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dimanche 30 décembre 2018

LES GILETS JAUNES, UNE LUEUR DANS LA NUIT ?

« Il est possible de cheminer seul. Mais le bon voyageur sait que le grand voyage est celui de la vie, et qu’il suppose des compagnons.

Compagnon : étymologiquement, c’est celui qui mange le même pain. Heureux qui se sent éternellement en voyage et qui voit dans tout prochain un compagnon désiré...

Le bon voyageur se préoccupe de ses compagnons découragés, las... Il devine le moment où ils en viennent à désespérer. Il les prend où il les trouve. Il les écoute. Avec intelligence et délicatesse, et surtout avec amour, il leur fait reprendre courage et retrouver goût au voyage. »

Dom Helder Camara


GILETS JAUNES, UNE LUEUR DANS LA NUIT ?

Ce que j’ai vécu sur notre rond-point et ce que ça me dit


Ce que je vais livrer ici est un ressenti personnel. Je ne témoigne que de ce que j’ai vu et vécu, et ce témoignage est donc subjectif – comme tous les témoignages, et comme toutes les opinions, n’en déplaise aux amateurs « d’objectivité », il n’est pas inutile de le rappeler au passage.
Subjectif, ce témoignage paraîtra peut-être « naïf », il me semble pourtant correspondre à une évolution si essentielle qu’elle pourrait bien entraîner une authentique révolution. Évolution qui me semble liée à « une prise de conscience inconsciente » : l’inconscient collectif de notre espèce perçoit le désastre en cours et y réagit, mettant peu à peu en mouvement des fragments de plus en plus importants de la population.

J’ai passé du temps depuis trois semaines en compagnie d’autres Gilets Jaunes sur un rond-point situé à l’entrée de Barcelonnette, petite sous-préfecture des Alpes de Haute-Provence.
En tout premier lieu, et quel soulagement ce fut, j’ai eu le sentiment très fort d’avoir enfin affaire à des êtres humains et non aux brutes déshumanisées qui prétendent nous représenter et nous gouverner et que j’entends à longueur d’émission sur France-Inter et France-Culture étaler depuis des années leur langue de bois mensongère qui déguise la violence de leur politique sous les éléments de langage prémâchés par leurs maîtres.
À la fois Tartuffes et zombies, plus que jamais auparavant, ceux qui « réussissent » m’ont paru bien médiocres, comparés à ceux qui ne sont rien…

Cette coupure entre le peuple et de prétendues élites réunissant en une véritable mafia d’authentiques prédateurs cooptés pour leur cynisme et leur avidité, elle vient de loin, comme me semblent le montrer les impressions que j’avais à l’époque retirées de ma participation au mouvement de mai 68, à la Sorbonne et dans la rue, comparées aux impressions que j’ai ressenties sur notre rond-point et dans nos réunions, y compris avec certains élus attentifs.
Comparées aussi à celles que me donne toujours davantage depuis plus de 40 ans le petit monde politico-économico-financier qui a remplacé le souci de l’intérêt général et le service de la nation par l’absolue primauté des intérêts particuliers d’une infime minorité, la recherche du profit à n’importe quel prix, le tout à l’aide d’une corruption si généralisée et si profonde qu’elle est devenue inconsciente.

Pour ce que j’en constate et crois en comprendre à l’heure qu’il est, la révolte de mai 68 et celle des Gilets Jaunes n’ont rien en commun. Il s’agit de deux mouvements totalement différents, tant dans leurs motivations que dans leurs méthodes et dans les actions entreprises, et probablement aussi dans leurs conséquences.

De même, le mouvement des Gilets Jaunes est par nature radicalement étranger à la vision du monde autoritaire du système oligarchique dont l’emprise de plus en plus féroce sur l’humanité suscite désormais des révoltes toujours plus violentes des populations qui subissent peu à peu un esclavage de fait, et se voient dépossédées de la moindre possibilité d’avoir une influence sur leur destin.

La différence de nature est profonde, et elle est vitale. Je tente d’en faire une première approche, à compléter, à préciser et à fonder, en exposant ci-dessous la perception que j’en ai.

Encore une fois, il ne s’agit pas d’un travail de sociologue, mais des intuitions personnelles d’un militant !


GILETS JAUNES 2018


Aux ronds-points :

Des adultes, dont de nombreux retraités, la plupart sans idéologie, plus ou moins « apolitiques ».
Grande variété des origines, des âges et des choix de vie, mais accord sur l’essentiel, tolérance, solidarité, partages, échanges sans violence.
Pas de leaders, une parfaite et évidente égalité et une naturelle répartition des tâches.
Une réelle maturité d’ensemble. Sincérité et honnêteté. Simplicité. Pas de jugement, de la coopération. Respect réciproque.
Ces êtres humains veulent vivre en paix. Et en sont probablement capables, parce que de bonne volonté.
Paradoxe apparent, ils sont très unis parce que très variés. Il s’agit d’un collectif non prémédité, animé par l’intérêt général de ses membres, et qui aspire à en rejoindre d’autres animés des mêmes intentions.


SOIXANTE-HUITARDS 1968


Sur les barricades, dans les AG :

De jeunes étudiants immatures, très politisés, souvent fanatiques.
Enfermés sur eux-mêmes, méprisants, incapables de dialogue, perroquets ayant tous à quelques nuances près le même discours formaté, profondément désunis par leur recherche effrénée du pouvoir.
Car leur soumission à une idéologie extérieure apparaîtra vite pour ce qu’elle était, le vecteur d’une quête individualiste de pouvoir : la plupart des leaders autoproclamés de mai 68 resteront des fanatiques mais en changeant de doctrine. Convertis au profit et au paraître, les « leaders » du mouvement étudiant deviendront tout naturellement soit les garants « de gauche » d’une social-démocratie dévoyée, soit les jeunes loups libéraux-nazis qui mettront le pays en coupe réglée à partir des années 1990.
Nouveau paradoxe apparent, ils étaient très désunis parce que très semblables. Leur collectivisme affiché, en fait un corporatisme déguisé, était la courte échelle de leur féroce individualisme tout entier dévoué au service de leur intérêt particulier…


CEUX QUI « RÉUSSISSENT », entendez : LES PRÉDATEURS 1968-2018


Comportement et discours du pouvoir oligarchique politico-économico-financier :

Des « adultes » immatures, adolescents attardés et manipulateurs dont l’absence d’empathie confine à l’autisme. Hypocrisie permanente (ils parlent de bienveillance mais méprisent systématiquement autrui), indûment nommée pensée complexe, en vérité enfumage consistant à faire constamment l’exact contraire de ce qu’on dit.
Idéologues bornés et fanatiques, d’une étonnante rigidité d’esprit, avec une conception autoritaire du pouvoir, une recherche permanente de la verticalité, une mise en compétition systématique, une exaspérante infantilisation du citoyen (généralement nommée « pédagogie »), notamment à l’aide d’un recours généralisé à une « évaluation » dévalorisante.
Perpétuellement en guerre entre eux (ils sont divisés justement parce qu’ils se ressemblent, il n’y a pas de place pour tout le monde quand il y a trop de clones), ils sont aussi solidaires en tant que classe pour faire une guerre impitoyable à tout ce qui ne leur est pas soumis. Ces individualistes invétérés pratiquent sur une grande échelle les renvois d’ascenseur et leur fonctionnement de type mafieux s’apparente au comportement du milieu du grand banditisme dont ils partagent l’absolu mépris des « caves », de « ceux qui ne sont rien ». En témoignent leur arrogance, leur froide inhumanité et… leur impunité cyniquement assumée, voir l’affaire Benalla…


On comprend mieux dès lors ce que je crois être les mobiles profonds du mouvement des Gilets Jaunes.
Le système actuel de pouvoir, fondé sur la mainmise d’une infime minorité grâce au règne absolu de l’argent et à la recherche concomitante du profit à n’importe quel prix, est de fait en guerre civile contre la majeure partie de l’humanité, désireuse d’une paix sociale qui ne peut exister que dans le partage et la solidarité.
Ce qui se joue à mon sens avec la révolte citoyenne des Gilets Jaunes, c’est donc le rejet d’un monde autodestructeur imposé par une minorité droguée à la compétition et au profit en faveur d’une civilisation qui mériterait ce nom en vivant selon les valeurs opposées, et seules porteuses d’avenir pour l’humanité, de coopération et de gratuité.



En complément, je vous propose cet entretien intéressant et instructif avec Philippe Pascot sur Sud-Radio :
« Monsieur Macron est un menteur »
https://www.youtube.com/watch?v=fgYYGuerTAg&feature=youtu.be

Et ces cinq documents :

Lettre ouverte à Mesdames et Messieurs les élus actuels, par les Gilets Jaunes de la Vallée de l’Ubaye

Lettre ouverte à l’intention de tous, par les Gilets Jaunes de la Vallée de l’Ubaye

Alain Supiot décrypte la politique ultra-libérale culminant avec Macron

Pourquoi la colère sociale n’est pas près de s’apaiser, par Laurent Mauduit

Pablo Servigne : « Il est possible que nos sociétés se dégradent beaucoup plus rapidement que les anciennes civilisations »

lundi 10 décembre 2018

LA POLITIQUE POLITICIENNE, UN « RÉALISME » ILLUSOIRE : POUR UN RETOUR DE LA MORALE

Il me semble utile, au moment où les Gilets Jaunes reposent avec force la question du fonctionnement de la démocratie, de soumettre à nouveau à mes lecteurs ce texte désormais quasiment préhistorique, puisque je l’avais publié sur ce blog en avril 2010 !
En ressort, dans le contexte du mouvement des Gilets Jaunes, l’absolue nécessité de recréer un authentique contrat social, à travers la création d’une démocratie largement et réellement participative, assumée par un peuple responsable.
Cela passe par un retour au fondement de toute société durable, le contrat moral, l’adhésion réelle, dans les actes et pas seulement dans les mots, à des valeurs autant que possible partagées.
La démocratie faussement représentative instituée par la Ve République a accouché, après plusieurs désolants avortons, de l’actuelle caricature présidentielle. Taillée pour le pouvoir personnel, cette démocrature conduit tout naturellement, par une pente irrésistible, au pouvoir quasi absolu d’une mafia oligarchique méprisante et corrompue par l’excès de son pouvoir et l’avidité sans frein qui en résulte.
Avec comme conséquence un rejet de la politique et une haine croissante des politiciens de la part d’un peuple qui, n’étant plus autorisé à se vivre citoyen, se réfugie dans l’indifférence ou la haine, alternant l’apathie et la révolte selon les variations de l’oppression plus ou moins feutrée dont il est constamment l’objet.
Parmi d’autres mesures non moins nécessaires, l’utilisation du tirage au sort, si elle ne résoudrait pas tous les problèmes d’un coup de baguette magique, permettrait d’approcher de cette démocratie réelle, en impliquant à tour de rôle un grand nombre d’entre nous. Les expériences menées en Islande et en Irlande semblent prometteuses.
Encore une fois, et c’est cela aussi,
la morale : en démocratie, le peuple n’est pas au service du pouvoir, le pouvoir est au service du peuple.
Il serait temps que le citoyen Macron le comprenne et en tire les conséquences.


LA POLITIQUE POLITICIENNE, UN RÉALISME ILLUSOIRE :

POUR UN RETOUR DE LA MORALE




REPARTIR DE ZÉRO : RETOUR À LA CASE DÉPART
Il y a des années que nous débattons sur le sens réel de ces deux mots antagonistes et complémentaires, la droite et la gauche. Ce débat est né pour l’essentiel, me semble-t-il, de l’incapacité récurrente de la pensée dite de gauche à s’incarner dans le pouvoir autrement qu’en se diluant ou se dénaturant, pour finir par se trahir ainsi que ses soutiens, soit en pratiquant plus ou moins honteusement une politique de droite, soit en devenant carrément une dictature d’extrême-droite.
Pour moi, ce n’est plus une question de gauche ou de droite. Il faut repartir de zéro. Nous avons complètement perdu de vue les principes fondamentaux qui légitiment l’existence des sociétés humaines. Bref, il est grand temps de relire Montesquieu et Rousseau, L’Esprit des lois et Le Contrat social !
Depuis trop longtemps, nos sociétés, et particulièrement les sociétés occidentales, alors qu’elles devraient avoir pour visée l’intérêt général, fonctionnent en ne tenant réellement compte que des seuls intérêts particuliers, dont l’exacerbation démente détruit inéluctablement toute possibilité de coexistence harmonieuse entre les individus.


LES LUTTES POLITIQUES SONT-ELLES L’ALPHA ET L’OMÉGA DE LA VIE EN SOCIÉTÉ ?
Au fond, je n’ai pas grand-chose à faire avec la politique au sens où on l’entend actuellement. Gauche, droite, cette distinction ne me paraît plus opératoire, à supposer qu’elle l’ait jamais été, ce dont je doute.
Je récuse la vision du monde des « intellectuels de gauche » telle qu’elle s’est incarnée jusqu’à l’absurde dans la très imprudente et dangereuse démarche sartrienne, à la fois abstraite et manichéenne (ça va merveilleusement de pair) ; il y a du grotesque et de l’odieux dans la commode, fantasmatique et inopérante distinction entre gauche et droite véhiculée par la bonne conscience de gauche. Je me sens beaucoup plus proche de militants du réel (et réellement engagés) comme Koestler ou Orwell, pour qui le problème n’est pas une question de gauche ou de droite, les deux se rejoignant et se confondant à leurs yeux dans le même appétit de pouvoir.
C’est bien le problème du pouvoir qu’il faut régler et ce problème-là ne peut l’être que sur un plan moral, conformément à une éthique. Et sûrement pas en référence à un étiquetage trop souvent opportuniste, qui ne garantit en rien l’authenticité ni la fraîcheur du produit qu’il tente de promouvoir.
J’ai pour ma part déduit de mes nombreuses et parfois cuisantes expériences militantes que la solution n’est jamais dans l’action politique traditionnelle, ni même dans les rapports de force, qui n’ont de vraie valeur que ponctuelle et ne résolvent pas les problèmes de fond ; elle est à mes yeux dans l’action de chaque individu par rapport aux valeurs qu’il reconnaît, et pour la réalisation desquelles il milite dans sa propre vie en compagnie de ceux de ses concitoyens qui les partagent.
J’ai trop vu les enfers engendrés par les meilleures intentions idéologiques du monde pour ne pas m’intéresser d’abord aux actes et à leur signification morale plutôt qu’aux idéologies, aussi séduisantes et apparemment fondées soient-elles.
Étant donné la variété (et parfois la légitimité !) des opinions et des comportements, une société, pour fonctionner, c’est à dire pour que le contrat social engendre un véritable consensus, ne doit pas tant reposer sur des compromis politiques que sur des fondements moraux. Comment vivre ensemble si l’on ne commence pas par s’entendre sur les quelques principes moraux qui permettent de fonder une vie en société digne de ce nom ?
« Valeurs partagées » : je n’entends par là rien de « politique », mais un ensemble de choix moraux qui s’imposent à tous dès lors qu’une communauté humaine se forme autour d’un contrat social, quelles que soient les opinions politiques de chacun.
Ce consensus n’existe plus actuellement, comme le prouvent chaque jour davantage les réactions de plus en plus divergentes engendrées par les innombrables scandales récents : du tourisme sexuel au népotisme, de la corruption mafieuse à la triche footeuse, les règles les plus élémentaires de la morale ordinaire sont ouvertement bafouées, ou pire, violées au moment même où le violeur, la main sur le cœur, déclare son indéfectible respect envers elles…
Si bien que c’est l’opinion publique, cette girouette, qui, en vertu des mouvements désordonnés et incohérents de ses émotions, décrète au jour le jour les limites de l’acceptable, en vertu d’un rapport de force majoritaire prétendument dégagé par des sondages orientés et manipulés.
Une véritable guerre civile est ainsi en train de s’installer entre les zélateurs individualistes du cynisme tous azimuts et de la « loi de la jungle », esclaves dévoués du pouvoir et de l’argent, et les citoyens encore conscients de leur appartenance à une civilisation fondée sur des valeurs trop importantes pour être abandonnées sous prétexte qu’elles ne s’incarnent jamais parfaitement dans une réalité plus complexe que nos idéaux.


LA MORALE, UN SENS COMMUN
Ma vision du monde n’a jamais été fondée sur des rapports de force, mais sur des lois, sur des règles de fonctionnement. Ces lois, je les considère comme naturelles parce que leur application entraîne des effets positifs et que leur transgression déchaîne des forces incontrôlables et destructrices. Elles relèvent donc tout bêtement de ce qu’il est convenu d’appeler le bon sens, n’en déplaise aux élites qui affectent de mépriser ce terme, trop populaire pour ne pas leur paraître populiste.
Le bon sens, par exemple, refuse d’accepter la stupide et criminelle pétition de principe qui voudrait que les pulsions, passions et intérêts personnels puissent, comme par miracle, s’autoréguler. Purement idéologique, dépourvue du moindre fondement historique, la prétendue régulation par les marchés est le péché originel du libéralisme.
Car le libéralisme est un faux pragmatisme : nulle société ne peut se fonder sur une totale liberté accordée aux rapports de force, ne serait-ce que parce qu’une complète absence de régulation morale débouche automatiquement sur le règne corrupteur de l’argent, et s’achève en décadence et autodestruction, comme nous sommes en train de le vérifier une fois de plus – la fois de trop.
Aucune société ne peut perdurer en laissant à la loi du plus fort toute liberté de s’exercer. Tant que nous fonderons nos sociétés sur des rapports de force, y compris sur le rapport de force démocratique qui soumet une minorité à une majorité en vertu de la seule loi du nombre, aucune société ne pourra fonctionner de manière saine.


LA DÉMOCRATIE : QUALITÉ OU QUANTITÉ ?
Il y aurait beaucoup à dire sur cet étrange modèle démocratique qui donne la possibilité à une majorité d’imposer ses choix à une minorité. Là réside à mes yeux l’erreur cardinale du régime démocratique et l’origine de sa sempiternelle et si lassante perversion.
Selon moi, le rapport de force majoritaire aboutit inévitablement à l’oppression, puis à la dictature. D’une part, le processus majoritaire est très aisé à pervertir et à détourner, comme nous avons pu le constater constamment depuis 1958 ; d’autre part, il est vicié dans son principe même : moralement, la notion de pouvoir majoritaire est essentiellement bancale, et ne peut conférer aucune légitimité incontestable, puisqu’elle décale l’origine du pouvoir de la qualité vers la quantité et de la morale vers la loi du plus fort.
Or la seule société possible est celle où non seulement les intérêts de chacun sont autant que possible préservés, mais celle qui admet que des principes qualitatifs, c’est à dire des règles morales, des lois vitales, doivent l’emporter, non seulement sur les intérêt privés, mais sur les intérêts des majorités comme des minorités. La quantité n’est pas un critère de moralité et l’utiliser comme nous le faisons revient à faire rentrer par la fenêtre les rapports de force qu’on prétendait exclure du contrat social.
Il me semble que dans les sociétés animales, les rapports de force sont moins essentiels que la conception sociale qu’ils incarnent : la prétendue loi de la jungle, cette invention humaine, y est inconnue, parce qu’en transformant l’instinct de conservation naturel et légitime en un pervers désir d’augmentation elle programme son autodestruction.
Le rapport de force n’est pas un principe sur lequel fonder une société cohérente et durable. Une société doit être fondée sur des règles de vie en commun, selon des principes admirablement résumés par Orwell dans l’expression « common decency ».

LA SÉPARATION DES POUVOIRS, CONDITION DE LA DÉMOCRATIE
D’autre part, pour devenir et rester le ciment d’une société, la morale qui la fonde ne peut pas être laxiste, et c’est pourquoi l’existence d’un authentique pouvoir judiciaire est vitale pour toute société.
Non seulement la politique est bien obligée de s’encombrer d’un certain nombre de réalités contingentes, mais c’est son devoir d’en tenir compte ; celui de la justice est au contraire de réduire au maximum les contingences du vivant et l’extrême mutabilité qui en découle.
C’est pourquoi c’est au pouvoir judiciaire et non au législatif ou à l’exécutif d’assurer l’intégrité d’une constitution et à travers elle du contrat social dont elle énonce, légitime et en quelque sorte sanctifie les principes.
On retrouve là encore la notion de morale, et l’idée que les valeurs qui fondent la vie en société doivent avoir le pas sur les « nécessités » du moment, sous peine d’invalider, sinon dans les faits du moins dans les esprits, le contrat social.
De ce point de vue, la Cour Suprême des États-Unis, sans être parfaite, est de loin plus conforme à l’esprit démocratique et au bon sens qui veulent l’équilibre des pouvoirs que cette caricature bancale de conseil des sages qu’est ce que j’appelle le Conseil Inconstitutionnel de la république française.
La séparation des pouvoirs, avant d’être une règle de bon sens politique, est une loi éthique fondamentale, dont doivent impérativement, pour être légitimes et fonctionner convenablement, découler les institutions gouvernementales.
D’où la catastrophe que représente le mode de gouvernement instauré par la Cinquième République. En renversant l’équilibre des pouvoirs et en personnalisant outrageusement notre régime politique, l’actuelle Constitution a sapé les fondements mêmes de notre démocratie et ouvert la porte à la formation et à la « légitimation » d’une oligarchie quasiment héréditaire, en voie de reconstituer une féodalité associant clientélisme et népotisme.

PAS DE DÉMOCRATIE SANS MORALE, PAS DE MORALE SANS DÉMOCRATIE
Face au dévoiement de la politique et des politiciens, que pouvons-nous réellement exiger en tant que citoyens ? Pour commencer, comme un strict minimum, l’absence de tricherie, cette forme élémentaire d’honnêteté sans laquelle aucune confiance n’est possible et qui consiste à dire ce qu’on fait et à faire ce qu’on dit. Ce serait une vraie révolution, à un moment de l’histoire où on n’a jamais autant fait le contraire de ce qu’on dit, jamais autant pratiqué la langue de bois, jamais autant manipulé l’opinion.
La pierre de touche, c’est l’accord entre les paroles et les actes. On ne proclame réellement la morale qu’en la pratiquant. Contre l’irrésistible attrait de ce que j’appelle les trois P (profit, pouvoir, paraître), seuls la définition et le respect d’une éthique peuvent permettre de fédérer les individus autour d’un contrat social digne de ce nom.
C’est dire que je ne crois pas au matérialisme, dialectique ou non ! Le marxisme-léninisme, en s’affranchissant de la dimension morale, s’est enfermé dans la même cage que son ennemi apparemment mortel, le libéralisme.
Le matérialisme triomphant, tel qu’il s’incarne dans la société globalisée de consommation et d’extermination du vivant, représente la victoire de la mort sur la vie.
Pour fonder la cité, La Boétie, Montesquieu et Rousseau sont au moins aussi importants que Montaigne, Ricardo ou Marx !
La politique contemporaine n’est devenue si impuissante que parce qu’elle s’est voulue supérieure à la morale, et a prétendu exercer à sa place un pouvoir qui lui échappe par définition. Dès lors il était inévitable qu’affrontée aux intérêts particuliers la politique sacrifie la morale au pouvoir des plus forts, perdant par là toute légitimité.
Ainsi que toute efficacité à long terme : la morale est en fin de compte une question de bon sens, et c’est pourquoi elle déplaît tant aux « entrepreneurs » et autres « aventuriers ». Non seulement elle leur imposerait des limites, mais elle condamne d’avance leurs entreprises en faisant apparaître la futilité et la nocivité d’une vision fondée sur un individualisme forcené et une totale incapacité à envisager un autre avenir que le court terme le plus borné.
C’est ce que la plupart des citoyens ont, peut-être confusément, mais aussi très profondément, compris, d’où leur rejet d’une politique dévoyée et de politiciens corrompus, ou leur renoncement à tout engagement devant l’évidence de leur impuissance à obtenir que les principes les plus élémentaires du contrat social soient respectés. La relative acceptation actuelle de la prétendue loi de la jungle est ainsi due à une forme de contagion, de contamination, à un renoncement, à un dégoût : là encore, à travers l’abstention se révèle la disparition progressive du contrat social.
Dans la mesure où l’État n’est plus le fruit d’un consensus, mais l’aboutissement d’un processus de spoliation du peuple citoyen, les gouvernants actuels, produits de ce qu’Eduardo Galeano appelle si justement la démocrature, n’ont en fait plus aucune légitimité démocratique.


PREMIÈRE À GAUCHE : LA POLITIQUE AU SERVICE DE LA MORALE
Il est donc grand temps que nous repartions de zéro, en posant à nouveau clairement les principes qui nous animent et les conséquences qu’entraîne leur mise en œuvre. Aucune action dite de gauche n’a actuellement la moindre chance de réussir, parce qu’il n’y a plus de repères moraux crédibles pour la légitimer. On ne peut pas, comme par exemple DSK, servir l’économie financière globalisée tout en se réclamant d’une morale qui non seulement lui est totalement étrangère, mais qu’elle s’acharne à détruire parce qu’elle y voit le dernier obstacle à son hégémonie.
Quand elles perdent leur colonne vertébrale morale et ne reposent plus que sur leur chair politique, les sociétés finissent par s’effondrer d’elles-mêmes.
Les partis politiques aussi. Voyez le PS…
Quant à l’UMP, aucun risque de voir s’effondrer ce qui n’existe pas : ce n’est pas un parti politique, mais une simple machine électorale, l’exemple type du détournement à des fins d’accaparement du pouvoir des institutions censées assurer la vie de la démocratie.
En fin de compte, l’opposition entre la gauche et la droite n’est pas pour moi entre les partis qui se réclament de l’une ou de l’autre. Elle se résume à une formule toute simple : ou l’on tient pour la morale et ses difficultés, et l’on est de gauche, ou l’on préfère la loi de la jungle et son simplisme destructeur, et l’on est de droite. Ce n’est pas une question d’étiquette, ni d’appartenance, c’est un choix de vie.

vendredi 7 décembre 2018

BENALLA À LA RESCOUSSE !

Qui sont les « factieux » ?

Qui sont les « putschistes » ?

Ce gouvernement choisit la violence après avoir raté le pourrissement.

Il en portera l’entière responsabilité devant l’Histoire.

C’est pour lui éviter ce déshonneur qui porterait le comble à sa désastreuse Marche vers le Chaos que j’en appelle au Président dans la lettre ouverte que voici.

Le 7 décembre 2018

BENALLA À LA RESCOUSSE !

LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DE LA RIPOUBLIQUE



Monsieur le Président,

vous n’êtes pas mon président.

Je ne suis pas allé voter, je n’avais pas le choix.

Choisir entre un pire et un autre pire qu’on tente de maquiller pour le présenter comme moins pire, ce n’est pas choisir.

C’est se soumettre au type de manipulations perverses et de tours de passe-passe par lesquelles se fondent contre les peuples les démocratures.

Le résultat, nous l’avons sous les yeux, même si vous refusez encore de le voir.

Demain, samedi 8 décembre, vous tenterez plus que jamais de faire de la Police et de la Gendarmerie votre Garde prétorienne.

Comme vous tentez de privatiser tout le reste, vous tentez depuis un an et demi de privatiser à votre profit et à celui de vos amis les forces de l’ordre, ce qui revient à en faire les forces du désordre.

De ce détournement criminel, à mes yeux la pire de toutes les fautes que vous avez selon moi commises contre notre pays, vous porterez la responsabilité, non seulement devant l’Histoire, mais devant un peuple qui à juste titre ne reconnaît plus aucune légitimité à l’apprenti sorcier que vous êtes.

Alors, pour aller jusqu’au bout de l’ignominie, pour lever définitivement le masque sur la violence inouïe dont, plus encore que vos indignes prédécesseurs, vous êtes porteur, je vous suggère de rappeler au service de la Transe (la France n’a que faire de tels serviteurs) le meilleur de vos gardes du corps, le plus honnête, le plus franc, le plus courageux, car il faut du courage pour cogner sur des gens sans défense, en bref le plus « cash », comme on dit dans votre monde vérolé, celui de la finance folle.

Rappelez l’héroïque Benalla, mettez-le à la place de ce brave Castaner, qui n’a de poil qu’au menton, rendez cet excellent maire à l’amour inconditionnel de ses administrés de Forcalquier, pour qui il est une mère depuis tant d’années.

En ce moment où s’effondre votre belle stratégie de Tartuffe politique, vous avez besoin, Monsieur le Président, de quelqu’un qui ait du poil aux pattes, qui n’ait pas peur de se salir les mains, qui soit rompu aux basses besognes, et prêt à défendre, sinon la République, du moins la personne qui achève d’en faire une Ripoublique.

Cet individu et quelques équipiers, choisis avec autant de sagacité, seront bien plus à même qu’une Police et une Gendarmerie parfois saisies de scrupules, voire d’une empathie déplacée, de réprimer la violence effroyable des Gilets Jaunes avant même qu’elle ait pu commencer à se manifester, ce qui est certainement à vos yeux comme à ceux de vos semblables le comble du bon gouvernement.

La meilleure défense, c’est l’offensive ! Mettre des élèves à genoux les mains sur la tête, ou mieux, menottés, voilà qui les calmera, voilà qui leur donnera une haute idée de la police et de votre conception du dialogue. Ça rappellera de très mauvais et gênants souvenirs, mais bon, dans le contexte, dans l’urgence, on ne peut pas toujours être « moderne », et le retour aux châtiments corporels, à l’humiliation, juste après l’avoir interdit par la loi, ça fait quand même plaisir, surtout quand on est train de se prendre la fessée qu’on a amplement méritée. La vengeance est un plat qui se mange froid, mais on ne crache pas dessus quand il est chaud.

Avec Benalla, vous aurez à l’œuvre ce qui se fait de mieux en matière de police expéditive : les opposants, on va les tuer pour leur apprendre à vivre !

Vous pouvez lui faire confiance, à votre Matamore : il n’existe que par vous.

Il n’est pas sûr qu’il en aille de même pour les policiers et les gendarmes, qui ne sont pas tous des amoureux de la castagne, prêts à s’acharner à 7 ou 8 sur des retraités qui commettaient ce crime monstrueux de marcher (comme vous nous l’aviez si instamment demandé lors des élections) pour tenter de changer, au moins un peu, le monde, votre monde, dont par vos soins ils sont de plus en plus exclus.

Les policiers et les gendarmes aussi sont des fonctionnaires et ont à souffrir de vos délires macroéconomiques, c’est leur retraite à laquelle vous voulez vous attaquer, ce sont aussi leurs enfants que vous faites parquer comme des terroristes, comme du bétail rassemblé pour l’abattoir par des brutes en uniforme qui n’ont rien à faire dans les forces de l’ordre.

Policiers et gendarmes voudront-ils longtemps vous suivre dans cette répression démesurée et devenir de fait, bien plus que quelques casseurs irresponsables et quelques pillards opportunistes, des « factieux », des « putschistes », en se faisant contre la République et la démocratie les serviteurs d’un système oligarchique à bout de souffle et qui les broie dans le moment même où ils cassent du casseur – et surtout des citoyens ?

Pas de doute, Monsieur le Président, Benalla est l’homme de la situation. De votre situation…

Allez, osez être disruptif, ça aurait de la gueule, un Benalla Ministre des Tas, Sinistre de l’Intérieur !

En post-scriptum, je joins à votre intention et à celle de mes lecteurs un superbe décryptage de la langue de bois que vous pratiquez avec une lassante et peu fructueuse obstination.
Nous savons désormais qui vous êtes et ce que vous voulez, épargnez-nous vos beaux discours hypocrites.
La vérité de votre régime, la voilà :
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/12/06/mantes-la-jolie-des-images-choquantes-de-lyceens-interpelles-par-la-police_5393757_1653578.html


IGNOMINIE ET DUPLICITÉ DE LA NOVLANGUE MACRONISTE

Voir en ligne : https://blogs.mediapart.fr/patrick-...