CANCER NÉO-LIBÉRAL ET SERVITUDE VOLONTAIRE...
Par Alain Sagault, mardi 7 mars 2017 à 16:09 :: LE GLOBE DE L’HOMME MOYEN ::#10785
Baie de Wissant, 22 décembre 2016
CANCER NÉO-LIBÉRAL ET SERVITUDE VOLONTAIRE
Il n’y a pas de différence de fond entre les entrepreneurs néo-libéraux, la race des seigneurs nazis et la nomenklatura communiste soviétique. Les mêmes « valeurs » sont à l’œuvre dans leur élitisme aussi féroce qu’injustifié, le même cynisme et les mêmes comportements de prédation et d’accaparement.
Ceux que j’appelle les libéraux-nazis ont simplement remplacé la propagande par la communication, se sont avancés masqués un peu plus longtemps. Mais ils vont aussi loin que leurs prédécesseurs dans l’exploitation de l’homme par l’homme. Et ils manquent tellement de mesure et de bon sens dans leur comportement qu’on peut se demander si leur fuite en avant ne révèle pas le désespoir fondamental qui habite tout homme de pouvoir et de profit, tout esclave du veau d’or.
Comme les nazis et les staliniens, les néo-libéraux n’ont en fin de compte qu’un but, qu’une visée : exercer un pouvoir de plus en plus absolu dans tous les domaines. En ce sens, ils sont aussi fondamentalement nuisibles qu’eux, leur ambition n’étant pas seulement illégitime et destructrice, mais littéralement contre nature – comme le prouve le saccage programmé de notre environnement.
Rendre la vie à peu près impossible à 99% des humains pour enrichir le 1% restant, voilà l’idéal du néo-libéralisme : la liberté totale d’une minorité ne peut se construire que sur le total esclavage de la majorité.
La réussite des néo-libéraux, ç’a été, grâce à la communication (Le Lay et Gœbbels, même combat) et avec l’aide intéressée d’une prétendue science économique qui cache sous des oripeaux pseudo-mathématiques l’idéologie la plus grossière et la plus sommaire, d’imposer leur dictature sans trop passer par la violence physique, le militarisme et les « forces de l’ordre », du moins dans les débuts et dans les pays de tradition démocratique, le caractère ultra violent des libéraux-nazis apparaissant en revanche très tôt au grand jour dans le traitement réservé aux pays pauvres.
Consommation et communication ont ainsi permis d’obtenir que les citoyens, renonçant à la démocratie, se mettent pratiquement d’eux-mêmes dans l’état de servitude volontaire si justement dénoncé il y a déjà bien longtemps par La Boétie.
Comme tous les régimes d’essence fasciste, au-delà des grands mots et des théories fumeuses censées masquer la réalité crue de la recherche du pouvoir et du profit, les régimes néo-libéraux fonctionnent sur un système oligarchique de type mafieux mis en place par des élites auto-proclamées. Il y a déjà un bon moment que les états occidentaux ne sont plus que des caricatures de démocraties qui virent peu à peu au régime autoritaire et policier sans lequel la prédation libérale-nazie ne pourrait se maintenir au-delà d’un certain seuil. Voyez la dérive de ce dangereux pantin qu’est Fillon…
En effet, le problème des néo-libéraux (revers de cette insatiable avidité qui fait leur force et qui est particulièrement visible dans la progression géométrique de la corruption, des paradis fiscaux et des rémunérations des grands de ce monde), c’est qu’ils ne savent pas s’arrêter à temps, c’est à dire au moment où l’oppression, ne menaçant pas encore la survie des opprimés, demeure « acceptable », « gérable », pour parler comme eux.
Comme Hitler voulait toujours plus d’espace vital, comme Staline voulait toujours mieux contrôler l’état et la population, les fous de pouvoir et de profit en veulent toujours plus. Jusqu’à la caricature : rémunérations démentes, profits insensés, escroqueries colossales, domaines immenses (voir par exemple l’accaparement de la Patagonie par ces nouveaux riches), prise de possession des grandes villes par la spoliation des couches populaires (Paris, Venise sont de bons exemples de ces nettoyages par le vide), bref privatisation progressive du patrimoine commun de l’humanité. C’est Goering razziant les musées européens, c’est le régime nazi dépouillant les juifs.
Si bien que tôt ou tard, quand la cruauté du système se fait jour à travers son discours lénifiant, les libéraux-nazis sont contraints de passer à la version dure – que d’ailleurs beaucoup d’entre eux appellent de leurs vœux (lié à leur incapacité à aimer, le sadisme plus ou moins policé de la plupart des hommes de pouvoir et de profit transparaît régulièrement dans leurs relations à autrui comme dans leur discours).
Répression, état policier, obsession sécuritaire, contrôle de la population, terrorisme et contre-terrorisme, tous les ingrédients de la mise en place du régime dictatorial-libéral sont peu à peu mis en œuvre. Mais il est clair qu’en dépit de ses efforts désespérés le néo-libéralisme finira par s’autodétruire d’une façon ou d’une autre : il est dans sa nature d’être contre nature, l’idéologie libérale n’est pas viable et la vie la fera disparaître tôt ou tard.
Comme tous les systèmes d’exploitation de l’homme par l’homme, le libéral-nazisme est un cancer. Cette tumeur parasitaire finit par détruire l’organisme dont elle se nourrit, et la mort de la victime entraîne celle de son bourreau : le cancer meurt de sa victoire même.
Au faîte de sa puissance, le néo-libéralisme est déjà en chute libre et ses tenants le sentent, plus ou moins consciemment – ce qui décuple leur rage de pouvoir et de profit en attisant leur fondamentale insécurité.
Car contrairement à ce qu’ils prétendent, les libéraux-nazis ne sont pas des riscophiles – ou seulement pour les autres ! Les seuls risques qu’ils prennent, ce sont ceux dont ils ne se rendent pas compte. L’idéologie néo-libérale est une idéologie de la peur généralisée, et les ultralibéraux sont l’incarnation même de la trouille, de la peur de vivre, de la lâcheté devant l’autre et de la haine ; ils ont du présent une telle peur panique qu’ils sont prêts à lui sacrifier le passé et l’avenir.
Le problème, c’est que les néo-libéraux nous entraînent avec eux dans leur chaos final, tout comme Hitler a enseveli l’Allemagne avec lui dans son apocalypse, tout comme l’implosion du communisme a détruit la société russe.
Entre ceux qui prophétisent la fin de l’histoire, ceux qui voulaient un Reich de mille ans, et ceux qui annonçaient la lutte finale et les lendemains qui chantent, il y a la naturelle complicité des « idéaux » totalitaires…
Hitler a certes perdu la seconde guerre mondiale. Mais il est en train de gagner la troisième. Il ne trouverait rien à redire au faux darwinisme néo-libéral qui érige la force en droit et le pouvoir et le profit en raisons de vivre : une telle idéologie mène en toute logique à la consécration d’une race de seigneurs exploitant les faibles et liquidant les déviants.
Sida, guerres civiles et génocides constituent ainsi le début d’une solution finale du problème africain. Dérégulation et délocalisation sont l’amorce d’une solution finale du problème de l’emploi ; et les OGM, prévus pour asservir les paysans aux semenciers, sont essentiellement le début d’une solution finale au problème de l’auto-suffisance…
Liquider tout ce qui fait obstacle à sa mégalomanie, tel est le vrai programme du néo-libéralisme. C’est pourquoi, allant au bout des logiques totalitaires nazie et soviétique, le cancer néo-libéral ne détruit pas seulement l’humanité, mais la nature et met en péril la planète entière.
Parce que, pour la première fois dans l’Histoire, l’homme de pouvoir, ce raté de l’évolution, est en mesure de réaliser ses rêves et de concrétiser sa démence, l’humanité est en danger de mort.
Nous ne sommes pas assez nombreux à être convaincus que l’humanité doit muter ou disparaître. Muter pour mûrir, ou s’entêter pour mourir, je l’écrivais déjà il y a plus de trente ans, Cassandre parmi d’autres.
Rien n’a changé. Ce n’est pas par hasard.
Il faut reconnaître que si les hommes de pouvoir sont encore au pouvoir, c’est parce qu’au fond de nous, nous les acceptons. Nous nous sentons plus ou moins solidaires de nos bourreaux, ils sont un peu nos héros, ceux qui se permettent ce que nous n’osons pas nous autoriser. Tout comme les allemands se sont plus ou moins consciemment sentis solidaires d’Hitler, tout comme beaucoup de russes se sont sentis solidaires de Staline, nous sommes dans notre grande majorité plus ou moins consciemment solidaires de la consommation, de la croissance, du développement, de l’économisme et de la « loi de la jungle » ; nous espérons une petite part du gâteau, ou au moins quelques miettes, nous voulons davantage tirer notre épingle de ce jeu absurde qu’y mettre fin.
C’est notre acceptation des hommes de profit et de pouvoir, ce sont notre résignation à leur idéologie, notre acquiescement à leur existence qui leur donnent un pouvoir qu’ils ne pourraient prendre et encore moins conserver sans notre complicité.
Comme le lapin par le cobra, nous sommes encore presque tous fascinés par ce que j’appelle les trois P, cette Sainte Trinité de l’inhumanité : le paraître, le pouvoir et le profit. Et d’autant plus paralysés que nous croyons sincèrement au quatrième, qui sert de masque aux trois autres : le Progrès.
Tant que l’essentiel des motivations humaines se résumera aux trois P, tant que nous accepterons que l’être humain puisse ne raisonner et agir qu’en termes de paraître, de pouvoir et de profit, aucun progrès digne de ce nom ne sera possible.
Un complément d’information bien nécessaire peut être trouvé dans ces deux livres : L’intégrisme économique, d’Éric Berr et La silicolonisation du monde, l’irrésistible expansion du libéralisme numérique d’Éric Sadin. Le Figaro a publié un entretien très complet avec l’auteur, et vous en trouverez un autre dans Libération.
Commentaires
Un ami m’écrit ceci :
Je viens de lire à l’occasion d’un vagabondage informatique déraisonnable le papier que tu as confié ce jourd’hui à ton globe.
Incontestable, sérieux, charpenté, rien à dire sur le fond. Toutefois, son austérité janséniste me parait le desservir. Dommage. Comment dire des choses graves sans risquer de tomber dans le lugubre ? Voltaire savait faire.
Je te souhaite une bonne nuit et m’en vais coucher.
J.
Voici ce que je lui réponds :
à vrai dire, beaucoup trouveront mon texte contestable, pas sérieux, loufoque, voire débile. Peu me chaut…
Je n’ai jamais espéré dessiller les aveugles volontaires. Je n’écris pas ce texte pour convaincre, à peine pour prendre date, au fond pour être en quelque sorte en règle avec ma conscience.
C’est dérisoire, mais ce que je crois être ma lucidité m’oblige à témoigner.
Quant à repeindre en rose la réalité actuelle, je n’en ai aucune envie et en serais d’ailleurs incapable.
II y a un temps pour tout, et nous sommes entrés dans un de ces moments où les sarcasmes de Voltaire laissent la place à ce qu’ils annonçaient et préparaient plus ou moins consciemment.
À savoir des Danton, des Robespierre et in fine des Napoléon.
Mon constat n’est certes pas amiable, ni aimable. En dépit de son ridicule et odieux bikini consensuel (Delanoé ce matin sur France-Inter, souple échine jésuitique), l’époque n’est ni amiable, ni aimable.
Elle n’est même pas lugubre, car en bon bourgeois que je suis je reste en dessous de la vérité.
L’époque est sinistre. L’époque est d’une invraisemblable stupidité, d’une criminelle lâcheté. L’humanité s’autodétruit en faisant semblant de danser sur les ruines et de croire à son avenir, mieux à sa future immortalité.
Ce qui me donne encore envie de vivre, outre quelques amis et une famille, c’est ce qui reste d’une nature que nous continuons à détruire.
Ce matin, le soleil est présent. Un ou deux oiseaux rescapés me rappellent un passé qui avait un avenir. La végétation, ma grande amie, bourgeonne.
Les premiers crocus montraient hier le bout de leur nez et s’épanouiront ce midi. Les caresser me rend un instant infiniment joyeux.
Toute cette beauté attend d’un Macron, d’un Fillon ou d’une Le Pen le coup de grâce qu’ailleurs elle reçoit d’un Trump, d’un Poutine, de je ne sais quel apparatchik chinois monté en graine…
Pour dire ce contraste, et qu’à défaut de croire en nous je crois encore en la vie, j’ai mis avant mon texte une photo de la baie de Wissant, fin décembre.
Elle m’évoque « le cœur du ciel pur » dont parlait mon maître d’aïkido, ce cosmos dont nous sommes en dépit de tout partie.
Bonne journée, n’oublions pas de nous lever !
Bonjour.
Je trouve que, dans vos textes, quand vous vous lâchez il y a immédiatement pléthore d’adjectifs. Je trouve que cela alourdit considérablement votre propos.
En tout cas, cela -et vos choix- vous situe ; en tant que dénonciateur, de contempteur. Et malheureusement, cette fois c’est une incontestable immodestie qui se révèle le plus. Prétendûment "Homme moyen" en fait vous présentez une posture de personnage très supérieur. D’homme de pouvoir.
Hélas pour vous, le "coeur du ciel pur" ne se trouve absolument pas dans cette direction, mais dans son opposé exact ! :-)
Bref, vous avez du travail.
Bien à vous.
Devais-je vous répondre ?
Après tout, vous ne débattez pas des analyses bonnes ou mauvaises que je propose, vous procédez à une attaque ad hominem qui ne me gênerait pas, si elle n’était pas commodément anonyme, comme c’est trop souvent le cas sur la Toile.
Mais j’ai pour principe de répondre aux commentaires, dans toute la mesure du possible.
Les adjectifs ralentissent, alourdissent. Sans doute, parfois. Mais aussi ils précisent, caractérisent, donnent la couleur et la chair de la pensée, contribuent donc à l’incarner. Une pensée qui échappe à la matière n’est à mes yeux qu’abstraction, ce pourquoi elle rassasie les gens pressés de juger avant d’avoir réfléchi. Chacun sa malbouffe !
Vous semblez détenir le secret du cœur du ciel pur, je m’incline devant votre science, mais ne vous demanderai pas de me révéler votre secret, car j’ai bien peur que nous ne parlions pas de la même chose. Je cherche, vous avez trouvé, grand bien vous fasse.
Si je comprends bien, quand vous parliez d’immodestie, vous deviez être devant votre miroir…
Car votre commentaire me semble vous présenter beaucoup plus qu’il ne me décrit, et sous un jour assez peu séduisant.
Mais je ne vous reprocherai pas votre immodestie, qui frôle la mégalomanie, parce que je trouve assez suspecte cette notion de modestie et l’usage qu’on en fait.
J’avoue trouver assez comiques les gens qui mettent fièrement en avant la modestie et la portent aux nues !
Mitterand disait un jour à une journaliste : "Pourquoi parlez-vous de modestie ? Ou bien vous avez quelque chose à dire, ou bien vous n’avez rien à dire. Même les pierres sont immodestes."
Et Suarès : « La modestie est dangereuse : elle est souvent une complaisance que l’être avili donne à son avilissement. »
Apparemment, vous n’êtes pas en danger et je m’en réjouis.
Pour ma part, je ne me reconnais qu’un mérite, fort mince, celui de n’avoir pas refusé de voir ce qui il y a déjà plus de trente ans crevait les yeux de quiconque ne jouait pas l’autruche et prenait la peine de s’informer un peu. Je dénonce donc notre aveuglement, tente d’y porter remède comme je peux, et continuerai à le faire de mon mieux.
En ce qui concerne la notion d’homme moyen, qui n’est pas forcément évidente a priori, si vous souhaitez savoir ce que j’entends par là, vous trouverez sur ce blog un texte dans lequel j’ai tenté de la définir, LA CHARTE DE L’HOMME MOYEN, publiée le 11/11/2011.
Je m’en voudrais de résister au plaisir de citer à nouveau ce merveilleux Suarès qui a le rare mérite de nous forcer à réfléchir même quand nous sommes en désaccord avec lui, même quand il dit, à notre avis, des énormités, ce qui arrive parfois. Ce n’est pas le cas en l’occurrence, à mon avis du moins :
"Son humilité" écrit-il à propos du bien oublié Carlyle, "est encore une façon de se faire valoir. Certain excès de modestie est ce qu’il y a de plus immodeste."