gueule qu’un malheureux urinoir, apocryphe de surcroît…
Avec l’ingénuité du néophyte, ce révolutionnaire par innocence, les barbares de Daesh portent l’art contemporain à son point d’incandescence, là où la vie et la mort deviennent, grandiose oxymore, spectacle réel par la transmutation de la réalité en spectacle.
L’art contemporain de marché n’est en réalité qu’un art de la communication, et ne se distingue en rien de la publicité à qui il emprunte la plupart de ses tics et de ses trucs.
Tout étant désormais art par la grâce de la mégalomanie généralisée, les égorgeurs de Daesh pourraient donc revendiquer à bon droit d’être les artistes suprêmes. Une logique infernale était à l’œuvre dans le putsch aussi stupide que criminel de Duchamp, logique parfaitement en harmonie avec les crimes monstrueux du siècle passé. Même mégalomanie, même prise de pouvoir fondée sur l’imposture érigée en système. Rien d’étonnant à ce que cette conception académique terroriste de l’art ait été adoubée par le capitalisme financier, dont elle reprend le goût du pouvoir, le cynisme mondain, l’absence de scrupules et la malhonnêteté foncière tout en lui fournissant une inépuisable matière à juteuses spéculations.
Comme tel, il se coupe de façon radicale de ce qu’est un art véritable. Il était intéressant d’entendre, aussitôt après que France-Inter ait exalté le « génie » de Duchamp à la suite d’une émission dans laquelle l’argent était le seul critère et qui prétendait parler de Tendances alors qu’il ne s’agissait que de mode, le directeur de la rédaction de Society conclure : « Maintenant, l’art supposé grand et l’art de la mode se croisent ».
Tout ça, ça va de soi, c’est la même chose…
Mais alors, du moment qu’il n’y a plus d’autre critère que la valeur financière et la célébrité, pourquoi les gens de Daesh s’empêcheraient-ils de commettre leurs atrocités, ces admirables œuvres d’art au merveilleux impact communicationnel, donc promotionnel, qui leur permet à peu de frais d’augmenter leur pouvoir et leurs profits ?
Le relativisme qui règne aujourd’hui a été et demeure la porte ouverte au terrorisme tous azimuts qui caractérise notre époque et ne s’arrête nullement aux terroristes proclamés, mais contamine l’ensemble de nos sociétés, dont les gouvernements ne cessent de jouer avec la terreur sous toutes ses formes, comme le prouvent Guantanamo, la pratique des assassinats « ciblés » avec ou sans drones, les bombardements volontairement aveugles et tant d’autres saloperies de plus en plus ouvertement assumées voire célébrées par notre belle civilisation occidentale.
L’art contemporain de marché est ainsi l’un des chevaux de Troie de la complaisance à l’entropie, entretenue par la recherche effrénée du pouvoir et du profit, recherche dont l’incohérence pourtant évidente nous a conduit au désastre actuel, lequel, comme nous le savons ou le sentons tous, ne fait que commencer.

DÉCADENCE
Nous vivons aujourd’hui une décadence que, par la grâce de notre triomphale technologie, nous avons cru être notre apogée, et dont, toujours grâce à elle, nous sommes en train de faire une apocalypse.

DÉCALAGE (horaire)
André Suarès écrivait superbement à son ami Louis Jou : « Chacun étend à tout l’univers les plis de son propre caractère. »
Depuis presque 70 ans que je fréquente l’humanité en moi et hors de moi, je ne suis arrivé qu’à une seule certitude : quelle que soit sa bonne volonté, pour le meilleur et pour le pire, chacun voit midi à sa porte. Nous ne sommes donc jamais à la même heure…

DICTIONNAIRES
Encore une raison de bougonner, le fait exaspérant que rien ne change, confirmé par cette citation tirée du délectable Dictionnaire national et anecdotique de Chantreau, paru en 1790.
« Capitaliste : ce mot n’est connu qu’à Paris et dans quelques villes de France (heureux temps, oserai-je dire ! Le mot n’a depuis que trop gagné en notoriété). Il désigne un monstre de fortune, un homme au cœur d’airain, qui n’a que des affections métalliques. Il n’a point de patrie, il est domicilié sans être citoyen ; et cet être isolé ne craint point que la fiscalité s’exerce sur son bien, qui est immense. »
Comme tu vois, lecteur, la bibliophilie n’est pas qu’un divertissement pascalien !

DIGNITÉ
La moindre des choses est d’être assez orgueilleux pour se refuser à être immodeste.

DISCERNEMENT
Contrairement à ce qu’on essaye sans cesse de nous faire croire, ce n’est pas être passéiste, ce n’est pas être un conservateur rétrograde que de refuser, dans son époque, ce qu’elle produit de pire. Et son évolution actuelle fait qu’à moins d’être un salaud intégral ou un parfait crétin, on ne peut accepter ce qu’elle est en train de produire.
Il n’y a aucune raison d’accepter comme nécessaire, inévitable et source de progrès ce qui constitue une régression, une involution, et aboutit à une situation pire que celle qui précédait.

ÉCRITURE
Dans mon enfance, fidèles à une tradition désormais surannée, beaucoup d’écrivains ne s’occupaient pas encore de ce que le peuple des lecteurs voulait entendre, mais de ce qu’ils avaient à dire. Ils créaient une œuvre, aujourd’hui on élabore un produit. Mutation, peut-être, progrès sûrement pas.

ÉRADICATION
La Commission de Sécurité routière souhaite faire abattre tous les arbres des routes.
Logique : ce sont eux qui sont dangereux, pas nous…
Éradiquons, éradiquons, vivent les solutions finales !
Mais prenons garde que notre mère Nature, prenant exemple sur nous et jalouse de notre « efficacité », ne décide d’éradiquer le pire de ses nuisibles et le seul capable de la mettre en danger, l’homme.
Je donnerais cher pour voir les arbres décider d’abattre les gros cons de la Commission de Sécurité routière. Pas de danger que ça arrive, hélas : les arbres sont plus humains que nous, tout comme les loups à quatre pattes sont infiniment moins stupides et moins dangereux que les loups à deux pattes.

ÉRUPTION
Qui danse sur un volcan ne devrait pas s’étonner s’il entre en éruption.

EUROPE
Il est temps d’en finir avec l’Europe : elle n’existe pas. Ou plus.
Elle est devenue le cheval de Troie du libéral-nazisme, et devant la montée des résistances, ne s’en cache même plus. Comme je l’avais prévu, et c’était à vrai dire facile à prévoir, l’oligarchie, n’ayant plus les moyens de nous fournir de la carotte, a désormais recours sans façons ni faux-semblants au gros bâton. En avant pour l’état d’urgence permanent !
L’Europe n’est plus récupérable parce qu’elle est depuis des décennies, et chaque jour davantage, tout entière bâtie sur une série de mensonges ayant peu à peu entraîné une invraisemblable et mortifère contradiction entre ses paroles et ses actes.
L’enfer européen était au départ pavé de bonnes intentions. Mais les idéalistes initiaux ont peu à peu laissé la place à une technostructure sans âme, inféodée à l’oligarchie économico-financière internationale, et fonctionnant très consciemment et volontairement de façon de plus en plus antidémocratique.
Comme dans le 1984 d’Orwell, l’ordre, c’est l’anarchie, organiser le chaos permet d’imposer la contrainte. Faire naître la peur et la folie mène au désir d’ordre à n’importe quel prix…
Le fond du problème, c’est peut-être que les hommes de profit et de pouvoir sont eux-mêmes rendus fous par la peur intérieure qui motive leur quête de démesure, et d’autant plus fous qu’ils sont incapables de s’en rendre compte, bloqués qu’ils sont dans une philosophie des lumières fondée sur un rationalisme matérialiste mécaniste archidépassé. Nous vivons aujourd’hui le désastreux triomphe de la folie d’une rationalité que son incapacité à prendre en compte l’irrationnel rend radicalement irrationnelle…
Il me semble donc que la violence mondialisée, généralisée, ne naît pas seulement de l’oppression par un système pervers. Si elle s’exacerbe, en même temps d’ailleurs qu’à l’inverse s’approfondissent l’avachissement et l’autruchisme des peuples « développés », c’est qu’elle relève d’une panique globale devant les conséquences… de notre inconséquence !
La violence est fille de la peur, et l’humanité actuelle, dépassée par ses « progrès », et prenant peu à peu conscience de son effondrement en cours, est en pleine panique et se débat en touts sens, multipliant comme à plaisir les remèdes pires que le mal. Ai-je vraiment besoin de donner quelques exemples ? Diesel, pesticides, OGM, pollutions de toutes sortes y compris sonores et lumineuses, « croissance verte », lutte « anti-terroriste », transhumanité…
Nous ne sommes pas tant dans une crise « politique » que dans une crise existentielle, pris au piège de notre hubris comme des rats dans une nasse qu’ils auraient eux-mêmes tissée. Cela dépasse individus et sociétés, c’est l’espèce en tant que telle qui est concernée. En ce sens, se focaliser sur la « renaissance » des extrêmes-droites alors que nous sommes totalement entre les mains de ce que j’appelle depuis plus de quinze ans le libéral-nazisme ne me semble pas pertinent. N’y a-t-il pas là une dangereuse erreur de perspective ? Ce qui ne signifie nullement qu’il faille approuver l’extrême-droite, mais simplement qu’il serait plus utile de s’attaquer aux causes qu’aux conséquences…

FAIBLESSES
On a beau connaître parfaitement ses faiblesses, elles restent des faiblesses. Tant qu’on ne sait pas en jouer.

FROMANGER (Gérard)
Que vient faire en peinture cet affichiste publicitaire ? Qualifier Fromanger de peintre, c’est insulter à la fois l’intelligence et la peinture. Quand serons-nous débarrassés de ces industriels de l’image dont les puérils barbouillages encombrent galeries et musées et contribuent pour le présent comme pour le futur à la dilapidation intéressée des deniers publics ?

HARMONIE
Mozart disait : « Je cherche les notes qui s’aiment. » Essayons d’en faire autant avec les mots, cherchons les mots qui s’aiment. Et plus encore les mots qui sèment. Ce sont souvent les mêmes, dès qu’on les réunit.

L’HEURE JUSTE
J’ai tant de retard sur elle que je suis largement en avance sur mon époque.

IDÉE
Une idée qui ne s’incarne pas n’est même pas une idée morte ; ce n’est pas une idée. C’est le propre des civilisations décadentes devenues paresseuses faute d’énergie que de croire qu’une idée puisse exister sans s’incarner, et que la réalité est dans les mots et non dans ce qu’on en fait. Il n’y a pas plus de concepts abstraits que d’art conceptuel.

INDÉPENDANCE
Se vouloir totalement indépendant, quelle servitude !

INDIVIDUATION
L’individualisme, c’est le contraire de l’individuation. L’individualisme néo-libéral veut que l’individu prenne toute la place, alors que l’individuation consiste à trouver sa place au sein de notre monde.
Plus nous devenons individualistes, plus nous devenons grégaires et cherchons à nous identifier à une équipe, car plus notre solitude augmente…

ISLAM
Quoiqu’assez porté au mysticisme, ou peut-être à cause de cela, j’éprouve d’expérience la plus grande méfiance envers les religions constituées. Je les respecte profondément, quand elles se respectent assez elles-mêmes pour respecter ceux qui ne croient pas en elles…
L’Islam est une religion qui peut prendre des visages extrêmement différents, en vertu des contradictions réelles ou apparentes de son texte fondateur, le Coran.
Les quatre années passées en terre d’Islam, au Maroc, m’ont donné le sentiment que la religion musulmane n’était souvent dans ce pays qu’une couverture, une sorte de vêtement social qu’on portait sans trop y croire, par obligation et par conformisme, me rappelant en cela mon enfance catholique et « l’éducation » religieuse qui a failli me priver à tout jamais de ma part de mysticisme.
J’ai certes eu la chance de connaître quelques authentiques croyants, proches du soufisme, à la foi aussi ferme et digne que tolérante, des exemples accomplis d’humanité rayonnante.
Mais la majorité des élèves et des professeurs avec qui je travaillais étaient tout à fait absents d’une religion dont ils prenaient bien soin d’afficher à l’extérieur les signes distinctifs tout en la reléguant aux oubliettes dès la porte de leur domicile privé fermée.
L’Islam que j’ai vu pratiquer dans ce pays splendide était une religion d’autant plus exigeante sur la forme qu’elle l’était peu sur le fond, capable de justifier tout et son contraire à l’aide des nombreuses contradictions entre les sourates qui rendent l’interprétation du Coran si problématique, pour ne pas dire périlleuse. Religion installée, ancrée dans la vie quotidienne par le poids des habitudes entretenues par des rites très formalistes. Religion d’apparences, empesée par une irrésistible tendance au rabâchage, voire au radotage : pas d’enseignement plus systématique et plus creux que celui de l’école coranique…
Conciliante sur l’essentiel, féroce sur les détails, la religion musulmane m’est apparue avant tout comme une sorte de code civil assez lâche, un mode d’emploi du quotidien fort peu soucieux de la profondeur de la foi mais très sourcilleux quant au respect des apparences.
Au Maroc, elle me semblait fonctionner, hors de tout sens spirituel, comme une sorte d’ossature de la société civile, soutien du pouvoir établi, instrument de conditionnement, de censure et de répression, et c’est à ce titre que la plupart des jeunes la rejetaient plus ou moins ouvertement.
C’est d’ailleurs ce côté rituel ordonnateur de la cohésion sociale qui a séduit des colonisateurs comme Lyautey qui ont bien vu que l’Islam, religion sécularisée, se prêtait parfaitement, pourvu que son clergé y trouve son compte, à être instrumentalisé par le pouvoir colonial : honorer l’islam et le favoriser, c’était le récupérer et l’associer aux intérêts à long terme du colonisateur aussi bien qu’aux siens. Garant de la paix sociale, l’Islam le fut donc aussi de la paix du protectorat…
Ce délitement d’un Islam figé, desséché et vermoulu est probablement l’une des causes du développement de l’islamisme. Celui-ci malheureusement ne cherche nullement à redonner une valeur spirituelle à une religion qui peut d’autant plus difficilement s’approfondir que le Coran étant présenté par son inventeur comme la parole même de Dieu, il est d’entrée impossible d’y rien changer. Religion intrinsèquement absolue, l’Islam balance constamment entre l’absence spirituelle d’un formalisme creux, donc tolérant, et la présence très concrète d’un despotisme fanatique, donc radicalement intolérant.
Il est dès lors en toute logique inévitable que le prosélyte qui veut retrouver la « pureté » d’un Islam originel largement fantasmé ait pour objectif premier de revenir à la stricte application des préceptes sociaux les plus arbitraires et les plus rétrogrades avec un rigorisme fanatique qui annihile toute possibilité de vie spirituelle. Cet Islam-là n’est pas une religion, c’en est une mauvaise caricature – comme telle donnant très logiquement et légitimement prise à la caricature.

JUGER (ne pas)
Regardons-nous juger, et jugeons notre regard : nous voilà déjà bien plus indulgents qu’en faisant semblant de ne pas juger. Car où nous jugeons le plus, et le plus mal, c’est quand nous croyons ne pas être en train de le faire. Quand nous avons la ridicule prétention d’être capables de ne pas juger…
L’absence de jugement (à tous les sens de cette expression !) si caractéristique de notre époque se fonde ainsi sur le refus de juger, au nom d’une tolérance dont la lâcheté est liée au douteux confort d’un relativisme paresseux lui-même issu d’un humanisme dévoyé.
À la vérité, nous jugeons sans cesse, ne pouvant vivre sans juger. Se croire objectif est évidemment le comble de la subjectivité, alors que se savoir subjectif est un premier pas vers l’objectivité.
« Ne jugez pas ! », voilà une injonction paradoxale presque aussi stupide et dangereuse que « Soyez spontané ! ». À ce propos, une amie chère me parle de mon goût pour le paradoxe. Je ne fais pas de paradoxes, j’ai l’air d’en faire parce que notre époque, assez démente pour pratiquer l’inversion systématique des valeurs, voit dans l’usage du bon sens un extravagant défi au sens commun…
Mes prétendus paradoxes ne sont que des tentatives plus ou moins adroites pour remettre en cause les idées reçues, et tenter de faire naître une réflexion critique en mesure de démasquer ces authentiques paradoxes que sont les dogmes aberrants de l’idéologie néo-libérale, dont la novlangue en vigueur a imposé le consensus quasi universel par un matraquage de tous les instants dont la froide perversité n’a rien à envier au Big Brother d’Orwell. Promotion du chaos sous le nom de gouvernance, mise en place d’un ordre du désordre qui trouve sa plus belle incarnation dans l’ubuesque et atterrante création d’un état d’urgence permanent !

JUSTESSE
« C’est l’une des facultés de la justesse : elle dote le trait (ou le son, ou la voix, ou le geste, ou le plan) d’une force symbolique singulière, suscitant une émotion parfois bouleversante. » Olivier Céna, Télérama, 13 mai 2015

LÂCHETÉ
Ce qui me frappe dans l’universelle lâcheté contemporaine, c’est l’extraordinaire ingéniosité des prétextes qu’elle parvient toujours à se trouver pour accepter l’inacceptable… et si possible en profiter !

LAGUNE
À Venise, la lagune, certains jours, nous parle en silence d’un monde qui nous préexiste et nous survivra, et que j’aime d’autant plus que nous ne faisons qu’y passer, la plupart du temps sans même prendre réellement conscience de son existence, seul moyen d’y être au bout du compte heureux.
L’on est sur l’eau et les éléments se pénètrent et s’unissent au point de se confondre en une harmonie si parfaitement équilibrée qu’elle engendre chez le navigateur attentif cette paix dans le mouvement qui est notre seule mode d’approche et de compréhension de ces deux axes de l’univers que sont l’éternité et l’infini.

LANGUE (morte)
« Le divorce de la littérature et du savoir est une plaie de notre époque et un aspect caractéristique de la barbarie moderne où, la plupart du temps, on voit des écrivains incultes tourner le dos à des savants qui écrivent en charabia », observait un jour Simon Leys.
Ce sont l’inculture et la paresse qui tuent les langues vivantes, et non pas je ne sais quelle évolution naturelle, fallacieuse excuse à notre laissez-aller et à notre inconscience. Ainsi de ce bulletin météo de France-Inter au cours duquel je fus cueilli à froid par la perle que voici : « En matière de temps, la Bretagne est bien moins lotie ». On ne saurait mieux prouver qu’on ne comprend plus sa propre langue…
Ce qui rendait plus choquante encore, quelques instants plus tard si je me souviens bien, la stupidité si typiquement journalistique de l’insupportable Hélène Jouan, opposant de façon particulièrement mal venue le désir de lire des syriens bombardés au désir manifesté par certains et visiblement ridicule à ses yeux de conserver l’accent circonflexe en français. Inutile d’essayer de faire comprendre à pareille dinde qu’il n’est de langue, donc de livre, possible sans un ensemble de règles suffisamment précises, claires et durables pour assurer non seulement la compréhension des locuteurs entre eux à un moment donné, mais aussi, dans toute la mesure du possible, face à l’inévitable entropie, sa pérennité, condition de la durée d’une culture et de la société dont elle constitue à la fois l’ossature et le levain. Comment s’étonner que notre langue se délite à toute vitesse, quand ceux qui ont la parole depuis une trentaine d’années ne savent plus la parler, et ne la comprennent pas plus qu’ils n’en comprennent le fonctionnement ?
J’exagère ? Allez, un jouissif petit florilège :
La plus que redoutable Léa Salamé, France-Inter, le 25 juin 2015, parle de « ce qui a été paru. » Et que, mauvaise langue, je publie ici !
Du 29 juin 2015, cette merveille, barbarisée par le fringant Patrick Cohen : « Donc, la Grèce est pris en étau ». Et Michel Sapin de reprendre sans frémir : « La Grèce est pris en étau. »
Pire, cette annonce faite avec le plus complet détachement par un autre journaliste de France-Inter : « Déception pour Serge Atlaoui, son recours en grâce vient d’être refusé. » Déception, vraiment ? Le gars est condamné à mort, c’était son tout dernier recours, il va être fusillé, il est déçu…
« Les Écossais ont dit non à l’indépendance du Royaume-Uni », déclare benoîtement un autre. Qui a dit oui à l’indépendance de la langue et du sens…
Jusqu’où ira l’intrépide exploration des tréfonds de la plus épaisse connerie entreprise par les médiacrottes, pardon, les médiocrates ? Très loin, à en juger par ce qui suit.
« L’ensemble des migrants a été traité » déclare benoîtement je ne sais quel élu du PS à propos de l’expulsion manu militari par la police d’un « camp » de migrants. Comme toujours, nos mots nous disent à notre insu de notre plein gré, et cet aveu sémantique on ne peut plus clair me confirme dans l’usage du néologisme libéral-nazisme pour désigner l’oligarchie mafieuse actuellement au pouvoir.
« Cette élection rend fou la moitié de la classe politique ! », assène sans trembler, d’une voix aussi sûre que martiale, l’inénarrable Thomas Legrand.
Concluons pour l’instant avec le sémillant directeur des rédactions du Figaro bavant en toute sérénité cet accord plus qu’imparfait : « la difficulté auquel beaucoup de ces candidats vont être confrontés ».
Pas de doute, nos prétendues élites sont confrontées à de rudes difficultés quand il s’agit de parler français correctement.

MAGISTRATURE DEBOUT
En France, la principale caractéristique de la magistrature debout, c’est d’être toujours prête à se coucher.

MASQUES (Bas les)
Ces glissements de plus en plus marqués, non vers la droite, mais vers l’extrême-droite, montrent que ceux que j’appelle les libéraux-nazis, nos modernes barbares, n’hésitent plus à ôter le masque démocratique qui n’est plus tenable maintenant que le désastre créé par leur avidité exclut le recours à la carotte et nécessite l’usage de moins en moins modéré du bâton pour préserver la continuité de leur enrichissement aux dépens de leurs sujets, le reste de l’humanité. Ce qui est étrange, et relève de notre lâcheté, c’est que cette « élite » formée d’1% des humains ( humains, vraiment ?) puisse mettre peu à peu en esclavage les 99% restants.
Puisqu’ils lisent Machiavel, il serait temps pour nous de le lire, puis de nous pencher sur La Boétie, et de mettre ses conseils en pratique !

MASQUES (démasqués)
Me promenant un dimanche de Carnaval à Venise, nimbé de brume dorée par un soleil lui aussi masqué mais bien présent derrière le rideau impalpable d’un ciel d’hiver aux gris délicats, j’ai la sensation assez pénible de voir le touriste déguisé s’accrocher désespérément à l’image d’un passé dont il ne peut plus sentir la réalité concrète, même quand elle est encore sous ses yeux, parce qu’il n’en comprend ni le fonctionnement matériel ni la portée symbolique. Au mieux aborde-t-il ces deux aspects séparément, alors que dans la vraie vie du passé elles étaient organiquement, intimement liées. Même sans appareil photo pour le dénoncer, le fêtard carnavalesque flotte et dérive dans des costumes trop grands pour lui, qu’il ne sait, littéralement, pas faire marcher. Du jean au bas de soie, du symbole au cliché, des stemmi nobiliaires au logo de marque, du jeu du destin au simulacre de la fête, un gouffre bée.
C’est qu’il n’y a plus d’enjeu.
Far finta, faire semblant, ce n’est pas revivre, c’est se regarder mourir, c’est avouer qu’on n’est déjà plus. On ne ranime pas une civilisation à l’agonie en lui transfusant les cendres d’une histoire plus forte qu’elle, on la renvoie seulement à l’évidence de sa décadence et au désespoir de son impuissance acceptée, revendiquée et assumée, à l’orgueil stupide de cette mégalomanie autodestructrice qu’elle a contre toute raison choisi de nommer progrès.
Rien ne démasque comme un masque qu’on ne sait pas habiter.
Venise pleine à craquer fête le vide paresseusement hystérique d’une époque épuisée de toutes les formes de vanité qu’elle cultive pour ne pas affronter l’horreur de sa terrifiante vacuité, esclave qu’elle est de ce Dieu Argent auquel elle a vendu son âme en croyant faire une bonne affaire…
Le masque était d’or, mais sous lui grimaçait la tête de mort.

MÉGALOMANIE
La mégalomanie relève de cette forme typiquement humaine de paresse qui, confondant beaucoup et bien, veut que la quantité soit un critère de qualité. Plus grand est forcément plus beau. C’est tellement plus simple et plus pratique.

OBSTINATION
La différence entre ceux qui obtiennent ce qu’ils veulent et ceux qui ne l’obtiennent pas tient généralement en un mot : l’obstination.

OPTIMISME (forcé)
Il faudrait s’entendre sur ce que signifient ces deux mots si souvent employés improprement, selon moi du moins. M’amusent avant de m’exaspérer tous ces optimistes par omission qui, un bandeau sur les yeux, des boules Quies dans les oreilles et la tête enfoncée aussi profondément que possible dans le sable de leur ignorance volontaire se proclament optimistes et vous reprochent d’être pessimistes parce que vous prenez la peine d’ouvrir les yeux et de regarder la réalité en face.
Tout positiver, ce n’est pas être optimiste, c’est être lâche.
Les vrais optimistes ne sont jamais ceux qui disent contre toute évidence que tout va bien, ce sont ceux qui ne se laissent pas décourager parce que tout va mal.
Être optimiste, c’est je crois avoir assez de courage et de foi dans la vie pour faire un état des lieux aussi honnête et complet que possible afin de voir la réalité non comme on voudrait qu’elle fût mais telle qu’elle se présente, et de pouvoir ainsi tenter de construire l’avenir sur des bases solides et non sur la politique de Gribouille.
Les gesticulations des optimistes forcenés ne sont au fond que l’expression de leur pessimisme foncier…

PAROLE
La donner à tout le monde est le plus sûr moyen d’empêcher ceux qui ont quelque chose à dire d’être entendus.
Voyez la Toile et tous les courageux pseudo-penseurs sous pseudonyme qui y entretiennent une clameur de basse-cour en folie.

PAYSAGE
Il ne s’agit pas de reconnaître un paysage, mais de le découvrir. Le montrer ne suffit pas à créer, c’est l’évoquer qu’il faut. C’est déjà quelque chose d’avoir un regard ; c’est encore mieux d’avoir une vision. Il y a loin du talent au génie.

PEINTURE
D’une dame entre deux âges, à son petit-fils qui lui demandait :
– Qu’est-ce qu’il fait, le monsieur ?
– Il peint. Aaah, il peint moderne, ouiii… Mon mari aussi, il peint. Oh, ça fait passer un moment…

PÈRE (meurtre du)
Passé un certain âge, continuer à tuer le père a quelque chose de suicidaire. Car en vieillissant on finit par s’apercevoir qu’on lui ressemble de plus en plus. Nous l’avons foutu à la porte de notre âme, il y revient par la fenêtre. Il habite en nous, et plus nous voulons l’ignorer, plus nous lui faisons prendre de la place.

PERTE
Vieux dilemme : « Je n’ai pas envie de te perdre. Mais de là à me perdre pour ne pas te perdre… »

PERLE (d’inculture)
Un jour de février sur France-Inter, une journaliste me pond impavidement cette superbe perle : « Le Premier Ministre prendra une décision dans les heures qui vient ». Ce qui me vient, parfois, ce sont des envies de meurtre, puisque, comme Cioran, « je rêve d’un monde où l’on mourrait pour une virgule. » Dans un tel paradis, cette plumitive mériterait cent fois la damnation éternelle…

PLASTIQUE
La réalité est loin d’être aussi plastique qu’on cherche à nous le faire croire aujourd’hui. Certes nous ne voyons pas le monde tel qu’il est, mais selon notre petit point de vue. Nous ne voyons pas le monde, mais notre vision du monde ; cela n’empêche pas le monde d’exister indépendamment de nous.

POLITESSE
Qu’on ne s’y trompe pas, j’apprécie la politesse. Et s’il m’arrive d’être fort impoli, c’est presque toujours en faveur de butors m’ayant provoqué à les rejoindre sur leur terrain, je veux dire dans la bauge de leur grossièreté.
Cependant, point trop n’en faut : il en va de la politesse comme de tout le reste, on en peut faire un bon usage, ou s’en servir à des fins qui n’ont en définitive que peu à voir avec la vraie courtoisie. Quand il s’agit par exemple d’en faire le véhicule d’une hiérarchie sociale implicite, qu’elle contribue alors à justifier, mettre en valeur et renforcer avec autant d’efficacité que de discrétion. Elle relève dans ce cas d’une forme d’hypocrisie particulièrement perverse.
C’est ainsi que m’a laissé plus que perplexe un petit livre de Bertrand Buffon, membre distingué de l’élite oligarchique acutellement en cour, opuscule intitulé « Le goût de la politesse ». Très bien écrit, façon Ancien Régime, ce qui n’est pas pour me déplaire, même si l’on frôle parfois le pastiche, ce traité de savoir-vivre, ambitieux jusqu’à l’excès, souffre de la mégalomanie quasi totalitaire dont fait preuve son auteur en déclarant la politesse alpha et oméga de toute civilisation digne de ce nom. Ce qui l’entraîne, par la faute d’une volonté de convaincre qui finit par manquer aussi bien de tact que d’efficacité, à délayer abusivement son propos sur près de 90 pages, et plus gravement, surtout considérant son souci constamment réaffirmé d’élégance, de mesure et de congruence, à se répéter avec une insistance qui laisse à penser qu’il a sur l’intelligence de ses lecteurs une opinion plus que réservée…
La politesse dont il se targue, et qu’il met sur un piédestal trop haut pour elle comme pour lui, eût voulu qu’il dérobât ce jugement peu charitable sous le voile pudique des plus exquises bonnes manières. Hélas, emporté par sa passion pour cette vertu nonpareille, il va trop loin et trop longtemps, finissant par devenir si franchement importun que, rassasié de politesse jusqu’à l’écœurement, on a quelque mal à ne pas refermer son militant opus avant la fin.
On le regrette, car il a le sens de la formule et toucherait souvent juste s’il ne se fendait presque à chaque fois trop à fond. C’est qu’un éloge aussi poussé, aussi ostentatoire et presque terroriste de la politesse ne pouvait à force, malgré les précautions oratoires dont il est entouré, que ressembler à un Éloge de la Castration. Un monde où serait pleinement appliquée la vision de la politesse défendue par l’auteur serait un monde terriblement uniforme et mortellement ennuyeux, tant le souci de plaire et d’être conforme à l’idéal de l’homme poli y raboterait les différences, les caractères et l’imagination. Il est certes utile de mettre de l’huile dans les rouages, mais à les y noyer on les fait patiner dans le vide, et l’huile rance du consensus obligatoire finit par l’emporter sur tout le reste.
C’est qu’il y a quelque chose de bien plus important que la politesse, et c’est la justesse. Aussi n’est-ce nullement par hasard que ce livre apparaît à ce moment précis de notre histoire. À un moment où nous vivons un retour de moins en moins insidieux et hypocrite à l’Ancien Régime, et l’émergence de plus en plus brutale d’une nouvelle féodalité fondée sur le mariage incestueux de l’oligarchie politico-financière et des mafias de tout poil, cette résurgence de la politesse est loin d’être innocente. Il faut au 1% de nouveaux riches qui nous gouvernent à la matraque de nouvelles règles de bienséance qui leur donnent le vernis de civilisation qui leur manque tout en imposant aux peuples subjugués des codes de comportement intégrant et magnifiant les nouveaux rapports hiérarchiques…
Fourrier de l’esclavage qu’on nous impose de plus en plus, l’auteur a pour tâche sous-jacente de déguiser sous le masque mensonger des convenances et de justifier par l’usage une nouvelle société de classes organisée selon une hiérarchie d’autant plus infrangible qu’elle fait appel à des idéaux détournés, sacralisant ainsi la soumission à l’ordre établi et faisant du conformisme une vertu individuelle autant qu’un idéal collectif. Il s’agit en effet de nous polir, mais pour mieux nous ajuster – à tous les sens du terme…
Il s’agit en somme pour Bertrand Buffon de faire en sorte que la politesse embellisse la vie, afin d’éviter que des malappris soient tentés de chercher à l’améliorer. S’adapter au moule devient la vertu suprême, ne pas faire de vagues le summum du courage, plaire à tous le comble de la vertu.
On balaye la poussière sous le tapis, on gaze agréablement les sujets qui pourraient fâcher, tout doit être, ou du moins paraître, beau et harmonieux, at peace, même et surtout ce qui ne l’est pas.
Si bien que ce discours d’abord intéressant et parfois légitime s’avère au fil d’une démonstration de plus en plus tirée par les cheveux parfaitement captieux et pour tout dire éminemment dangereux. La domestication du naturel qu’il promeut en vient à institutionnaliser au nom d’un idéal social on ne peut plus flou une véritable castration de la personnalité, un refus de toute déviance, au final un rejet de toute possibilité de création autre qu’académique, une mainmise absolue du collectif sur la personne. Douce violence d’une politesse qui à force d’exigence contradictoires réussit ce prodige de devenir à la fois sadique et masochiste !
L’auteur sent bien le piège, mais voulant à tout prix pousser à fond sa démonstration il finit par se contredire autant qu’il se répète.
C’est que l’idéologie qui sous-tend ce petit traité est beaucoup moins innocente qu’elle ne s’en donne l’air : en fait de savoir-vivre, il s’agit au fond de nous tuer pour nous apprendre à vivre, et ce n’est sans doute pas par hasard que l’auteur exalte le règne de Louis XIV, de toute l’histoire de France le moment où l’hypocrisie a régné le plus franchement et le plus absolument, et où seule était naturelle l’absence de naturel…
La thèse qu’il soutient à grand renfort de redites de plus en plus fastidieuses constitue en définitive la partie culturelle de la reprise en main générale dont témoigne la désastreuse évolution de nos prétendues démocraties : nos gouvernants actuels sont engagés chaque jour davantage dans une recherche hystérique du maintien de l’ordre qui sous couleur de rendre notre société plus policée est en train d’en faire une société policière. Ainsi le contrôle de soi hautement vanté par notre auteur est-il en fin de compte le moyen d’obtenir par l’autocontrôle et l’autocensure de chacun le contrôle de tous par le pouvoir établi. On ne veut plus des citoyens, mais des hommes d’ordre, des hommes bien élevés qu’on adoube ou des hommes mal élevés que l’on écarte. Il n’est pas de société plus parfaitement policée, ni plus impitoyable, que la fourmilière…
Au nom de la société, entité abstraite que l’auteur personnifie de façon tout à fait abusive, car elle semble n’exister à ses yeux que comme paravent des intérêts d’une classe dominante qui veut imposer aussi bien ses goûts et sa vision du monde que sa domination matérielle, l’individu est fermement, quoique poliment, invité à se soumettre à l’autorité suprême, la politesse, gant de velours à l’usage des mains de fer de nos supérieurs en même temps qu’ultime moyen de sélection des élus et pierre de touche du bon goût.
Il y a en somme chez cet auteur si avenant un côté larbin stylé des puissants, très logiquement associé à un élitisme particulièrement hypocrite qui, dût la politesse en souffrir, suscite davantage la répugnance, pour ne pas dire le mépris, que le respect.
Plume de plusieurs personnalités politiques, Bertrand Buffon est incontestablement un « nègre » talentueux, mais il n’est apparemment que cela. Rien d’étonnant donc à ce que le hongre veuille couper les étalons pour les réduire à sa triste condition…
Je lui dois en tout cas de m’avoir fait mieux que jamais sentir le sens de l’expression « trop poli pour être honnête ».

PORTÉE
À mesure que nous vieillissons, notre vue devient plus étroite, mais elle porte plus loin. Et ce n’est pas seulement physique : à notre esprit aussi, il pousse des œillères, mais qui nous aident à aller à l’essentiel.

POSITION (connaître sa)
Quand on tente de créer, s‘il est important de ne pas savoir où l’on s’arrêtera, il est essentiel de savoir d’où l’on part.

PRÉSENT
Il n’y a pas de présent sans passé pour le soutenir, puisqu’à proprement parler, le présent n’existe pas. Le présent est à tout instant mort-né, et ne prend un semblant de vie qu’en passant – qu’en étant passé…

PRÉSENT PERPÉTUEL
Quelle plus belle recherche, quelle plus juste célébration de la vie à l’œuvre que de chercher à la vivre au présent perpétuel ? Retrouver l’éternité dans l’instant, le fini dans l’infini, être microcosme au sein du macrocosme, pièce minuscule et irremplaçable du mouvant puzzle de l’espace et du temps. Se mettre en présence du monde, seul moyen d’être soi.
« Quiconque entend une mélodie l’entend, l’a entendue et s’apprête à l’entendre en même temps. Chaque mélodie nous déclare que le passé peut être là sans qu’on s’en souvienne et l’avenir sans qu’on le connaisse à l’avance. »
Victor Zuckerkandl, Sound and Symbol, 1956

RASE-MOTTES
Quand on ne vole pas haut, le plus sûr moyen de se crasher, c’est de se prendre pour un avion.

RÊVES
C’est dans nos rêves que vit notre réalité la plus profonde. C’est pourquoi, quand l’un d’eux sonne juste, il nous faut tenter de le réaliser.

RICHESSE (danger de la)
Je ne résiste pas au plaisir de livrer à votre réflexion ce court texte de Nietsche, qui définit de façon si actuelle – ô Pinault, ô Arnaud, ô Aillagon, c’est à vous que ce discours s’adresse ! – l’intrinsèque stupidité et l’effroyable perversité du règne de la finance.
« Danger de la richesse. - Seul devrait posséder celui qui a de l’esprit : autrement, la fortune est un danger public. Car celui qui possède, lorsqu’il ne s’entend pas à utiliser les loisirs que lui donne la fortune, continuera toujours à vouloir acquérir du bien : cette aspiration sera son amusement, sa ruse de guerre dans sa lutte contre l’ennui. C’est ainsi que la modeste aisance, qui suffirait à la vie de l’esprit, se transforme en véritable richesse, résultat trompeur de la dépendance et de la pauvreté intellectuelles. Cependant, le riche apparaît tout autrement que pourrait le faire attendre son origine misérable, car il peut prendre le masque de la culture et de l’art : il peut acheter ce masque. Par là il éveille l’envie des plus pauvres et des illettrés - qui jalousent en somme toujours l’éducation et qui ne voient pas que celle-ci n’est qu’un masque - et il prépare ainsi peu à peu un bouleversement social : car la brutalité sous un vernis de luxe, la vantardise de comédien, par quoi le riche fait étalage de ses "jouissances de la culture", évoquent, chez le pauvre, l’idée que "l’argent seul importe", – tandis qu’en réalité, si l’argent importe quelque peu, l’esprit importe bien davantage. » « La possession possède. – Ce n’est que jusqu’à un certain degré que la possession rend l’homme plus indépendant et plus libre ; un échelon de plus et la possession devient le maître, le possédant l’esclave : il faut dès lors qu’il lui sacrifie son temps, sa réflexion, et il se sent dès lors obligé à certaines fréquentations, attaché à un lieu, incorporé à un État – tout cela peut-être à l’encontre de ses besoins intimes et essentiels. »

SÉDUCTION
On parle toujours du besoin de séduire. Il me semble qu’il est un besoin bien plus essentiel : le besoin d’être séduit.

SÉRIEUX (excès de)
Impossible à un homme sensé de prendre au sérieux les gens qui se prennent au sérieux.

SOPHISTICATION
À Venise, lu de Gracq Un beau ténébreux. J’avais trouvé Un balcon en forêt absolument délectable, une merveille d’écriture juste. Je suis resté perplexe face au surréalisme artificiel et froid de cet ouvrage de jeunesse excessivement virtuose (certains passages véritablement subjuguent, mais l’ensemble sent l’effort), péniblement élitiste, et par trop intellectuel.
Il y a quelque chose de vain dans tout effort littéraire alambiqué… Sans doute parce que là où la tête l’emporte, la vie disparaît, faute de cœur et de tripe – de simplicité, en somme. Mon maître japonais disait que le ki meurt à la forme, c’est ce qui arrive à mes yeux dans ce livre réellement original, mais corseté par un épuisant et assez vain volontarisme.

SUARÈS (André)
J’ai déjà publié le début de ce texte, je le reprends ici, complété, parce que la lecture de cet auteur qui n’est pas méconnu par hasard me paraît essentielle à une perception un peu plus juste de ce que certains mots, civilisation, art, littérature, beauté, amour, pour ne prendre que ceux-là, peuvent signifier quand au lieu de se contenter de les prononcer on se donne la peine de les vivre.
« Où le cœur n’est point, il n’y a rien, ni dans l’art ni dans l’homme. »
André Suarès, Idées sur Edgar Poë, Sur la vie, 1909

Suarès, c’est la vie en mouvement. Toute la vie et tout le mouvement. Jamais Suarès ne se fige, il ne tient pas en place, mais il est toujours là où il est, nulle part ailleurs, donc jamais là où on l’attend. C’est un kaléidoscope qui tourne autour d’un axe immuable : la quête de la beauté parfaite, l’exaltation de la vie, la recherche inlassable de la perfection.
Suarès ignore la compromission : quoi qu’il arrive et quoi qu’il en coûte, il est toujours lui-même.
Suarès, immense connaisseur du passé et du présent, « voyait » du coup si bien le futur qu’il nous demeure étonnamment contemporain. Il n’est pas de mort plus vivant, parce qu’en tout et à tout prix il allait toujours à l’essentiel. La flamme qui l’animait éclaire et réchauffe encore, presque à chaque ligne.

TAILLE
On se grandit à reconnaître et assumer sa petitesse.

TECHNOLOGIE
La plupart des gadgets prétendument indispensables dont nous étouffe le progrès technologique, y compris l’ordinateur, dans beaucoup de ses applications en tout cas, sont parfaitement inutiles, voire carrément néfastes. Ils ne font pas appel à la nécessité, même pas à un besoin raisonnable, mais à l’ego et à ses préoccupations, envie de paraître, volonté de pouvoir et, pour ceux qui les conçoivent et les commercialisent du moins. dément désir de profit.
Les smartphones, pour ne prendre que cet exemple, ne sont en fin de compte que des tirelires pour leurs fabricants et des outils à nous tenir en prison dans des cages dorées, où l’or, qui n’est pourtant qu’un grossier placage, permet de ne pas voir que les barreaux sont solides, forgés dans l’acier bien trempé des besoins qu’on se crée et dont on ne peut plus s’échapper, tant par rapport à l’image qu’on donne aux autres qu’en raison de celle qu’on veut voir de soi.
Ces objets dont nous devenons peu à peu les sujets, les obligés, tendent pratiquement toujours à la valorisation de l’individu-roi.
D’où la difficulté d’envisager ce véritable progrès que serait l’abandon au moins partiel de nos béquilles technologiques, pour retrouver la liberté de marcher par nous-mêmes, à travers le refus d’un confort payé bien plus cher qu’il ne vaut.
Confort apparent puisqu’il consiste en vérité à échanger une servitude contre une autre.
Car la technologie actuelle ne nous prive pas seulement de notre liberté en nous enfermant dans ses rutilantes prisons dorées, elle nous vole littéralement notre temps avec ses outils de progrès.
Le peu qu’ils nous en font gagner est largement compensé par celui qu’ils nous font perdre, sans parler des espèces sonores et trébuchantes que nous y engloutissons, puisque ces gadgets, contaminés par l’idéologie de la nouveauté permanente et de la recherche du profit indéfini, sont rendus obsolètes à peine produits, et doivent être changés à bref délai, même s’ils fonctionnent encore parfaitement.
Ces artefacts censés nous simplifier la vie nous la rendent ainsi chaque jour plus compliquée : nous devons sans cesse nous initier au nouveau gadget qui remplace l’ancien (je veux dire celui de l’an dernier), et qui nous fera gagner une petite partie du temps que nous aurons perdu à réapprendre à nous en servir, alors que l’autre, après de longs efforts et de nombreux déboires nous donnait enfin toute satisfaction…
La plupart du temps, les possibilités de nos jouets pour adultes excèdent d’ailleurs de beaucoup celles d’un individu même très entraîné, si bien que, comme pour notre cerveau que nous négligeons pour eux, nous n’utilisons qu’une infime partie des mirifiques services qu’il brûle de nous rendre.
Car ces outils puissamment addictifs servent avant tout à nous sidérer, à nous rendre toujours plus passifs, à nous aliéner à nous-mêmes, à nous insérer dans des réseaux de consommation où nous restons englués, livrés à toutes les tentations du marketing universel par la grâce de ces fascinantes pompes à fric dont nous sommes si fiers.
Ainsi, pendus à nos réseaux sans fil, sommes-nous toujours davantage hors de nous-mêmes, et à l’abri de la vraie vie, qui n’est pas celle que l’on crée pour nous, mais celle que nous nous créons.

TINTAMARRE (marre du)
Un concert de l’ensemble jazz-rock « Doolin » à Barcelonnette. Nous quittons après la première partie. Instrumentistes remarquables, musiciens peu inspirés. Comme si souvent actuellement, la performance, qu’on ne peut que saluer, l’emporte sur la musique et la frénésie sur l’émotion. C’est très virtuose, très en place, mais tout à fait dépourvu d’âme. Une totale incapacité à faire sa place au silence tétanise la musique, boursouflée de plus par une électronique qui la pousse bien au-delà de ses limites naturelles, jusqu’au bruit. Ce culte barbare du trop (le toujours plus débouche forcément sur l’excès, qui achève de le rendre insignifiant) me confirme dans le sentiment que faute de silence on perd son âme pour tomber dans une mécanique stérile.

TRAVAIL
Le plus beau travail, c’est celui qui ne se voit pas.

TWITTER
Le degré zéro de la réflexion, l’apothéose de la réaction épidermique, l’abandon irresponsable à la jouissance du premier mouvement. Twitter, c’est le triomphe du réflexe conditionné, de la vacuité intellectuelle, de la vanne facile, du crétinisme autosatisfait, c’est la marque distinctive de la Petite Poucette débile du sinistre Michel Serres. Simplifions, simplifions, il restera toujours quelque chose…
Que reste-t-il ? Cinq cents mots de vocabulaire, une écriture phonétique, une caricature de langue sans syntaxe, et des pulsions, des pulsions, toujours plus de pulsions, toujours moins de pensée, toujours moins de vécu.
Pas étonnant que les politiques adorent Twitter, il est à leur image comme à celle de leurs électeurs : inexistant.

UTOPIES
Le problème avec les utopies, c’est que quand on tente de les réaliser elles deviennent très souvent des utopires.

VENISE
Apothéose de la lumière ruisselante ou silence habité de la Venise nocturne, la Sérénissime ne se donne qu’à ceux qui la hantent. Aux autres, elle ne prête que ses appas rances, et Dieu sait qu’elle n’en manque pas…


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