COMPLICITÉ
Contrairement à ce que j’entends dire un peu partout, si les partis français de pouvoir ont soutenu Ben Ali jusqu’au bout, ce n’est pas seulement par peur d’un hypothétique islamisme radical, loin de là. C’est d’abord parce que ces partis sont ceux des hommes de pouvoir, et qu’en tout temps, en tout lieu, les hommes de pouvoir préfèrent le pouvoir en place au peuple en mouvement. L’islamisme est un alibi trop commode pour faire encore illusion, il est usé jusqu’à la corde, il est depuis trop longtemps un fallacieux prétexte au service de la corruption généralisée qui caractérise la mondialisation.
C’est aussi parce que beaucoup de politiciens et d’hommes d’affaires (quand ils ne sont pas les deux à la fois…) français étaient d’une manière ou d’une autre en cheville avec la maffia au pouvoir sous Ben Ali. L’exploitation de la Tunisie par Ben Ali et consorts était vue d’un très bon œil par beaucoup de ces irréprochables démocrates, pour la bonne raison qu’ils y trouvaient leur compte, et participaient d’une manière ou d’une autre à la razzia.
Il n’est pas moins vrai que bon nombre de membres de l’oligarchie française mondialisée rêvent à juste titre d’une France non seulement banalisée, mais Ben Alisée, tant les oripeaux de la démocratie, réduits par leurs bons soins à de tristes guenilles, leur pèsent encore. Pour faire des affaires, rien ne vaudra jamais une bonne dictature !
Nos gouvernants avaient donc d’excellentes raisons de soutenir Ben Ali aussi longtemps que possible : déguisés ou non, les loups ne se mangent pas entre eux.
Et vous verrez qu’ils ne mettront aucun zèle intempestif à faire rendre gorge aux affameurs de la Tunisie, tant ils savent que leur tour risquerait en toute logique de s’ensuivre.
Dont il ressort que la révolution entamée par le peuple tunisien n’est pas seulement un message d’espoir et un exemple à suivre pour le monde arabe. La leçon est aussi pour nous. Le peuple tunisien nous dit : Qu’attendez-vous pour faire votre révolution ? Ça ne tient qu’à vous.
C’est en cela que l’exemple tunisien fait peur à l’oligarchie dominante, qu’elle soit ouvertement ultra-libérale ou prétendument social-démocrate (partout et toujours, les Chamberlain seront les complices des Hitler). Car ce qu’il fait apparaître crûment, c’est qu’il est des limites à l’exploitation de l’homme par l’homme : en l’absence de carotte, le gros bâton ne marche qu’un temps.
Au moment où nos élites mondialisées, pour préserver leurs jackpots en pérennisant leur casino financier, veulent nous imposer une rigueur aussi injuste que désastreuse, la révolution tunisienne leur envoie un message inquiétant, que je résumerai à l’aide d’un vieux proverbe et d’une formule récente :

« Tant va la cruche à l’eau qu’elle se brise »
« Ya basta ! »

P.S. : J’ai prêté l’oreille quelques instants au radotage hypocrite et pervers d’Henri Guaino sur France-Inter ce matin, rabâchant son habituelle logorrhée où la bêtise le dispute à la mauvaise foi. Ces gens-là sont tombés si bas qu’ils finissent par épuiser notre capacité de mépris.