LES GILETS JAUNES, UNE LUEUR DANS LA NUIT ?
À l’aube du Nouvel An, un vœu qui ne restera pas pieux, espérons-le !
Par Alain Sagault, dimanche 30 décembre 2018 à 15:51 :: LE GLOBE DE L’HOMME MOYEN ::#10837
« Il est possible de cheminer seul. Mais le bon voyageur sait que le grand voyage est celui de la vie, et qu’il suppose des compagnons.
Compagnon : étymologiquement, c’est celui qui mange le même pain. Heureux qui se sent éternellement en voyage et qui voit dans tout prochain un compagnon désiré...
Le bon voyageur se préoccupe de ses compagnons découragés, las... Il devine le moment où ils en viennent à désespérer. Il les prend où il les trouve. Il les écoute. Avec intelligence et délicatesse, et surtout avec amour, il leur fait reprendre courage et retrouver goût au voyage. »
Dom Helder Camara
Ce que j’ai vécu sur notre rond-point et ce que ça me dit
Ce que je vais livrer ici est un ressenti personnel. Je ne témoigne que de ce que j’ai vu et vécu, et ce témoignage est donc subjectif – comme tous les témoignages, et comme toutes les opinions, n’en déplaise aux amateurs « d’objectivité », il n’est pas inutile de le rappeler au passage.
Subjectif, ce témoignage paraîtra peut-être « naïf », il me semble pourtant correspondre à une évolution si essentielle qu’elle pourrait bien entraîner une authentique révolution. Évolution qui me semble liée à « une prise de conscience inconsciente » : l’inconscient collectif de notre espèce perçoit le désastre en cours et y réagit, mettant peu à peu en mouvement des fragments de plus en plus importants de la population.
J’ai passé du temps depuis trois semaines en compagnie d’autres Gilets Jaunes sur un rond-point situé à l’entrée de Barcelonnette, petite sous-préfecture des Alpes de Haute-Provence.
En tout premier lieu, et quel soulagement ce fut, j’ai eu le sentiment très fort d’avoir enfin affaire à des êtres humains et non aux brutes déshumanisées qui prétendent nous représenter et nous gouverner et que j’entends à longueur d’émission sur France-Inter et France-Culture étaler depuis des années leur langue de bois mensongère qui déguise la violence de leur politique sous les éléments de langage prémâchés par leurs maîtres.
À la fois Tartuffes et zombies, plus que jamais auparavant, ceux qui « réussissent » m’ont paru bien médiocres, comparés à ceux qui ne sont rien…
Cette coupure entre le peuple et de prétendues élites réunissant en une véritable mafia d’authentiques prédateurs cooptés pour leur cynisme et leur avidité, elle vient de loin, comme me semblent le montrer les impressions que j’avais à l’époque retirées de ma participation au mouvement de mai 68, à la Sorbonne et dans la rue, comparées aux impressions que j’ai ressenties sur notre rond-point et dans nos réunions, y compris avec certains élus attentifs.
Comparées aussi à celles que me donne toujours davantage depuis plus de 40 ans le petit monde politico-économico-financier qui a remplacé le souci de l’intérêt général et le service de la nation par l’absolue primauté des intérêts particuliers d’une infime minorité, la recherche du profit à n’importe quel prix, le tout à l’aide d’une corruption si généralisée et si profonde qu’elle est devenue inconsciente.
Pour ce que j’en constate et crois en comprendre à l’heure qu’il est, la révolte de mai 68 et celle des Gilets Jaunes n’ont rien en commun. Il s’agit de deux mouvements totalement différents, tant dans leurs motivations que dans leurs méthodes et dans les actions entreprises, et probablement aussi dans leurs conséquences.
De même, le mouvement des Gilets Jaunes est par nature radicalement étranger à la vision du monde autoritaire du système oligarchique dont l’emprise de plus en plus féroce sur l’humanité suscite désormais des révoltes toujours plus violentes des populations qui subissent peu à peu un esclavage de fait, et se voient dépossédées de la moindre possibilité d’avoir une influence sur leur destin.
La différence de nature est profonde, et elle est vitale. Je tente d’en faire une première approche, à compléter, à préciser et à fonder, en exposant ci-dessous la perception que j’en ai.
Encore une fois, il ne s’agit pas d’un travail de sociologue, mais des intuitions personnelles d’un militant !
Aux ronds-points :
Des adultes, dont de nombreux retraités, la plupart sans idéologie, plus ou moins « apolitiques ».
Grande variété des origines, des âges et des choix de vie, mais accord sur l’essentiel, tolérance, solidarité, partages, échanges sans violence.
Pas de leaders, une parfaite et évidente égalité et une naturelle répartition des tâches.
Une réelle maturité d’ensemble. Sincérité et honnêteté. Simplicité. Pas de jugement, de la coopération. Respect réciproque.
Ces êtres humains veulent vivre en paix. Et en sont probablement capables, parce que de bonne volonté.
Paradoxe apparent, ils sont très unis parce que très variés. Il s’agit d’un collectif non prémédité, animé par l’intérêt général de ses membres, et qui aspire à en rejoindre d’autres animés des mêmes intentions.
Sur les barricades, dans les AG :
De jeunes étudiants immatures, très politisés, souvent fanatiques.
Enfermés sur eux-mêmes, méprisants, incapables de dialogue, perroquets ayant tous à quelques nuances près le même discours formaté, profondément désunis par leur recherche effrénée du pouvoir.
Car leur soumission à une idéologie extérieure apparaîtra vite pour ce qu’elle était, le vecteur d’une quête individualiste de pouvoir : la plupart des leaders autoproclamés de mai 68 resteront des fanatiques mais en changeant de doctrine. Convertis au profit et au paraître, les « leaders » du mouvement étudiant deviendront tout naturellement soit les garants « de gauche » d’une social-démocratie dévoyée, soit les jeunes loups libéraux-nazis qui mettront le pays en coupe réglée à partir des années 1990.
Nouveau paradoxe apparent, ils étaient très désunis parce que très semblables. Leur collectivisme affiché, en fait un corporatisme déguisé, était la courte échelle de leur féroce individualisme tout entier dévoué au service de leur intérêt particulier…
Comportement et discours du pouvoir oligarchique politico-économico-financier :
Des « adultes » immatures, adolescents attardés et manipulateurs dont l’absence d’empathie confine à l’autisme. Hypocrisie permanente (ils parlent de bienveillance mais méprisent systématiquement autrui), indûment nommée pensée complexe, en vérité enfumage consistant à faire constamment l’exact contraire de ce qu’on dit.
Idéologues bornés et fanatiques, d’une étonnante rigidité d’esprit, avec une conception autoritaire du pouvoir, une recherche permanente de la verticalité, une mise en compétition systématique, une exaspérante infantilisation du citoyen (généralement nommée « pédagogie »), notamment à l’aide d’un recours généralisé à une « évaluation » dévalorisante.
Perpétuellement en guerre entre eux (ils sont divisés justement parce qu’ils se ressemblent, il n’y a pas de place pour tout le monde quand il y a trop de clones), ils sont aussi solidaires en tant que classe pour faire une guerre impitoyable à tout ce qui ne leur est pas soumis. Ces individualistes invétérés pratiquent sur une grande échelle les renvois d’ascenseur et leur fonctionnement de type mafieux s’apparente au comportement du milieu du grand banditisme dont ils partagent l’absolu mépris des « caves », de « ceux qui ne sont rien ». En témoignent leur arrogance, leur froide inhumanité et… leur impunité cyniquement assumée, voir l’affaire Benalla…
On comprend mieux dès lors ce que je crois être les mobiles profonds du mouvement des Gilets Jaunes.
Le système actuel de pouvoir, fondé sur la mainmise d’une infime minorité grâce au règne absolu de l’argent et à la recherche concomitante du profit à n’importe quel prix, est de fait en guerre civile contre la majeure partie de l’humanité, désireuse d’une paix sociale qui ne peut exister que dans le partage et la solidarité.
Ce qui se joue à mon sens avec la révolte citoyenne des Gilets Jaunes, c’est donc le rejet d’un monde autodestructeur imposé par une minorité droguée à la compétition et au profit en faveur d’une civilisation qui mériterait ce nom en vivant selon les valeurs opposées, et seules porteuses d’avenir pour l’humanité, de coopération et de gratuité.
En complément, je vous propose cet entretien intéressant et instructif avec Philippe Pascot sur Sud-Radio :
« Monsieur Macron est un menteur »
https://www.youtube.com/watch?v=fgYYGuerTAg&feature=youtu.be
Et ces cinq documents :
Lettre ouverte à Mesdames et Messieurs les élus actuels, par les Gilets Jaunes de la Vallée de l’Ubaye
Lettre ouverte à l’intention de tous, par les Gilets Jaunes de la Vallée de l’Ubaye
Alain Supiot décrypte la politique ultra-libérale culminant avec Macron
Pourquoi la colère sociale n’est pas près de s’apaiser, par Laurent Mauduit
Pablo Servigne : « Il est possible que nos sociétés se dégradent beaucoup plus rapidement que les anciennes civilisations »
Commentaires
Une amie m’envoie ce commentaire qui à juste titre nuance mon approche de mai 68, sans pour autant me faire changer globalement d’avis par rapport au contexte qui est le nôtre :
Que dire, je ressens beaucoup de ce que tu écris là.
Je n’ai aucune expérience de 68, je n’en connais que ce que j’en ai lu et que ce que mes amis qui l’ont vécu m’en ont transmis ... Je pense que 68 a vu la naissance de changements malgré tout. Et puis il y avait peut être la quête de légèreté, des carcans à faire sauter.... les mêmes abrutis dangereux aussi...
En ce qui concerne les prédateurs avides de pouvoir, ils y étaient et sont semble t-il éternels ainsi que leurs cortèges de méthodes de manipulation.
Aucune violence ne sera épargnée pourvu qu’elle soit au service du profit personnel.
Ils ont été formatés pour cela, programmés par leur caste pour leur caste, dans nos écoles en plus !
Ce qui change là, dans ce mouvement et je te rejoins je crois, c’est le caractère ultime du combat qu’il nous faut mener. Plus le temps de procrastiner, l’idée que la planète et ce monde comme il ne va plus, court à sa perte.
Ça c’est nouveau, on s’en serait bien passé, on aimerait avoir plus de temps, ... on en revient pas des dégâts ...
Du coup, le positif c’est qu’il va falloir inventer... créer, trouver de nouvelles armes, d’emblée je pense à la culture et à l’art.... et à nos frangins humains...
je crois à la grande créativité de chacun et au pouvoir de cette richesse infinie que nous savons et saurons partager.
Alors, oui oui oui ! ce texte fait le tourner sur la galaxie entière !!! et merci encore de nous offrir tes mots qui nous aident à construire, à reconstruire, à réparer, à nous projeter, à s’interroger .... en voilà un outil épatant !!!
Bel article, fort pertinent. il confirme l’intuition que j’ai de l’importance de ce mouvement spontané. J’ai fait largement circuler, et les échos sont è la mesure des espérances, preuve que la pensée n’est pas morte, elle était juste assoupie.. Oui, une lueur dans la nuit ! Si "l’éclair illumine toutes choses" (Parménide} ; la lueur suffira-t-elle à dissiper un peu les ténèbres. Je pense qu’il y a de l’éclair en elle.
A propos de mai 68, voici un texte un peu ancien. Il me semble toujours convenable.
Mai 68 fut un temps d’une intensité rare, un temps de découverte, une véritable renaissance. J’avais alors largement passé l’âge d’être étudiant, le poids du pouvoir gaullien entretenait toutefois chez moi une opposition latente aux manœuvres de la politique. J’enrageais de n’être pas à Paris et de vivre les événements surtout par procuration. Un vent de liberté, de création et d’intelligence soufflait tout à coup. J’étais passionné. Daniel Cohn-Bendit était l’emblème d’une audace irrévérencieuse qui me ravissait, le voir tenir tête aux représentants du pouvoir, les ridiculiser, rouler dans la farine le pitoyable Pierre Charpy, journaliste aux ordres, me réjouissait. Il osait et réussissait ce que je désirais depuis si longtemps. Le système gaulliste semblait aux abois, peut-être le moment approchait-il où nous verrions enfin disparaître le Général et sa clique, « dix ans ça suffit ! » Alors que la France laborieuse vibrait et se mobilisait à l’unisson, la C.G.T. jouait une partie solitaire, elle achevait de se discréditer avec son minable secrétaire général, Georges Séguy, tout comme le Parti Communiste faisant tout pour freiner le mouvement ainsi que le Parti Socialiste aux basques duquel pesait si fort son rôle pendant la guerre d’Algérie. La parole s’est mise à circuler, les slogans picoraient les esprits réveillés, les gens se parlaient, s’interpellaient, osaient des propos joyeux et un peu fous, les statuts établis s’effritaient, devenus soudain défroques ridicules, un ordre social différent s’amorçait par le biais de relations dénuées de préjugés, une surprenante intelligence politique largement partagée émergeait, un irrespect créateur s’installait. L’art fusionnait avec le politique, l’Ecole des Beaux Arts de Paris était devenue un atelier de production d’affiches et de dessins militants, Jean-Louis Barrault s’était associé à l’occupation du théâtre de l’Odéon dont il était le directeur, ce qui lui vaudra les foudres d’André Malraux, Ministre de la Culture dépassé par l’événement. Plus rien ne fonctionnait, mai 68 appartient autant au monde du travail qu’aux étudiants. C’était un peu la fête, comme un retour à un ordre beaucoup plus naturel. Il devenait possible de s’autoriser à rêver. Des assemblées citoyennes germaient ça et là, c’est ainsi qu’avide d’action j’ai animé des réunions dans la Mairie du petit village où je résidais en Haute-Normandie. Moments de bonheur, moments d’exaltation, utopies porteuses de vie.
Tout pouvait être remis en question, une page semblait se tourner pour aborder une société libérée, inventive et grosse d’espoir. Quelque chose me rappelait la Libération ; il s’agissait d’une libération personnelle, les voies immuables, figées devenaient franchissables, la transgression possible, les culs de sac de la conformité révélaient une issue dérobée, ce mouvement collectif mais nullement massificateur, refusant toute compromission avec les institutions établies, m’a conforté dans la conviction que chacun doit d’abord être responsable de soi-même sans attendre l’apport de tiers décideurs. L’un des slogans d’alors, « un bon maître on en aura un lorsque chacun sera le sien », illustrait parfaitement cette idée. La contestation des allant de soi sociaux, culturels et politiques renforçait à la fois mon individualisme et mon sentiment d’une participation joyeuse à un collectif fondateur. Mai 68 brilla comme un soleil généreux. Ce fut avant tout une expérience partagée qui permit à un grand nombre de connaître une concordance entre le dire et le faire.
Le Parti Socialiste Unifié (P.S.U.) dirigé par le jeune et fringant Michel Rocard en liaison avec Pierre Mendès-France, m’attirait par sa capacité de réflexion, ses exigences de clarification et son intransigeance. Alors que nous collions des affiches dans un village des alentours un voisin ami et moi nous fûmes pris en chasse une nuit et nous ne dûmes notre salut qu’à la cachette que nous avons trouvée dans la cour de l’école communale, tous feux éteints. Je me suis beaucoup dépensé pour participer au combat contre de Gaulle et contribuer à ma modeste échelle à sa mise en échec lors du référendum du 28 avril 1969, moins d’un an après sa triomphale reprise en main des affaires de l’Etat. Grande fut ma déception d’apprendre que des amis très proches avaient participé au défilé des Champs-Élysées appuyant le retour aux affaires du Général. A coup sûr une chape a sauté, même si la désillusion de la perpétuation du pouvoir gaulliste fut considérable. Les résonances de Mai 68, vite dénaturées, se firent longuement entendre. Après, les relations interpersonnelles ne furent plus les mêmes, une aisance nouvelle s’était installée et demeure (très partiellement) aujourd’hui encore, les rigidités hiérarchiques avaient sauté, le ridicule des situations établies apparaissait au plein jour. Détail non négligeable, témoignage d’une revendication d’égalité entre les personnes, le tutoiement entre interlocuteurs se connaissant à peine est devenu depuis plus fréquent et beaucoup plus aisé qu’auparavant. C’est à partir de là que ma pratique professionnelle connut un tournant décisif. Je me suis alors totalement investi dans des actions de formation destinées aux adultes (relations à autrui, expression de soi, techniques de créativité). L’individu retrouvait toute sa valeur, toute sa puissance novatrice. Il faut hélas reconnaître que trente-cinq ans après le reflux est à peu près total. Cynisme, mépris, autoritarisme, non droit et impunité provocante pour les tenants d’un pouvoir quelconque sont devenus la règle. Toute contestation, toute révolte, toute expression contraire s’apparentent à des non événements dont il n’y a pas lieu de tenir compte. Le gouvernement actuel excelle dans cet autisme comme dans le ridicule puisqu’il va même jusqu‘à prôner l’impossible déni.
Mai 68 ne se reproduira pas à l’identique, bien sûr, l’ardeur continue néanmoins à couver çà et là sous les cendres.
De nombreuses années plus tard j’ai rencontré Daniel Cohn-Bendit dans le cadre de la préparation d’élections européennes. Le Pays d’Apt où j’habitais alors était fortement perturbé par des exercices de l’armée de l’air basée à Salon-de-Provence, de même qu’il était en proie à des affrontements avec la municipalité socialiste ultra conservatrice et timorée concernant le réemploi des installations de la base de missiles du plateau d’Albion récemment désaffectée ; nous étions quelques uns à souhaiter la voir transformée en un centre d’activités universitaires et culturelles, tandis que le Maire d’Apt, crispé, en panne d’imagination n’espérait que le remplacement des militaires de l’Armée de l’Air par d’autres militaires, ce qu’il obtint avec l’arrivée de la Légion… Une association de sauvegarde s’était constituée dans le droit fil de nos souvenirs militants. Nous sommes allés quelques-uns en délégation à Marseille pour rencontrer celui qui était devenu une figure marquante de l’écologie européenne et qui patronnait la liste des « Verts » français. La vivacité de son intelligence et sa clarté d’esprit étaient surprenantes. Il a tout de suite compris les enjeux et nous a assurés de sa venue prochaine sur place pour soutenir les propositions que nous avions élaborées, ce qu’il fit. La municipalité socialiste en place à Apt ne décolérait pas, elle a réussi à disqualifier une entreprise qui bousculait sa torpeur.
Depuis, les positions prises par Cohn-Bendit sont devenues de plus en plus discutables et, aujourd’hui, il s’affiche comme un politicien parmi les autres, prêt à des alliances opportunistes. Cela était inscrit, nous aurions dû en tenir compte, dans le titre du livre qu’il a publié en 1986 « Nous l’avons tant aimée, la révolution » où l’emploi du passé est tristement révélateur. Les autres dirigeants étudiants du mouvement de mai 68, Jacques Sauvageot, Alain Geismar et leurs compères, sont rentrés dans le rang depuis lurette. Ils ont fait carrière dans l’Education Nationale, dans le conformisme littéraire, dans la politique, le journalisme ou « l’humanitaire ».
Cela étant, rien ni personne ne pourront faire que le souffle vivifiant de Mai 68 n’ait jamais existé. Si l’événement est passé, s’il appartient à l’histoire, ses traces demeurent inarrachables. Elles brillent comme un soleil noir.
Jean Klépal - 2003
Merci de ce texte qui complète utilement le peu que je dis ici de mai 68, dont je n’ai voulu aborder, dans le contexte de cet article, que le côté antipathique qui n’a pas été pour rien dans le piteux échec de ce mouvement dont avec beaucoup d’autres j’attendais initialement beaucoup.
Au fil de mes lectures j’ai beaucoup apprécié les écrits d’Alain Sagault valant témoignage d’un acteur
observateur présent sur de vrais rond-point, un auteur livrant des analyses vraies, vécues, entendues, sincères.
Je partage grandement ses analyses. Modestement je me réjouis de ce mouvement, depuis si longtemps avec Jean Klépal nous constations l’absence de réactions à tout ce qui se passe autour de nous. Pour ne citer que les pires pour moi : la folie des grands mouvements d’argent qui nous
soumettent au jour le jour, aux puissances boursières qui décident de l’économie mondiale de minutes en minutes au gré de petites phrases de ceux qui prétendent nous diriger ; les écarts toujours grandissants entre ceux qui possèdent et ceux qui ont de moins en moins pour seulement survivre. Par une expérience proche du gouvernement dans les années 95 -96 auprès des plus démunis, les sans-abris, j’ai retenu les énormes attentes et désespérances de ceux qui je suivais au travers des associations, j’ai vécu la mise en œuvre d’aides très positives pour en accompagner un grand nombre dans leurs efforts à en sortir...et rapidement l’oubli des gouvernants des méthodes et moyens appris...pour passer à de soi-disant autres priorités. 25 ans après leurs situations ont empiré et leur nombre explosé.
Enfin en effet peut-on espérer l’émergence d’une réaction d’un grand nombre de citoyens hors toutes dépendances pour dire ASSEZ !