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dimanche 24 mai 2015

40 ÉLÉPHANTS PAR JOUR et UNE LANGUE BIEN PENDUE

Et s'il n'y avait que les éléphants ! zonzonna l'abeille {JPEG}

Et s’il n’y avait que les éléphants ! zonzonna l’abeille

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De la photo 1 à la photo 2, exemple d’un changement qui est un progrès…
Cliquez pour vérifier !


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Ceci, n’en déplaise à Magritte, est un diaporama



D’abord, un dernier rappel, pour ceux que cela pourrait intéresser :

Dans un moment où règnent comme jamais le bruit et la fureur, et alors que Palmyre sera peut-être réduite en poussière demain, il est peut-être utile de se demander ce que peuvent encore nous apporter l’art et le silence si parlant et si fécond qu’à son meilleur il provoque en nous.
D’où le livre double que nous proposons Jean Klépal et moi, tête-bêche, autour des rapports de l’art et du silence. Pour en voir et savoir plus, deux liens :

http://www.sagault.com/-ACTUALITES-.html

http://www.ateliersdartistes.com/SILENCE-ON-PEINT.html


40 ÉLÉPHANTS PAR JOUR
Barbarie et barbarismes, même combat ?



Aujourd’hui, comme chaque jour, les braconniers ont abattu en Afrique 40 éléphants.

L’EI espère se bâtir un futur en égorgeant le présent et en annihilant le passé.

Shell va forer dans l’Arctique, qui est lancé par nos soins dans une course palpitante avec l’Antarctique pour savoir qui des deux fondra le plus vite.

Les banques et les états sont entre les mains d’une oligarchie mafieuse qui mène contre les peuples une guerre civile impitoyable.

Fruit de nos efforts assidus, la sixième extinction massive des espèces est en bonne voie.

Non, je ne tente pas d’établir une liste des composantes du désastre, je ne l’esquisse même pas, un résumé de la catastrophe en cours serait encore bien trop long !

Chers Candides de tout poil, pour être optimiste aujourd’hui, il vous est indispensable de connaître la recette du pâté d’alouettes et de vous en servir sans modération. L’alouette représentant les raisons d’être optimiste, le cheval (de préférence un boulonnais, près de deux mètres et une tonne de muscles) les raisons d’être radicalement pessimiste.

Il est des moments où l’optimisme déguise une lâcheté irresponsable et finit par devenir criminel. Ce dont a besoin notre époque, c’est d’un pessimisme actif, associant la lucidité, qui permet de regarder les choses en face, et le refus de la résignation, qui permet d’agir en connaissance de cause, sans illusions ni compromissions.

Affolés par l’effondrement de notre univers, nous sommes en train de créer une « civilisation » dans laquelle il faut marcher sur la tête pour ne pas être pris pour un fou.
La norme étant désormais d’être malhonnête, cette nouvelle règle a pour évident corollaire qu’il devient malhonnête d’être honnête, comme ont pu s’en apercevoir nombre de lanceurs d’alerte. Les anormaux qui s’efforcent encore, à contre-courant, de rester honnêtes, deviennent ainsi des tricheurs aux yeux du bandit, désormais si profondément corrompu qu’il est honnêtement persuadé d’être honnête…
Ce renversement carnavalesque de toutes les valeurs a ses mérites, tant que les bouffons (le retour de fortune, dans les banlieues notamment, de ce terme quasiment disparu a évidemment un sens) ne prennent le pouvoir que le temps d’en montrer les failles, les contradictions et les limites, l’obligeant à se regarder en face et à se réguler.
Mais quand l’anti-conformisme devient obligatoire, il nie sa seule raison d’être et entraîne une perte de repères si totale que le chaos s’installe, ouvrant le chemin à des « retours à l’ordre » non moins chaotiques mais encore plus dévastateurs.
Et cela vaut pour tous les aspects de notre vie, y compris pour ceux qui nous paraissent à première vue moins importants, notre langue, par exemple…
Parlons-en, de notre langue !


UNE LANGUE BIEN PENDUE



Des éléphants qui ne sont pas menacés d’extinction, mais sont au contraire de plus en plus nombreux, ce sont ceux qui s’ébattent avec une effarante vulgarité dans le fragile magasin de porcelaine qu’est devenue la langue française, aussi impitoyablement massacrée par ses usagers, académiciens compris, que le sont les pauvres pachydermes africains par les braconniers du même nom.
C’est moins grave, dites-vous ? Voire…
Après le vocabulaire, réduit, cas de le dire, à sa plus simple expression, c’est la syntaxe qui part en lambeaux, et avec elle la capacité de raisonner, d’inscrire dans la durée, de développer une pensée cohérente, d’exprimer ses émotions autrement que par monosyllabes ou borborygmes.
Vous vous êtes déjà habitué, vous rendez les armes, par paresse, par commodité, et parce que la majorité parlante est contagieuse : les barbarismes, comme la barbarie, ça se transmet, ça s’étend comme une épidémie.
« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés… », votre serviteur inclus ! Oui, je l’avoue en rougissant jusqu’aux oreilles, entraîné par l’exemple, il m’arrive de laisser échapper des fautes, oui, je me surprends parfois à participer à ce honteux lynchage de notre langue !

Face à ce relâchement généralisé, parler et écrire correctement le français exige de plus en plus un effort conscient, même des « locuteurs » censés les plus performants.
Car c’est le fonctionnement même de notre langue qui n’est désormais plus compris par la majorité d’entre nous, comme le montrent des exemples toujours plus nombreux, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral.
Je relève par exemple dans le très tendance et raffiné programme d’une association culturelle à vocation musicale, à propos d’un projet conçu par une scène nationale de théâtre, le morceau de virtuose inculture que voici :
« Le week-end « La saveur de l’autre » dont l’enjeu est de faire débat, élever le niveau de compréhension sur l’une des grandes questions humaines de ce siècle naissant : les migrations et son corolaire, l’hospitalité. »

Il y a encore quinze ans, un texte (si j’ose dire) d’une telle énormité ne serait jamais passé. Mais on n’arrête pas le progrès, et la Grande Culture n’a plus que faire de si insignifiants détails, si tant est qu’elle soit encore capable de les discerner !

Dans Le Monde, 17 mars 2015 : « Ces travaux pharaoniques, d’un coût total de 350 millions d’euros, doit s’achever entre fin 2017 et début 2018. »
D’un avocat fort cultivé : « On en tire les conséquences, qui est la reprise… »
Patrick Cohen, sur France-Inter : « Je vous parlais à l’instant de l’influence du net, quel est celui du… »
Bruno Le Roux, encore sur France-inter, après avoir usé d’un argument ahurissant que même Bernard Guetta a récusé (en substance, si cette loi est dangereuse en de mauvaises mains, suffira aux citoyens de voter pour nous, qui saurons ne pas faire usage des armes antidémocratiques qu’elle nous donne !) : « Nous vivons dans une république sur lequel… »
Pire encore, Philippe Chrétien, parlant du Népal, toujours sur France-Inter : « Le tourisme, son seul et principal revenu » !
Voyez comme j’ai peu confiance en mes lecteurs, pessimiste que je suis ! Je n’ai pu m’empêcher de mettre ces énormes fautes en italique, de peur que vous ne les voyiez pas…
De fait, ce terriblement contagieux délitement de la langue touche au moins autant nos élites autoproclamées que le reste de la population.
Nous perdons notre langue, dévoyée et appauvrie jusqu’à n’être plus que la caricature d’elle-même, et cette perte nous laisse orphelins du passé, faisant de nous par là même des handicapés du présent, puisque nous ne pouvons être pleinement nous-mêmes qu’en disposant de la part de passé qui nous forme et sans laquelle nous ne pourrions exister en tant qu’êtres conscients.

Nous sommes tous les enfants de notre langue, puis, dans la mesure où nous la faisons évoluer, nous en devenons les parents, et c’est très bien ainsi. Il est naturel que la vie continue, et elle ne peut évidemment le faire sans plus ou moins changer.
Mais le français, à la suite de l’anglais, est en train d’involuer, littéralement étranglé par ses enfants, qui deviennent peu à peu incapables d’en assurer la transmission.

Cet affaissement d’une langue commune qui engendrait dans nos sociétés une certaine cohérence de pensée encourage le communautarisme, chacun se replie sur soi, fait tribu comme il peut, ne vit plus qu’au « présent ». Un présent étriqué, réduit au cercle de « famille » plus ou moins mafieux, amputé du temps et de l’espace véhiculés par chaque langue nationale.
Un présent morcelé, nouvelle Tour de Babel, dès lors voué par sa fragmentation même au conditionnement unificateur universel par cet ersatz d’esperanto qu’est l’anglais des affaires, sorte de pidgin pour financiers décérébrés et bobos écervelés.

On évoque souvent les valeurs, on s’accroche à des mots clés, liberté, égalité, fraternité. Il serait peut-être temps, là encore, de nous souvenir que ces idées ont été élaborées par des hommes qui connaissaient leur langue, qui savaient ce que parler veut dire et prenaient le temps de peser leurs mots et de débattre de leurs idées à l’aide d’un instrument formidablement précis et cohérent, forgé par une longue évolution…
Cet instrument qui est en train de nous tomber des mains, c’est notre langue, la langue française.

Liberté, égalité, fraternité. Depuis un demi-siècle, dans notre monde, quels mots ont-ils été plus ouvertement bafoués que ces trois-là, constamment utilisés pour désigner le contraire de ce qu’ils nomment ?
Contrairement à ce que les hommes de pouvoir tentent sans cesse de nous faire croire, ce n’est pas être passéiste, ce n’est pas être un conservateur rétrograde que de refuser, dans son époque, ce qu’elle produit de pire. Et son évolution actuelle fait qu’aucun être humain digne de ce nom ne peut accepter ce qu’elle est en train de produire.
Il n’y a aucune raison d’admettre comme nécessaire, inévitable et source de progrès ce qui constitue une régression, aboutissant à une situation pire que celle qui précédait.
Si les mots ont un sens, jamais le progrès ne peut consister à rendre les choses pires qu’elles n’étaient !
Parler sa langue, c’est entre autres savoir que le mot changement n’est pas un sésame synonyme de progrès
Quel progrès, vraiment, le jour où nous aurons enfin compris que, comme le veut l’étymologie du verbe progresser, ce n’est pas parce qu’on change qu’on progresse, mais parce qu’on avance !

vendredi 8 mai 2015

SILENCE, ON PEINT !


Vous désirez voir quelques-unes de mes récentes peintures ? Regardez les diaporamas des « Calendriers de l"homme moyen »

Jean Klépal – Alain Sagault
GOUTTES DE SILENCES – PEINDRE LE SILENCE












cliquer sur les photos pour agrandir



Ce livre à double entrée, fondé sur une pratique assidue de l’art, est une manière d’Éloge du Silence. Nous souhaitons témoigner de notre conviction que retrouver et cultiver le silence est aujourd’hui essentiel.
Chacun a imaginé de baliser un chemin de grande randonnée au travers de ses souvenirs, de ses rencontres, de ses découvertes, de ses émotions artistiques, de ses créations...
Chacun a établi un itinéraire possible. Nos propositions se recoupent et progressent parfois de conserve, même si les haltes ne sont pas identiques. Elles s’augmentent de leurs particularités. Elles vont en tout cas dans la même direction. Voilà pourquoi nous les présentons en parallèle.
C’est la cinquième fois que semblable aventure nous réunit.

De format 22x22 cm, ce livre double présente 59 reproductions.
Il est imprimé tête-bêche sur papier X-Per 140 g des papeteries Fedrigoni,
sous une couverture à dos et rabats en papier X-Per 300 g.
L’édition originale est limitée à 300 exemplaires.

BULLETIN DE SOUSCRIPTION

à adresser à Alain Sagault, 04400 Barcelonnette


M., Mme ……………………………………………………………………..
Adresse……………………………………………………………………….
……………………………………………………………………….
……………………………………………………………………….
Souscrit à ……… exemplaire(s) de Gouttes de Silence - Peindre le silence au prix de 30 euros ; chacun (participation aux frais de port + 8 euros). Port offert à partir de deux exemplaires.
Le prix sera de 39 euros (+ port 8 euros) à l’issue de la souscription, qui prend fin le 31 mai.
Et joint un chèque de ……… € à l’ordre d’Alain Sagault.

À……………………, le…………………

Signature





Bulletin de souscription à imprimer



Maquette du livre : la couverture





DEUX EXTRAITS DU LIVRE



Fresque romaine - Pompéi



C’est principalement au désastre de Pompéi que nous devons d’en pouvoir saisir les témoignages. Mal connue, méconnue, la peinture romaine est une grande source d’émotion. Elle témoigne d’un si proche lointain passé qu’elle nous est étrangement familière.

Ce portrait d’une jeune femme s’apprétant à écrire sur une tablette de cire impose retenue et silence. Nous ne saurions la troubler.

L’attention que prête l’artiste à son modèle possède quelque chose de bouleversant. Il faut beaucoup d’amour de son sujet et de son travail de peintre pour réussir une telle œuvre. L’instant est saisi dans toute sa vérité. Que cherche cette jeune personne, à quoi pense-t-elle ? Elle est tout simplement comme chacun d’entre nous lorsque le mot manque ou qu’une pensée s’absente.
Attente d’un je ne sais quoi sauveur. Se manifestera-t-il ?

Pourrions-nous lui venir en aide, l’écouter suffisamment pour cela ?

Cette image nous renvoie à nous-mêmes quand nous réalisons que ne savons pas, et que nous sommes réduits à l’immédiat de notre limite. La singularité du portrait le rend universel. Le temps ne compte pas, il est permanence.

Nul besoin de prendre la pose ou de prétendre à l’originalité. Simplement voir et regarder, simplement ressentir.
La peinture la plus forte, la plus expressive, réside en cela qu’elle nous concerne tous, elle repose sur l’évidence de la simplicité, de l’intelligible, et du lumineux.

Jean Klépal





Caspar David Friedrich, Riesengebirge vor Sonnenaufgang, 1830/1835, 72x102 cm


S’il est un peintre qui a le sens du silence, parce que pour lui le silence a un sens, c’est bien Friedrich, comme l’illustrent ses tableaux et ses écrits. Pour être sûrs de ne pas avoir à parler, ses personnages nous tournent le dos ; ils regardent au loin la vision du peintre, forçant sans en avoir l’air notre regard à devenir le leur, et à partager le spectacle auquel ils nous invitent…
Le peintre fait ainsi taire le regardeur, et de la même manière ses tableaux visent à faire taire la banalité pour donner la parole à ce qu’elle recèle de mystère, d’où le silence hiératique dans lequel semblent baigner la plupart de ses œuvres.

Friedrich peint des paysages réels qu’il transfigure en les rendant symboliques par la magie de la lumière et des contrastes dont il joue jusqu’à révéler ce qui, au cœur même de la matière, la transcende. Non seulement il parvient à restituer l’essence d’un paysage, l’atmosphère particulière qui en émane, mais il en fait une allégorie, soit par le truchement des personnages qui lui confèrent sens et sentiment par la contemplation où les plonge ce spectacle, soit, comme dans le si dépouillé et stupéfiant Riesengebirge vor Sonnenaufgang, par le seul déploiement majestueux du paysage, passant, par couches successives de plus en plus lointaines et évanescentes, d’une obscurité massivement opaque à une lumière éthérée, métaphore du passage du monde matériel au spirituel.

Voici un paysage qui présente aux yeux de l’inconscient le chemin de rédemption de l’existence humaine, des ténèbres de la terre à la gloire céleste, comme à la Madeleine de Vézelay, une seule fois l’an, le jour du solstice d’été, les fidèles passent de l’ombre du narthex à l’éblouissante lumière du chœur en suivant le chemin tracé au long de la nef par la succession des taches lumineuses posées sur le sol par les rayons de soleil à travers les fenêtres latérales de la basilique.

Entre représentation concrète et figuration symbolique se joue ici la relation organique de la matière picturale au désir métaphysique de l’artiste, caractéristique du meilleur de l’approche romantique, idéalement formulée par le Baudelaire des Correspondances :

La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

Alain Sagault