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jeudi 24 mai 2018

FAUT-IL SUIVRE LA MODE ?

FAUT-IL SUIVRE LA MODE ?


Qu’il soit clair que je ne m’adresse pas ici aux gens « raisonnables », ceux-là mêmes qui par leur égoïsme, leur hypocrisie et leur lâcheté ont laissé advenir, voire encouragé, le désastre actuel (on peut consulter à ce sujet les articles proposés à la fin de cette chronique). Qu’ils s’informent enfin, qu’ils acceptent enfin de voir la réalité en face, puis qu’ils se regardent dans leur miroir s’ils l’osent encore. Si ces autruches sortent la tête du sable, elles redeviendront peut-être audibles. D’ici là, nous n’avons plus rien à leur dire.

Ernest Renan disait, à la fin de sa conférence Qu’est-ce qu’une Nation ? en 1882, « le moyen d’avoir raison dans l’avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé ».

La mode est à la dictature à peine déguisée d’une poignée de petits cons (je reviendrai très bientôt sur cette appellation tout à fait contrôlée) sans foi ni loi, aussi méprisants qu’incompétents, courroies de transmission d’une dictature financière perverse et inhumaine en voie de rejoindre dans l’ignominie les régimes tyranniques qui ont tant fait pour rendre le XXe siècle immortel dans la mémoire de l’humanité.
C’est donc aujourd’hui un honneur et un devoir d’être démodé.
Une preuve, entre tant d’autres ? Voyez la justice à la mode, celle où l’on va bientôt dessaisir le juge d’instruction indépendant au profit du procureur aux ordres, voyez-la fonctionner :
En France, jugé en comparution immédiate, on peut se retrouver directement en prison un an ou deux pour n’avoir pas payé des billets de train, mais on est dispensé d’y passer fût-ce une journée à condition d’avoir été ministre du Budget tout en fraudant le fisc dans les grandes largeurs et de s’être parjuré devant la représentation nationale après avoir menti comme un arracheur de dents au Président de la République et au gouvernement dont on faisait partie…
Comment nomme-t-on les juges capables de rendre de pareils jugements sans crever de honte ? Comment croire à la justice dans ces conditions ? Quelle légitimité accorder à ces pouvoirs dévoyés ?

Il me semble que le court texte d’André Bellon qui suit, écrit à l’occasion de l’anniversaire d’Emmanuel Macron, résume fort bien l’escroquerie à la « légitimité » par laquelle une minorité de fait s’estime autorisée à gouverner la France en faveur de l’archi minorité du 1% des plus riches.
Pour ma part, il y a longtemps que je ne reconnais plus aucune légitimité à quelque gouvernement que ce soit dans le cadre de la Ve République, et c’est pourquoi depuis le premier tour des dernières présidentielles je ne participe plus à aucun des votes pseudo-démocratiques qu’on me propose d’exprimer en sachant que ce sera en pure perte. Comme nous tous, j’ai mieux à faire.
Pour l’heure, face à la « politique » de l’actuel gouvernement, coup d’état rampant mis en œuvre par une succession ininterrompue de micro-coups d’état menant tout doucement à la dictature, et face aux obstacles mis à toute tentative de grève, si légitime soit-elle, la grève du vote est encore possible.
Massive, son efficacité non-violente serait considérable : elle dirait clairement que la prétendue légitimité des gouvernements actuels, dont on nous rebat sans cesse les oreilles, n’est qu’une farce, les obligeant ainsi soit à se retirer, soit à découvrir leur vrai visage en imposant ouvertement la dictature qu’ils exercent déjà de fait, sous le masque d’élections truquées par la désinformation, la propagande et la corruption, comme le montrent à l’évidence, entre mille autres preuves, la campagne de Macron et les conflits d’intérêt dans lesquels ce président avarié et ses soutiens baignent comme des crocodiles dans un marigot, avec la bénédiction intéressée des puissances financières au service desquelles ils se sont mis sans état d’âme, et dont ils dépendent étroitement.


LA DICTATURE DE LA MINORITÉ
André Bellon



A l’occasion du premier anniversaire de l’élection d’Emmanuel Macron (ah, ce goût pour les commémorations stupides !), on entend se développer en boucle un refrain selon lequel le Président respecte le programme pour lequel il a été élu.
Il n’est pas inutile de rappeler que, si l’actuel titulaire de l’Elysée a bien été constitutionnellement élu, ce n’est pas son programme que les citoyens ont avalisé. Au premier tour, qui caractérise justement le soutien à un programme, Emmanuel Macron a obtenu à peine plus de 18% des inscrits. Le deuxième tour exprimait surtout le refus du Front national, non un appui à un projet et, même dans ce contexte, l’heureux élu n’a pas atteint 44% des inscrits. Prétendre qu’un tel résultat engageait un programme n’est qu’une triste plaisanterie.
Il revient à l’esprit, à l’occasion de ces déclarations, une thèse très à la mode dans les milieux philosophico politiques depuis des décennies. Tocqueville aidant, on nous met en garde quant à une présumée « dictature de la majorité ». Certes, la nécessité de contrepouvoirs ne fait aucun doute, et notre Constitution en manque cruellement, mais l’idée d’une « dictature de la majorité » est plus que douteuse. Imagine-t-on qu’une dictature de la minorité soit préférable ? Et n’est-ce pas le danger qui nous guette ? Car il n’est pas acceptable qu’un pouvoir aussi absolu que celui du Président de la République procède d’une légitimité électorale aussi faible.
La question des institutions est depuis longtemps au cœur de la crise politique et sociale. Elle devient encore plus dramatique lorsqu’un pouvoir aussi faible veut imposer des mesures fort minoritaires, renforcer le pouvoir présidentiel, aussi bien sur le territoire national en écrasant les collectivités locales que dans une vision européenne bien éloignée de la volonté du peuple.
Cette situation engendre des tentatives tout aussi minoritaires, certaines prônant la violence, d’autres contestant les principes mêmes de la souveraineté populaire, du citoyen et de son droit au vote, attaquant l’essence même du suffrage universel. Rien de malheureusement plus logique, ces tentatives condamnables trouvant naissance dans la forme de dictature engendrée par le système.
Une telle situation nous mène à des affrontements graves et des phénomènes de violence de plus en plus manifestes. La solution se trouve dans le retour aux principes fondamentaux de la démocratie, à partir des citoyens, dans les communes comme dans les quartiers. Ce travail permettra la redéfinition d’un contrat social, fondement nécessaire à l’équilibre national comme à la réaffirmation de saines relations internationales. Tel est le sens du processus menant à l’élection d’une Constituante en France qui, loin des solutions clefs en mains de tous les pouvoirs autoproclamés, est la seule solution pacifique, démocratique et rassembleuse aux défis du moment que nous traversons.


P.S. : Au fait, à propos de Venise, et de mon exposition au Musée-Muséum de Gap intitulée VENISE, PRÉSENCE DE L’ABSENCE, il faudrait peut-être la débaptiser et le renommer : VENISE, ABSENCE DE FUTUR :
MSC Croisières, ça ne vous dit rien ?
C’est le numéro 2 mondial de la « croisière » bidon, qui a ses entrées à l’Élysée, puisque le secrétaire général de la Présidence, Alexis Kohler, cousin germain du PDG de cette boîte de merde dont les paquebots, avec d’autres, sont littéralement en train de couler Venise, en a été le directeur financier – encore un conflit d’intérêt particulièrement scandaleux, soit dit en passant.
Naturellement, ces immondes salauds prétendent que leurs HLM de croisière ne font pas de dégâts.
Voyez par vous-même…https://youtu.be/1Qw4wjFppXE
Et vous pourrez trouver aisément de nombreuses autres vidéos tout aussi parlantes !

Ci-dessous, ce sont les articles qui sont parlants !


MACRON, LA RÉPUBLIQUE PRIVATISÉE
MACRON, SOUVERAIN DU "NOUVEAU MONDE"…


cliquer sur l’image, elle en dit long…

MACRONFUCIUS : C’EST LA FAUTE AUX PAUVRES

LA DESTRUCTION DE L’EMPATHIE

ABUS DE POUVOIR, SAISON 2 : DE SARKOZY À MACRON, DE CHARYBDE EN SCYLLA…

MACRON, UNE COLLUSION MANIFESTE ENTRE POUVOIRS PUBLICS ET GRANDS INTÉRÊTS PRIVÉS

PROFITS DU CAC 40 : PRIORITÉ AUX ACTIONNAIRES

MACRON ou LA GLOBALISATION NÉVROTIQUE

FIN DU POLITIQUEMENT CORRECT : TRUMP INSPIRE MACRON DANS SA COMMUNICATION

THIERS ÉTAT ou MACRON DANS SON JUS



LA JUSTICE DÉVOYÉE

LE DANGEREUX RENFORCEMENT DES POUVOIRS DU PARQUET

LE CONSEIL D’ÉTAT ABÎME LES PRINCIPES DE L’ÉGALITÉ ET DE SÉCURITÉ JURIDIQUE

LA VIDÉOSURVEILLANCE EST-ELLE EFFICACE ?

ILLÉGALITÉ DES RADARS EMBARQUÉS PRIVÉS



L’ÉCOLOGIE SACRIFIÉE

POUR LA BIODIVERSITÉ, UN DEMI-DEGRÉ DE RÉCHAUFFEMENT CHANGE TOUT

AGROCARBURANTS, FAUSSE SOLUTION À LA CRISE ÉCOLOGIQUE

SEMER À TOUT VENT, LA VOIE DE JEAN-LUC DANNEYROLLES

PLAN CLIMAT DE NICOLAS HULOT, AVANCÉE ÉCOLOGIQUE OU FAUX-SEMBLANT ?

LA ZAD SAUVÉE PAR LE PLA BIODIVERSITÉ D’HULOT ? CAUSE TOUJOURS…

LOI LITTORAL : LA GRANDE BRADERIE

mardi 8 mai 2018

VENISE, PRÉSENCE DE L’ABSENCE

VENISE, PRÉSENCE DE L’ABSENCE

une exposition d’Alain Sagault
Musée-Muséum départemental des Hautes-Alpes, 6 avenue Foch, 05000 Gap, du 19 mai - 25 août 2018

Vernissage à 18h30 samedi 19 mai 2018
dans le cadre de la Nuit européenne des Musées

Autour d’un leporello des deux rives du Canal Grande réalisé par Stefano Arienti et prêté par le FRAC-PACA, le Musée-Muséum départemental à Gap m’a proposé de partager l’image de Venise peu à peu engendrée au fil des nombreux séjours de travail effectués depuis plus de 35 ans au cœur de cette ville incomparable, séjours relayés sur les Hautes-Alpes par plusieurs résidences artistiques.

Les quatre approches que j’y ai pratiquées sont réunies dans cet espace consacré à Venise :
- dans les vitrines, l’approche de la vie vénitienne, avec quelques témoignages des rencontres qui m’ont permis de développer les trois autres approches.
- l’écriture, avec des enregistrements de quelques-uns des textes que m’ont inspiré Venise et les vénitiens.
- au sol et à l’écran, la symbolique, avec mes recherches sur la présence des arcanes du Tarot à Venise.
- aux murs enfin, l’approche picturale, avec 70 aquarelles choisies évoquant les infinies variations des couleurs de la lumière sans cesse recréées par le perpétuel jeu des éléments dans la lagune.

VENISE, PRÉSENCE DE L’ABSENCE



Voici quelques phrases extraites du texte de présentation que vous trouverez dans le document PDF ci-dessus :

VENISE ET LES TAROTS


Les vénitiens, en vrais réalistes, ont toujours su faire la part de ce qu’une raison rationaliste définit comme l’irrationnel.
Des énergies de l’univers, des formes où elles s’incarnent dans l’imaginaire humain, ils ont tiré une symbolique du quotidien, partout présente dans la ville, dans les monuments mais aussi dans les « sculture erratiche » qui en parsèment les murs.
Dans ce domaine, les tarots ont peut-être influencé Venise, par laquelle ils sont sans doute entrés en Occident. Mais ils ont peut-être plus encore été influencés par Venise. La fixation des images de leurs arcanes intervient plutôt tardivement par rapport à l’édification de la ville.
Quoi qu’il en soit, le Tarot permet de se livrer à une sorte de jeu de piste dans le labyrinthe vénitien, à la découverte des très anciens symboles qui incarnent les énergies qui nous animent. Quand on part à la recherche des Tarots de Venise, on est moins un touriste qu’un voyageur, parce qu’on a un but et un trousseau de clefs. On se lance dans une quête presque aventureuse, où les tirages des arcanes favorisent les événements inattendus, ces rencontres de hasard qui semblent ne rien devoir au hasard…
Cette approche nous permet aussi de découvrir la vision symbolique du monde, fondée sur l’image et la perception analogique, qui est absolument centrale dans la civilisation moyenâgeuse et perdure, plus ou moins occultée – voire occulte – jusqu’au début du 18ème siècle.
Vision qui met en forme la ville, qui en impose le plan et en organise le fonctionnement, et à Venise plus que partout ailleurs, puisqu’à Venise l’esprit ne cesse de se faire chair, et l’abstraction de se concrétiser.
La présence des symboles est constante à Venise. Nécessité intérieure et choix politique, volonté d’imposer une image à autrui, mais aussi à soi-même. Le vénitien raconte sans cesse sa légende, et en même temps se la raconte…
Mais Venise et son Canal Grande ne sont que la partie émergée de la lagune, cette étendue aux limites indiscernables qui mêle si bien les éléments entre eux qu’elle nous fait entrevoir l’infini.

LA LAGUNE ET L’AQUARELLE :
PRESQUE RIEN, POUR PEINDRE LE SILENCE


Car on ne peut séparer Venise de sa lagune, il n’existe pas de Venise hors d’eau.
Sa matrice, son berceau, sa nourrice et son écrin : la lagune est tout cela pour Venise, qui lui doit ses chatoiements sans cesse renouvelés, ses poudroiements de lumières irisées, les moires de ses reflets, les velours plombés de ses impalpables brumes.
Des nuances infinitésimales, de liquides fusions, les couleurs de la lumière, presque rien, juste le perpétuel jeu des éléments en amour, un jeu à faire revivre par le truchement de l’aquarelle, jusqu’à peindre le silence. Ce « silence éternel des espaces infinis » qui ne devrait en rien nous effrayer puisque nous en faisons partie et lui devons aussi bien notre présence au monde que l’absence qui la précède et la conclut…

Alain Sagault, Présence de l'absence, © Sagault 2010
Alain Sagault, Présence de l’absence © Sagault 2010

Renzulli nel suo antro, Venise 2013
Renzulli nel suo antro, Venise 2013

XIIII TEMPÉRANCE
XIIII TEMPÉRANCE

LE PUITS DE LA TEMPÉRANCE
LE PUITS DE LA TEMPÉRANCE

Alain Sagault, Au matin l'hiver avait gelé la lumière 10x24 cm 2016
Alain Sagault, Au matin l’hiver avait gelé la lumière, aquarelle, 10x24 cm 2016

mardi 17 avril 2018

C’EST PAS MON GENRE…

C’EST PAS MON GENRE !

« Les gens pensent moins qu’on ne croit, ça vaut mieux pour eux. »
Georges Hyvernaud, Le wagon à vaches

dont je ne saurais trop vous recommander la jouissive lecture



Ça devient rare, de pouvoir écrire ce qu’on veut.
Je veux dire, ce qu’on veut vraiment.
Pas ce qu’on veut bien vouloir parce qu’On veut que nous le voulions, si vous voyez ce que je veux dire…
Pas le « consens, suce ! », pas ce qu’« il faut savoir », pas ce qu’il faut « être en capacité de » savoir.
A-t-on encore le droit de dire des conneries qui ne soient pas seulement celles de tout le monde, les rassurantes conneries autorisées, validées, certifiées ?
Mais des conneries qui seraient à nous, qu’on n’aurait pas adoptées de confiance. Qu’on aurait pris le temps de penser, de vivre, de vérifier. Qui nous diraient, nous, à défaut de dire la vérité, vous savez, celle qu’« il faut savoir » (bis).
Ne pas se laisser aller à « être en capacité de » parler exactement comme tout le monde, «  juste trop cool », non ?
Parce qu’il règne de plus en plus en France une drôle d’atmosphère de censure bien pensante, bien pesante, qui ne dit pas son nom, mais qui gueule bien fort qu’on n’a pas le choix, que c’est comme ça et pas autrement, que la pensée majoritaire a force de loi et que toute déviation relève du sens interdit.
There is no alternative, balance ton porc ! clament d’immenses autorités morales. Et n’oublie pas ton verre de soutien psychologique, ta cuillerée de sirop d’attendrissement jusqu’aux larmes, ta pommade d’empathie universelle et, cerise sur le gâteau, ton bon gros suppositoire d’indignation télécommandée suractivé à la bonne conscience en acier trempé.
Ça fait un peu mal au début, mais on s’habitue. Nombreux, les habitués, ceux que plus rien n’étonne, qui sont prêts à tout avaler. Sans compter les gourmands, ceux qui en redemandent.
Elle se porte bien, la nouvelle morale déployée comme un drapeau d’Austerlitz par le Badinguet junior à peine sevré rejeté par une majorité d’abstentionnistes et choisi par une minorité d’électeurs naïfs ou cyniques, un angelot qui joue avec le peuple comme avec une poupée Barbie et avec le pouvoir comme avec un nouveau jeu vidéo encore plus réaliste avec du vrai sang et de goûteux morceaux de vraie chair…
Cette morale inversée commence à être en capacité de nous casser sérieusement les burnes. Pardon, ça m’a échappé, c’est les ovaires que je voulais dire.
Eh oui, la nouvelle morale est une morale inclusive, avec beaucoup d’exclusives. Une morale de groupes de pression, une morale identitaire donc totalitaire, qui confond sensibilité et sensiblerie, une morale qui exige de la majorité qu’en une merveilleuse unanimité obligatoire elle se soumette aux minorités de tout poil, une morale pour qui tout désaccord est immoral.
Allons-y pour les gros mots : une morale de classe. Et qui manque singulièrement de classe !
Soyez tolérants, c’est un ordre ! Devenez milliardaires ou acceptez de n’être rien.
J’écoutais parler l’autre jour des gens sérieux, des gens gentils, pas cons, à la base.
Ils disaient tous les mêmes sottises à la mode, s’envoyant automatiquement les répons d’une sorte de messe laïque, un discours universel aussi parfaitement calibré et formaté qu’une pomme Golden ou une canette de Coca ; ils avaient manifestement l’impression de penser par eux-mêmes, alors qu’ils enfilaient les slogans consensuels comme autant de perles d’inculture destinées à renforcer le collier qui tient en laisse leur intelligence et met des œillères à leur jugement.
Chaque mot-stimulus opportunément distillé faisait sécréter la dose de salive appropriée et déclenchait le quota adéquat de petits aboiements rassurants-rassurés. Sucrés à la bonne volonté et à la bonne conscience, ces deux jumelles incestueuses.
C’était très sympathique, et absolument terrifiant. Les chiens de Pavlov tournaient bien sagement en rond dans leur niche.
Ils avaient tout lieu d’être contents, leurs maîtres leur avaient jeté un os intellectuel dont ils pouvaient à loisir déguster la substantifique moelle : ils tenaient le sujet qui compte, ils avaient compris où était la priorité des priorités.
Vous ne le saviez peut-être pas, mais il y a un problème qui doit être résolu avant tous les autres, une sorte de mère de toutes les batailles. Vous ne voyez pas ? Allez, un petit effort…
Qu’est-ce qui est plus important que tout le reste ? Qu’est-ce qui est plus urgent, plus vital que l’arrêt du nucléaire, que les bains d’ondes cancérigènes, que l’industrie chimique mortifère et la fin des abeilles, que la guerre et le terrorisme partout, que les massacres et les migrations, que le dérèglement climatique et le réchauffement du même nom ?
Bref, qu’est-ce qui doit de toute évidence passer avant l’Apocalypse en cours ?
Je vais vous le dire, mes ami.e.s, puisque vous n’étiez pas à cet instructif et nourrissant festin.
Ce pour quoi, toutes affaires cessantes, nous devons militer, ce à quoi nous devons consacrer toutes nos forces, c’est à promouvoir l’égalité hommes-femmes là où elle est le plus gravement et le plus scandaleusement bafouée, dans la langue, un mot appartenant pourtant de toute éternité au genre féminin, ce qui en dit long sur le cynisme de l’usurpation masculine et sur l’illégitimité du patriarcat.
Constamment harcelée, sans cesse violée par des accords dénaturés et des usages pervers, la langue féminine doit être sauvée par un remède de cheval, la parité intégrale, afin que la.le.les être.s humain.e.s soient enfin égal.e.s.aux !
Qui veut la fin veut les moyens…

Pour l’égalité salariale, ce détail, tant pis pour l’immense mais désespérément prosaïque et populiste François Ruffin : on verra plus tard.
Au fait, si on cherchait à qui le crime, pardon, la nouvelle morale, profite ?
Parce qu’en somme, l’inclusion généralisée, ça permet surtout de ne plus voir qu’il y a de plus en plus d’exclus…
Et que nous sommes en train de nous exclure de la vie, à force de vouloir nous l’inclure.

Comme le montrent fort bien, me semble-t-il, le discours sévère mais combien juste que vous trouverez sous ce lien https://www.facebook.com/laveritesurnotremonde/videos/187240468564348/?t=2
et les trois textes qui suivent, l’un datant d’un an, l’autre de deux, le dernier de six mois, mais tous trois parfaitement actuels :

LA CLASSE NUISIBLE, par Frédéric Lordon

LA DÉRAISON NÉO-LIBÉRALE par Michel-Lyon

LES HABITS NEUFS DE L’ALIÉNATION par André Bellon


Enfin, à l’usage des salauds irresponsables qui font de ceux qui devraient être les gardiens de la paix des forces du désordre volontaire, je livre le texte publié ce jour par C’EST NABUM dans Mediapart :


L’EFFET DE LA MATRAQUE

Macron, non, décidément, c’est pas mon genre !
Mais j’y reviendrai bientôt.

mardi 2 janvier 2018

BALANCE TES PORCS !

BALANCE TES PORCS !
un vœu pieux pour 2018 ?



« La capacité de vendre les apparences, c’est le propre de l’imposture. »
« La parole politique aujourd’hui se condamne à la séduction et à la tromperie. »
Roland Gori, 2014

« Mais ils ne font guère mieux ceux d’aujourd’hui qui, avant de commettre leurs crimes les plus graves, les font toujours précéder de quelques jolis discours sur le bien public et le soulagement des malheureux. On connait la formule dont ils font si finement usage ; mais peut-on parler de finesse là où il y a tant d’impudence ? »
Étienne de La Boétie, 1574



Au lendemain des vœux hypocrites du dangereux Tartuffet propulsé à la Présidence par l’oligarchie mafieuse qui l’a coopté et par une partie de l’opinion publique déboussolée et ouverte à toutes les manipulations qui peuvent lui donner bonne conscience et la rassurer, il est en effet nécessaire d’émettre un vœu, qui, compte tenu de l’état de déliquescence et de corruption avancée de notre société, risque malheureusement de rester pieux.
Notre communicant en chef, pompant avec son habituelle impudence les convictions d’autrui pour en parer son discours aussi formaté qu’insincère, exige donc des citoyens de France qu’ils se demandent chaque matin ce qu’ils peuvent faire pour leur pays.
Pour une fois, je ne peux qu’approuver cet appel au patriotisme. Et le reprenant à mon compte, j’exhorte les citoyens de ce pays à se demander, mais vraiment, ce qu’ils pourraient faire de mieux pour leur pays.
Un pays dont la vieille devise, Liberté, Égalité, Fraternité, est chaque jour bafouée, dans les actes et parfois même jusque dans les mots, par un pouvoir sûr de lui et dominateur dont le cynisme va jusqu’à affirmer qu’il écoutera le pays, mais ne l’entendra en aucun cas, et n’en fera qu’à sa tête. « L’État, c’est moi ! » aurait dit Louis XIV. Pour Macron, l’État, c’est lui et ses commanditaires, le 1% d’ultra-riches mafieux dont ce Jupiter de pacotille est l’obligé et le zélé serviteur.
La première chose, et la plus urgente, que nous pouvons faire pour notre pays, ça tient en trois mots, qui ne devraient pas servir que pour les agressions sexuelles, mais pour tous les viols envers la liberté, l’égalité et la fraternité dont ce gouvernement, à la suite des précédents et encore davantage qu’eux, se rend coupable et dont il se vante de plus en plus ouvertement.
Car si les mots ont un sens, les vœux de l’actuel Président, par-delà les précautions oratoires dont il les enrobe, signifient : « Rien de ce que vous pensez, rien de ce que vous ferez ou direz ne sera pris en compte, je suis au pouvoir, je détiens la vérité et votre devoir de citoyen est de vous mettre à son service, c’est à dire au mien et à celui de ceux pour qui je roule. »
Face aux hommes de pouvoir et de profit qui chaque matin se demandent ce qu’ils peuvent faire pour eux et contre tous les autres, le devoir des citoyens tient en trois mots :

BALANÇONS NOS PORCS !

La servitude volontaire, c’est un choix.
Que nous pouvons remettre en cause chaque matin.
Qu’attendons-nous ?



Et si vous manquez de motivation, lisez ou relisez le Discours de la servitude volontaire de La Boétie, écrit il y aura bientôt 500 ans…
J’en extrais pour votre gouverne les quelques phrases qui suivent. Ne sont-elles pas d’une brûlante actualité ?

Pour le moment, je désirerais seulement qu’on me fit comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois tout d’un Tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’on lui donne, qui n’a de pouvoir de leur nuire, qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal, s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui, que de le contredire.

Chose vraiment surprenante (...) c’est de voir des millions de millions d’hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu’ils soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d’un, qu’ils ne devraient redouter, puisqu’il est seul, ni chérir, puisqu’il est, envers eux tous, inhumain et cruel.

Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne vous les emprunte ? Les pieds dont il foule vos cités ne sont-ils pas les vôtres ? A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? Comment oserait-il vous assaillir, s’il n’était d’intelligence avec vous ? Quel mal pourrait-il vous faire, si vous n’étiez les receleurs du larron qui vous pille, les complices du meurtrier qui vous tue et les traîtres de vous-mêmes ?

Le théâtre, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes curieuses, les médailles, les tableaux et autres drogues de cette espèce étaient pour les peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté ravie, les outils de la tyrannie.

Pour finir, voici trois liens vers des vidéos de TROUBLE FAIT que je découvre ces jours-ci, qui donnent de remarquables analyses, précises, fouillées, solidement argumentées, de ce que sont réellement Macron et sa politique, et de la façon dont cette scandaleuse et illégitime imposture, qui menace jusqu’aux fondements de notre République, a été mise en place :

On a élu Emmanuel Le Pen ! - YouTube

Comment Macron nous entube : ISF, Flate Taxe, APL… - YouTube

Présidentielle 2017 : Tout savoir (ou presque) sur le parcours de Macron. - YouTube

jeudi 21 décembre 2017

QUELQUES REMARQUES EN PASSANT enfin publiées !

C’est Noël.
Quelques REMARQUES EN PASSANT sont très opportunément publiées par les Éditions du Port d’attache à l’occasion de cette fête, à l’intention de ceux des êtres humains qui ne pensent pas que le « Think positive » façon Gribouille modifié autruche soit le comble du progrès humain et croient au contraire qu’une attentive et agissante lucidité est plus roborative et plus porteuse d’espoir et d’efficacité à long terme que la passivité béate des ravis de la crèche volontaires…
Que ces derniers roupillent en paix pendant que la maison brûle ne nous dérangerait pas s’ils ne ronflaient pas aussi fort !
La vraie fête, c’est la vie – les yeux ouverts.


REMARQUES EN PASSANT
par Alain Sagault



« DÉCADENCE
Nous vivons aujourd’hui une décadence que, par la grâce de notre triomphale technologie, nous avons cru être notre apogée, et dont, toujours grâce à elle, nous sommes en train de faire une apocalypse. »

Bretteur chevronné des idées, Alain Sagault ferraille, tout au long de ces réflexions en forme d’abécédaire, avec les travers et les aberrations du monde actuel. Un réjouissant jeu de massacre.

Un volume broché de 42 pages avec une illustration originale de l’auteur

Prix public : 6 euros (plus 1,5 euro de frais postaux).

À commander chez Jacques Lucchesi, 7 rue de l’Eglise Saint-Michel
13005 Marseille.

Voir en ligne : LES ÉDITIONS DU PORT D’ATTACHE

samedi 9 décembre 2017

AU ROYAUME DES BOUFFONS, ON EST PRIÉ D’HURLER AVEC LES MOUTONS…

Ce qui se passe ces jours-ci à l’occasion de deux morts montés en épingle en dit long sur l’état de déliquescence d’une humanité arrivée au dernier degré de la schizophrénie paranoïde…
Avant d’aller plus loin dans l’expression de mon rejet catégorique du délire collectif auquel on nous invite, je voudrais vous proposer de mettre ces « événements » en perspective en faisant l’acquisition, pour 9,50 €, soit pour beaucoup moins cher que le prix d’une place à un concert de Monsieur Smet, du livre le plus clair, le mieux informé, le plus complet et le plus cohérent à ma connaissance sur la situation actuelle de l’espèce humaine et de la planète qui a la malchance de l’avoir mise au monde :

L’ÉVÉNEMENT ANTHROPOCÈNE
La Terre, l’histoire et nous
par Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz,


dont une nouvelle édition complétée est disponible dans la collection de poche POINTS HISTOIRE sous le numéro H 517.
Il s’agit d’une mise au point capitale, dont l’ami Klépal a rendu compte par deux fois dans son blog, épistoles improbables :

Que se passe-t-il sur Terre depuis au moins un quart de millénaire ?

Comment en sommes-nous arrivés là ?[1]

J’’espère trouver le temps de revenir sur ce livre qui décrit à l’aide d’une approche scientifique formidablement documentée le déroulement des événements et l’enchaînement des causes et des conséquences tout en pointant clairement les responsabilités du désastre en cours. Et c’est plutôt plus facile à lire que les œuvrettes du soporifique Jean d’O… tout en étant infiniment plus nourrissant !
Mais pour l’heure, place aux bouffons et à leur Carnaval !



AU ROYAUME DES BOUFFONS,
ON EST PRIÉ D’HURLER AVEC LES MOUTONS…



Il y a des limites.
Pardon, il y avait des limites.
Sous le règne ostentatoire de Bouffonicule 1er, l’obsédant tam-tam du grand décervelage frappe plus fort que jamais, écrasant sous le roulement de tonnerre de son carnavalesque renversement des valeurs tout bon sens, toute pudeur et toute intelligence.
La stupidité, naturelle ou calculée (on ne sait plus, mais le sait-elle elle-même ?) se déploie, s’épanouit, exaltée par le cynisme et gorgée du mépris de tout ce qui n’est pas elle-même.
D’Ormesson, « superficiel par profondeur », Johnny, l’égal de Victor Hugo…
Il fut un temps où proférer de pareilles conneries aurait suffi à disqualifier définitivement même le plus respecté des vieux sages. Nous n’en sommes plus là.
La France, dans sa hâte à rejoindre le grand concert débile et autodestructeur de la mondialisation, met les bouchées doubles, et proclame « héros français » par excellence un pitoyable clone du rock US, parasite d’une musique à laquelle il n’a jamais rien compris, chanteur incapable d’écrire une chanson, fuyard fiscal assumé, et comble d’élégance, ingrat envers ses fans désargentés au point d’aller se faire enterrer à Saint-Barth’ !
Un pays qui veut pour idoles des d’Ormesson et des Halliday, deux formes cousines (pseudo aristo et pseudo populo) de vulgarité soumise à tous les pouvoirs et soigneusement masquée sous des poses faussement rebelles, n’est pas seulement un pays qui a perdu tout respect de lui-même, c’est aussi un pays dénaturé qui cherche un pauvre salut dans le recours systématique à l’imposture, dans la culture du relativisme, dans la promotion de la bêtise et l’adoration de la corruption.
Un peuple qui accepte qu’on lui chante de pareilles chansons et entonne gaillardement le refrain à l’unisson ne mérite pas mieux que le nouveau code du travail qui entérine son esclavage volontaire.
Unanimité à vrai dire en partie provoquée, développée, surjouée et instrumentalisée, comme le prouve la façon dont, à la remorque des pouvoirs publics privatisés qui donnent désormais le la de la communication-manipulation, le France-Inter de Demorand s’est surpassé dans l’adoration béate du consensus mou et de l’encéphalogramme plat.
Nous sommes sans doute assez nombreux à avoir fermé ce robinet de limonade éventée servilement alimenté par les Messieurs Loyal de l’info du spectacle, qui à force de chercher avec succès à nous décérébrer, ont réussi, juste retour des choses, à griller les quelques neurones qui pouvaient les perturber dans l’accomplissement de leur basse besogne.
Comment une radio qui compte encore quelques vrais bons journalistes et quelques émissions remarquables peut-elle accepter de tomber si bas qu’on croirait entendre France 2 moins l’image ?
Jusqu’à inviter le pitre de service, l’inévitable Lucchini venu jouer la sempiternelle partition du parvenu radoteur et fier de l’être, crachant comme à chaque fois sur les « bobos de gauche prétentieux et snobs » la haine d’une droite encore plus rance que décomplexée…
Et s’efforçant de recueillir au passage, en cabot avisé, quelques rayons de l’aura du Dieu vivant décédé en faisant étalage de l’amicale intimité qu’il entretenait avec Lui.
C’est que si on veut être populaire, il faut savoir hurler avec les moutons.
Quitte à échanger en douce des clins d’œil complices, entre pharisiens.

Pendant ce temps-là, la vraie vie continue, non, pardon, la vraie vie se meurt, tuée par les parasites que nous sommes tous devenus, sous la houlette des d’Ormesson, des Lucchini, des Johnny et des petits salauds qui mettent en scène ces marionnettes pour nous faire oublier la réalité de notre servitude volontaire.


Post-scriptum :
Sur ce même sujet, le même Klépal a fait part de sa réaction :

dimanche 12 novembre 2017

REMARQUES EN PASSANT 29

Débordé, je le suis comme nous tous dans ce monde humain en surchauffe permanente, mais pas tout à fait autant que certain.e.s de mes ami.e.s, comme le prouve cette photo du bureau de l’un.e d’entre eux.elles, dont l’ordinateur, faute d’un écran deux fois plus grand, ne peut montrer que la moitié !


Ce qui s’appelle un bureau bien rangé et bien rempli…


Précisons au passage que ce sera la seule et unique fois que vous trouverez sous ma plume (?) un échantillon de cette aberration stupidement nommée écriture inclusive, dont on ne sait par quel microcéphale non genré elle a été inventée. Une médaille d’or au Concours Lépine s’impose…

Ces
Remarques en passant vingt-neuvièmes du nom précéderont, de peu, je l’espère, quelques réflexions que j’espère dérangeantes autour de la notion de viol.
Il me semble en effet qu’il serait temps, non de l’interroger, mais de l’explorer.
La question du viol généralisé me poursuit depuis plus de trois ans sans que je me décide à mettre en ordre les nombreuses notes que j’ai prises sur ce sujet.
Aujourd’hui qu’on parle beaucoup du viol, mais en restreignant le sens de ce mot à la, si j’ose dire, sphère sexuelle, le moment est peut-être venu de l’envisager dans sa globalité, en tant qu’il structure l’ensemble des pratiques humaines, tout particulièrement dans ce que, va savoir pourquoi, nous persistons contre toute évidence à nommer notre civilisation.
Réduire le viol à sa composante sexuelle interdit fort opportunément de comprendre à quel point il est au cœur de nos sociétés.
À y regarder de près, le viol au sens large, généralisé, systématique, me paraît de plus en plus constituer le fondement même de la vision du monde et des pratiques de nos sociétés industrielles, qu’elles se disent libérales, s’affirment fascistes ou nazies, ou se prétendent communistes.
Une telle affirmation peut légitimement surprendre, aussi tenterai-je dès que possible de développer les analyses qui m’amènent à la proposer à votre réflexion.
Comme le veut l’ordre alphabétique, le viol fait déjà, timidement, acte de présence à la fin de la présente livraison…



REMARQUES EN PASSANT 29

ACCORD (imparfait)
« L’élection présidentielle rend fou la moitié de la classe politique » s’exclamait il y a quelques mois Thomas Legrand sur France-Inter. Mêmes « désaccords » dans le très (trop) sérieux livre d’Élisabeth Crouzet-Pavan, Triomphe de Venise : « L’exemple des familles de Terre ferme qui rédigèrent de tels livres corroborent cette analyse », ou : « C’est dire que l’évolution de la géographie sacrée et des dévotions vénitiennes comptent aussi pour beaucoup dans la définition de la ville comme une unité ».
« Les réunions hebdomadaires à laquelle assistait Pierre Bouteiller », lâche Patricia Martin, décidément fâchée avec les accords, comme cela arrive trop souvent sur France-Inter, y compris parfois dans la bouche censément orthodoxe… d’académiciens !
On taira leur nom par charité.
Péchés véniels ? Péchés littéralement mortels, en vérité. Devenues quasi systématiques à l’oral comme à l’écrit, perpétrées par des « élites » de plus en plus incultes, ces fautes n’ont rien d’anodin. Ces barbarismes récurrents signalent la déliquescence d’une saisie langagière du réel sans laquelle il n’est que barbarie et contribuent à l’aggraver.
De fil en aiguille se détisse ainsi, petit à petit et presque insensiblement, la structure de notre langue, et avec elle notre intelligence, c’est à dire notre capacité à comprendre le monde et à nous comprendre nous-mêmes…
L’accord grammatical n’est que la concrétisation dans la langue de notre accord avec le réel.
Comment pourrions-nous être en accord avec nous-mêmes et avec autrui quand nous ne sommes même plus capables de discerner ce qui est singulier et ce qui est pluriel, ce qui est masculin et ce qui est féminin ?
On entend ainsi la ministre de la Défense proclamer, du haut de son analphabétisme :
« L’engagement de la France, elle se poursuivra ! »
Confusion n’est pas fusion…
L’idée que tout se vaut, que singulier et pluriel, masculin et féminin sont une seule et même chose, c’est la première pierre de la Tour de Babel, cette universelle confusion engendrée par notre mégalomanie.

AIDE
Ne pas dire à quelqu’un qu’il est dans la merde est le meilleur moyen de l’y enfoncer.
Le lui dire aussi.

AIMER
Les gens qu’on aime vraiment, c’est moins en raison de leurs qualités qu’en dépit de leurs défauts.

AMOUR (Trop d’)
Sans doute pourrait-on parfois se dire : « Je l’aimais trop pour l’aimer bien. »
D’un autre côté, on devrait souvent s’avouer : « Je l’aimais bien, c’est à dire pas vraiment. »

APPRENTI SORCIER
Qui trop embrase mal éteint.

BASSESSE
Valls, personnage répugnant, dont la bêtise finit par forcer l’admiration, tant elle dépasse la commune mesure. Un exemple concret du degré de bassesse auquel une ambition sans idéal peut faire descendre un homme de pouvoir médiocre. Mais ne le sont-ils pas tous par définition, les pauvres types qui veulent dominer leurs congénères ?

BOOMERANG
Le jour où nous comprenons que tout ce que nous reprochons à autrui c’est tout ce que nous n’aimons pas chez nous, nous pouvons enfin nous entendre aussi bien avec nous-même qu’avec autrui. Mais ce jour arrive-t-il jamais ?

BRUYANT
Il est des êtres bruyants. Et plus encore quand ils se taisent que quand ils parlent. Leur être au monde est plainte, ou cri, ou fureur.

CŒUR DU CIEL PUR (LE)
Maître Tsuda, qui était tout sauf un sentimental au sens occidental du terme, évoquait souvent « le cœur du ciel pur ». Quoique loin au-dessus de nous, il est toujours à notre portée : nous le portons en nous, puisque nous faisons partie de lui.

« Le cœur du ciel pur », lagune de Venise © Sagault 2016


COMMENTAIRE
« Le juste commentaire est celui qui nous réduit méthodiquement au silence. » De Jacques Darriulat, dans l’entretien intitulé Vermeer, le jour et l’heure, un échange parfois un peu bavard avec Raphaël Enthoven, qui fut son élève en hypokhâgne. Comme le prouvent ses questions peu pertinentes et ses commentaires oiseux, l’élève ici n’a pas dépassé le maître, tant s’en faut, et son seul mérite est d’en avoir conscience.

CONFORMISME
Encore lu deux Camilla Läckberg. Si Le Tailleur de pierre, malgré de grosses ficelles, peut toucher par moments, Le gardien de phare est carrément insupportable. Artificiel et superficiel, c’est le plus redoutable des pseudo polars pondus à la chaîne par cette trop habile fabricante de nanars consensuels faussement audacieux et hypocritement édifiants et pontifiants, à la gloire du consensus mou à la mode, propre à émoustiller tout en la rassurant la ménagère de quarante ans titillée par la ménopause.
Un savoir-faire trop évident et l’abus de recettes éprouvées ne remplacent pas l’originalité. Flatter la bonne conscience et le conformisme du lecteur permet de faire illusion un temps, mais la complaisance et l’absence d’authenticité finissent par apparaître pour ce qu’elles sont : non une complicité, mais une duperie, une manipulation.
Il n’est jamais habile de se montrer trop habile. La vraie habileté pousse l’habileté jusqu’à savoir se faire oublier. C’est qu’elle procède non d’un artifice mais d’un ressenti.
La comparaison avec la remarquable Trilogie écossaise de Peter May est éclairante…

CONNERIE
Toute une allée de platanes abattue pour qu’il y ait davantage de places à un concert de Johnny Halliday ! Il s’est trouvé en France un maire assez ignoblement con pour permettre une telle énormité. Seul point positif : leur mort a permis à ces pauvres arbres d’échapper aux braiements de l’interminable agonie de ce vieux clone raté des grands rockers américains…

CONTRADICTION (apparente)
C’est parce que je peins avec tant de ferveur la beauté du monde que j’écris avec tant de colère contre ce que nous en faisons.

CONTRASTE (nécessité du)
Notre époque croit éclairer la réalité en l’illuminant a giorno et en supprimant la nuit.
Se privant de la moitié de notre environnement, elle perd ainsi toute possibilité de contraste, et son refus du tableau noir l’amène à rendre copie blanche à l’école de la vie.
De même, elle croit imposer sa réalité en la rendant toujours plus bruyante, comme si le silence était synonyme de mort et le bruit synonyme de vie. Mais les meilleures musiques naissent du silence avec lequel elles composent, tout comme les plus belles lumières, celles des feux d’artifice, prennent vie sur l’écran des ténèbres.
Notre vie est faite du jeu permanent du yin et du yang. Ne vouloir vivre que le yang, c’est se condamner à l’impuissance des agités et devenir un mort vivant. Se contenter du yin conduirait à l’immobilité des résignés et à la rigidité cadavérique d’une mort anticipée.
C’est de l’obscurité que naît la lumière, tout comme c’est la lumière qui révèle le côté obscur.
Aujourd’hui, nous ne voyons plus, nous sommes éblouis – la forme la plus douce de l’aveuglement. Nous n’entendons plus, nous sommes assourdis – la forme la plus brutale de l’autisme. Comblés de bruit et de lumière, nous n’avons plus aucun recul, aucune distance, ni dans le temps, ni dans l’espace.
D’où vient ce rejet du silence et de la nuit ? De cette peur fondamentale qui nous a fait inventer les religions, la conscience que nous ne pouvons être en vie qu’à condition de devoir mourir.

CROIRE
Comme beaucoup de vieux, cons ou pas, je croirais plus facilement en Dieu qu’en les hommes. Soixante-dix ans de vie à leurs côtés ne m’ont nullement convaincu de notre capacité à être autre chose qu’inhumains.
En revanche, n’ayant à ce jour jamais croisé Dieu, je pourrais encore fantasmer sur son éventuelle Bonté. Mon esprit critique étant ce qu’il est, croire en Dieu n’est pas une option. Je me contente de croire en la vie, ce qui est facile, puisque je la lui dois…
Je crois aussi en la mort, puisqu’il n’est pas de vie possible sans son concours. Que seule la mort rende possible la survie de la vie, voilà un paradoxe qui pour un peu me ferait croire en Dieu !
Ce n’est pas que je ne puisse jamais croire en l’homme. Il y a place pour l’humanité dans l’humanité, par moments, par endroits. Je crois, d’expérience, en certains humains, du moins en une partie de certains humains. Car nous sommes tous composites, et le mal est tellement plus confortable à pratiquer : comme aurait pu le dire Cioran, il suffit de suivre sa pente…

CROISSANCE
Regardons les plantes, les arbres, mes amis de toujours. La croissance, la vraie, n’est pas la multiplication d’une quantité, mais le développement d’une entité. La vraie croissance est qualitative, elle se fait en harmonie avec l’énergie qui la permet et le milieu où elle s’inscrit et avec lequel elle est en permanente interaction.

CULPABILITÉ
La culpabilité consiste par exemple à s’en vouloir de ne pas pouvoir porter le malheur des autres alors même qu’on s’en sait incapable. La vérité sur la culpabilité c’est sans doute qu’elle n’a la plupart du temps pas lieu d’être, et que les rares fois où elle serait justifiée les coupables ne la ressentent aucunement…

DÉMENTI
« Les autorités françaises démentissent avoir payé une rançon » affirme un journaliste de France-Inter. Je peux sans hésiter lui opposer un démenti catégorique : les autorités françaises, connaissant les conjugaisons de leur langue, démentent.

DÉSINTÉRESSEMENT
Le désintéressement est la qualité de ceux d’entre nous qui sont assez intelligents pour comprendre qu’être désintéressé est le plus sûr moyen de servir leurs intérêts, puisque rien ne nous profite plus que le don.

DONNER
Comment pourra-t-on nous donner ce que nous voulons si nous commençons par le prendre ? L’élan du don ne peut naître que si nous nous sentons libres, et il meurt sous la contrainte d’une demande qui lui ôte son indispensable gratuité. Savoir demander consiste à laisser autrui libre de refuser. Quoi de plus difficile ?

ÉCRIT VAIN
Si je n’écris pas pour tout dire, j’écris pour ne rien dire.

FASCISME (la vraie nature du)
Le fascisme n’est en définitive rien d’autre que le détournement et l’appropriation de l’État par un individu ou un groupe d’individus se considérant comme supérieurs aux autres en vue de satisfaire leur avidité et leur mégalomanie. Quelles que soient les justifications avancées, la réalité du fascisme, c’est qu’il s’agit d’une Mafia généralisée, d’un système mafieux sorti de la clandestinité pour s’installer ouvertement au pouvoir.
En ce sens, les prétendues démocraties actuelles relèvent toutes plus ou moins d’un fascisme endémique auquel elles s’abandonnent chaque jour davantage.

FAUTE (de mieux)
En essayant de donner forme artistique à ma colère, à ma douleur, à mes émotions, je tente de les canaliser, d’en faire quelque chose de beau et d’utile malgré leur nocivité, leur malignité.

FORMALISME
« L’anti-intellectualisme n’est pas toujours où l’on croit, il n’est pas toujours primaire, il peut être éminemment sophistiqué. » écrivait Jean-Pierre Domecq dans Artistes sans art.
Je crois à tort ou à raison percevoir quelque rapport entre cette phrase et mon sentiment que beaucoup d’intellectuels, français notamment, qui fuient l’instinct et l’émotion pour la raison tombent dans un formalisme stérile et des recherches alambiquées, voir les grands rhétoriqueurs, les précieux et les précieuses (désolé, je ne sais pas encore écrireen inclusif…) mais aussi le nouveau roman et l’Oulipo, ou les développements de la peinture intellectuelle du XXe siècle. Le goût de l’abstraction devient pervers quand il sert de prétexte à une évacuation de l’émotion.
Si c’est pour jouer à des petits jeux intellectuels à la Robbe-Grillet, à la Queneau ou même à la Perec, la littérature ne m’intéresse pas. Si c’est pour me branler avec des « recherches » bidon à la Klein ou à la Warhol, la peinture ne m’intéresse pas.
Écrire n’a jamais été à mes yeux un moyen de faire passer le temps, une sorte de distraction intellectuelle, pas plus qu’un instrument de pouvoir destiné à revendiquer un statut, à occuper une position. Laissons cela aux gens qui veulent faire carrière, et dont le vrai but est d’être écrivains plus que d’écrire, et peintres plus que de peindre.
Mon affaire, ce n’est pas d’arborer une étiquette ou de me divertir, c’est de créer.

FRONT NATIONAL
À force de se cacher derrière le Front National et de le diaboliser pour faire passer leurs turpitudes, les politiciens de droite et de gauche lui ont offert sur un plateau (cas de le dire !) une audience qu’il n’aurait jamais obtenue sans leur aide intéressée.
Ces calculs aussi savamment pervers qu’irresponsables ont permis de focaliser l’attention sur un éventuel danger futur en faisant du même coup oublier des dangers on ne peut plus présents.
Le FN est un parti d’extrême-droite, aucun doute là-dessus. Mais les politiques néo-libérales et leur loi de la jungle financiarisée constituent une forme bien plus moderne et dangereuse de totalitarisme, nous sommes en train de l’apprendre à nos dépens !
Car si je déteste le FN, je ne vois pas à quel titre on pourrait lui mettre sur le dos la folle et criminelle dérive libérale-nazie qui est en train de détruire aussi bien l’humanité que son environnement.
Le code du travail et la suppression de l’ISF, c’est le FN ?
Les crises financières, c’est le FN ?
Le dérèglement climatique, c’est le FN ?
Les lois liberticides et autres états d’urgence, c’est le FN ?
Sivens, Notre-Dame-des-Landes, c’est le FN ?
Les centrales nucléaires pourries, le diesel, le compteur Linky, le WiFi, les perturbateurs endocriniens, les pesticides, c’est le FN ?
La vérité, c’est que le FN n’est que potentiellement dangereux, et que l’oligarchie financière qui a peu à peu pris le pouvoir depuis une quarantaine d’années est au contraire très réellement, très mortellement dangereuse.
Au point d’être en passe, avec notre lâche complicité, de nous détruire tous.

HOLLANDE
Ça ne me gênait pas que l’avant-dernier président soit libéral. Mais ça me dérangeait énormément qu’il se soit fait élire comme socialiste. En beaucoup moins intelligent et en beaucoup moins cultivé, François Hollande me fait penser à Monsieur Thiers. Se méfier de ces hommes dont l’adolescence tire vers le rouge, et qui deviennent si « raisonnables » à l’âge adulte que le désordre installé leur paraît préférable à la tentative toujours risquée de créer un ordre plus juste, au point qu’ils sont prêts à « remettre de l’ordre » par tous les moyens et que le rose finit par leur paraître encore trop coloré.
Ainsi, je n’avais pas trouvé rassurant que le gouvernement français achetât des drones (ces saloperies intégrales, fruits des cerveaux malades des technofascistes américains) aux États-Unis. 300 millions de dollars, quand un État prétend n’avoir plus d’argent, ce n’est pas anodin. À quel usage ces oiseaux de malheur ont-ils été destinés ? Quelles arrière-pensées sous-tendaient-elles un achat aussi peu urgent ?

HONORAIRE
Avocat honoraire, procureur honoraire, professeur honoraire…
Être honoraire, c’est trop souvent avoir perdu son honneur pour le devenir, à force de courir les honoraires.

INCONSCIENCE (consciente)
Le vrai problème c’est que l’idiotie universelle ne relève pas d’une ignorance innocente, mais du choix délibéré de l’inconscience consciente, si j’ose dire. Cette inconscience volontaire, un récent échange quelque peu musclé avec une amie chère me l’a encore hélas prouvé, elle se nourrit de notre paresse, de notre lâcheté, et débouche sur un refus total de s’informer et une mauvaise foi radicale, bref sur un ahurissant déni, qui m’évoque la passivité soumise de tant de français sous l’Occupation ou, pire encore, celle du peuple allemand s’abandonnant au nazisme.
C’est cela aussi, la corruption, l’acceptation de l’inacceptable, en faisant semblant de l’ignorer.
En fait, et c’est une calamité pour le confort intellectuel auquel nous nous sommes si volontiers habitués, chacun doit désormais choisir son camp, il n’y a plus d’innocents, mais des résistants ou des complices.

INDIGNITÉ
Il y a des gens qui ne méritent même pas le mépris qu’on a pour eux.

IINTELLIGENCE ARTIFICELLE
Je crois nécessaire de revenir sur une évidence si aveuglante que nous la perdons régulièrement de vue…
L’intelligence artificielle, ça n’existe pas. Il n’y a d’intelligence que naturelle.
Que veux-je dire ? Tout simplement que quantité et simplisme ont triché pour se faire passer pour qualité et complexité, l’exact contraire de ce qu’elles sont. Disons plutôt que nous avons voulu nous persuader que quantité pouvait être synonyme de qualité, et que le simplisme du binaire, ce dualisme borné, pouvait devenir réellement complexe.
En fait, le triomphe de la quantité et du simplisme n’est pas le fruit d’un changement de leur nature ; leur plus grande efficience tient uniquement à la multiplication de leurs opérations de calcul et à la vitesse toujours croissante à laquelle celles-ci s’effectuent.
Deux processus purement quantitatifs, augmentation du nombre d’opérations et de leur rapidité, cette dernière « camouflant » en quelque sorte l’aspect quantitatif avec l’aide de la miniaturisation. En somme, on n’est pas passé au toujours mieux, on a atteint le comble du toujours plus.
Loin d’une démarche qualitative, on est dans une logique d’augmentation et d’accélération. Plus le numérique singe la qualité, plus il s’en éloigne, plus il imite la réalité, plus il devient artificiel. Les ordinateurs d’aujourd’hui ne sont aucunement plus intelligents que leurs ancêtres, ils sont seulement infiniment plus puissants et plus rapides. Progrès quantitatif incontestable, progrès qualitatif inexistant.
Puissance et vitesse donnent l’impression, parfaitement illusoire, d’une intelligence réelle, c’est à dire vivante, alors qu’on a toujours affaire à de la mémoire, c’est à dire à de la mort manipulée.
D’une certaine façon, le numérique, c’est de la triche : on copie la vie, ça lui ressemble, mais ce n’est pas vivant, ce n’est pas la vraie vie, ce n’en est qu’une mauvaise imitation.
Mais si nous commençons, par paresse, par facilité, à fonctionner comme les ordinateurs, ne pouvant lutter avec eux en matière de quantité, nous allons devenir de plus en plus stupides – à leur image. Tout le travail qu’ils épargnent à notre intelligence, loin de la libérer, comme le pensent les ravis de la crèche à la Michel Serres qui croient que passer son temps à jouer du pouce représente une rupture épistémologique et l’annonce du paradis sur terre, l’engourdit, l’enkyste, la châtre, la stérilise.
L’ordinateur qui a battu un virtuose du jeu de go n’est lui-même qu’un imbécile, au sens étymologique du terme. Il n’a pas triomphé parce qu’il était plus intelligent, mais parce que sa mémoire et sa vitesse de calcul étaient quantitativement supérieures à celles de son adversaire.
Pour singer la qualité, la quantité n’a jamais d’autre choix que de multiplier ses opérations et de dissimuler cette augmentation en accélérant leur vitesse.
La quantité est affaire de mort, la qualité est affaire de vie.
Servons-nous des ordinateurs, mais ne leur confions pas nos vies : ils ne sont pas vivants, ils imitent la vie. Les imiter, pour l’humanité, c’est se donner la mort.

INTÉRÊT
Toujours et en tout nous sommes guidés par notre intérêt (ce que nous croyons être notre intérêt…) et nous ne voulons pas l’admettre, ou quand nous l’admettons, nous ne voulons à aucun prix admettre que notre intérêt véritable est tout différent de notre intérêt immédiat, qui nous en détourne, nous faisant ainsi nuire à nous-mêmes comme à autrui.

JANSÉNISME
Je suis au fond un janséniste. J’ai le jansénisme de la splendeur : pas besoin de l’orner, elle se suffit à elle-même.

LAPSUS
C’est une émission de France-Inter, et des expertes réelles ou supposées parlent yoga et bienfaits de sa pratique. « Il faut accueillir la souffrance » dit l’une d’elles. « Cela dépend de l’abcès, pardon, de l’aspect, lapsus intéressant », ajoute-t-elle, non sans raison, car son inconscient a parlé pour son corps qui veut bien que sa tête accueille la souffrance mais préférerait être dispensé de l’accueillir…

LÉGÈRETÉ
Il n’est de vraie légèreté qu’ancrée dans le fécond terreau de la mort organique.

LIBERTÉ
Liberté, voilà le mot qui nous tue. Privé de ses corollaires qui sont aussi ses correctifs, « égalité » et « fraternité », le mot « liberté » nous emprisonne dans des illusions mégalomaniaques et dans un fanatisme parfaitement résumé par ce génial idiot qu’était Malraux : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».
Il n’est pas de liberté solitaire, ce qui revient à dire qu’il n’est pas de liberté sans contraintes. La libre entreprise est le concept le plus faux et donc le plus stupide qui soit. Plus que jamais il y a lieu de crier avec Madame Roland (qui ne l’a sans doute pas dit, ou pas sous cette forme !) : « Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! »

LOT
Ce qui m’intéresse, ce n’est pas d’être au-dessus du lot, juste en dehors. Je n’aime pas l’avion, parce que je ne souhaite pas survoler le monde et le dominer, je veux être dans le monde.

LOUP
Face à ses adversaires pour qui il est trop souvent l’incarnation du mal, le loup, ce « nuisible », ce diable, a besoin d’un avocat. Si j’étais l’avocat du diable, je dirais que dans cette affaire il y a deux diables, et que le plus diabolique n’est peut-être pas celui qu’on pense. Le diable, c’est celui qui se prend pour Dieu, pour un dieu en tout cas.
De l’homme ou du loup, qui est le plus diable ? Le loup se contente d’être un loup, l’homme a d’autres ambitions. Il ne lui suffit pas d’être au monde et d’en faire partie, il lui faut le dominer, car, les religions monothéistes aidant, il a réussi à se persuader contre toute évidence que le monde a été fait pour lui et qu’il en est le propriétaire et le maître exclusif.
De cette attitude anthropocentrique stupide, d’abord criminelle et désormais suicidaire, nous commençons à voir les conséquences catastrophiques.
Le changement climatique et la sixième extinction de masse des espèces sont déjà en cours, rien n’a été réellement fait pour les arrêter, pire, tout est encore fait actuellement pour les aggraver, et l’inconscient collectif de l’espèce humaine sait probablement déjà la vérité, qui est qu’au moment même où il est le plus puissant, et précisément par la faute de ce pouvoir presque absolu, le maître du monde a perdu tout contrôle sur son prétendu domaine.
Dans ces conditions, pourquoi se préoccuper du sort du loup ? Dans le contexte actuel, sa disparition ne serait qu’un épiphénomène, une goutte d’eau dans un océan de destruction.
Si le sort du loup me préoccupe, c’est que les destins conjugués de notre planète et de l’humanité me paraissent exiger que nous changions radicalement d’attitude, tant qu’il est encore temps, et même si, comme je le crains, il est déjà trop tard : au moins retrouverions-nous un minimum de dignité avant de disparaître par notre faute.
Trouver un modus vivendi avec le loup, ce serait un premier pas vers un plus grand respect de notre monde, et donc de nous-mêmes, car nous ne sommes qu’une des espèces vivantes qui le peuplent et participent à sa vie. Le respect, c’est le chemin de l’efficacité durable, du partage, à l’opposé des mesures radicales de court terme, du « tout pour ma gueule » et du « après moi le déluge ».
Ce n’est pas en tuant, massacrant, exterminant, éradiquant tout ce qui gêne notre confort et notre goût de la facilité que nous rendrons le monde où nous vivons plus habitable et plus beau. Tuer les mauvaises herbes au glyphosate, c’est éliminer les insectes pollinisateurs, piéger les renards, c’est inviter les campagnols à se multiplier, les empoisonner, c’est détruire les rapaces diurnes et nocturnes. Dois-je énumérer tous les exemples de notre folie rationnelle, de notre stupide recherche d’efficacité immédiate ?
Chaque fois que nous prétendons résoudre un problème par la force, nous en créons au moins un nouveau, plus grave et plus insoluble, et souvent plusieurs…
Le prétendu progrès humain se mord la queue parce qu’il confond changement et progrès, nouveauté et amélioration.
Autour de ces évidences ou qui devraient l’être, on peit lire entre autres Thermodynamique de l’évolution (éditions Parole), Une brève histoire de l’extinction en masse des espèces (éditions Agone) et Osons rester humain, Les impasses de la toute-puissance (éditions Les Liens qui Libèrent).

LUCCHINI
Lucchini, « expliquant » La Fontaine sur France-Culture en répétant dix fois avec extase le même vers, faisait irrésistiblement penser aux Femmes savantes ânonnant dévotieusement : « Quoi qu’on die… ».
Il y a dans tout cabot un pédant qui s’ignore, comme il y a dans tout pédant un cabot contrarié.

LUTTE (DES CLASSES)
La lutte des classes, ça existe, et ce n’est pas en élisant ceux à qui elle profite que nous y mettrons fin. Voter Macron, c’était choisir de contribuer à aggraver une lutte des classes qui bat son plein au point de tourner doucement à la guerre civile.

MADE FOR SHARING
Le slogan français (?) pour la candidature de Paris aux Jeux Olympiques…
Je suis toujours épaté de voir combien l’appât du gain permet à ces commerciaux que sont devenus les politiques de se dépasser toujours plus dans la bassesse et la stupidité.

MAL faire du)
Ne pas vouloir faire de mal est souvent le plus sûr moyen d’en faire.

MARCHANDS
Dans certaines sociétés du passé, les marchands constituaient à juste titre la classe la plus basse de la société.
« Les plus fous et les plus méprisables Acteurs du Théâtre de la Vie humaine, sont les Marchands », fait dire Érasme à la Folie. Et d’ajouter : « Rien de plus bas que leur profession, et ils l’exercent d’une vilaine manière : ils sont ordinairement menteurs, parjures, trompeurs, voleurs, imposteurs ; & nonobstant tout cela, sont considérez, à cause du coffre fort. »

MÉRITE
« Le monde ne me mérite pas… »
Peu d’entre nous l’ont déclaré officiellement, mais je voudrais bien connaître celui qui ne l’a jamais pensé à part soi. Dans le secret de notre cœur, et davantage encore quand nous parvenons à l’ignorer, nous sommes tous convaincus, non seulement d’être uniques, ce qui est vrai, mais que notre exceptionnel mérite n’est pas aussi reconnu qu’il le mériterait, ce qui l’est beaucoup moins.
Quant au « modeste » qui, inversant la proposition, bat sa coulpe en proclamant bien haut : « Je ne mérite pas le monde ! », il ne le fait que pour inciter autrui à rétablir la vérité et la justice en lui accordant le mérite qu’il se refuse avec une modestie qui l’augmente encore…

MINORITÉS
J’ai longtemps hésité à publier ce qui suit. Je suis absolument convaincu que l’orientation sexuelle de chacun doit être respectée, quelle qu’elle soit, dès lors qu’elle ne porte pas atteinte à la liberté d’autrui. Mais le développement de ce qu’on appelle le communautarisme, et l’évolution de l’opinion publique me mettent d’autant plus mal à l’aise que j’ai comme tant d’autres été exposé à ce qu’on appelle le harcèlement sexuel, et plus, même si pas affinités. Échapper de justesse à un pédophile quand on a une dizaine d’années est une expérience assez étrange, tout comme il est assez déplaisant d’être traité d’anormal quand on décline des invitations aussi pressantes que déplacées et réitérées…
Les homosexuels ont été trop longtemps scandaleusement pourchassés, et il est essentiel qu’ils aient clairement droit de cité, en tant que minorité humaine digne d’être respectée au même titre que la majorité.
C’est plus fort que moi. J’ai toujours été, je serai toujours pour les minorités contre les majorités. La proportion d’abrutis et/ou de salauds étant la même dans les deux cas, il y en a moins, c’est arithmétique, dans les minorités que dans les majorités. Qui plus est, les minorités étant en position de faiblesse, les imbéciles et les salauds qu’elles recèlent ne sont pas en mesure de nuire comme ils le sont dans une populace où ils finissent toujours par constituer la… majorité !
Et puis, je ne peux être que du côté du plus faible, son impuissance même me le rend intéressant, je brûle de l’aider à désinhiber son potentiel – quitte à le combattre farouchement si ayant pris son essor l’ex-minoritaire se retrouve majoritaire…
Car si les minorités sont trop souvent opprimées et donc en droit de se défendre et de s’entr’aider, elles peuvent très bien, à force de se vouloir agissantes, devenir opprimantes. C’est ce qui me semble menacer les homosexuels qui prennent peu à peu dans notre société une place et un poids sans commune mesure avec leur nombre. Quand une minorité aspire à l’hégémonie, quand elle se découvre une vocation majoritaire, je ne peux plus la défendre, et je vais d’autant plus la critiquer qu’elle me semble se trahir…
La loi sur l’homophobie, pleine de ces dangereuses bonnes intentions dont l’enfer est pavé, me fait craindre que la communauté homosexuelle, surfant sur l’hypocrisie bien-pensante du politiquement correct, soit en passe, au risque de faire renaître un détestable rejet, de devenir une minorité opprimante.
Comme telle, elle s’exposerait, tout comme Israël, à de terribles retours de flamme. Avoir été opprimé ne donne aucun droit à devenir oppresseur. Pire : l’opprimé devenu oppresseur, l’opprimé qui se convertit à l’oppression donne raison à ses oppresseurs, et finit par justifier a posteriori l’oppression dont il a été victime.
Voir la victime se ravaler au rang de son bourreau et rivaliser d’infamie avec lui est le spectacle le plus désespérant qui soit.
Qui proclame et pratique la politique stupide et criminelle résumée par le slogan « œil pour œil, dent pour dent » n’est plus, quoi qu’il prétende, une victime, mais un partenaire et un complice dans le grand jeu de l’horreur humaine.
On n’en est pas encore là, mais à mes yeux, s’attaquer à la liberté d’expression est toujours mauvais signe : vouloir forcer le respect, c’est déjà prouver qu’on ne le mérite pas.

MODESTIE
Comme il est de règle, il entre beaucoup d’orgueil dans ma modestie.

MONDIALISATION
La vérité est que le triomphe de la mondialisation est le pire désastre jamais arrivé à l’humanité. C’est la Tour de Babel à l’envers : à l’incompréhension des différences se substitue le néant de l’uniformisation.

MORT
Le Tarot n’a pas de nom pour la mort : nous ne pouvons la connaître tant que nous sommes en vie. Et c’est à son existence que nous devons la nôtre…
Elle nous accompagne, l’indispensable camarde, inséparable camarade de toute vie, compagne silencieuse dont la présence absente donne à notre existence son sens et son goût.
Car c’est à elle que nous devons d’éprouver ce qui palpite sans cesse sous l’image ternie d’un quotidien émoussé par l’habitude et la résignation : la joie féroce de vivre, toujours présente, au besoin déguisée, même dans la douleur.
Être là, le savoir, en jouir et s’en réjouir, privilège offert par la mort à la vie…
En guérir aussi, par le gai rire. Sous la mort, l’humour !
Cette contradiction originelle qui fait de la mort la condition de la vie, est la base sur laquelle s’épanouissent toutes les contradictions grâce auxquelles tout en adorant la vie, nous n’avons de cesse de la détruire.

MOTIF
C’est un choix : je ne peins pas sur le motif ; je vis le motif. Après seulement, je le peins. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de peindre une montagne, c’est de peindre la montagne. La présence en moi de la montagne. Pas seulement, j’espère. La présence de la montagne.
« Le peintre ne doit pas seulement peindre ce qu’il voit devant lui, mais ce qu’il voit en lui. S’il ne voit rien en lui, qu’il cesse aussi de peindre ce qu’il voit devant lui » disait Friedrich.

MOUILLER (se)
Contrairement à leurs ancêtres, les français d’aujourd’hui veulent bien se mouiller, à condition que ça ne mouille pas.

MUSSET (Alfred de)
On a un peu oublié Musset. On a tort. C’était un homme libre, de ceux qui ne se laissent jamais embrigader, ni pour bêler avec les moutons, ni pour hurler avec les loups. Nerval mis à part, c’est de tous les romantiques le plus indépendant, parce que c’est le seul que le pouvoir n’intéresse nullement : « Mon verre n’est pas grand, mais je bois dans mon verre. »

N’IMPORTE QUOI
D’un journaliste de France-Inter, cette réussite : « Un référendum augmentant les pouvoirs du président Erdogan sera soumis à référendum ». D’un autre : « Il se rapproche de la Russie dont il qualifie son leader de… »
Pauvre Cioran, dire qu’il rêvait d’un monde où l’on mourrait pour une virgule…
Si les français étaient obligés de parler français sous peine de mort, le problème de la surpopulation serait résolu d’emblée. En tout cas, avant d’exiger des étrangers qui viennent travailler chez nous qu’ils parlent français, nous devrions commencer par leur donner l’exemple !
Comme disait élégamment une autre journaliste, toujours sur France-Inter, et comme de juste pendant la Semaine de la Francophonie, « La seule chose d’à peu près certain », c’est que si le respect s’perd, la langue itou…

ORIGINAL (être)
Par un paradoxe en réalité parfaitement logique, la recherche de l’originalité conduit tout droit à l’académisme, vouloir être original étant le plus sûr moyen de ne pas l’être.
On n’est original qu’en étant soi-même, on ne le devient pas en forçant sa nature.
Je ne le répéterai jamais assez : chercher à être original, c’est avouer qu’on ne l’est pas.

ORIGINAUX
Les vrais originaux ne sont presque jamais les originaux reconnus, « officiels ». On les découvre souvent après coup, car le propre du véritable original est de l’être si réellement que le conformisme ne peut même pas le voir tant il est hors des limites habituelles de notre champ de vision. Ainsi de Vermeer, considéré de son vivant comme un excellent peintre de second plan, dont la peinture, pour être vue, a dû attendre plus de 150 ans.

PARASITES
Tentant à nouveau de lire quelques pages du Parasite de Michel Serres, j’en arrive très vite à la conclusion que chez lui comme à vrai dire chez beaucoup de « penseurs » contemporains, le rapport signal-bruit est particulièrement mauvais, c’est à dire que le bruit l’emporte de beaucoup sur le signal…
Le Parasite devrait plutôt s’appeler les parasites, tant la forme, amphigourique jusqu’à la logorrhée, occulte la pauvreté de la pensée. Produit pour dissimuler l’évacuation du signal, le bruit est si assourdissant qu’on n’entend plus que lui. Raison suffisante pour qu’un livre illisible fasse dans ce monde de sourds le bruit qui était son objet. Lacan ne procédait pas autrement.
Paraphrasons Boileau :
Ce qui se conçoit mal s’énonce confusément
Et les mots pour le dire s’entassent absurdement.

PARESSE (hyperactive)
Les vrais paresseux sont très souvent des travailleurs acharnés : il leur faut bien compenser par l’hyperactivité tout le temps qu’ils passent à ne rien faire. Ainsi se rachètent-ils de la culpabilité engendrée par une saine inaction dans nos sociétés vouées à la frénésie d’une incessante activité.

PERSUASION
Convaincre un crétin, c’est faire tort aux idées qu’on croit défendre.

PEUR (mère de sûreté)
Ce que j’en pense a été idéalement formulé par un autre, que je me plais à citer ici : « On nous a traités de « semeurs de panique ». C’est bien ce que nous cherchons à être. C’est un honneur de porter ce titre. La tâche morale la plus importante aujourd’hui consiste à faire comprendre aux hommes qu’ils doivent s’inquiéter et qu’ils doivent ouvertement proclamer leur peur légitime. Mettre en garde contre la panique que nous semons est criminel. La plupart des gens ne sont pas en mesure de faire naître d’eux-mêmes cette peur qu’il est nécessaire d’avoir aujourd’hui. Nous devons par conséquent les aider. »
Günther Anders, Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j’y fasse ? 1977
Traduction française, Éditions Allia

POSE (prendre la)
Consciemment ou non, nous finissons toujours par prendre la pose. Ma pose à moi, c’est de ne pas la prendre. Il est des déterminismes auxquels on n’échappe qu’en apparence…

PRÉSENCE
Tout change sans cesse, pour mieux retrouver l’essentiel, qui, lui, ne change pas, sous toutes les formes où il s’incarne.
« Sans souvenirs, pas d’imagination », me dit l’ami Klépal. C’et la clef de l’improvisation : pas de fleurs ni de fruits sans racines.
L’agitation contemporaine si semblable à celle du malheureux qui, tombant d’un gratte-ciel, brasse l’air dans l’espoir de se mettre à voler, je me demande si elle n’est pas la suite logique de notre obsession de ce que nous croyons être le « présent », fantasme insaisissable, dont dans notre frénésie de consommation nous avons oublié qu’il n’advient à chaque instant que par la présence d’un passé assumé et d’un futur projeté. Qui ne vit qu’au présent est un mort-vivant. La vraie vie, c’est la présence, permanente renaissance du présent perpétuel.

PRÉSENT
Le présent est devenu si envahissant qu’il fait écran à la fois au passé et au futur, et comme à proprement parler il n’existe pas, nous nous retrouvons dans le vide d’un présent insaisissable que son omniprésence même annihile.

PROGRÈS
Bon nombre de mes amis, découvrant mes créations de septuagénaire, s’extasient, concluant : Tu as fait des progrès.
C’est fort possible. Mais je leur réponds désormais, usant de cette liberté de parole qui est avec la surdité l’un des privilèges d’une vieillesse bien comprise : C’est peut-être vous qui avez fait des progrès…
Je ne crois pas avoir changé grand-chose à mon écriture depuis une trentaine d’années. J’espère avoir fait quelques progrès, mais je ne serais pas étonné que mes lecteurs, un peu déroutés au départ par le côté un peu marginal de ce que j’écris, s’y soient peu à peu habitués au point de finir par le sentir et l’apprécier.
Quant à ce que je peins, à mesure que se développe ma tentative de traduire à partir de presque rien les couleurs de la lumière et le jeu des éléments, s’ils apprécient le résultat, c’est autant parce qu’ils sont mieux à même, à force d’en voir les variations et l’évolution, de saisir le sens de mon projet et d’entrer dans cet univers si ténu en apparence, que du fait d’une aisance et d’une maturation que j’aurais acquises par une pratique assidue.

PROPHÈTES
Nul n’est prophète en son pays, dit-on.
Si, les médiocres. Il n’y a que les médiocres pour être prophètes en leur pays, parce que leur similitude avec la médiocrité générale fait que loin de déranger, ils sont montrés en exemple.

RAISON
Tant que nous nous abandonnerons à une foi totalement irrationnelle en notre prétendue raison, nous irons de plus en plus vite à notre perte.

RÉALISME
Un réalisme qui ne fait pas sa part à l’idéalisme n’est jamais qu’un idéalisme inversé.

RÉALISME
Le prétendu réalisme des anglo-saxons relève du plus dangereux idéalisme. Il est fondé sur de terribles illusions, issues d’une fondamentale naïveté. Scientisme, progrès indéfini, loi du plus fort, conquête et domination de la nature, ce réalisme d’opposition et de combat où il s’agit toujours de gagner ou de perdre, excluant toute alternative à la recherche du profit au nom d’un pragmatisme à courte vue, est au final le comble de l’irréalisme.

RECONNAISSANCE
Curieusement, mais c’est au fond assez logique, c’est presque toujours quand nous n’avons plus rien à dire que nous sommes enfin écoutés.

REMBRANDT
Ce qui le met si à part, et si au-dessus, de la plupart des autres grands peintres, c’est qu’il est parvenu à matérialiser le spirituel en spiritualisant la matière. La peinture de Rembrandt donne à l’anecdote une portée universelle en l’incarnant avec une force d’évocation qui la transcende de façon quasi alchimique. Littéralement, chez lui, la matière peint l’esprit, parce que l’esprit anime la matière. Rembrandt, alchimiste de la peinture.

RENCONTRES (avortées)
J’ai rencontré beaucoup de gens, qui ne m’ont pas toujours rencontré. Et beaucoup de gens m’ont rencontré sans que je les rencontre. Il ne faut pas seulement être deux pour se rencontrer, il faut être tous deux présents à l’autre, une condition qui n’est que rarement remplie, et encore moins dans la durée. D’où la difficulté du couple.

RESPECT
C’est plus fort que moi. Quand je bouscule un livre, je lui demande pardon.

RESPECT
Avoir du respect pour qui n’en est pas digne, c’est n’en pas avoir pour soi.

RESPONSABILITÉ
Aujourd’hui, personne n’est plus responsable de rien. C’est la faute des autres, du passé, bientôt si notre présent merde, ce sera la faute du futur…

RETARD
Être en retard, c’est souvent prendre de l’avance pour la suite.

RÉUSSIR
Plus que jamais dans notre société de frime mondialisée, le principal talent de la plupart des gens qui réussissent est de savoir paraître plus intéressants qu’ils ne sont, alors que beaucoup de ceux qui échouent le doivent à leur incapacité à paraître aussi intéressants qu’ils le sont.
Comme le savent tous les bons représentants de commerce, ce n’est pas ce qu’on vend qui compte, c’est de savoir le vendre.
D’où qu’il n’est pas nécessaire d’aimer ce qu’on vend, mais essentiel de savoir le faire aimer du client potentiel. Si bien qu’on est souvent d’autant meilleur vendeur qu’on n’est pas attaché à ce qu’on vend.
Ce qui explique, paradoxe cruellement ironique et qui permet de boucler la boucle, pourquoi la plupart d’entre nous sont incapables de se vendre…

RÉUSSITE
M’étonne l’étonnement de certains de mes amis, notamment les américains, quand je leur dis ne pas être très intéressé par ce qu’ils appellent la réussite et avoir en fin de compte préféré jouer un jour devant deux personnes plutôt que devant cinq cents, parce qu’il en est sorti une vraie relation. Que valent les applaudissements passagers d’une foule anonyme face à la découverte d’une personne et à la naissance d’une amitié ?
Croire que l’on peut arriver à la qualité par la quantité, quelle naïveté ! Croire que l’éphémère peut combler comme la durée, quel leurre !
Tout l’échec mortel de notre prétendue civilisation contemporaine est là, dans cette foi magique dans le pouvoir du plus et dans ce paresseux refus de la difficile, de l’exigeante beauté du mieux.
Je regardais hier les images d’un gigantesque barrage en construction dans une partie de la forêt amazonienne où vit depuis des lustres une tribu que ce barrage littéralement noiera. Par contraste, les images montrant cette population dans le milieu naturel avec lequel elle vit en symbiose depuis des siècles illustraient la terrifiante réalité de ce que contre toute évidence nous nous obstinons à nommer réussite.
Choisir l’industrie contre l’artisanat, la réussite immédiate contre le progrès à long terme, c’est choisir le viol contre l’amour, c’est à la fois détruire la vie et perdre son âme.
Je n’ai pourtant rien contre le mot réussite. Je pense seulement qu’il est trop souvent confondu, particulièrement de nos jours, avec un autre, qui est pourtant loin d’être synonyme, le mot succès.
Pour moi, réussir, c’est réaliser un rêve. Avoir du succès, c’est réaliser le rêve d’autrui. Nuance…
Réaliser le rêve d’autrui, pourquoi pas, si c’est aussi et pour commencer mon rêve. Sinon, cherchant à plaire, je ne suis plus moi-même. Se conformer au désir d’autrui, c’est se prostituer.
On a du succès quand on a réussi à faire partager par autrui ce que l’on a fait, quelle qu’en soit la valeur réelle.
On sent qu’on a réussi quand on s’est approché, aussi près qu’il est en notre minuscule pouvoir de le faire, de la perfection, ou du moins de l’idée que nous nous en faisons. Et tant mieux si les autres s’en aperçoivent et font de notre petite réussite un succès !
Mais le succès ne prouve nullement la réussite.
Est-il plus important d’avoir du succès comme Bouguereau ou de réussir comme Van Gogh ?
Réussite et succès peuvent évidemment aller de pair, voire fusionner, selon des proportions variables à l’infini.
Mais ce qui rend heureux, c’est la réussite, et plus encore le chemin parcouru pour y parvenir, alors que le succès et les chemins qu’il emprunte, même quand ils ne sont pas tortueux comme trop souvent, ne combleront jamais pleinement un créateur.
Le succès donne du plaisir, la réussite du bonheur.
Je ne crache pas sur le premier, mais pas question de lui sacrifier le second.
Le succès dépend davantage d’autrui que de soi, la réussite dépend de soi bien plus que d’autrui. Tout dépend de ce que nous cherchons : voulons-nous plaire à autrui ou être le plus possible nous-mêmes ?
Plaire à autrui, c’est s’insérer dans une synchronie, dans ce qu’on appelle à tort le présent, et donc en être la plupart du temps prisonnier ; être à la recherche de soi-même, c’est être dans la diachronie, autrement dit dans l’évolution et dans la quête d’une perfection qui n’est jamais atteinte. C’est vouloir incarner l’infini dans le fini, alors que le succès consiste à insérer son fini dans le fini général…
C’est pourquoi notre époque où règnent la mode et le consensus obligatoire se détourne des démarches artistiques dignes de ce nom, qui sont à ses yeux sans valeur, au profit d’un art de marché avant tout préoccupé par une incessante recherche de la valeur ajoutée notamment par des opérations de marketing systématiques qui n’ont rien à voir avec l’art et tout avec le règne de la mode instantanée et la frénésie spéculative imposées par la dictature de la finance.
L’artiste authentique est engagé et engage avec lui son éventuel public dans une constante recherche de perfection quand l’artiste de marché, parasite officiel et provocateur académique, est tout occupé à susciter la demande de la partie solvable du public et à y répondre. Son travail ne consiste pas tant à créer réellement qu’à élaborer des stratégies commerciales gagnantes.
L’opposition entre ces deux extrêmes n’est pas toujours aussi tranchée, mais elle n’en est pas moins essentielle, tout comme la différence de nature que je discerne entre réussite et succès.

RIRE
J’ai longtemps ri de tout avec (presque) tout le monde. Je n’ai plus envie de rire de rien, ni avec personne, tellement tout est devenu triste, particulièrement la gaieté. Les « fêtes » dont se gavent mes contemporains sont aussi gaies que des crémations et aussi stériles qu’une masturbation : notre époque a inventé la fête onaniste.

SAGESSE (folle)
Dans les moments vraiment graves, s’en remettre à la sagesse est une folie.

SAVOIR
Savoir quelque chose, c’est risquer de croire qu’on sait, ce qui mène presque naturellement à ne plus rien vouloir savoir d’autre que ce qu’on croit déjà savoir.

SENSIBLERIE
Notre époque se croit sensible. Tout comme elle confond qualité et quantité, réussite et succès, économie et finance, sophistication et raffinement, elle prend sa sensiblerie pour de la sensibilité.
Lourde erreur ! La sensiblerie est l’exact contraire de la sensibilité. La sensiblerie regarde autrui à partir de son point de vue à elle, de ce qu’elle ressent, alors que la sensibilité est à l’écoute de l’autre, de son point de vue et de ce qu’il ressent.
Dans la sensiblerie, je m’occupe de mon ressenti, dans la sensibilité, je m’occupe du ressenti de l’autre. Je ne suis donc pas sensible à l’autre, mais à ce qu’il me fait éprouver, alors que dans la sensibilité, je suis sensible à ce que l’autre éprouve.
La sensiblerie est confortable, elle est le fruit de notre paresse, la sensibilité demande un difficile effort pour sortir de soi.
La sensiblerie s’accommode d’autant mieux de l’égoïsme et de la cruauté qu’elle en procède, puisqu’elle n’est que le masque de notre indifférence à autrui et de notre égocentrisme.
La sensiblerie veut voir la souffrance de l’autre, d’où le voyeurisme si complaisamment entretenu par certains médias, la sensibilité cherche à lui porter secours.
En vérité, la sensiblerie n’aide pas l’autre, elle l’enfonce, alors que la sensibilité perçoit ce dont l’autre a besoin.
Noguchi, célèbre guérisseur japonais fondateur du seitaï, alors que des naufragés épuisés montaient à bord du paquebot où il se trouvait, se jeta sur eux et les engueula férocement, au grnad scandale de l’assistance accourue pour accueillir dignement ces pauvres gens. Furieux, les naufragés l’injurièrent copieusement en retour. Sommé de s’expliquer sur son inadmissible conduite, Noguchi répliqua tranquillement à peu près ceci : « Ces naufragés étaient si épuisés qu’un bon accueil, en leur permettant de se détendre après l’énorme tension qui leur avait permis jusque là de survivre, se seraient effondrés, victimes d’un collapsus fatal. Pour les sauver, il fallait les faire réagir, les mettre en colère, les empêcher de se laisser aller en les forçant à mobiliser ce qui leur restait d’énergie. Leur indignation les a préservés de votre mortelle bienveillance… »

SENTIMENT
Notre époque de sensiblerie devrait méditer cette maxime d’une artiste infiniment sensible :
« Faire du sentiment, c’est prouver qu’on en manque. »
Virginie Demont-Breton

SÉRIEUX (esprit de)
L’esprit de sérieux cache presque toujours le goût inavoué du pouvoir.

SILENCE
Le monde du silence n’a ni cartographie ni guide, notre seule présence muette et tendrement têtue en ouvre les portes.
Garder le silence sied à qui tente de le faire parler.

SIMPLICITÉ
Une simplicité qui évacue la complexité n’est que simplisme. Je ne suis pas sûr que nombre de peintres du siècle passé, dont Miro, Matisse, Picasso ou Rothko, ne soient pas parfois tombés dans ce travers, qui d’une recherche admirable finit par faire une commode voie de garage.

SURMOI (abolition du)
La volonté plus ou moins consciente de détruire tout surmoi, qui est au fond la grande affaire du XXe siècle, poursuivie avec une folle ardeur par le XXIe, est caractéristique de la recherche de l’intérêt personnel, poussée jusqu’au mépris systématique de l’intérêt général, et par là même contraire en fin de compte à un intérêt personnel bien compris. Qu’un surmoi collectif bride le moi dans les élans de son expansion indéfinie est insupportable à des individus « libérés » pour lesquels aucune « croissance » n’est excessive pourvu qu’elle contribue à l’hypertrophie de leur petite personne.
Cette perte du surmoi, nous en voyons en tous domaines les effets destructeurs, présentés comme d’irrésistibles « progrès », d’inévitables « avancées ».
La psychanalyse, devenue système de pouvoir sous l’influence de divers charlatans truqueurs de langage, loin de rechercher un équilibre entre le moi, le surmoi et le ça, cherche sous couleur de décomplexer à détruire toute limite, libérant des énergies qu’il est vital de canaliser, dans l’intérêt de l’individu comme dans celui de la société où il évolue.
Remplacer les règles morales par de petits rites de comportement à valeur supposément éthique est un leurre : sans morale définie par un consensus suffisamment général, pas de surmoi qui tienne, la folie, singulière et plurielle, installe le pouvoir dictatorial du chaos.
Une morale trop rigide tue la vie, l’absence de morale la dilue et l’épuise. Pas de mouvement possible sans à la base une colonne vertébrale.
Aux prises avec ses instincts et la volonté de puissance de son ego, l’individu perd le contrôle de ses énergies et sa liberté se résume à la soumission à des pulsions qui le dépassent. Paradoxe parfaitement logique, c’est au moment où la personne est le plus strictement réduite à elle-même qu’elle devient la plus dépendante des divers flux énergétiques du monde « extérieur » auquel elle ne cessera jamais d’appartenir, qu’elle le veuille ou non.
En matière d’énergie vitale, ce qu’on appelle la morale est un système de « refroidissement » des passions, s’imaginer pouvoir s’en passer conduit droit à la surchauffe. En ce sens, le réchauffement climatique est une métaphore concrète de notre incapacité à élaborer et maintenir une éthique de l’équilibre qui permette un jeu aussi harmonieux que possible d’énergies dont nous sommes par nature incapables de maîtriser le déchaînement.
Faute de « régulation thermique morale », les minuscules entités que nous sommes, s’agitant en tous sens selon un illisible mouvement brownien, achèvent leur course dans un magistral burn-out individuel et collectif.
Tout se tient et en morale aussi, on ne joue pas impunément avec les lois de la thermodynamique…

SYSTÉMIQUE
Ce que j’appellerais la pensée systémique, et qui devient souvent pensée systématique, qui cherche à harmoniser l’individu et le groupe, ne fonctionne pas sur les grands nombres, car le système, en se renforçant par nécessité pour garder sa cohérence eu égard au nombre excessif d’individus, l’emporte sur ses parties ; le groupe s’annexe les individus, réduits à des rouages interchangeables. D’où l’incompatibilité entre démocratie et système, que celui-ci soit capitaliste ou communiste, voire se réclame de la prétendue « social-démocratie ».

THINK POSITIVE
Un lieu commun archi rebattu prétend qu’il vaut mieux voir son verre à moitié plein qu’à moitié vide. Voilà de ces vérités révélées auxquelles nous accordons la foi du charbonnier alors qu’elles sont tout sauf indiscutables.
Je soutiens pour ma part, d’expérience, qu’il est beaucoup plus utile et nécessaire de voir que notre verre est toujours à la fois à moitié plein et à moitié vide et d’essayer de le remplir que de se contenter de le voir à moitié plein. Ne voir que le bon côté des choses est un excellent moyen de mal évaluer une situation et de prendre de calamiteuses décisions.
En vérité, il est très intéressant de confronter les adeptes de la pensée positive aux conséquences de leur consolante croyance. On a beaucoup vanté l’optimisme américain, cet esprit d’entreprise inextinguible. Ces grands tenants du « Think positive ! » sont en effet persuadés que leur verre est toujours plein, et en tirent une confiance en eux que nous admirons d’autant plus que nous sommes exagérément portés à douter de nous-mêmes comme d’autrui. Ce qui me frappe chez mes amis américains, c’est qu’ils m’ont assez souvent donné des exemples, parfois caricaturaux, des dangers d’un excès d’optimisme. Car les américains sont en effet persuadés que leur verre est à moitié plein, et va l’être encore davantage et l’est déjà plus que celui des autres. Ils ont tellement confiance en eux que même quand il est plus qu’à moitié vide ils le voient encore plein à ras bord.
Ne voulant jamais considérer le côté à moitié vide des situations, ils ont en eux-mêmes une confiance inébranlable, et s’autorisent du coup, non seulement à faire les pires bêtises, mais à les répéter à l’infini. Le désastre engendré par l’optimisme outrancier de la civilisation barbare créée par et pour les États-Unis et qui perdure depuis plus de 150 ans a quelque chose de terrifiant : le verre est assez plein en effet, mais il a vidé tous les autres verres…
Il faut cesser de croire que l’optimisme à tous crins est une valeur et un mode de conduite à généraliser ; c’est au contraire à mon sens un chemin en pente très raide vers une conception abstraite de la vie qui permet de nier la réalité tout en la détruisant, et fait de nous de véritables morts-vivants.
Au bout du compte, comme tout volontarisme, la pensée positive est d’essence fasciste. Elle est le fondement même de la vision du monde des hommes de pouvoir. Elle était au cœur du communisme comme du nazisme, et elle a engendré les pires comportements chez ses plus ardents promoteurs, les États-Unis d’Amérique, voir entre tant d’autres les merveilleux résultats obtenus au Vietnam, en Afghanistan et en Irak par le fameux optimisme américain, faux-nez d’une bonne conscience particulièrement perverse et destructrice, qui avait fait ses premières armes avec le traitement si généreusement positif appliqué aux tribus amérindiennes…
Beaucoup de mes amis, y compris certains des meilleurs, affichent aujourd’hui encore un optimisme dont je veux croire qu’il est forcé tant il est décalé par rapport à la réalité de la désastreuse situation où nous nous trouvons par notre faute.
Face à cet aveuglement volontaire qu’avec quelques autres je vitupère depuis déjà plus de trente ans ( ma première nouvelle sur le réchauffement climatique a été publiée dans Hara-Kiri en 1983 ou 84), je vote sans hésiter pour un pessimisme résolu. Quand il s’appuie moins sur une orientation personnelle névrotique que sur la lucidité qu’apporte une réelle attention aux faits, le pessimisme n’exclut ni une forme réaliste d’espérance, ni l’humour qui est si cruellement absent de la pensée prétendument positive, qui n’est jamais qu’une pensée infantile, pensée qui n’atteint à l’humour qu’après une maturation qui signe un authentique passage à l’âge adulte.
Seul un pessimisme tempéré permet de s’atteler aux vrais problèmes, puisqu’on a pris la peine d’en reconnaître l’existence et de les identifier. Il est tout de même effarant de pouvoir continuer à agir à l’aveuglette dans une situation de catastrophe sans faire le point, sans aucunement réfléchir sur les causes de ce qui est déjà advenu, sans examiner ce qui risque d’advenir et sans s’interroger sur ce qu’il est possible de faire, le tout sous prétexte qu’il faut positiver, et que ça va donc s’arranger de soi-même grâce au « progrès technologique ».
Le plus sûr moyen de rendre une situation définitivement catastrophique, c’est de refuser d’admettre qu’elle l’est déjà…
Que le pessimisme soit un garde-fou essentiel contre le danger mortel que représente l’optimisme n’est pas un paradoxe, mais relève au contraire du bon sens le plus élémentaire.
De ces faux paradoxes, mon lecteur pourra trouver de délicieux et éclairants exemples dans le dernier livre de Denis Grozdanovitch, Le génie de la bêtise, bel exemple d’humanisme lucide, d’empathie sans sensiblerie. L’auteur y pose avec un humour raffiné des questions essentielles, et nous rappelle avec pertinence que qui veut faire l’ange fait souvent la bête…
Ce qui signifie entre autres que nous vivons dans notre cœur et nos tripes autant et plus que dans notre tête, où se sont réfugiés beaucoup de nos contemporains pour être à l’abri de la réalité, qui ne les en rattrape que plus facilement, voyez leur consommation d’antidépresseurs et de psychotropes. Il nous amène à voir en face ce qui est en jeu aujourd’hui, à savoir l’existence même de la vie, et la possibilité de rester humain dans un monde numérique où l’humanité devient « le maillon faible », comme le démontre brillamment Éric Sadin dans son dernier livre, La silicolonisation du monde.
À qui douterait encore de la réalité du problème écologique mortel devant lequel nous séchons, je recommande une fois encore chaudement, cas de le dire, Une brève histoire de l’extinction en masse des espèces et Osons rester humain.
Ce sont des oiseaux que je veux voir dans mon jardin, pas un monde de béton repeint en rose pour faire joli.
Concernant l’état actuel de nos sociétés, j’espère trouver le courage de revenir sur des évidences si aveuglantes qu’elles restent totalement occultées : nous vivons dans des sociétés régies par la peur et le viol, la peur universelle et le viol systématique et généralisé, non pas suelement en matière sexuelle, mais dans tous lers domaines de la vie ert de l’activité humaines. Peur de tout, besoin de s’assurer contre tout, car, comme toujours quand il y a peur, la volonté d’anticiper, « pour plus de sûreté », amène à agir avant que ce soit nécessaire. De peur de subir la violence, nous la pratiquons « préventivement », ce qui est une sorte de viol.
Notre viol collectif de la nature, notre viol collectif des droits de l’homme, tout cela fait que nous sommes une société autodestructrice, parce que fondée sur la peur de l’altérité et sur le viol généralisé qu’engendre cette peur. Si nous ne mutons pas réellement, si nous ne changeons pas en profondeur, nous sommes condamnés. Cette mutation, qui n’est pas seulement un changement mental, mais une évolution totale, impliquant l’esprit mais aussi le corps, et si nous en avons une, l’âme, je l’espérais vers la fin des années 70.
Je tiens à le redire aujourd’hui, même si je l’ai déjà dit il y a près de 40 ans. Sans me faire aucune illusion sur l’utilité de cette répétition ! Qui n’a pas encore compris ne comprendra sans doute jamais…
Il est plus que temps de passer de l’homme de pouvoir à l’homme de perfection, pour parler comme Georges Roditi, dont je ne saurais trop recommander L’esprit de perfection, délicieux et stimulant petit livre longuement peaufiné au fil des rééditions et dont la mort de son auteur n’a en rien entaché l’actualité.

TRAVAIL
Le travail d’un véritable artiste, ce n’est pas d’aller voir ce que font les autres, c’est de faire ce qu’il a à faire. Les autres, il faut leur piquer ce dont on a besoin pour ce qu’on a à faire, point barre.

TRIPES
Penser avec ses tripes n’est pas forcément la meilleure manière de penser. Mais ça devient la pire de toutes quand on pense avec ses tripes tout en croyant qu’on pense avec sa tête. Brillamment instrumentalisée par l’oligarchie ni gauche ni droite, la peur panique du FN qui a permis de faire élire un candidat dont personne ne voulait, à part l’oligarchie et les domestiques dont elle s’entoure, nous en a fourni une preuve éclatante.

VACCINS OBLIGATOIRES (11)
Je vais encore faire hurler quelques myopes volontaires, mais il me semble que la prise en main de la médecine et de la Sécurité sociale par les grands laboratoires et leurs alliés politiques nous mène tout doucement vers une forme nouvelle de la si profitable collusion des industries chimiques allemandes avec le régime nazi, merveilleux exemple d’intégration réussie de la politique, de la science et de l’économie…
C’est à cette miraculeuse synergie qu’on doit entre autres le succès du Zyklon B. Il ne faut pas surtout pas arrêter le progrès de la régression systématique !
Sauf bien sûr si on pense que l’humain vaut mieux que la santé trafiquée et instrumentalisée par la quête démente du pouvoir et du profit, ces frères siamois de l’inhumanité.

VALEUR (création de)
Je m’interroge toujours davantage sur cette peu ragoûtante passion que partagent adorateurs inconditionnels et spéculateurs avisés quant à la « valeur artistique » de la moindre crotte de nez étalée par inadvertance sur un mouchoir par les génies artistiques consacrés par l’époque, qu’ils soient réels ou mythifiés.
Il est grand temps de retrouver un minimum d’esprit critique et d’honnêteté, et de cesser de porter automatiquement aux nues l’œuvre entier d’artistes qui, si géniaux soient-ils, ont comme nous tous des hauts et des bas.
Une récente exposition Turner à l’Hôtel de Caumont à Aix, malgré la pénombre opportunément ménagée, ne donnait que trop à voir des rogatons dénichés parmi des brouillons écartés, fonds de tiroirs qui n’apportent pas grand-chose à la compréhension de l’artiste et encore moins à sa gloire, mais qui par une abusive analogie autorisent une validation indirecte de quantité de déchets picturaux plus ou moins contemporains, que Turner aurait annoncés et donc légitimés par avance…
La ficelle est grosse, mais pas autant que celle qui par la grâce des subsides d’un industriel collectionneur propulse les dégueulis mégalos du sinistre Anish Kapoor dans la Salle d’Honneur du Rijksmuseum d’Asterdam, aux côtés (et donc implicitement au niveau) des Rembrandt, Vermeer, Frans Hals, etc. Délaissé par l’État, le musée se prostitue pour survivre et cautionne les manœuvres spéculatives d’un chercheur de plus-values artistiques tous azimuts en conférant par une douteuse analogie de proximité un brevet de génie à un bricoleur mégalomaniaque.

VEAU D’OR
Toujours debout…
Pharisiens et philistins sont bel et bien au pouvoir, ils ont envahi les corps et ce qui reste des âmes, le relativisme spéculatif triomphe en tous domaines. Associé au règne du quantitatif, il impose cette récurrente, et désormais presque universelle, religion de l’argent grâce à laquelle notre fanatique paresse espère à tort réaliser le vieux rêve d’une dérisoire mégalomanie : avoir tout, tout de suite et sans effort. L’ennui, c’est que l’argent finit tôt ou tard par présenter la note, et qu’elle est d’autant plus salée qu’elle a été différée. Ce qu’on appelle en finance la cavalerie se termine toujours par l’arrivée au grand galop des chevaux de l’Apocalypse…

VERMEER
Vermeer l’impalpable. Qu’en dire, sinon regarder.

VIN
On ne fait pas du bon vin parce qu’on a la « science » du vin, on fait du bon vin parce qu’on a le sens du vin. En matière de création, il s’agit toujours davantage de sentir que de savoir. Jamais technique ni marketing ne peuvent remplacer l’âme, ils sont tout juste capables de la singer.
Tout comme singent la beauté ces créatures hybrides fabriquées par la science, déchets botoxés qui violent la nature et se violent eux-mêmes.

VIOL
Au viol est toujours associée la lâcheté. Le violeur est courageux : il a le courage d’user de sa force contre plus faible que lui, et il lui faut une grande force morale pour ne pas succomber à la tentation de l’apitoiement…

VIOL
À propos du viol et de l’art contemporain, l’AC, il est clair que le viol des foules, cette façon d’imposer l’AC à la hussarde, par voie étatique arbitraire et sans recours, va tout à fait dans le sens de ma théorie sur le viol généralisé. On nous impose l’AC auquel nous sommes indifférents, ou que (de plus en plus) nous rejetons. En même temps, ceux qui nous l’imposent, violant délibérément liberté d’expression et de création, éliminent impitoyablement, que cela nous plaise ou non, tout ce qui n’est pas conforme à leur norme.
Dans le même élan, les artistes à la mode, questionnent, provoquent, violeurs sans risque encouragés et adoubés par les « autorités culturelles » dans leurs confortables transgressions académiques, le cul confortablement assis dans les commodités qu’on leur offre.

dimanche 15 octobre 2017

BABY FACE, LE CAVALIER DE L’APOCALYPSE

Le Président va parler ce soir.
Il y a le boniment qu’il va nous servir, et il y a ce qu’il fait et fera, à savoir une politique ultra-libérale.
Commençons donc par montrer (par l’absurde ?) les mirifiques effets de sa « politique apolitique » appliquée à la Symphonie inachevée de Schubert, histoire de comprendre qu’il s’agit pour lui, non d’achever les réformes, mais bien d’achever les réformés…

Une imparable démonstration de l’efficacité absolue de la gouvernance néo-libérale



Comment la communication a tué la politique aux USA… et ailleurs !


Il va donc parler ce soir, le joueur de flûte.
Je tenterai prochainement de revenir sur ce que signifie sa présence au plus haut niveau d’un des états a-démocratiques consécutifs à la globalisation financière et au règne des multinationales mafieuses.
En attendant, voici un texte écrit fin juin juste après le discours au Congrès du Président nouveau, aussi vert et frelaté que le Beaujolais éponyme.
Je ne le publie qu’aujourd’hui, à peine complété, non que j’aie voulu laisser le temps à ce redoutable godelureau de « faire ses preuves », puisqu’il les avait déjà largement faites dans le gouvernement précédent, comme le savait quiconque prenait la peine de s’informer ailleurs que dans la presse appartenant au CAC 40 (voir sur ce sujet le remarquable article d’Aude Lancelin Sept idées fausses sur les médias), mais parce qu’à l’époque le macronisme moutonnier étant à son comble, il était parfaitement inutile de continuer à dire la vérité à des électeurs tombés sous le charme douteux d’une Sirène… de police !
On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, surtout quand il s’abreuve en continu des mensonges de médias manipulés et manipulateurs.
Trois mois ayant suffi à rendre plus qu’évident ce qui ne l’était déjà que trop, on peut donc revenir sur le « phénomène » Macron, histoire d’une invraisemblable imposture et désolant témoignage de la cécité plus ou moins volontaire de tant d’entre nous.



BABY FACE, LE CAVALIER DE L’APOCALYPSE



« Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être bien adapté à une société malade. » Krishnamurti

« Ne pensez pas une seule seconde que si, demain, vous réussissez vos investissements ou votre start-up, la chose est faite. Non, parce que vous aurez appris dans une gare, et une gare, c’est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien, parce que c’est un lieu où on passe, parce que c’est un lieu qu’on partage. »
Au cœur d’un discours totalement incohérent et pour tout dire d’une rare stupidité (écoutez-le sur Internet, cela en dit long sur la pensée supposément complexe de l’actuel président), émerge cet aveu, coming up involontaire de l’inconscient du pervers narcissique. Difficile de pousser plus loin le mépris manipulateur.
Parole creuse, discours de folie, plus qu’inquiétant quant à la vision du monde et au comportement de son auteur.
Confirmé par le discours fleuve devant le Congrès, sommet de rhétorique tournant à vide et superbe témoignage du foutage de gueule institutionnalisé qu’est devenue la « politique » dans nos « démocraties » « représentatives ».
À la place de la pensée complexe revendiquée par les dévots de ce jeune homme trop pressé pour être honnête, on a eu droit à l’étalage complaisant d’une pensée-poubelle digne de figurer dans une anthologie des discours les plus ringards de la communication néo-libérale et tout à fait caractéristique des novlangues contemporaines…
Comme Trump, avec qui il s’entendra très bien, entre Matamores on se comprend comme larrons en foire, Emmanuel Macron est un cas d’école, typique des nouveaux zombies engendrés par le triomphe de l’idéologie libérale-nazie, ces dirigeants du futur dont Orwell disait prophétiquement : « lorsque les fascistes reviendront, ils auront le parapluie bien roulé sous le bras et le chapeau melon ».
Pendant que notre Communicant en chef barbote dans des envolées lyriques qui réussissent à être « en même temps » puériles et cyniques, la spéculation sur les matières premières, entamée il y a quelques années notamment pour optimiser les profits boursiers des fonds de pension, est en train d’échapper à toute mesure et sera bientôt l’un des déclencheurs d’une nouvelle crise économico-financière majeure. Et ce n’est qu’un des problèmes inextricables engendrés par la poursuite d’une crise économico-financière qu’on nous présente comme terminée alors qu’elle ne fait que commencer.
Telle est la logique de la course au profit qu’elle tombe inévitablement dans la cavalerie (métaphore financière fort pertinente, voir Wikipédia) et ne s’arrête dans sa chevauchée fantastique que quand elle a rendu par sa permanente accélération un déraillement inévitable.
C’est cette course au profit démentielle que Macron s’est chargé de faciliter à ses commanditaires, les 1% qui constituent l’élite mondialisée.
En quelques mois d’exercice, le jeune fondé de pouvoir des vrais riches a bien mérité de ses patrons, avec en particulier un tonitruant retour d’ascenseur en forme de suppression de l’ISF, qui permettra aux membres des 100 familles les plus fortunées de notre beau pays de se partager quelque 5 milliards d’euros à nos frais.
Comme c’était prévisible puisqu’annoncé (ah, l’étonnement de ce gros nigaud de Thomas Legrand constatant que le « ni gauche ni droite » est un « ni gauche ni gauche » !), Macron apporte avec lui la fin de toute solidarité institutionnelle, et le triomphe de la prétendue loi de la jungle, qui est la guerre de tous contre tous, ou plus exactement des individus entre eux, au profit des « entreprises », c’est à dire en réalité de la finance reine dont elles sont à la fois le masque et la vache à lait.
On n’a pas assez souligné la valeur symbolique des signes guerriers dont s’entoure le nouveau Big Chief, valeur symbolique dont il n’est pas sûr que ce produit artificiel d’une culture hors sol ait pleinement conscience, tant chez lui, comme chez le Matamore de L’Illusion comique de Corneille, le vacarme des mots remplace l’expérience de la réalité.
Car la guerre des individus entre eux, la compétition généralisée jusqu’à la folie autodestructrice, débouche inévitablement sur la guerre tout court, la vraie de vraie, celle qui se répand peu à peu et finira par exploser au nez des apprentis sorciers que nous sommes tous à des degrés divers.
Ce qu’apporte dès aujourd’hui un Macron, et cela se lit sur son visage dès qu’on prend la peine de le regarder vraiment, c’est la guerre sociale tous azimuts telle qu’elle fonctionne aux États-Unis depuis leur création.
Il est en guerre, ce jeune homme propret au regard bleu acier, à la fois froid et halluciné, regard qui jauge et juge et jamais ne partage, regard fermé de hobereau prussien. Comme ses maîtres, le domestique stylé de la haute finance est en guerre contre l’humain, contre tout ce qui n’est ni « efficace » ni « rentable ».
Ce que vante aujourd’hui l’oligarchie au pouvoir sous le nom fallacieux d’esprit d’entreprise, c’est le faux nez de l’esprit de lucre, de l’avidité comme horizon indépassable de « l’activité » humaine.
Vous chercherez en vain dans la « politique » de Macron autre chose que « l’optimisation » de la compétition généralisée en vue de la « maximisation » des profits.
« Libérer les énergies », ça ne veut pas dire permettre à chacun d’entreprendre, mais autoriser le loup à exploiter sans frein les moutons après lui avoir donné les clefs de l’enclos. Libérer les énergies consiste à libérer les prédateurs en leur livrant leurs victimes pieds et poings liés. Voyez les superbes et lucratives « carrières » des ministres issus de la prétendue société civile, à commencer par Murielle Pénicaud et Florence Parly, voyez Richard Ferran, ce profiteur forcément « innocent »…
Libérer les énergies, c’est permettre à une oligarchie aussi violente que corrompue de régner par la peur sur une société d’esclaves anesthésiés par la communication et tenus en laisse par la légalisation d’un état d’urgence permanent.
L’État n’est plus au service de la société pour assurer la promotion de l’intérêt général, mais pour la mettre tout entière au service de cet insatiable Moloch qu’est le Dieu Profit.
D’où la destruction du code de travail, le passage de la cotisation sociale à l’impôt, etc, etc.
Il s’agit de rendre les choses plus fluides, de n’agir qu’en fonction de la rentabilité potentielle : les cars Macron, c’est par exemple permettre aux salariés de se soumettre à la mobilité, au moindre prix…
Pour un Macron, il ne s’agit pas de savoir si Notre-Dame des Landes pose un problème écologique, mais de constater qu’il est pour l’heure plus rentable d’en faire – provisoirement, les promesses n’engagent que ceux qui y croient – cadeau à Hulot, caution écologique dont il sera facile de se débarrasser après usage, si ce ravi de la crèche peu regardant sur ses sponsors n’a pas le bon esprit de se retirer à temps d’un jeu où il n’a que le rôle du pion qu’on sacrifie.
En résumé, comme il fallait s’y attendre, les premiers mois de gouvernance d’Emmanuel Macron, ce n’est pas la nouveauté, c’est le retour des vieux démons de la mégalomanie et du mépris, c’est le viol systématique de tout ce qui peut donner valeur et dignité à l’existence humaine, bref, l’apothéose de ce type humain tragiquement dépassé et en même temps plus que jamais triomphant qu’est l’homme de pouvoir, cet individu à l’ego hypertrophié qui se voudrait surhumain et n’est jamais qu’inhumain.
Si l’humanité veut survivre, il lui faut d’une manière ou d’une autre guérir des hommes de pouvoir – quel que soit leur sexe…
Cela concerne chacun de nous, et passe sans doute par une nouvelle compréhension et une nouvelle pratique de ce qu’il faut bien appeler l’amour, cet élan non rentable en l’absence duquel notre existence n’a aucune valeur.
En matière de vie, seul a du prix ce qui est gratuit.


En guise de conclusion provisoire, je cueille ces trois vers dans un poème de Virginie Demont-Breton, intitulé Simulation et publié en 1920 dans son recueil Tendresses dans la tourmente, et je les dépose pieusement aux pieds de Sa Hauteur Condescendante Notre Manipulateur en Chef :
« Combien nous fait horreur toute supercherie
Surtout en ces temps durs de réelle douleur. (…)
On parle de son cœur et l’on songe à la Banque. »

dimanche 6 août 2017

PLUS ÇA CHANGE, PLUS C’EST LA MÊME CHOSE…





La mouche et l’araignée : qui va consommer qui ?



Il ne suffit pas de se dire nouveau pour l’être.
La démarche marketing qui consiste à changer un détail pour présenter abusivement un produit comme nouveau… n’est pas nouvelle !
Très souvent, le produit est resté le même et il arrive fréquemment que le fabricant ait profité de la prétendue « nouveauté » pour diminuer en douce la quantité et/ou la qualité du produit.
La pratique politique actuelle, fondée sur une propagande effrénée et un marketing plus qu’agressif, nous vend les politiciens pour ce qu’ils ne sont pas, donnant pour naturels et sains des produits de synthèse dont la séduction grossière ne dissimule pas longtemps la toxicité.
Toxicité que nous avons été nombreux à signaler de notre mieux, sans illusions, les produits de grande consommation, portés par un matraquage publicitaire éléphantesque, provoquant chez le citoyen-consommateur un comportement addictif qui exclut tout esprit critique et induit une terrifiante soumission à l’autorité de cette manipulation systématique que l’on nomme à tort « communication ».
Il est dans la nature du consommateur, non seulement de consommer, mais de se vouloir consommé par son appétit de consommation, et de se faire littéralement consommer puis consumer par ceux qui lui vendent, très cher, sa provende.
Cela est si peu nouveau que le pain et les jeux se retrouvent constamment dans l’ Histoire au menu de la « gouvernance » des empires décadents.
La seule différence est d’ordre quantitatif, n’est-ce pas, Neymar ? Nous sommes bien plus nombreux, bien plus riches, bien plus puissants, et donc bien plus proches de l’autodestruction.
C’est pourquoi il faudrait que ça change, mais vraiment !
Une mutation de l’espèce s’impose, qui ne sera pas l’œuvre de prestidigitateurs cyniques et d’hommes de pouvoir pour qui le changement consiste à asseoir leur domination et le progrès à s’enrichir toujours davantage.

Plus ça change, plus c’est la même chose, dit la sagesse populaire qui en matière de continuité dans l’exploitation de l’homme par l’homme en connaît un rayon…
Je voudrais apporter un peu d’eau au moulin de ce conservatisme, pas si poussiéreux que ça quand on prend la peine d’y réfléchir, en vous proposant la lecture de deux textes tendant sur le mode plaisant à confirmer cette assertion.
Pour une fois, tentons de rire de notre tragi-comédie…
J’avais écrit le premier, une apothéose au sens strict du terme, il y a une trentaine d’années, en pensant à un fringant politicien de droite extrême et je n’ai eu à changer que quelques détails pour qu’il puisse être dédié à un non moins fringant jeune politicien, parvenu à ses fins, contrairement à l’autre, par la grâce d’un cynisme encore plus révoltant.
Le second est extrait d’un livre d’Émile Souvestre,Le monde tel qu’il sera, publié en 1846. Sous couleur d’y décrire le monde de l’an 3000, l’auteur montre dans ce roman d’anticipation fantaisiste l’aboutissement logique de la fièvre économique, technologique et financière de son époque : le règne absolu de l’argent et la perte d’âme qui en résulte. Le futur qu’il évoque avec une belle ironie, nous sommes en train de le réaliser à notre manière, nettement plus brutale, mais selon les mêmes vieilles recettes.
Il est des nouveautés rances dont l’aspect brillant peut tromper qui veut bien l’être, mais dont le goût dès la première bouchée dit tout.
N’oublions pas qu’il nous reste toujours le choix d’avaler… ou de recracher !

 
APOTHÉOSE

Ce soir-là, comme tous les soirs, j’ai allumé la télé.
Il n’y avait rien, comme d’habitude. Ça tombait bien, je n’avais envie de rien.
J’ai regardé distraitement la retransmission en direct du meeting de Patelin, vous savez, ce politicien libéral-fasciste, un des trois n° 1 du groupuscule Démocratie libérée, l’homme nouveau qui grâce à la géniale complexité de sa pensée philosophique a découvert que pour résorber le chômage, il suffit de mettre tout le monde au travail – sans payer personne, bien entendu.
L’œuf de Christophe Colomb !
Il m’arrive de fermer les yeux pour mieux entendre ce que les gens veulent vraiment dire. Mais là, je savais tellement ce qu’il allait dire (je pouvais pratiquement réciter son laïus en même temps que lui), et ce qu’il pensait réellement par en-dessous que j’ai coupé le son.
C’est très reposant de voir un gugusse s’agiter comme un malade dans un silence de mort, très instructif aussi : ça relativise bougrement l’importance du bonhomme et de ce qu’il raconte, ça en dit long sur ses tics, sur ce qu’il ne peut pas empêcher son corps de dire pour lui, sur ce qu’il veut faire faire à son auditoire, et accessoirement, ça fait naître de sérieux doutes quant à la nécessité de l’agitation humaine.
Moi qui suis paresseux comme une couleuvre, ça me détend beaucoup de voir les autres se stresser inutilement.
Patelin donc faisait de grands moulinets à attraper les gogos, écarquillait de grands yeux d’enfant pour souligner sa sincérité, ramenait sa mèche en arrière pour rappeler sa jeunesse et élargissait son front pour exalter la hauteur de sa pensée, avançait fièrement le menton pour signifier sa fermeté, se le prenait dans la main pour illustrer sa pondération et son sérieux, bref s’adonnait à un cinéma d’autant plus grotesque qu’il était désormais muet.
Au moment où je me disais que les Guignols de l’Info auraient pu faire l’économie d’un dialoguiste tant le silence de Patelin était parlant, quelque chose a changé.
Mais alors radicalement ! Tant qu’à zapper, c’est là que j’aurais dû le faire. Mais ce qui arrivait était si incongru, si invraisemblable qu’au lieu de zapper, j’ai remis le son.
La bouche de Patelin, cette fente flexible rompue à toutes les contorsions de la langue de bois, échappant à son contrôle, venait de s’ouvrir toute ronde, lèvres avancées avec une innocente impudeur, exactement comme celle des nourrissons quand on leur tape dans le dos, non après les meetings, mais le biberon fini, pour faire sortir le rot magistral qui leur ouvrira toutes grandes les portes d’un petit somme bien mérité.
Ce rot muet était si inouï au milieu du flot sirupeusement calibré des éructations tribuniciennes de Patelin que j’ai illico remis le son, et à fond !
Entre temps, Patelin avait visiblement rougi (lui que rien ne fait rougir, ai-je pensé, ça devient intéressant…) sans pour autant perdre le fil du discours brillamment pondu par son nègre préféré, l’inévitable Erik Orsenna :
« …et la cynique démagogie de nos adversaires nous fait un devoir de dire aux français par ma bouche la triste réalité bien en face, les yeux dans les yeux… »
Il disait ces calembredaines la main sur le cœur, l’enfoiré, histoire de tâter un peu son portefeuille d’ancien ministre des Finances.
À « les yeux dans les yeux », sa bouche s’est rouverte toute grande, un vrai troisième œil mal placé qui, en fait de clin d’œil, a lâché le rot le plus monstrueux jamais entendu à la télévision, un son caverneux, traînant et impérieux comme le rugissement du phoque en rut.
Le bougre essayait de fermer la bouche, mais le rot était le plus fort, il jaillissait, éruption emportant tout sur son passage !
Ça s’est arrêté, il a vacillé, repris son souffle et le fil de son discours :
« Et ce ne sont pas les basses manœuvres des ennemis de la démocratie qui nous empêcheront d’accueillir les voix ô combien respectables d’un électorat d’extrême-droite désorienté mais foncièrement honnête, puisqu’à la droiture se reconnaît la droite, et plus elle est à droite plus elle est au net, en même temps que la gauche se découvre à la générosité de son accueil des voix les plus étrangères ! Ainsi, laissons sans barguigner (Orsenna avait dû être très content de ce "barguigner" introduisant dans le sérieux un peu compassé du discours une note d’élégante familiarité avec un zeste de suranné susceptible de rassurer, voire d’enchanter la droite vieillissante des beaux quartiers), laissons venir à nous ces voix méritantes… »
J’hésitais à zapper pour écourter ce baratin passablement fétide, mais sur le « tantes » de « méritantes » ses traits se sont crispés, et l’on a pu entendre exploser le pet le plus incroyable, le plus indécent, le plus dénué de scrupules qu’on eût entendu au doux pays de France depuis Rabelais.
Un pet qui a rempli Bercy, se répercutant avec un grondement mélodieux sous la voûte, et déchaînant un tonnerre d’applaudissements chez les militants enthousiasmés : enfin la droite s’assumait, enfin la droite osait être elle-même !
Patelin, les mâchoires serrées, stoïque, ne se laissait toujours pas démonter ; mieux, éructant et pétaradant comme un cheval emballé, le visage déformé par une grimace démoniaque, il a hurlé : « Ne nous laissons plus arrêter par des scrupules d’un autre âge, nous, membres juvéniles de la société civile, incivils au besoin quand la patrie l’exige, nous allons enfin arracher les rênes de la vie politique des mains chenues de ces vieillards cacochymes (l’adjectif n’est pas d’Orsenna qui le trouvait… cacochyme, mais qui c’est le chef, hein ?) qui paralysent depuis des lustres l’élan de notre grand pays ! »
Visiblement, il tentait de s’élever à la hauteur du Destin qu’il s’était rêvé. Et tandis qu’il continuait de plus belle à s’exalter sur le mode suraigu, il m’a semblé le voir peu à peu gonfler, comme une outre, les joues distendues, la tête plus enflée que jamais, oui, sous les yeux exorbités de ses fans énamourés, Patelin gonflait maintenant à vue d’œil !
Montgolfière humaine chauffée à blanc par son discours enflammé et l’adulation de ses militants, il devenait semblable à ces énormes ballons-personnages qu’on voit dans les parcs d’attraction ; et voilà qu’il y échappait, à l’attraction, qu’il décollait doucement mais irrésistiblement de la tribune, et sa voix aussi s’enflait, il mugissait :
« Oui, mes chers amis, la droite a assez éclaté, le moment en venu pour elle de s’arrondir à nouveau en absorbant en même temps la gauche pour accoucher d’une formidable libération de nos énergies, d’une victoire éclatante ! Oui, mes amis, nous serons tous milliardaires si nous le méritons, car à nos volontés bandées rien n’est impossible : je vous l’affirme, le moment est enfin venu pour la droite universelle de s’éclater ! »
Et, joignant le geste à la parole, Patelin a explosé sous nos yeux ahuris, si fort que, télé ou pas, j’ai levé la main pour me protéger des débris !
Je me suis d’abord dit : Incroyable, ce qu’on arrive à faire avec les images de synthèse…
Mais je n’y croyais pas ; au fond de moi, je savais bien que Patelin avait réellement explosé, sans doute sous l’imposante pression de son ego hypertrophié. Il ne restait de lui que d’innombrables fragments éparpillés sur les militants abasourdis qui avec des gestes d’aveugles les recueillaient comme des hosties.
Ceci est mon corps, ai-je ricané, mais le cœur n’y était pas.
Patelin était-il mort de sa belle mort ou avait-il été fauché par une des horribles machinations sans cesse ourdies par un terrorisme apatride que même l’État d’Urgence Définitif n’avait pas réussi à déjouer ?
Dieu merci, le Gouvernement de l’UE (l’Urgence Extrême, qui avait remplacé l’Union Européenne après l’attentat qui avait coûté la vie aux regrettés Jean-Claude Barroso et Jose-Manuel Juncker) promulguerait sûrement dès demain matin l’EUDIP, l’indispensable État d’Urgence Définitif Indéfiniment Prolongé envisagé depuis quelque temps, et l’euro un instant ébranlé se remettrait triomphalement en marche.
Rassuré, j’ai zappé sur « Plus belle la vie », qui venait de commencer.


 LE MONDE TEL QU’IL SERA

Émile Souvestre , Le monde tel qu’il sera extrait

« Un seul Dieu tu adoreras »

dimanche 23 juillet 2017

LA VIE AU FUTUR SIMPLE et UN TRAVAIL DE FOURMI

Des deux textes que je propose aujourd’hui sur ce blogue, le premier n’était pas prévu pour être publié. Mais pour une fois qu’un être humain digne ce nom décide ne pas tout consacrer à la bouffe et de partager non seulement le pain mais la détresse, il me semble que mon minuscule témoignage a lieu d’être. Merci, Solange.
Le second situe le premier dans le contexte global de ce qu’il conviendrait désormais d’appeler la barbarie civilisée, dont un superbe exemple vient encore d’être donné par un « gouvernement du renouveau » baissant de 5 euros par mois les APL tout en supprimant de fait le code du travail et l’impôt sur la fortune… Quelle inventivité !


I


Mercredi 19 juillet en fin d’après-midi, les demandeurs d’asile du CAO de Barcelonnette ont été convoqués par Adoma afin d’être informés des dernières décisions de la préfecture de Digne-les-Bains à leur encontre. Les onze demandeurs d’asile déjà menacés d’expulsion seront donc orientés la semaine prochaine en Plateforme régionale d’accueil des demandeurs d’asile à Marseille près de l’aéroport afin d’attendre leur billet pour être renvoyés en Italie. 33 autres autres demandeurs du centre d’accueil de Barcelonnette sont orientés vers le CAO de Champtercier dès lundi matin. Avant d’être expulsés vers l’Italie dans le cadre de la procédure « Dublin ». Aucune de ces personnes n’a jamais vraiment été entendue par quelques instances que ce soit.
L’association Solidaritat Ubaye lance donc un appel à rassemblement samedi 22 juillet à 9 heures square Abbé Pierre à Barcelonnette afin de protester contre cette décision, d’exiger que les demandes d’asile de ces hommes soient traitées en France, et que leur choix de ne pas retourner en Italie soit respecté. Les adhérents de l’association peuvent être présents à partir de 8h pour installer. Chacun pourra venir montrer son soutien à ces personnes. Il est demandé à tous ceux qui le peuvent d’apporter des tartes, gâteaux etc. pour être vendus au profit des demandeurs d’asiles, ainsi que des instruments de musique. Une quête et une récolte de sacs à dos seront également organisées.

En parallèle de l’association, Solange Houset, 50 ans, infirmière à Saint-Paul-sur-Ubaye a entamé depuis mercredi après-midi une grève de la faim, afin de protester à cette situation : « Rien ne se passait, raconte-t-elle et je n’avais pas d’autres moyens d’actions efficaces et rapides. J’ai décidé de mettre ma santé sur la table en signe d’opposition au traitement réservé à nos amis duscentre d’accueil de Barcelonnette, arrivés il y a 9 mois. Je réclame que leur choix soit respecté, et leurs demandes d’asile soient traités à Barcelonnette, et m’engage à ne plus manger tant que les autorités resteront sourdes à cette situation. Ma vie vaut-elle vraiment plus que la leur ? Oseront-ils rester indifférents ? »

En savoir plus sur http://www.dici.fr/actu/2017/07/21/alpes-de-haute-provence-greve-de-faim-protester-contre-l-expulsion-de-migrants-vers-l-italie-1034247#xrvsAhs2mQ1w2BCQ.99


LA VIE AU FUTUR SIMPLE


Ce matin, avec les sept jeunes érythréens et soudanais qui sont venus au cours de français, comme d’habitude depuis huit mois, nous faisons un exercice autour du futur, celui qui paraît-il est simple.
Ils ont commencé par se présenter, parce qu’il y avait de nouveaux profs. Ensuite la prof la plus aguerrie a mis en place avec leur aide l’emploi du temps de la semaine.
On a bien ri par moments, parce qu’ils aiment rire et nous aussi.
Il y aura demain un nouvel atelier, un atelier poésie. Ils demandent : « C’est quoi, la poésie ? » et on reste secs. Je parlerais bien de beauté, celle qu’on fait avec les mots pour partager tout ce qu’on vit, le bien et le moins bien, et même le pas bien du tout.
Mais dans le « contexte », comme disent ceux qui paraît-il savent, « je ne me sens pas en capacité de... » je veux dire que je ne peux pas leur parler comme ça tout de suite de poésie, vu ce qu’ils vivent depuis huit mois, et depuis bien plus longtemps en fait.
J’aimerais bien pourtant, parce que j’y crois encore un peu à la poésie. Et à les regarder vivre, je pense qu’eux aussi – à leur façon à eux.
Alors on allume l’ordinateur et on tend un drap et on parle du futur, ce qui est drôlement optimiste, parce que je ne suis pas sûr qu’ils en aient un, ni nous non plus. En tout cas notre futur à tous ne sera sûrement pas simple.
Au contraire, dans la vidéo, le futur a l’air simple, quoique...
Le type arrive en pyjama, et sans débander, d’entrée, il déclare : « Je suis trop gros, à partir de l’an prochain je ne mangerai plus au restaurant le midi, comme ça je maigrirai. » C’est dans le futur, parce qu’au présent, même s’il la repousse deux ou trois fois, il fnit par la bouffer, la brioche. Et puis c’est pire d’aller au restaurant le soir...
Il faut dire que sa copine ne l’aide pas à être en capacité de maigrir, elle pousse tout le temps la brioche vers lui, sans doute pour se déculpabiliser d’en avoir déjà mangé plus de la moitié.
Comme il est mal réveillé et trop occupé par sa brioche, elle lui dit comme ça : « Si tu me fais mon café, je t’aimerai pour toujours ! »
À mon avis, c’est pour de rire. On me l’a déjà fait, ce coup-là. En fait, c’est pas du futur, c’est du conditionnel. Ça dure jusqu’au prochain café.
Bon, d’accord, cette histoire de gros qui mangent trop, c’est plus des problèmes d’occidentaux que des problèmes d’Érythrée ou de Soudan, ou d’un peu partout ailleurs, là où on a faim. D’ailleurs il n’est pas gros, le type.
N’empêche, comme on est tous bon public, on a bien rigolé. C’est toujours drôle de voir des gens qui s’inventent des problèmes qui n’existent pas.
Et puis Fred est arrivée.
Elle avait l’air grave, ce qui était logique, parce que c’était grave.
Il y avait un vrai problème.
Du coup, on n’a plus rigolé du tout.
On a essayé de sourire, eux ils ont réussi, ils doivent avoir l’habitude que ça soit grave, à force...
De toute façon, il ne leur reste que ça, le sourire.
C’est pour ça que j’aimerais qu’ils restent avec nous.
Le sourire, c’est justement ce qui nous manque.


UN TRAVAIL DE FOURMI


Ce matin, bien que je la chasse à chaque fois d’un revers de main, une fourmi revient sans cesse sur la table de mon petit-déjeuner sur la terrasse, sous la glycine et les rosiers. Toute seule. Pourquoi ?
Parce qu’elle ne peut faire autrement que suivre sa nécessité.
À son image, je reviens sans cesse sur ce qui à mes yeux ne va pas aujourd’hui. Non que le monde que j’ai connu enfant ait été parfait. Loin de là. Rien d’idyllique, sinon parfois dans la buée du souvenir. À distance, tout paraît plus beau.
C’est là parole de vieux, et j’ai conscience de reprendre une très ancienne antienne…
Pourtant, je n’ai pas envie de dire « C’était mieux avant… ».
Parce que la situation est tout autre, et que ce qui se passe aujourd’hui n’était encore jamais arrivé dans l’histoire de l’humanité.
Je me dois de dire, car c’est la stricte vérité : « C’était différent avant, parce que c’était vivable, et que ça l’est de moins en moins ». C’est qu’à force de « progrès » nous avons réussi à créer un monde invivable.
Ce n’est pas seulement le tout frais septuagénaire en moi qui respire moins bien qu’autrefois. C’est l’être humain qui suffoque.
Oui, le monde où je suis né était très imparfait.
Mais il avait un grand avantage sur l’actuel, il était humain, ou plutôt à dimension humaine, même si les deux guerres mondiales et les dictatures avaient déjà ouvert la voie au règne de la quantité contre la qualité et donc à l’autodestruction en cours. Le temps et l’espace y étaient encore à notre mesure. La réalité n’y était pas encore virtuelle, mais génialement, joyeusement, jouissivement concrète. Une fêlure déjà s’y faisait jour, mais le vase tenait encore ensemble.
Aujourd’hui, il gît à terre, et les mille morceaux du puzzle qui en est issu ne rentrent plus les uns dans les autres.
Je voudrais faire entendre, face à l’incohérence actuelle, à cette inculture essentielle de notre société désintégrée, qui explique ses dysfonctionnements, sa vulgarité, sa malhonnêteté foncière, son assourdissant chaos, la petite musique, harmonieuse jusque dans ses fausses notes, que j’ai eu la chance inouïe d’entendre pendant longtemps, et dont je crains qu’elle n’ait rejoint pour mes petits-enfants, et même pour mes enfants, le grand silence des morts qu’on ne visite plus.
Ainsi comprendra-t-on peut-être pourquoi je dénonce inlassablement la laideur : la beauté existe, je ne l’ai pas seulement rencontrée, je l’ai vécue.
Et j’ai tenté toute ma vie de la partager. Mais dans le monde que nous nous sommes laissés imposer et que nous avons contribué à bâtir, la laideur sous toutes ses formes prend tant de temps et de place, dicte si bien nos vies, que nous ne pouvons plus faire l’expérience de la beauté sans la voir en même temps polluée et dénaturée de mille manières.
C’est là un crève-cœur dont je n’arrive pas à me remettre.
Je n’accepte pas le monde qu’avec notre complicité plus ou moins consciente on nous impose chaque jour davantage, parce que je sais ce que nous perdons à nous résigner à lui, et que je suis convaincu que même s’il était trop tard pour mettre fin au désastre, la seule raison de vivre qui vaille est de lui résister.
Comme toujours, la seule beauté possible est dans la résistance.
La quantité peut étouffer la qualité, mais elle meurt de son absence, et sur les décombres et les ordures qu’elle a engendrés, c’est la qualité qui toujours renaît.
La laideur présente n’a pas d’avenir. Mortifère, elle est aussi suicidaire. D’une façon ou d’une autre, la beauté, qui est la vie, l’emportera. Avec ou sans nous.

vendredi 7 juillet 2017

ÇA DURE LONGTEMPS, LA MORT ?

ÇA DURE LONGTEMPS, LA MORT ?

vient de paraître dans la collection Alpes Vagabondes des éditions Gros Textes.


« Le Tarot n’a pas de nom pour la mort : nous ne pouvons la connaître tant que nous sommes en vie. C’est pourtant à son existence que nous devons la nôtre…
Elle nous accompagne, l’indispensable camarde, inséparable camarade de toute vie, et sa silencieuse absence présente donne à notre existence son sens et son goût.
Autour d’elle a crû ce recueil de petits morceaux de « vraie » vie, puzzle dont les pièces ne s’emboîtent pas, montrant du coup ce qui reste présent à tout instant sous l’image ternie d’un quotidien émoussé par l’habitude et la résignation : la joie féroce de vivre, sans cesse renaissante, même du fond de la douleur.
Être là, le savoir, en jouir, privilège offert par la mort à la vie.
En retour, entrant dans la danse, guérir du macabre par la funambulesque alchimie du gai rire. Face à la mort, l’humour ! »


84 pages au format 14 x 21 cm
10 € (+ 2 € de port – port compris à partir de l’achat de 2 exemplaires)

À commander aux Éditions Gros Textes
Alpes Vagabondes
L’épicerie littéraire
Place du village
05380 Châteauroux-les-Alpes
04 92 49 65 31
gros.textes@laposte.net



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Deux extraits du recueil :

FÉROCITÉ

Il voudrait qu’ils meurent. La force de sa haine pourrait-elle les tuer ? Il en doute. Mais ça vaut le coup d’essayer. Il se concentre et projette sa haine, férocement, sur tous ces êtres plus ou moins vivants, les hommes.
Commençons, se dit-il, par celui que je hais le plus. Sa haine parcourt le monde à toute vitesse, survole l’un après l’autre ceux qu’il hait, mais il en est toujours un qu’il hait encore davantage, elle court, elle court, sa haine, et voici qu’elle a enfin trouvé celui qu’il hait le plus !
Elle fond sur lui, effroyable, terrifiante, et mourant avec lui le tue tout net.
Il a juste eu le temps de s’apercevoir qu’il s’en doutait un peu, mais n’avait jamais voulu l’admettre : celui qu’il haïssait le plus, c’était lui.

FAUSSE NOTE

Coucher de soleil absolument somptueux, ce soir-là, sur une mer lumineuse et nacrée.
Il est tard, en cette fin d’août, il n’y a pratiquement plus personne sur l’immense plage de sable fin vantée par l’Office du Tourisme, et pour une fois il se baigne à poil.
Le soleil plonge lentement dans la mer, il nage avec lui et fond doucement dans une eau turquoise miroitante d’or qui ruisselle au bout de ses doigts et allume des arcs-en-ciel entre ses cils. Pour la première fois depuis longtemps il se sent en harmonie.
Avant qu’il se décide à sortir, de petites vagues le roulent sur le sable.
Comme il reprend ses vêtements sur le gros bout de forêt sous-marine qui émerge du sable, il s’aperçoit qu’il les avait posés tout à côté d’un superbe tas de crottes de chien.
Il se félicite du miracle qui lui a évité de redescendre brutalement sur terre (il a vraiment horreur des crottes de chien, et particulièrement sur la plage) et reprend le chemin qui serpente dans les dunes couvertes d’oyats et d’argousiers.
Il est heureux et sous ses pieds le sable est presque bleu.
C’est avec la béatitude de qui sait que tout est en ordre qu’il remonte dans sa belle voiture presque neuve, qui sent bon le cuir anglais.
Comme il est en paix avec le monde, il prend son temps avant de mettre le contact ; mais au moment où il va tourner la clef, son nez se fronce.
Inexplicablement, ça sent la merde. Mais fort. Comme quand on a marché dedans pour de bon. Une odeur épouvantable, qui lui soulève le cœur.
Il en a plein sa chaussure droite, et il en a mis plein le tapis.
Il jure d’abord un bon coup. Puis se dit que le sordide n’est jamais loin du sublime. Actionne le bouton qui ouvre automatiquement la fenêtre, met la clim et la musique à fond et en homme pratique tire la morale de l’histoire : si on veut garder les yeux au ciel, il faut avoir les pieds sur terre.

dimanche 14 mai 2017

RECORDS BATTUS ET BIJOUX DE FAMILLE

Et pendant qu’obnubilés par l’élection pestilentielle nous votions Macron, Le Pen ou blanc, ou pas, et que s’agitaient les haineux fantoches, la vraie vie continuait.
Jusqu’à quand ?
Hypnotisés par les anecdotes, nous oublions sans cesse l’essentiel.
Et nous le faisons sinon consciemment, du moins volontairement, non seulement parce que nous ne savons comment résoudre les problèmes que nous ne cessons pas de nous créer, mais parce que nous n’avons pas vraiment envie de les résoudre tant ils remettent en cause nos chers conforts, l’intellectuel et le matériel.
Nouveaux Gribouilles, nous nous croyons raisonnables parce que nous poussons toujours plus loin la schizophrénie dans laquelle nous avons pris la douillette habitude de nous réfugier.
Pendant que la nature grâce à nous devient folle, nous battons sans cesse nos propres records de bêtise, nous enfonçant chaque jour davantage dans un délire suicidaire dont nous n’avons même plus conscience tant nous sommes devenus capables de nous aveugler nous-mêmes…
Plutôt que d’affronter la réalité, nous voulons nous rassurer en fermant les yeux pour écouter les joueurs de flûte et nous laisser mener par ces beaux parleurs, moutons qui lèchent la main du berger qui les mène à l’abattoir.
Il faut être optimiste, me direz-vous peut-être. De quel optimisme parlons-nous ? De celui qui fait prendre à chacun de nous le risque d’agir, ou de celui qui se défausse sur des « responsables » qui veulent tout changer pour que rien ne change ?
Ça fait 50 ans qu’il faut être optimiste et « riscophile », pour quel résultat ?
1% = 99% ! Warren Buffet a certes de bonnes raisons d’être optimiste, il est en train de gagner la guerre qu’il nous fait, et vous venez d’élire celui qui vous la fait.
Vous allez en avoir sacrément besoin, de votre bel optimisme bien propre sur lui !
Cet optimisme-là n’est que le faux-nez de la lâcheté et de la corruption qui achèvent de détruire une « civilisation » gangrenée par d’insoutenables contradictions et dont l’implosion est déjà en cours, dans le déchaînement progressif d’une barbarie planétaire.
Voyez ci-dessous, c’est édifiant.
Jusqu’où irons-nous ? Tous les espoirs sont permis.
Après tout, il y a encore les législatives…
On va pouvoir continuer à regarder le doigt pour ne pas voir la lune.
Elle est pas belle, la vie ?

Tous les indicateurs du réchauffement climatique sont au rouge

 
RESTE AVEC MAMAN, MON BIJOU !

« Comble de mauvais goût ou signe d’une perte absolue du sens des réalités ? Il a fallu quelques vérifications avant de présenter ici cette information qui semble proprement incroyable : une société artisanale australienne, Baby Bee Hummingbirds, propose de transformer les embryons surnuméraires en bijoux pour leur donner une fin « digne ». Non, ce n’est pas un mauvais canular ni un fake news : il y a réellement des familles, des mères qui font fabriquer des bagues ou des pendentifs à la suite d’une fécondation in vitro pour garder sur elles des embryons qui n’auraient pas été utilisés pour obtenir une grossesse.

Le pire, c’est qu’il ne s’agit pas de leur part d’une option « ultralibérale » ou « mercantiliste » comme on l’entend souvent dire à propos des évolutions de plus en plus surréalistes de la culture de mort. Sincèrement attachées à ces plus petits des tout-petits dont elles savent bien qu’il s’agit de minuscules êtres humains, ces mamans cherchent en quelque sorte à les honorer, peut-être pour ne pas vivre avec l’atroce conscience de les avoir fait fabriquer pour les faire tuer, au cours d’une procédure qui se moque largement de la valeur unique de la vie humaine.

Baby Bee Hummingbirds crée des bijoux à partir de matériaux humains

La société Baby Bee Hummingbirds a été créée il y a trois ans par une Australienne qui était à la fois sage-femme et créatrice de bijoux. Voyant que beaucoup de jeunes mères aiment à garder un souvenir de la naissance de leur enfant, elle a lancé une ligne de bijoux en résine avec des inclusions plus ou moins appétissantes, depuis une première boucle de cheveux jusqu’à quelques gouttes de lait maternel ou des fragments de placenta. On pourrait appeler cela du nombrilisme fusionnel.

Baby Bee Hummingbirds propose également, pour la modique somme de 80 à 600 dollars australiens, des bijoux fabriqués à partir de cordons ombilicaux ou de cendres, en cas de fausse couche.

Mais si on a l’estomac retourné par ce genre de pratiques, ce n’est rien par rapport à « l’immortalisation » des embryons obtenus en éprouvette. Amy McGlade, fondatrice de la société, n’a pas eu l’idée toute seule : ce sont des parents qui l’ont sollicitée à la suite de procédures de fécondation in vitro qui s’accompagnent de la création d’embryons qui ne seront jamais implantés dans le sein d’une femme.

C’est ce que raconte le site australien destiné aux jeunes parents, Kidspot, en proposant l’exemple de Belinda et Shaun Stafford. Le couple qui essayait en vain d’avoir des enfants s’est tourné vers la procréation médicalement assistée. Au bout de six ans de multiples fécondations in vitro, ils sont aujourd’hui les fiers parents d’un garçon de quatre ans et de deux jumeaux de 21 mois — et d’un nombre plus important d’embryons surnuméraires. Il n’était pas question pour eux de les donner à un autre couple, ni de payer un abonnement annuel pour leur conservation par le froid : trop coûteux. Les détruire ? Inimaginable, constate la journaliste qui les a interrogés. Les Stafford se sont donc tournés vers le recyclage artistique de leurs tout-petits.

Des embryons surnuméraires portés en sautoir

« Aujourd’hui Mme Stafford a tous ses bébés auprès d’elle chaque jour – y compris sept embryons enfermés dans un pendentif en forme de cœur qu’elle porte près de son cœur à chaque moment », apprend-on. Elle a trouvé dans cette démarche une forme de paix et de réconfort : « Mes embryons étaient mes bébés – figés dans le temps. Lorsque notre famille a été complète, je n’avais pas le cœur à les détruire », explique-t-elle.

Amy McGlade, de son côté, est fière de son travail. A ce jour, sur les 4.000 pièces de bijouterie qu’elle a créées à partir de matériaux humains pour commémorer des naissances ou des grossesses, il y en a eu 50 faits à partir d’embryons : « Je crois qu’il n’y a aucune autre société au monde qui créé des bijoux à partir d’embryons humains, et je crois fermement que nous sommes les pionniers de cet art sacré. »

« L’art sacré » du macabre : c’est un massacre à grande échelle qui est ici mis en écrin, puisque les embryons surnuméraires, comme on dit, ne sont ici jamais que les déchets humains de procédures de fécondation artificielle par lesquels l’homme se rend maître de la vie et de la mort. Le raisonnement, comme toujours dans la culture de mort, est inversé et donc infernal : le vocabulaire aussi.

L’Australie, pionnière d’un nouvel « art sacré » infernal

« C’est très spécial parce que ces embryons signifient souvent la fin d’un voyage, et nous offrons une manière belle et significative de fermer la porte avec douceur… Quelle manière plus belle de célébrer votre don le plus précieux, votre enfant, qu’à travers un joyau ? C’est le souvenir éternel tangible d’un être aimé que vous pourrez garder pour toujours », ose dire Amy McGlade.

C’est un « projet parental » d’un nouveau genre, rendu possible par une technique de conservation des paillettes d’embryons qui permet en même temps de fixer leur ADN dans une sorte de petite tombe portative que la mère, cimetière ambulant, va pouvoir porter avec elle.

Ils ne savent pas ce qu’ils font. »

 REGARDEZ CE QUE JE FAIS, PAS CE QUE JE DIS !


AVANT LES LÉGISLATIVES, à propos du nouveau président, de ce qu’il représente et de ce qu’il compte réellement faire si nous lui en laissons le loisir, 5 articles de fond pour continuer un décryptage bien nécessaire à qui veut s’informer plutôt que d’avaler tout cru un storytelling débile destiné à l’aider à avaler dans la foulée … de grosses couleuvres !


Macron, un nouveau très ancien, ou L’art du rebranding


À droite toute ! La « société civile » de Macron


Macron, des réformes mortifères ?


Les inégalités à l’origine du malaise social


De la prise d’otages, par Frédéric Lordon

vendredi 12 mai 2017

ET SI ON REGARDAIT LA LUNE PLUTÔT QUE LE DOIGT ?

Comme le disait George Orwell au sortir de la Seconde Guerre mondiale, « lorsque les fascistes reviendront, ils auront le parapluie bien roulé sous le bras et le chapeau melon ».

Cet ensemble de textes publié sur mon blog de Mediapart le 6 mai, avant le second tour, il me semble utile de le mettre avant les législatives à la disposition des visiteurs du Globe de l’homme moyen, qui n’en méritera que mieux son nom !
Il s’agit de tenter de mettre en perspective cette consternante anecdote qu’a été l’élection pestilentielle avec l’ensemble des problèmes essentiels d’une humanité mondialisée en pleine frénésie d’autodestruction – comme vous pourrez le constater dans mon prochain billet.
Car ce qui m’a le plus frappé dans toute cette histoire shakespearienne revue et corrigée façon vespasienne, c’est l’absence totale de vision politique digne de ce nom partagée par presque tous les candidats et l’immense majorité des médias et des « commentateurs » de tout poil.
Un tel degré d’aveuglement ne peut être dû au hasard, et nous appelle à une radicale remise en question d’une vision du monde aussi répandue qu’obsolète. Terriblement ralentie par un autruchisme volontaire qui fait encore consensus pour beaucoup d’entre nous, la prise de conscience est d’autant plus urgente qu’elle est tardive. Si je pouvais y participer si peu que ce fût, je me sentirais un peu moins inutile et moins impuissant…


Ceux qui votent blanc ou s’abstiennent ont été l’objet depuis 8 jours d’attaques d’une virulence surprenante de la part d’une gauche-œufs de lump visiblement paniquée et s’abaissant à des oukases et des injures dignes… du Front National !
On nous accuse de faire le jeu de Le Pen et du FN, ce qui est totalement faux.
Nous refusons simplement d’entrer dans le jeu de bonneteau que nous impose l’oligarchie financière, grande spécialiste de ce genre de marché gagnant-perdant intitulé TINA et qui se résume à la célèbre formule : Pile, je gagne, face, tu perds.
Je souhaite donc éclairer notre position
– d’abord en fournissant quelques éléments d’information que les médias dépendant de ladite oligarchie se gardent bien de monter en épingle puisqu’ils informent sur ce qui se joue et sont donc de nature à contrarier leur communication (leur propagande en clair, un matraquage incroyable)
– ensuite en précisant ma position et en relayant quelques textes qui remettent les choses au point et les pendules à l’heure, qui est selon moi beaucoup plus grave encore que ne le pensent ceux qui prennent Macron pour un démocrate, puisque, comme c’était évident dès le départ, c’est bien lui qui sera élu, l’arbre FN ayant une fois de plus servi à cacher la forêt néo-libérale.

Si, ce que je comprendrais très bien, vous n’avez pas le temps ou l’envie de lire ces textes, qui constituent un mini-corpus dans lequel vous pouvez picorer ce qui vous intéresse, je me permets d’insister pour que vous regardiez la vidéo de l’entretien de quelques minutes accordé en 2012 par un cadre du Crédit Agricole à propos de ce qu’allaient faire Hollande et Macron après l’élection du redoutable ennemi de la finance.
C’est une vidéo que devraient voir tous ceux qui comme moi ont voté Hollande en 2012 et ceux qui s’apprêtent à voter Macron en 2017. Si après ça vous pensez encore être en démocratie, je ne peux plus rien pour vous !

LA « GAUCHE » FINANCIÈRE LA VÉRITÉ SUR HOLLANDE ET MACRON François Ruffin Cliquez sur ce lien : https://youtu.be/Wn72T4dTFho

Macron - Histoire d’une Haute Trahison - Les preuves accablantes
par François Ruffin (Merci Patron !)

Nous publions ici des documents qui ne devaient pas être portés à la connaissance du public.
Cette interview d’un financier du Crédit Agricole qui remonte au début de 2012 démontre clairement qu’il y a bien un complot de la Haute Finance depuis au moins cette date, pour imposer Macron. 
Ils veulent à présent tout le pouvoir politique, en plus du pouvoir économique, pour finaliser l’avènement du Nouvel Ordre Mondial. 
Macron est là pour achever le (droit du) travail, sous les ordres de la Haute Finance, pour une Haute Trahison de la France et des Français...
Grâce à la complicité active des politiciens, des journalistes, et la soumission pathétique d’une grande partie des Français eux-mêmes...


Voici maintenant ma position personnelle :

 PILE IL GAGNE, FACE NOUS PERDONS

Qui vote Le Pen collabore à l’émergence du Front National et au risque d’une prise de pouvoir par une extrême-droite fascisante.
Qui vote Macron devient de fait le collabo des banques qui ont déjà pris le pouvoir et sont en route à travers leur dernier avatar, EM, vers le pouvoir absolu auquel la France reste un des obstacles.
Nous ne pourrons pas dire ensuite : Je ne savais pas, comment aurais-je pu savoir ?

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ
Personne ne me convaincra d’aller voter si je ne le veux pas, et de mon côté, je n’ai pas l’intention d’essayer de convaincre qui que ce soit, non par indifférence, loin de là, mais par simple respect.
Car le prosélytisme m’a toujours plus que gêné, il me choque. Convaincre, c’est la plupart du temps vaincre un con, et cela suppose de toute façon qu’il y ait un con vainqueur et un con vaincu.
Que vaut la pensée de quelqu’un qui n’a pas su se convaincre lui-même ? Tenter de convertir autrui, c’est toujours d’une certaine façon le mépriser en croyant détenir une vérité qu’il ne saurait trouver lui-même. Tout l’objet de la maïeutique socratique consiste à faire en sorte que la personne découvre par elle-même sa part de vérité.
Échanger, débattre, oui, témoigner de sa petite vérité individuelle, absolument. Témoigner est un droit, et selon moi un devoir. Cela exclut de hurler avec les loups qui nous invitent à rejoindre leur vérité comme si c’était forcément la nôtre, qu’ils soient d’extrême-droite ou qu’ils se prétendent de gauche.
Penser par oukases comme le font les belles âmes qui nous enjoignent de voter Macron pour des motivations qui me paraissent en fin de compte tout aussi inspirées par leurs intérêts bien compris que par la morale à géométrie variable dont ils se gargarisent, je m’y refuse.

DÉBOUSSOLÉS ?
Comme souvent quand leur « raison » n’a plus de prise sur une réalité qui a évolué à leur insu, ceux d’entre nous qui se croient « raisonnables » deviennent fous furieux. Leur logiciel ne fonctionnant plus, saisis de panique, ils se mettent à dire et faire n’importe quoi.
Leurs analyses se focalisent aujourd’hui sur des conséquences (le FN) dont l’éradication restera impossible tant qu’on ne remédiera pas à leurs causes (notamment la mondialisation libérale-nazie et la façon dont les « élites » gouvernantes françaises ont instrumentalisé le FN comme repoussoir pour pérenniser leur pouvoir).
Ce qui se passe actuellement en France n’est qu’une partie d’une catastrophe en cours déjà bien avancée : l’autodestruction de l’humanité par la mondialisation néo-libérale. À l’échelle mondiale, au moment où l’humanité a presque achevé de scier la branche sur laquelle elle est assise, le FN n’est qu’un épiphénomène, l’un des symptômes d’une pandémie en plein essor.
Le « populisme » dénoncé avec une perversité dans le culot absolument effarante par les tenants du système oligarchique me semble être d’abord une très logique réaction collective inconsciente à la perception très concrète du désastre actuel, d’où le fait qu’il se répand comme une traînée de poudre un peu partout dans les pays dits développés.
En ce sens, nos débats de ces jours derniers me semblent à la fois ridicules et tragiques. Nous regardons le doigt à la loupe pendant que la lune nous tombe dessus. Ce que je crois être l’inconscient collectif, comme toujours beaucoup plus conscient que notre conscience, perçoit ce danger que nous refusons de voir. C’est le coup du Titanic : on a le pressentiment, l’inconscient nous avertit, des indices viennent renforcer notre intuition, mais par bêtise, par inertie, par arrogance, on chausse les lunettes roses de la raison radotante, des idées reçues et du consensus mou (« Ça ne peut pas nous arriver, pas à nous quand même… »).

UN ENJEU PLANÉTAIRE
Dans le débat d’hier entre les deux représentants de l’inhumanité, pas un mot, pas un seul, sur l’écologie, rien sur le réchauffement climatique. Curieuse conception de la sécurité !
Pratiquement rien sur nos institutions désormais mortifères qui prennent l’eau de toutes parts et préparent les fuites en avant de la révolution ou, pire, de la dictature, déjà partiellement mise en place.
Mélenchon n’est pas parfait mais si j’ai fini par voter pour lui, c’est qu’il est à mon avis le seul à avoir largement compris ce qui se passe réellement et à avoir tenté de replacer le cas particulier de la France dans le cadre mondial dont il dépend, afin d’essayer de trouver de vraies solutions d’ensemble.
Ce qui est en jeu aujourd’hui, au-delà du FN, au-delà des migrants, c’est notre sort à tous. Là est la question. Alors assez de cet apitoiement obscène sur « ces pauvres migrants » dont nous acceptons en fait sans bouger le petit doigt qu’ils soient traqués, enfermés, déportés, noyés, expulsés, alors que ceux qui souhaitent rester en France ne demandent qu’à s’intégrer et se mettre au service du pays (je parle ici d’expérience, à la fois ancienne et récente).
Que les bonnes consciences cessent de se draper dans des principes qu’elles ne respectent que quand ça les arrange ! Qu’elles cessent, du haut de leurs certitudes intéressées, de nous enjoindre de voter pour le moins pire sous peine de haute trahison ! Nous sommes en plein naufrage, savoir s’il faut se jeter directement à l’eau ou se battre pour monter dans une chaloupe bondée qui coulera dès sa mise à l’eau, c’est jouer les Gribouille.
Choisir Macron c’est à mes yeux ne pas voir que la bête immonde qui à juste titre nous fait à la fois peur et horreur a muté, et que sous une forme nouvelle, plus habile et insidieuse, elle est déjà dans la bergerie, d’où elle nous tend le piège du chantage antifasciste.

ÊTRE ANTIFASCISTE AUJOURD’HUI, c’est refuser non seulement les sursauts du fascisme d’hier mais l’hégémonie destructrice du néo-libéralisme actuel. Quoi de plus authentiquement fasciste que le "There Is No Alternative" systématique qui exclut de fait toute possibilité de démocratie pour imposer la loi, non de la jungle, qui est nettement plus civilisée, mais du profit, de l’argent-roi, lequel a toujours eu partie liée avec le fascisme ?
Hitler ne serait jamais arrivé au pouvoir s’il n’avait été dès le début soutenu par l’oligarchie industrielle et financière allemande, celle-là même qui avait soutenu l’infâme Ludendorff quand il avait à l’aube de la première guerre mondiale théorisé et systématisé la notion de guerre totale qui allait porter de si beaux fruits par la suite.
Depuis deux cents ans, à la lumière de Lumières beaucoup moins éclairantes que ne le croient encore des rationalistes mécanistes d’autant plus manipulés par leur inconscient qu’ils ne veulent pas entendre parler de lui, les apprentis sorciers que nous sommes n’ont cessé de jouer avec le feu en tous domaines. Selon les lois de la thermodynamique, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Parce que nous n’avons pas su ni voulu le gérer, ce que nous appelons souvent imprudemment le progrès nous revient de toute part, boomerang irrésistible des conséquences imprévues, en pleine figure. Le cauchemar est en route, mais il est réel et il ne suffira pas de se réveiller pour le dissiper.
C’est entre autres pourquoi il est exclu que je vote Macron. Il y a à mes yeux un monde entre ce que dit Macron et ce qu’il a fait et veut faire. En ce sens, Le Pen et lui se valent, loups déguisés en bergers. Libre aux amateurs de sensations libérales fortes de jouer les Petits Chaperons rouges, très peu pour moi, merci, j’ai déjà donné.

Et puis il y a eu LE « DÉBAT ». VOUS AVEZ DIT DÉBAT ?
Je croyais connaître la peur. J’avais tort. Je sais depuis hier soir ce qu’est la peur. Le débat entre les deux candidats qu’a réussi à imposer l’oligarchie au pouvoir m’a d’abord mis dans une colère noire. Qui cachait en fait la terreur qu’a provoqué en moi ce débordement réciproque de haine. Aucun de ces deux personnages répugnants n’aura mon vote.
Alain Sagault

Je voudrais rappeler maintenant que les mots disent beaucoup plus de choses que nous ne le croyons et qu’ils constituent parfois des prisons mentales dont on ne sort qu’en en prenant conscience :

STYLE JOURNALISTIQUE ET DÉMOCRATIE

Notre époque de délire normalisateur semble autoriser ceux qui considèrent détenir la vérité et la science infuse à multiplier les injonctions souvent paradoxales et arguments d’autorité irrecevables par essence (Il faut voter Macron, il faut faire barrage à Le Pen, il faut se laver les dents trois fois par jour, il faut manger cinq fruits et légumes par jour).
Ainsi de ce titre paru ce 4 mai dans Mediapart, et qui a, je n’en doute pas, échappé en toute innocence et bonne foi à la conscience de ses auteurs :
« Ce qu’il faut retenir de deux heures et demie d’échanges tendus »
Il me semble intéressant de proposer à la suite de ce titre, typique des mauvaises habitudes inconsciemment prises par les médias, mais aussi par nous, simples particuliers, à la suite des intellectuels de pouvoir (voir la tournure infantilisante et culpabilisante si répandue depuis quelques années chez les « experts » de tout poil : « Il faut savoir que ») un texte du créateur du Seitaï, Haruchika Noguchi commentant Tchouang-Tseu à sa manière si personnelle et pertinente :
« Notre vie est limitée, or il n’y a pas de limite aux « il faut » et « il ne faut pas », et si, avec nos limites, nous essayons de nous conformer aux « il faut » et « il ne faut pas » qui sont sans limites, tout ce qui va nous rester c’est l’angoisse d’être incapables de nous y conformer. Pourtant, les gens courent toujours après les « il faut » et « il ne faut pas ». Et leur anxiété augmente.
On suit la voie de l’hygiène avec comme seul résultat la multiplication des « il faut » et « il ne faut pas » ; les « il faut » et « il ne faut pas » auxquels les gens doivent faire attention se multiplient de plus en plus ; et alors l’angoisse d’avoir à observer ces règles conjuguée avec la peur de ne pas en être capable rend les gens toujours plus timorés et abattus.

Quand les « il faut » et « il ne faut pas » contrôlent l’activité humaine, alors les êtres humains ont déjà forgé des chaînes pour eux-mêmes. La connaissance est une arme pour les êtres humains, et un pouvoir pour l’accomplissement de leurs intentions. Mais quand on accumule les connaissances et que la liberté des êtres humains est restreinte, les gens deviennent incapables de vivre avec vivacité à cause des « il faut » et « il ne faut pas », un peu comme les bois d’un cerf deviennent pour lui une gêne. Et alors il n’y a rien de mieux à faire que de se libérer en tranchant cette connaissance et en la jetant. »
Je soumets ce texte aux donneurs de leçons patentés et autres adjudants ratés en leur suggérant de dire leur chapelet en méditant sur un « Il faut » plus légitime et plus sain que les leurs : Faut pas trop faire chier…


À propos de la nature de l’abstention, un texte qui remet les choses en perspective dans le contexte actuel :

 L’abstention est-elle une idiotie ?

Un point de vue assez proche du mien et que je vous soumets donc ! :

 NE NOUS SOUMETTONS PAS !

Par Henri Pena-Ruiz, Philosophe, écrivain — 30 avril 2017 à 15:22
 
Seule la France Insoumise a su proposer une véritable alternative face à la montée du lepénisme, mais il faut désormais compter sur le troisième tour : les législatives. Pour faire barrage contre l’extrême droite et éviter un score à la soviétique pour Monsieur Macron, adepte du 49-3 et des ordonnances.

Selon Montesquieu le propre du despotisme est de gouverner à la peur. Or qui veut nous faire peur aujourd’hui ? Ceux qui prétendent que le FN est aux portes du pouvoir alors qu’il sera loin d’avoir la majorité à l’Assemblée Nationale, et par conséquent ne pourra pas gouverner. Les amis de M.Macron, avec sans doute l’appui d’un président qui a trahi ses promesses pour se faire élire, mettent en scène leur rêve, en forme de ruse machiavélique. Orchestrer la peur de voir Mme Le Pen gouverner afin de construire pour leur candidat une « majorité présidentielle » écrasante. Et disposer ainsi d’une majorité nette à l’Assemblée nationale pour continuer la politique d’un quinquennat sinistre.
C’est typiquement la logique de la cinquième République, hélas aggravée naguère lorsque Monsieur Jospin crut devoir inverser le calendrier électoral. La monarchie présidentielle prenait ainsi davantage encore le pas sur l’élection des représentants du peuple, ligotant celui-ci dans des alternatives mystifiantes. Quant à la lutte contre le FN, certains feraient bien de balayer devant leur porte. Qui donc a cyniquement joué sur un score élevé du FN pour substituer la peur à tout inventaire critique d’une politique de trahison fondée sur une tromperie initiale ?

Non au chantage à l’apocalypse
Sauver la démocratie ? Allons donc ! Monsieur Macron annonce son intention d’aggraver la Loi El Khomri par ordonnances…pendant les vacances d’été, afin d’éviter toute contestation. Jolie façon de réaliser la « démocratie participative » ! Naguère il proposait aux jeunes d’avoir pour seul idéal de devenir milliardaires. Sans doute en exaltant un système « Qui produit la richesse en créant la misère » (Victor Hugo). Belle profession de foi humaniste !
Ouvrons les yeux. Ras-le-bol de ce chantage à l’apocalypse pour désespérer encore une peu plus les laissés pour compte du néo-libéralisme et de la « concurrence libre et non faussée ». Avant de pleurnicher sur la montée du lepénisme, il serait bon de s’interroger sur ses causes et de proposer une véritable alternative, comme le fait La France Insoumise. Qui vient de faire reculer le score de Marine Le Pen, sinon Jean Luc Mélenchon ? Le score du FN est passé de 28 % à 21,5 % tandis que celui du candidat de la France Insoumise a atteint 19,6%.
Sa proposition de soumettre toute décision concernant le second tour à une réflexion collective des militants qui l’ont soutenu est toute à son honneur. Elle est en phase avec notre volonté de changer la politique par l’invention d’une sixième République. Elle répond à la complexité d’une situation qui mérite réflexion et délibération, à rebours de toute image d’Epinal. Ceux qui osent traiter Jean Luc Mélenchon de dictateur le calomnient, une fois de plus. Leur rage est d’ailleurs inconséquente. Tantôt ils lui reprochent son autoritarisme vertical, tantôt ils croient devoir s’indigner de sa refondation horizontale de la politique, soucieuse de faire parler le peuple. Il faudrait savoir !
Nous, fossoyeurs de l’Europe ? Une Europe construite à rebours de tous les idéaux de justice qu’elle était censée incarner. Victor Hugo inventa l’expression « Etats-Unis d’Europe », sur le mode confédéral d’une union des nations. Des nations libres dans une union libre, tournées vers le progrès social et la culture délivrée des inégalités économiques. Il doit se retourner dans sa tombe au regard de la caricature de son idéal par l’Europe actuelle. Une Europe néolibérale voulue par Jean Monnet, attachée à corseter les peuples dans la négation quasi irréversible des conquêtes sociales qui forcèrent le capitalisme à s’humaniser. Qui refuse la régression de civilisation que représente le credo du moins-disant social imposé par l’Europe actuelle ? Qui demande en Europe une harmonisation des droits sociaux par le haut ? La France Insoumise, avec das Linke, Podemos et Syrisa. Bref c’est la construction actuelle de l’Europe qui en creuse la tombe.
Monsieur Hollande avait promis de renégocier un traité européen, le TSCG. Il ne l’a pas fait. Et il ose maintenant reprocher à Jean-Luc Mélenchon de vouloir le faire ! Qu’a donné la litanie d’un changement intérieur de l’Europe ? Rien, car elle a sous-estimé l’emprise d’une finance mondialisée et elle a finalement abdiqué devant elle. Le terrible sort réservé au peuple grec en est la preuve. Relisons la mise en garde prémonitoire de Pierre Mendès-France contre cette orientation mortifère pour l’Europe. C’est notre acte d’insoumission qui réconciliera les peuples avec elle par une refondation politique, écologique et sociale.

De la souveraineté populaire
Par ailleurs, qui mène la bataille des idées contre le FN en expliquant le rôle des immigrés dans la reconstruction de la France, et en rappelant que les immigrés paient plus de cotisations qu’ils ne touchent de prestations ? Qui rejette le nationalisme d’exclusion inspiré par l’opposition du « eux » et du « nous » chère à Carl Schmitt ? Qui combat la thèse de Samuel Huntington selon laquelle les civilisations s’opposeraient et se hiérarchiseraient inéluctablement ? Qui ouvre la réaffirmation de la souveraineté populaire au niveau national à l’internationalisme, avec la promotion du progrès social pour tous les peuples ? La France Insoumise. Pour faire reculer les réflexes racistes ou xénophobes, ne nous contentons pas de condamnations moralisantes. Agissons sur les causes et déconstruisons les préjugés obscurantistes. Nous n’avons pas de leçons à recevoir des principaux responsables de la montée du FN !
« Populisme » ! Allons bon, encore un mot magique pour disqualifier sans argumenter ! Le propre du populisme de droite est de flatter le peuple et non de le servir. C’est d’ailleurs le sens littéral du mot démagogie, en grec ancien. Mais si défendre réellement les classes populaires c’est être populiste, alors soyons populistes. Par une telle défense, nous défendons également l’intérêt général. D’où la lutte contre la dévastation des droits sociaux et des acquis du programme du CNR, comme la Sécurité sociale et les services publics, et le refus de la déconstruction du code du travail à coup de 49-3 et bientôt d’ordonnances. Trêve de mots pièges et d’amalgames odieux entre les « deux extrêmes ». Un amalgame qui soit dit en passant banalise le FN puisqu’il lui donne le même statut qu’à la France Insoumise !

Le barrage à l’extrême droite ? Les législatives
Ensemble, en 2012, nous avions chassé la droite. Et pendant cinq ans nous avons eu la droite déguisée en gauche, avec l’exception honorable du Mariage pour tous courageusement promue par Christiane Taubira, réforme sociétale juste, mais qui n’aurait pas dû dispenser de l’attention à la question sociale. Il faut comprendre la désespérance du monde du travail, sans justifier pour autant n’importe quel vote protestataire. Je comprends qu’en l’état actuel des choses on puisse se sentir écartelé entre un vote blanc, improprement appelé « nul », qui marque le dégoût d’une pratique politique désespérante, et un vote Macron, posé un peu vite comme seule alternative à l’extrême droite. Les deux votes sont respectables, et je dénie à quiconque le droit d’en disqualifier un. Mais c’est désormais un troisième tour, celui des Législatives, qui permettra de dresser un véritable barrage contre l’extrême droite, et non un score à la soviétique pour Monsieur Macron, adepte du 49-3 et des ordonnances.
Un dernier mot sur l’incroyable faute déontologique et le manque d’esprit laïque du président de la République. Comment Monsieur Hollande a-t-il considéré les devoirs de sa fonction lorsqu’il a violé la réserve qu’il avait annoncé vouloir respecter, n’étant pas candidat ni chef de parti mais Président de tous les Français ? Ses accusations insensées, aux limites de la calomnie, sur la prétendue complicité de Jean-Luc Mélenchon avec Assad et Poutine, ou sa propension supposée dictatoriale, ont rompu l’égalité de traitement des candidats alors que la constitution lui faisait un devoir de la respecter. Décidément l’immunité présidentielle, elle aussi, devra être revue par la sixième République dans le cadre de la moralisation de la vie politique !
Dernier ouvrage paru : Dictionnaire amoureux de la laïcité, Editions Plon. 
Henri Pena-Ruiz Philosophe, écrivain



À propos de la nature du libéralisme actuel, voici quelques extraits d’un article paru dans Mediapart sur un essai collectif tout récent publié par un groupe de chercheurs :

ESSAIS

 « Échapper à la grande régression »

2 MAI 2017 PAR JOSEPH CONFAVREUX

Le coordinateur de ce livre collectif écrit en introduction :
« Tout ce qui avait pu être écrit, il y a presque vingt ans de cela, sur les répercussions, alors encore à venir, de la globalisation, s’est avéré pour l’essentiel exact, sans que la moindre leçon en soit tirée pour autant. »

« Face à Trump ou Clinton, incarnations réciproques d’une extrémisation droitière ou d’une faillite libre-échangiste, le philosophe juge qu’une « politique de gauche à opposer à ces deux-là devrait consister à élaborer des traités internationaux d’un genre inédit : des accords visant à contrôler les banques, à instaurer des critères écologiques précis, à protéger les droits des travailleurs, à garantir à tous de mêmes soins de santé, à protéger les minorités sociales et ethniques, etc. La grande leçon du capitalisme global, c’est que les États-nations ne peuvent faire à eux seuls le travail – seule une entité politique internationale d’un type inédit serait, peut-être, à même de brider le capital global ».
À ce programme déjà (trop ?) vaste, le philosophe Bruno Latour ajoute une nouvelle pierre, dans ce qui constitue la contribution la plus lumineuse de l’ouvrage, en explorant les contours du « nouveau régime climatique » qui « balaye depuis longtemps toutes les frontières et nous expose à tous les vents, sans que nous puissions construire de murs contre ces envahisseurs-là. Si nous voulons défendre nos identités, il va falloir identifier ces migrants sans forme ni nations qu’on appelle climat, érosion, pollution, épuisement des ressources, destruction des habitats. Même en scellant les frontières aux réfugiés sur deux pieds, jamais vous n’empêcherez les autres de passer ».
Pour le philosophe, nous sommes face à une situation, où, pour « reprendre la métaphore éculée du Titanic : les gens éclairés voient l’iceberg arriver droit sur la proue, savent que le naufrage est assuré, s’approprient les canots de sauvetage ; demandent à l’orchestre de jouer assez longtemps des berceuses pour qu’ils profitent de la nuit noire pour se carapater avant que la gîte excessive alerte les autres classes ! ». Cette configuration permet de comprendre que « ce que l’on appelle à partir des années 1980 la “dérégulation” et le “démantèlement de l’État-providence” ; à partir des années 2000 le “climato-négationnisme” et, surtout, depuis quarante ans, l’extension vertigineuse des inégalités, que tout cela participe au même phénomène : les élites ont été si bien éclairées qu’elles ont décidé qu’il n’y aurait pas de vie future pour tout le monde, qu’il fallait donc se débarrasser au plus vite de tous les fardeaux de la solidarité – c’est la dérégulation ; qu’il fallait construire une sorte de forteresse dorée pour les quelques pour cent qui allaient pouvoir s’en tirer – c’est l’explosion des inégalités ; et que pour dissimuler l’égoïsme crasse d’une telle fuite hors du monde commun, il fallait absolument nier l’existence même de la menace à l’origine de cette fuite éperdue – c’est la dénégation de la mutation climatique ».

Voici une très éclairante approche du dilemme scélérat qui nous est proposé, qui rme convient d’autant plus qu’elle rappelle opportunément les vertus du silence :

04/05/2017 10:24 PAR DIOGÈNE DE TOURS EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE THEORTIE LE 04/05/2017 02:53
 

 
PUISSANCE DU SILENCE

LE « CHOIX DE SOPHIE » ET LE « SILENCE DE LA MER »

Vous connaissez toutes et tous, sans doute, l’argument dit du « choix de Sophie » : une jeune maman est prisonnière, aux mains d’un salaud quelconque (SS ou similaire, en n’importe quelle armée ou milice) qui la désire et qui a pouvoir de vie ou de mort. Elle a deux enfants, et le salaud lui dit qu’un seul enfant sur les deux peut être sauvé, et il lui demande de choisir lequel. Apparemment, la situation est sans issue pour Sophie : il lui faut répondre, mais sa réponse ne peut que la détruire à ses yeux en tant que mère. Et le salaud jouit atrocement du piège qu’il a ainsi monté.
Beaucoup d’esprits bavards ont glosé sur ce « choix de Sophie ». Peu ont reconnu que Sophie, de toutes façons, garde aussi le choix du silence, et que ce silence est - logiquement et moralement - le meilleur choix. Car, seul le silence protège l’infime chance qui lui reste, et qui peut à la fois la sauver pour elle- même, à ses yeux, et sauver ses deux enfants. Chance infime, oui, car le plus probable est, bien sur, qu’ils meurent tous les trois dans un délai plus ou moins court. La probabilité qu’elle et ses enfants meurent est la plus forte, quelle que soit ce qu’elle décide, vu les circonstances et le cynisme atroce du salaud dont il serait vraiment stupide de croire qu’il peut simplement respecter sa parole.
Comment, en effet, un salaud pourrait-il être crédible, sinon selon sa propre saloperie ? Un salaud jouit d’abord de sa puissance, et il ne se sent jamais aussi puissant que lorsqu’il tue. Sophie le sait. Sa puissance à elle est dans le refus de jouer à ce jeu pervers. Si elle et ses enfants meurent, il faut alors que cela soit du seul fait du salaud. Non de son fait à elle. Son silence, et seulement son silence, renverra au salaud sa responsabilité. Elle ne donc doit rien dire. Surtout ne pas répondre. Ne jamais dire un mot. C’est difficile, mais face au « silence de la mer », c’est le salaud – et lui seul - qui devra choisir. Et il aura perdu dans le plus ignoble de son désir : faire entrer Sophie dans le choix de tuer. Mais Sophie, paniquée, fait le choix. Elle sacrifie sa fille de 7 ans, voulant garder son fils. Le reste de sa vie sera un enfer, et elle ne saura même pas ce que deviendra son fils.
On ne prend jamais assez conscience de la puissance du silence face aux multiples situations où l’on nous impose de parler immédiatement, et de choisir une chose plutôt qu’une autre ; où on tente de nous faire le coup du « devoir », de choisir obligatoirement entre deux issues mauvaises. On veut souvent nous faire croire que le choix du silence est impossible. Mais c’est une tromperie répugnante : la vertu extraordinaire du silence est qu’elle renvoie à ceux qui l’ont plus ou moins manigancé la perversité originelle du choix imposé. Et le choix du silence, s’il est maintenu malgré toutes les pressions, n’est finalement pas plus risqué, loin de là, que de succomber à choisir soi-même le pire.
Imaginons ainsi un pays dont le roi est élu pour cinq ans avec pratiquement tous les pouvoirs, y compris celui de nommer lui-même les juges. Un tel pays, çà n’existe pas, évidemment, c’est juste pour donner un exemple de pire. Dans ce pays, imaginons que l’absurdité aille jusqu’à imposer le choix final du roi-pour- cinq-ans entre les deux candidats au trône arrivés en tête au premier tour de scrutin. Ces deux-là uniquement, même s’ils n’ont pas obtenu ensemble la moitié des voix ! Evidemment, croire une telle chose possible dans la réalité est le comble du pessimisme. Encore une fois, c’est juste pour renforcer par l’exemple du pire la pédagogie de l’opportunité du silence.
Allons donc encore plus loin dans l’imagination purement pédagogique : disons que l’un des deux candidats représente la fureur exacerbée, devenue malveillante, de ceux et celles qui sont réellement frustrés par les accaparements toujours plus grands, et eux aussi malveillants, de ceux et celles qui soutiennent l’autre candidat... Dans ces conditions on ne peut plus grotesques, absurdes (et heureusement invraisemblables) le choix par le vote ne semble plus que de poursuivre, par l’un ou par l’autre - « one more time » - le cercle vicieux opposant toujours plus les uns aux autres. Or, penser devoir voter ainsi, c’est oublier qu’il reste aussi le choix du silence. On peut encore choisir le silence qui montre de façon évidente, et impressionnante, ce que l’on pense au fond de ce « jeu de cons » électoral.
Certes, dans cette étude de cas ô combien théorique, grâce à Dieu, l’un ou l’autre des candidats sera officiellement le roi-pour-cinq-ans. Mais, le silence massif des électeurs aura parlé. On n’a jamais connu de roi dans l’Histoire - ni pour cinq ans, ni pour la vie - qui ait vraiment su comment répondre, sans craindre pour sa tête ou son cul, au peuple.

 
Le point de vue d’Onfray, avant le « débat » :

LE FIGARO : MICHEL ONFRAY : « CETTE ÉTRANGE PERVERSION QUI CONSISTE À NOURRIR LE MONSTRE LE PEN QU’ON PRÉTEND COMBATTRE »
28-04-2017
INTERVIEW - Le philosophe analyse les résultats du premier tour de l’élection présidentielle et notamment le score important réalisé par le Front national. Il considère que le parti de Marine Le Pen est moins combattu qu’utilisé comme épouvantail pour que rien ne change.
LE FIGARO. - En 2002, après l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle vous avez fondé l’université populaire. 15 ans plus tard, Marine Le Pen est au second tour. Êtes-vous surpris ?
Michel ONFRAY. - Pas du tout car ce qui a rendu possible la famille Le Pen depuis un quart de siècle que dure cette saga n’a été ni attaqué ni combattu. Au contraire : ce qui a généré son succès a même été amplifié. On ne combat pas cette résistible ascension par la diabolisation, mais en asséchant le marais qui nourrit leurs ambitions. En l’occurrence avec une politique vraiment de gauche en faveur des gens modestes.
Qu’est-ce qui explique cette étrange perversion qui consiste à nourrir le monstre qu’on prétend combattre ? Une raison bien simple : ceux qui tapent sur elle mais épargnent ce qui la rend possible font très exactement partie de ce qui la rend possible.
Je m’explique : quand Mitterrand est élu en 1981, le FN est en dessous de 1%. Aujourd’hui, Marine Le Pen arrive à la deuxième place du premier tour avec plus de 20% des suffrages et il faut que tous se liguent contre elle, droite et gauche confondues, pour qu’elle ne soit pas élue.
Marine Le Pen peut dire merci à nombre de gens qui l’ont rendue possible depuis si longtemps : à tout seigneur tout honneur, commençons par François Mitterrand qui, en renonçant à la gauche avec son tournant libéral en 1983 et en renonçant également à toute souveraineté, donc à toute possibilité de faire de la politique avec Maastricht en 1992, a vidé la gauche de sa substance et laissé les pleins pouvoirs aux marchés ; merci à tous les socialistes qui ont avalisé ce virage à droite de leur camp et voté « Oui » à Maastricht, dont un certain Jean-Luc Mélenchon ; merci au PCF qui , pour des raisons boutiquières (il lui fallait payer ses cadres et ses permanents...) s’est contenté d’une opposition verbale pendant qu’il collaborait la nuit à cette politique qu’il dénonçait le jour ; merci au même Mitterrand qui a promu comme nouveau modèle de gauche l’homme d’affaires bien connu des tribunaux et des gardiens de prison, Bernard Tapie, avec un message simple : l’argent est le dieu des temps moderne, le patron est son prophète et la gauche à son service ; merci à Serge July et, déjà, à Laurent Joffrin qui, en 1984, dans Libération , ont fait une mémorable opération marketing et politique avec une « une » intitulée : « Vive la crise ! » dans laquelle Yves Montand, un ancien stalinien reconverti dans la gauche caviar, fustigeait les chômeurs coupables de ne pas créer leurs entreprises et morigénait ces salauds de pauvres coupables d’être des assistés ; merci à Terra Nova, le think tank de cette gauche de droite qui, en 2012, faisait circuler une note stipulant qu’il fallait abandonner les ouvriers, le prolétariat, les précaires au Front national, où ils étaient de toute façon déjà partis (la faute à qui ? À ces gens-là...) pour se concentrer sur un autre cœur de cible comme on dit : le peuple de substitution issu de la pensée structuraliste - homosexuels, LGBT, immigrés, fumeurs de pétards, les bobos contre les prolos ; merci à cette gauche qui, en bon soldat du capitalisme soucieuse de disposer d’une main d’œuvre bon marché, a adoubé l’immigration comme « une chance pour la France » et qui a généré cette hyper-prolétarisation d’un monde dont l’avant-garde a imaginé le salut dans un islam politique ennemi de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, de la laïcité, du féminisme ; merci à la gauche caviar et à la droite cassoulet, à l’époque Hollande et Chirac, puis Sarkozy, d’avoir méprisé le peuple quand, en 2005, il a voté « Non » à la formule libérale de l’Europe et qu’en 2008 ces branquignols lui ont tout de même imposé cette Europe en mobilisant les représentants du peuple contre le peuple, ce qui fut perçu par les nonistes comme un coup d’État, un véritable déni de démocratie ; merci aussi à tous les va-t-en guerre qui, derrière BHL, Kouchner, Pierre Bergé, Valls, tous ralliés à Macron, ont justifié et légitimé toutes les guerres qui ont détruit des États laïcs musulmans comme l’Irak et la Libye. Ces guerres ont généré une anarchie à l’origine des flux migratoires partout en Europe, de milliers de morts en Méditerranée, et de quatre millions de morts musulmans sur la planète ; merci à Pierre Bergé qui a clairement dit que les femmes pauvres n’avaient qu’à louer leurs utérus aux riches qui voulaient acheter un enfant et qu’il s’agissait d’un progrès de gauche...
On comprend qu’aucun de ceux qui ont ainsi rendu possible Marine Le Pen ne puisse faire autre chose que la transformer en diable alors qu’ils ont nourri consciencieusement ce démon qu’ils prétendent haïr depuis un quart de siècle, mais qui leur est bien utile pour obtenir que la présidence de la République soit toujours assurée par l’un des leurs - un ami du capital...
Pour ma part, je n’ai rien soutenu en vingt-cinq ans qui l’ait rendue possible...
En 2002, vous aviez refusé de défiler en compagnie « du patronat et de l’Evêché » contre Jean-Marie Le Pen. Vous pensez que les manifestations et le front républicain ne sont pas efficaces ?
Tout ce petit monde joue à se faire peur et à faire peur et je ne suis pas du genre à avoir peur d’autre chose que de ce qui le mérite. Quand un candidat se trouve au second tour des présidentielles face à Le Pen, il est sûr d’être élu. Cette consultation est devenue une élection à un tour. Voilà pourquoi toute cette clique a besoin de cette femme et fait tout ce qu’il faut pour qu’elle soit présente au second tour.
Quant à l’appellation « front républicain », elle mérite au moins une remarque : quelles leçons républicaines ont à nous donner ceux qui ont tenu pour nul et non avenu un référendum qui ne leur convenait pas ? J’en vois peu qui sont habilités à donner des leçons de républicanisme dans ce fameux front...
Vous avez rédigé un carnet de campagne, La cour des miracles, (Éditions de l’observatoire) qui sortira au mois de mai. Comment qualifier cette campagne ?
Pitoyable, minable, nulle... Les véritables questions n’ont jamais été abordées : qui a parlé d’identité nationale ? De l’avenir de notre civilisation ? De propositions géostratégiques permettant de replacer la France dans le monde ? De projets haut-de-gamme pour notre pays dans le prochain quart de siècle ? Personne...
J’avais prédit sans grand risque que cette élection permettrait de changer d’homme mais pas de politique - qui est peu ou prou la même depuis 1983. Ce fut d’ailleurs la raison de mon abstentionnisme - pas question de voter pour une élection dont le résultat est connu à l’avance. Je ne me suis hélas pas trompé...
Diriez-vous que l’émotion, la morale, l’indignation ont pris le pas sur le raisonnement et l’art politique ?
Je dirais que cette présidentielle est une formidable machine à faire vendre du papier journal et du taux d’audience médiatique aux publicitaires. Pour ce faire, il faut la construire comme un feuilleton de télé-réalité sur le principe christique : annonciation (dépôt des candidatures), nativité (entrée dans les sondages), apparition (y compris sous forme d’hologramme...), prophéties (programmes), sermons (chiffrages de programme), prédications (le paradis sur terre en cas d’élection), homélies, prêches, procès (vestons offerts, attachés parlementaires payés pour autre chose, voitures de fonction après avoir quitté la fonction, piston pour les enfants, déclarations de fortune à trou...), tribunaux (médiatiques), condamnation (les « unes » de presse), crucifixion (cathodique), crachats (enfarinage, concerts de casseroles, jets d’œufs), passion (jour du scrutin), résurrection (élection) - avant le retour d’un nouveau prophète qui voudra être vizir à la place du vizir...
Mais tout cela est une fable. L’essentiel est ailleurs. Le Capital met en scène ces diversions qui lui permettent de rester dans l’ombre et d’oeuvrer à sa tâche tranquillement. Le lundi, c’est jour de reprise ; et rien n’a changé.

Deux réactions, après le consternant « débat » :

04/05/2017 11:52 PAR JEAN-MARC CONSTANT
Ce n’était pas un débat entre deux conceptions d’essence différente que l’on a vu hier soir, mais un combat absurde comme l’opposition des deux mâchoires d’un étau, entre deux entités d’une même logique : la réunion physique (le « corps à corps ») de l’Effet avec la Cause servie « en même temps » sur un même plateau. Un aspect « match de catch » avec tout l’artifice requis destiné à nous la jouer sur le mode différence. Quand MLP envoie à EM qu’il ne fait que défendre le plus fort, qui pourrait dire le contraire ? Seulement le boomerang revient illico en pleine poire de la valseuse de Vienne, héritière du GUD, Occident et autres doux nervis. On s’en voudra du plaisir malsain ressenti parfois à l’énoncé de ce genre de vérités multipliables par deux, déplorant surtout amèrement que notre pays en soit là, à choisir entre la mort ou le coup à échéance mortel.

CAUSEUR : MACRON-LE PEN : INDIGNES !
04-05-2017
Un débat à la hauteur de la campagne qui l’a précédé
On aurait aimé en plaisanter. On aurait aimé dire qu’on attendait patiemment que l’un des deux protagonistes explique à l’autre quelle était sa recette du pot au feu, comme dans le film La gueule de l’autre.
Mais à vrai dire, on n’a pas le cœur d’en plaisanter. Car il devait s’agir du débat entre deux personnalités concourant pour la magistrature suprême de la cinquième puissance mondiale. Au lieu de cela, nous avons assisté à un spectacle indigne. Même un débat sur une chaîne info en plein été à onze heures du soir entre éditorialistes de troisième zone aurait été de meilleure qualité.
Ce débat était à l’image de cette « recomposition low-cost » dont nous avons ici décrit la mise en place. La véritable recomposition avait trop attendu. Elle disposait, au moment où elle devait intervenir, sans doute il y a quinze ou vingt ans, de personnalités à la hauteur, cultivées et complexes. Les vieux partis, accrochés à leurs prébendes, l’ont retardée avant de subir l’énorme échec du premier tour de cette élection présidentielle. Nous en récoltons le résultat : une foire d’invectives entre deux personnages caricaturaux et manifestement indignes de la fonction présidentielle.
L’abstention leur dit merci !
Mais que pouvions-nous attendre d’autre, au terme de la pire campagne présidentielle de la Ve République, naviguant entre le pathétique et le grotesque ? Après le débat, les journalistes sur les plateaux avaient beau jeu de fustiger ce spectacle affligeant. Notre presse ne fut guère à la hauteur et a contribué grassement à la mise en scène de ce naufrage du débat public. Rappelons-nous l’émission-phare du service public de télévision, « L’Emission politique », avec ses invités-mystères, ses clashs prémédités et son cynique et irresponsable Monsieur Loyal, David Pujadas. Ce dernier avait d’ailleurs l’eau à la bouche avant le face-à-face d’hier soir, en empruntant à la sémantique du commentaire sportif.
On peut prévoir que l’abstention ne soit pas découragée dimanche prochain après l’écoeurement suscité par cette foire d’empoignes. Reste à savoir quel camp sera le plus démobilisé. Quel que soit le vainqueur, même si Emmanuel Macron semble le plus probable, on peut légitimement se demander s’il est raisonnable de lui envoyer une majorité à l’Assemblée nationale. Nous en sommes là : voir dans une France ingouvernable un moindre mal. Et tout cela dans un monde dangereux. Hier soir, je me suis souvenu de Philippe Séguin posant il y a bien longtemps le diagnostic sur notre démocratie malade et sur notre crise morale. Nous sommes en phase terminale.
Source :
David Desgouilles Blogueur et romancier. - Publié le 04 mai 2017 / Politique (http://www.causeur.fr/debat-macron-le-pen-presidentielle- 44132.html)http://www.causeur.fr/debat-macron-le-pen- presidentielle-44132.html (http://www.causeur.fr/debat-macron-le- pen-presidentielle-44132.html)

Sur la nature du libéralisme actuel, un texte de l’an dernier, plus que jamais d’actualité :

« Libéralisme et fascisme constituent les deux versants profondément interconnectés du système mondial capitaliste. » Nancy Fraser, philosophe

 LE NÉOLIBÉRALISME EST UN FASCISME

Manuela Cadelli,
présidente de l’Association Syndicale des Magistrats de Belgique

Mis en ligne jeudi 3 mars 2016, 10h02
La carte blanche de Manuela Cadelli, présidente de l’Association syndicale des magistrats.

Le temps des précautions oratoires est révolu ; il convient de nommer les choses pour permettre la préparation d’une réaction démocrate concertée, notamment au sein des services publics.
Le libéralisme était une doctrine déduite de la philosophie des Lumières, à la fois politique et économique, qui visait à imposer à l’Etat la distance nécessaire au respect des libertés et à l’avènement des émancipations démocratiques. Il a été le moteur de l’avènement et des progrès des démocraties occidentales.

Le néolibéralisme est cet économisme total qui frappe chaque sphère de nos sociétés et chaque instant de notre époque. C’est un extrémisme.
Le fascisme se définit comme l’assujettissement de toutes les composantes de l’État à une idéologie totalitaire et nihiliste.
Je prétends que le néolibéralisme est un fascisme car l’économie a proprement assujetti les gouvernements des pays démocratiques mais aussi chaque parcelle de notre réflexion. L’État est maintenant au service de l’économie et de la finance qui le traitent en subordonné et lui commandent jusqu’à la mise en péril du bien commun.

L’austérité voulue par les milieux financiers est devenue une valeur supérieure qui remplace la politique. Faire des économies évite la poursuite de tout autre objectif public. Le principe de l’orthodoxie budgétaire va jusqu’à prétendre s’inscrire dans la Constitution des Etats. La notion de service public est ridiculisée.
Le nihilisme qui s’en déduit a permis de congédier l’universalisme et les valeurs humanistes les plus évidentes : solidarité, fraternité, intégration et respect de tous et des différences. Même la théorie économique classique n’y trouve plus son compte : le travail était auparavant un élément de la demande, et les travailleurs étaient respectés dans cette mesure ; la finance internationale en a fait une simple variable d’ajustement.

Déformation du réel
Tout totalitarisme est d’abord un dévoiement du langage et comme dans le roman de Georges Orwell, le néolibéralisme a sa novlangue et ses éléments de communication qui permettent de déformer le réel. Ainsi, toute coupe budgétaire relève-t-elle actuellement de la modernisation des secteurs touchés. Les plus démunis ne se voient plus rembourser certains soins de santé et renoncent à consulter un dentiste ? C’est que la modernisation de la sécurité sociale est en marche.
L’abstraction domine dans le discours public pour en évincer les implications sur l’humain. Ainsi, s’agissant des migrants, est-il impérieux que leur accueil ne crée pas un appel d’air que nos finances ne pourraient assumer. De même, certaines personnes sont-elles qualifiées d’assistées parce qu’elles relèvent de la solidarité nationale.

Culte de l’évaluation
Le darwinisme social domine et assigne à tous et à chacun les plus strictes prescriptions de performance : faiblir c’est faillir. Nos fondements culturels sont renversés : tout postulat humaniste est disqualifié ou démonétisé car le néolibéralisme a le monopole de la rationalité et du réalisme. Margaret Thatcher l’a indiqué en 1985 : « There is no alternative ». Tout le reste n’est qu’utopie, déraison et régression. Les vertus du débat et de la conflictualité sont discréditées puisque l’histoire est régie par une nécessité.
Cette sous-culture recèle une menace existentielle qui lui est propre : l’absence de performance condamne à la disparition et dans le même temps, chacun est inculpé d’inefficacité et contraint de se justifier de tout. La confiance est rompue. L’évaluation règne en maître, et avec elle la bureaucratie qui impose la définition et la recherche de pléthore d’objectifs et d’indicateurs auxquels il convient de se conformer. La créativité et l’esprit critique sont étouffés par la gestion. Et chacun de battre sa coulpe sur les gaspillages et les inerties dont il est coupable.

La Justice négligée
L’idéologie néolibérale engendre une normativité qui concurrence les lois du parlement. La puissance démocratique du droit est donc compromise. Dans la concrétisation qu’ils représentent des libertés et des émancipations, et l’empêchement des abus qu’ils imposent, le droit et la procédure sont désormais des obstacles.
De même le pouvoir judiciaire susceptible de contrarier les dominants doit-il être maté. La justice belge est d’ailleurs sous-financée ; en 2015, elle était la dernière d’un classement européen qui inclut tous les états situés entre l’Atlantique et l’Oural. En deux ans, le gouvernement a réussi à lui ôter l’indépendance que la Constitution lui avait conférée dans l’intérêt du citoyen afin qu’elle joue ce rôle de contre-pouvoir qu’il attend d’elle. Le projet est manifestement celui-là : qu’il n’y ait plus de justice en Belgique.

Une caste au-dessus du lot
La classe dominante ne s’administre pourtant pas la même potion qu’elle prescrit aux citoyens ordinaires car austérité bien ordonnée commence par les autres. L’économiste Thomas Piketty l’a parfaitement décrit dans son étude des inégalités et du capitalisme au XXIe siècle (Seuil 2013).
Malgré la crise de 2008, et les incantations éthiques qui ont suivi, rien ne s’est passé pour policer les milieux financiers et les soumettre aux exigences du bien commun. Qui a payé ? Les gens ordinaires, vous et moi.
Et pendant que l’État belge consentait sur dix ans des cadeaux fiscaux de 7 milliards aux multinationales, le justiciable a vu l’accès à la justice surtaxé (augmentation des droits de greffe, taxation à 21 % des honoraires d’avocat). Désormais pour obtenir réparation, les victimes d’injustice doivent être riches.
Ceci dans un Etat où le nombre de mandataires publics défie tous les standards mondiaux. Dans ce secteur particulier, pas d’évaluation ni d’études de coût rapportée aux bénéfices. Un exemple : plus de trente ans après le fédéralisme, l’institution provinciale survit sans que personne ne puisse dire à quoi elle sert. La rationalisation et l’idéologie gestionnaire se sont fort opportunément arrêtées aux portes du monde politique.

Idéal sécuritaire
Le terrorisme, cet autre nihilisme qui révèle nos faiblesses et notre couardise dans l’affirmation de nos valeurs, est susceptible d’aggraver le processus en permettant bientôt de justifier toutes les atteintes aux libertés, à la contestation, de se passer des juges qualifiés inefficaces, et de diminuer encore la protection sociale des plus démunis, sacrifiée à cet « idéal » de sécurité.

Le salut dans l’engagement
Ce contexte menace sans aucun doute les fondements de nos démocraties mais pour autant condamne-t-il au désespoir et au découragement ?
Certainement pas. Voici 500 ans, au plus fort des défaites qui ont fait tomber la plupart des Etats italiens en leur imposant une occupation étrangère de plus de trois siècles, Nicolas Machiavel exhortait les hommes vertueux à tenir tête au destin et, face à l’adversité des temps, à préférer l’action et l’audace à la prudence. Car plus la situation est tragique, plus elle commande l’action et le refus de « s’abandonner » (Le prince, chapitres XXV et XXVI).
Cet enseignement s’impose à l’évidence à notre époque où tout semble compromis. La détermination des citoyens attachés à la radicalité des valeurs démocratiques constitue une ressource inestimable qui n’a pas encore révélé, à tout le moins en Belgique, son potentiel d’entraînement et sa puissance de modifier ce qui est présenté comme inéluctable. Grâce aux réseaux sociaux et à la prise de parole, chacun peut désormais s’engager, particulièrement au sein des services publics, dans les universités, avec le monde étudiant, dans la magistrature et au barreau, pour ramener le bien commun et la justice sociale au cœur du débat public et au sein de l’administration de l’État et des collectivités.
Le néolibéralisme est un fascisme. Il doit être combattu et un humanisme total doit être rétabli.

Pour finir, en complément du texte qui précède, ce rappel indispensable du fait évident que dans le monde actuel les pouvoirs même quand ils se disent démocratiques n’informent pas, ils communiquent et manipulent :

 La "Fabrique du consentement" et la démocratie



Dans Public Opinion (1922), Lippmann étudie la manipulation de l’opinion publique.
Selon lui, pour « mener à bien une propagande, il doit y avoir une barrière entre le public et les évènements » Il décrit alors l’avenir qu’il entrevoit. Il conclut que la démocratie a vu la naissance d’une nouvelle forme de propagande, basée sur les recherches en psychologie associées aux moyens de communications modernes. Cette propagande implique une nouvelle pratique de la démocratie. Il utilise alors l’expression « manufacture of consent » qui signifie littéralement la « fabrique du consentement :

"Le peuple est un troupeau égaré, bien trop émotif, incapable de s’occuper de ses propres affaires, et qui doit-être encadré, contrôlé et conduit par une avant garde, une élite de décideurs éclairés.
Les gens doivent être détournés vers des buts inoffensifs.
Il faut les noyer sous une masse d’informations qui ne leur laisse pas le temps de réfléchir.
Il faut les persuader qu’ils sont incapables de provoquer des changements, il faut les convaincre que la révolte entraîne toujours le pire.
Il faut les faire voter de temps à autre, leur donner l’illusion de décider, l’illusion nécessaire."
 
*Walter Lippmann né à New York le 23 septembre 1889, mort le 14 décembre 1974, penseur et commentateur politique américain.

dimanche 30 avril 2017

VOTER MACRON OU S’ABSTENIR : CHOISIR ENTRE DISCOURS CREUX ET PAROLE HABITÉE

Je reçois à l’instant d’un ami ce beau et fort texte de Dimitris Alexakis. Il formule clairement l’essentiel de ce que nous pouvons répondre aux tenants de l’oligarchie néo-libérale mondialisée quand ils entament l’infâme ritournelle du chantage aux "valeurs". Il est passionnant et très instructif de comparer le texte de Cornu (vous le trouverez ci-dessous à la suite de celui d’Alexakis, vous pourrez ainsi juger sur pièces !) et celui qui suit. Leur confrontation met en lumière ce qui sépare un discours creux d’une parole habitée, et les artifices d’une rhétorique tournant à vide de l’analyse lucide d’une situation réelle. Cornu cherche à imposer une norme et une conduite, Alexakis tente de partager un point de vue et l’engagement qu’il détermine. Le premier parle du haut d’une chaire, le second du fond du cœur, Cornu veut répondre à notre place à une question qu’Alexakis se pose et nous pose.

C’est toute la différence entre un tenant de l’oligarchie et un amoureux de la démocratie.

 FACE AU CHANTAGE : À PROPOS DU 7 MAI 2017

Je n’aurai pas le temps de lire aujourd’hui d’autres articles, d’autres études sociologiques, d’autres analyses et d’autres déclarations, il faut garder la petite, préparer le travail du soir, écrire le texte que je devais rendre le 25 avril et dont la remise a été reportée au 2, mais j’en sais déjà assez, je crois. Il faudra bien que je me passe des analyses d’Emmanuel Todd (que j’aimerais lire mais qui sont en accès payant : quelqu’un pourrait-il les publier sur sa page ? sur son profil ?), et de tant d’autres— il arrive forcément un moment où l’on doit décider seul, avec ce que l’on a, ce que l’on sait en l’état et ce que l’on est.

Je sais quelque chose, même si cela fait longtemps que je n’ai plus le temps de lire et de m’informer autant que je le voudrais (de lire comme à 15 ans, à 20 ans ou à 30) : je sais que la montée du FN n’a cessé d’accompagner l’abandon déclaré, assumé, des classes populaires, des « bastions ouvriers », des chômeurs que les ouvriers de naguère tendent de plus en plus massivement à devenir depuis le tournant des années 80, ne cessent de devenir encore, à Florange, Amiens, Saint-Nazaire, des jeunes travailleurs précaires qui se sont démultipliés dans un champ du travail de moins en moins lisible à partir du milieu des années 70 et aussi, et peut-être avant tout, du monde rural, par les partis et l’ensemble des gouvernements qui se sont succédés depuis 1981 comme par toute une frange de la population (des « classes moyennes éduquées », pour parler à traits larges, et des intellectuels, de ceux qui sont avant tout possesseurs d’un capital culturel, de ceux qui, à un moment de leur vie ou tout au long de leur vie, ont eu le temps de lire).

Je sais que l’alternative qui nous est aujourd’hui proposée (entre la finance ou le fascisme) est une forme particulièrement viciée, particulièrement perverse de reconduction de ce pacte passé dès les premières années du gouvernement socialiste (1983) entre ces mêmes classes moyennes, les professions libérales et le patronat, sur le dos de ceux qui ne possèdent pas de capital et, en particulier, pas de capital culturel.

Je sais que, par rupture avec toute une partie du mouvement ayant suivi Mai 68, l’écrasante majorité des intellectuels « de gauche » a, à un moment crucial, pris le parti ou décidé de se retirer du jeu, de la construction de solidarités entre les classes, de l’organisation de transferts et d’échanges réciproques de savoir permettant de bâtir des luttes entre pratiques ouvrières, agricoles et savoir livresque, théorie, réflexion collective, création d’espaces pour un discours et une expérience politique en commun entre l’usine, les champs et l’université : de cesser d’incarner un point de connexion, de jonction, entre classes populaires et classes passées par l’université (et cela vaut autant pour le monde de la production industrielle que pour le monde rural ; mais aussi, de manière chaque jour plus aiguë, de la solidarité en acte avec les migrants).

Je sais que la reconduction de ce pacte marqué par l’égoïsme bourgeois le plus étroit ne peut plus aujourd’hui se prévaloir, s’il l’a jamais pu, de cette caution morale qu’était jusqu’à présent censée lui apporter l’injonction du « tous ensemble contre le fascisme », en premier lieu parce que la gauche de gouvernement a transformé l’antiracisme en serpillière de ses opportunismes et de ses reniements, en second lieu parce qu’aucune réflexion sociale n’a jamais accompagné aucun « sursaut républicain ». Privé de toute véritable réflexion sur les causes sociales de la montée de l’extrême-droite, cet antiracisme-là (celui de SOS Racisme comme des grandes manifestations unitaires des années 90 — mais certainement pas celui, dans notre enfance, de la belle marche pour l’égalité) n’a jamais été qu’une passoire, qu’un crible ne faisant dans le fond barrage à rien — la preuve en est apportée aujourd’hui, de la façon la plus critique, la plus criante et, au vrai, la plus dramatique qui soit.

Je sais aussi quelque chose du racisme profond qui habite depuis des décennies la société française. Je ne devais pas avoir 8 ans lorsque le gardien de notre ILM (Immeuble à loyer modéré) de Place des Fêtes m’a menacé un jour de me renvoyer dans mon pays « avec un coup de pied dans le cul » — et cette remarque m’a certainement marquée à vie. Dans l’immeuble de la rue du docteur Potain où nous avons grandi, mon frère et moi, nos amis s’appelaient Bichara, Céline, David, Samuel, Reda, Karim, Eric, Basile, Lamine, Stratos, Frédéric, Moussa, Aïssatou, Heidi. Je me souviens des bavures et du mot ratonnades dont l’écho a suivi toute notre adolescence, et des noms. Je me rappelle avoir, quelques années plus tard, été saisi à la gorge par un policier du commissariat du Forum des Halles et soulevé, contre le mur, au bord de l’asphyxie : je venais de protester et de m’opposer à un contrôle d’identité humiliant. Je sais quelque chose de ce racisme : je l’ai reçu dans la face comme une insulte, très jeune, je l’ai senti se refermer sur ma gorge — moi qui suis pourtant, comme le disait Pasolini, « un petit bourgeois », un privilégié, quelqu’un que les livres protègent, quelqu’un qui, en cas de démêlés avec la justice, aura plus de chances d’échapper à l’incarcération que, par exemple, la plupart de nos amis d’enfance.

Je sais aussi, pour avoir vécu en Grèce ces quinze dernières années, que l’alternative Macron / Le Pen est une nouvelle forme du non-choix auxquels les Grecs, singulièrement, ont été confrontés en juillet puis en septembre 2015. Le chantage exercé alors sur le peuple grec par l’Eurogroupe consistait à faire jouer la menace d’une sortie en catastrophe de l’euro et de l’effondrement, du jour au lendemain, du système bancaire. Le chantage exercé aujourd’hui sur le peuple français est peut-être plus violent encore, car il utilise une arme de nature éthique, ou morale : votez pour la finance afin de faire obstacle à l’horreur, au parti de la haine de l’autre. Votez pour les plans d’austérité que nous vous infligerons, car vous n’avez plus le choix.

Mais la finance n’est-elle pas, aussi, un parti de la haine ? De la haine des pauvres, des réfugiés, des ouvriers, des chômeurs, des sans dents, des incultes ? Derrière le visage étrangement lisse d’Emmanuel Macron, ne faisons pas semblant de ne pas apercevoir les chiffres atroces et le réel des plans d’austérité, celui, notamment, de l’accroissement de la mortalité infantile et des suicides dans les pays du Sud, ni la réalité sordide des camps de réfugiés organisés en Grèce sous les auspices de l’Union européenne, ni le silence de ceux qui continuent de mourir en Méditerranée.

Le propre de la gouvernance néo-libérale est de nous contraindre à apposer notre signature à son programme de guerre sociale alors même que nous savons qu’il est dirigé contre nous, contre la société, contre ses solidarités les plus élémentaires. De lui donner notre aval, fût-ce sous la menace d’un chantage cru.

Quelle « caution morale » et quel assentiment subjectif apporter à un mouvement incarnant la destruction de plus en plus accélérée, à travers l’Europe, des classes populaires, de toute une partie des classes moyennes, mais aussi, à l’échelle mondiale, des ressources naturelles et de la planète elle-même ?

L’antiracisme quinquennal des classes dirigeantes françaises n’est fondamentalement que la caution morale d’un égoïsme et d’un cynisme de classe : le vernis dont les intellectuels et une grande partie de l’électorat socialiste tentent de recouvrir leur trahison historique.

Cet antiracisme-là doit finir, est fini : chacun le sait, tant son masque apparaît désormais craquelé, boursouflé, caricature ne pouvant même plus se prévaloir, par différence avec 2002, de la tradition républicaine.

Fascisme, austérité, silence. La seule issue, pour la gauche, consiste désormais à se tenir à distance des injonctions morales d’une hypocrisie absolue de ceux (journalistes, intellectuels organiques du capital) qui, en la pressant de se prononcer en faveur d’E. M., n’ont pas d’autre objectif que de la voir abjurer — ce qu’Alexis Tsipras, après six mois de gouvernement, s’est résolu à faire, et ce dont Jean-Luc Mélenchon s’est pour le moment heureusement bien gardé.

Elle est surtout de travailler à une nouvelle alliance de classes, de groupes sociaux, de fragments dispersés, désunis, de modes de travail, de modes d’être et de vie, de cultures (« nouvelle » dans le sens où le travail a, depuis les années 70, subi des transformations décisives), en faveur de la redistribution et de la justice sociale : contre une accumulation des richesses devenue proprement monstrueuse, pour leur partage, et pour la circulation du savoir à travers l’ensemble du champ social.

Nous sommes des milliers, en ce moment-même, à débattre (ou à nous déchirer) sur les décisions que nous prendrons le 7 mai, mais peut-être conviendrait-il d’abord de dire l’évidence : que les termes du débat sont faussés. Que ce débat est un piège, car il repose sur un chantage et sur l’appui objectif apporté depuis des décennies par l’establishment aux thèses de l’extrême-droite, au détriment des revendications de justice. (Favorisons la création du monstre, nourrissons-le, puis déclarons : Votez pour la finance, sans quoi nous sortirons le monstre de sa cage.) Ce débat vicié doit et peut être, maintenant, radicalement dénoncé, contesté dans ses termes. L’alternative entre Macron et Le Pen est le symptôme le plus éclatant de la perversion profonde du système capitaliste contemporain, dans sa forme néo-libérale et (forcément) autoritaire. Nous ne devons pas nous résoudre à ce que « gouvernance » soit désormais, dans tout le continent européen, et au-delà, synonyme de « chantage ». Cette imposture doit être maintenant, aujourd’hui, dénoncée et ramenée à ses causes.
Alexakis poursuit sa réflexion ce dimanche, vous pouvez la suivre en cliquant sur ce lien :
LE FASCISME NE VIENT JAMAIS SEUL


 MOUVEMENT SOCIAL ET CRISE DÉMOCRATIQUE

29 AVR. 2017 PAR LES INVITÉS DE MEDIAPART ÉDITION : LES INVITÉS DE MEDIAPART`

Il s’agit en l’occurrence d’un universitaire, historien, Pierre Cornu.

« Qui peut prétendre trouver dans la haine de Francfort et de Bruxelles la continuité du mouvement social dans sa dimension historique ? Qui ne voit que la haine de l’oligarchie produit non des prises de la Bastille, mais des pogroms ? », s’interroge Pierre Cornu, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Lyon, pour qui la gauche doit « défendre, envers et contre tout, les instruments de la démocratie et de la coopération européennes ».

Il se trouve donc, dans la France de 2017, des électeurs de gauche qui, confrontés, lors d’une élection présidentielle qui concentre tous les instruments de la raison d’État dans les mains d’une seule personne, au choix entre un candidat démocrate, libéral et pro-européen, et une candidate populiste, réactionnaire et nationaliste, restent sur leur quant à soi. Fort bien, suivons leur logique.

L’ennemi, pour ces électeurs, c’est la finance, l’oligarchie capitaliste. Hier bourreaux des peuples, aujourd’hui fossoyeurs de la planète, les « puissances d’argent » mènent le monde vers l’abîme. Emmanuel Macron a travaillé pour la banque Rothschild, il est soutenu par des industriels et des financiers, il serait donc l’ennemi. Marine Le Pen, elle, est l’héritière d’un instrument politique de captation du vote des perdants réels ou potentiels de la société de la compétition libérale, et dénonciateur obsessionnel de la finance et des élites « cosmopolites », le Front national. Elle serait donc, au regard de la lutte contre l’ennemi capitaliste, une simple concurrente. Confronté à un choix entre la figure de l’ennemi et celle de la concurrence, que faire ? Relire Marx, peut-être, et pourquoi pas Lénine aussi, qui lui, au moins, savait analyser froidement les rapports de force et ne se laissait pas griser par les moyens réclamés par ses fins.

Déçu des promesses non tenues de la social-démocratie, inquiet de la dégradation accélérée de l’habitabilité de la planète, l’électorat de gauche est en effet travaillé par un processus de radicalisation politique dont on peut comprendre les ressorts – la menace bien réelle que fait peser l’absolutisme du profit sur des équilibres sociaux et écosystémiques au bord du collapsus –, mais qui révèle de manière cruelle la misère philosophique de l’anticapitalisme contemporain, et sa propension désespérante à faire le jeu de son ennemi et le bonheur de ses adversaires. Certes, la complexité, c’est compliqué. Le monde interconnecté, hyper-technicisé, à la fois violemment conflictuel et puissamment syncrétique de ce début de XXIe siècle a de quoi faire perdre ses repères au militant socialiste et écologiste le plus convaincu. Mais les pères du socialisme, eux aussi, avaient affaire, dans leur propre entourage, à des dérives doctrinaires et à des tentations simplificatrices. Et c’est parce que leur œuvre avait un rapport exigeant à la vérité et à la durée qu’elle demeure féconde aujourd’hui encore. À condition, bien entendu, qu’elle soit véritablement lue et méditée, et pas seulement paraphrasée de manière approximative, ou transformée en millénarisme kitsch. Quant un enfant gâté de la globalisation renverse la table, il ne réalise pas un acte révolutionnaire, mais un caprice. Faut-il que la gauche française soit tombée si bas qu’elle se laisse emporter par un spontanéisme révolutionnaire à contre-temps et à contre-emploi, qui, la chronique des temps modernes l’atteste, n’a jamais produit que des désillusions sanglantes ? Et faut-il que les dirigeants de la gauche française aient oublié à ce point leur propre histoire pour s’imaginer qu’ils pourront tirer les marrons du feu d’une époque de haine de soi et d’autrui ?

La présente campagne électorale, dominée par la mise en scène d’un combat existentiel de tous les instants entre une nation désemparée et des intérêts acharnés à sa perte, porte en effet tous les stigmates du capitalisme postindustriel : inscrite dans l’économie de la consommation immatérielle, cette mise en scène du « match » entre populisme et oligarchie applique consciencieusement le marketing de l’industrie pornographique, qui consiste à capter l’énergie des individus pour la drainer et l’épuiser par des stimuli sans cesse plus puissants et plus destructeurs. Pour les promoteurs de cette déréalisation mortifère de la vie sociale, peu importent, d’ailleurs, les valeurs au nom desquelles les électeurs choisissent de détruire les instruments de la régulation démocratique, pourvu que celle-ci ne s’en relève pas et laisse le champ libre à une économie de la prédation généralisée. Que l’on écoute avec attention les discours anti-systèmes, « dégagistes » et purificateurs de cette campagne, la façon également dont des intellectuels et des cadres politiques renient leur position et leurs responsabilités pour se faire les porte-parole vengeurs des « damnés de la terre », c’est en effet une impression de jouissance morbide qui s’en dégage. Et l’observateur attentif ne peut que s’alarmer des similitudes objectives entre cette passion nihiliste et la bigoterie mesquine et haineuse qui se développe comme une épidémie du sous-continent indien aux États-Unis. Qui, en effet, peut prétendre trouver dans la haine de Francfort et de Bruxelles la continuité du mouvement social dans sa dimension historique ? Qui ne voit que la haine de l’oligarchie produit non des prises de la Bastille, mais des pogroms ?

Porteur des aspirations à la dignité des peuples, le mouvement social se nourrit depuis le XIXe siècle d’un juste équilibre entre réalisme et idéalisme, dans l’affirmation obstinée et incarnée de ce que le travail n’est pas une marchandise, et que la vie sociale n’est pas un marché. Par ses luttes, le mouvement social ne cherche pas à détruire, mais à bâtir la modernité ; non pas à réduire, mais à cultiver la liberté d’expérimenter, de créer, d’exprimer ; non pas à épurer l’existence humaine de toute jouissance, mais à lui imposer les principes de partage et, aujourd’hui, de souci de la durabilité. Les sciences et les techniques, la connaissance de l’homme et de la nature, les jeux de l’échange eux-mêmes, ne sont pas intrinsèquement des instruments d’oppression, comme une critique nihiliste de la modernité tendrait à le faire croire, mais les enjeux mêmes de la conquête démocratique.

Les mouvements réactionnaires, eux, se nourrissent depuis la même époque de l’anxiété générée par la dynamique de la modernité, et à chaque fois que l’opportunité s’en présente, cherchent à la transformer en panique autodestructrice, le plus souvent au profit de régimes répressifs, qui habillent d’une mythologie de pacotille leur entreprise de pillage des ressources du travail et de la nature. De fait, ce n’est que dans la panique qu’une société peut accepter la perte en rationalité qui lui permet de troquer ses intérêts de long terme contre la satisfaction émotionnelle d’un pur moment de destruction et d’aliénation à une figure fantasmatique de l’ordre, celle du chef providentiel – telle qu’elle se réinvente aujourd’hui en Turquie par exemple. Qui ne se souvient des désastres que causèrent au XXe siècle les échecs ou les trahisons du mouvement social face à cette chimère réactionnaire ?

Or, une analyse clinique de la situation sociale de la France et de l’Europe de ce début de XXI siècle oblige à considérer que le mouvement social se trouve dans un moment de grande faiblesse, en raison d’une part du processus de désindustrialisation et d’automatisation du travail, et d’autre part du développement de la consommation de masse, y compris et surtout de biens immatériels saturés de fausses significations qui inhibent le potentiel d’engagement collectif du corps social. Faut-il s’étonner, dès lors, que les adversaires objectifs du mouvement social encouragent les factions réactionnaires à capter son héritage par une stratégie d’hystérisation des rapports sociaux et de désignation opportuniste de nouveaux boucs émissaires – élites et minorités fondues dans une même altérité menaçante ?

Ainsi, quoi qu’en disent les prédicateurs de la repentance antilibérale, le désespoir aveugle qui semble saisir la société française n’est pas une réaction « naturelle » à la crise économique et sociale, il est produit, entretenu, dirigé. La désignation fantasmatique d’Emmanuel Macron, héritier d’un humanisme européen qui doit une bonne partie de son éthique politique au mouvement social, en ennemi de la nation, n’est pas un produit de l’analyse marxiste, mais du vichysme le plus rance. Nulle surprise à ce que l’extrême-droite se complaise dans cet imaginaire. Mais qu’une partie de la gauche, par aveuglement, ne voie plus dans la démocratie et dans les droits de l’homme que des à-côtés du libéralisme économique, et se place dès lors en alliée objective de la réaction – au seul profit de cette dernière –, voilà ce que l’on ne saurait accepter.

Que l’on ne se méprenne pas sur le sens de cette analyse politique. Les urgences sociales et environnementales sont bien réelles, les menaces géopolitiques hélas substantielles. Le mouvement social ne peut plus, comme naguère, considérer que le temps joue pour lui. La mythologie du progrès a vécu. Mais ce n’est pas en détruisant, dans un autodafé rageur, les instruments du traitement de la crise systémique qui touche le monde actuel – l’intelligence critique et prospective, les règles démocratiques, les institutions transnationales – que l’on va permettre de la dépasser. C’est au contraire parce que le futur proche se présente comme un abîme que l’on ne peut se permettre le luxe de détruire les institutions et les ressources existantes.

Que faire, donc, dans un contexte de pré-panique et de menace de perte collective en rationalité ? Ne pas donner raison à la déraison, ne pas jouer le jeu de l’adversaire, ne rien aliéner du capital symbolique du mouvement social. Résister, garder confiance, préparer son heure, dans une vie syndicale, associative, politique, scientifique et culturelle pleinement réinvestie, voici la mission historique d’un mouvement social national conscient des enjeux de l’époque et de l’échelle à laquelle les choses se jouent. Ce qui signifie, dans une élection présidentielle française scrutée par le monde entier comme un point de basculement décisif entre deux devenirs possibles, défendre, envers et contre tout, les instruments de la démocratie et de la coopération européennes, avec tous les hommes et femmes de bonne volonté qui ne se résignent pas à la guerre de tous contre tous et qui croient encore en la puissance transformatrice de l’intelligence collective.

mercredi 26 avril 2017

ENTRE UN JOUEUR DE PIPEAU ET UNE MARCHANDE DE POISON, QUE CHOISIR ?

Si Macron n’est pas le candidat de la finance, je voudrais bien savoir pourquoi, le lendemain du premier tour qui le voit se qualifier, la Bourse prend d’un coup plus de 4% !

À y regarder d’un peu plus près, le joueur de flûte douce de l’Orchestre de la Mondialisation Heureuse me semble tout aussi facho et tout aussi dangereux que la grosse caisse de l’Orphéon des Fanfarons Nationaux.

Voilà un gugusse sorti de nulle part comme un lapin d’un chapeau par des prestidigitateurs marrons, vieux chevaux de retour du libéralisme le plus pervers, la Banque Rotschild, Attali, Minc, Hollande. Cet ectoplasme brillamment formaté, les médias assujettis au CAC 40 le font gonfler en quelques mois sous les yeux énamourés des ménagères de plus de 50 ans travaillées par une ultime poussée d’œstrogènes.
Sorti de nulle part ? Au fait, il n’aurait pas déjà un sacré bilan, le chérubin virginal à sa mémère ?
Peuple oublieux !
Somme toute, il a seulement inspiré la politique économique stupide et catastrophique du quinquennat qui s’achève (cas de le dire !), du désastreux CICE à la loi El-Komri, qui ne lui paraît pas aller assez loin dans la destruction du Code du Travail, en passant par la grotesque loi fourre-tout qui porte son nom.
Il a accepté et soutenu à peu près toutes les mesures antidémocratiques de ce quinquennat ignoble, de l’usage systématique du 49/3 aux lois liberticides.
Excusez du peu !
Pour un nouveau-né à peine sevré, il a déjà un sacré casier politique, notre angelot…

Et il compte bien l’embellir !
Lui Président, à peine arrivé au pouvoir après une campagne de parfait démagogue, noyant le poisson avec un sens du flou artistique digne de David Hamilton et caressant tout le monde dans le sens du poil, il compte gouverner par ordonnances.
Main de velours, mais gant de fer. C’est qu’il s’agira de faire au plus vite les réformes, je veux dire les régressions qu’attendent ses commanditaires de la haute finance mondialisée, à commencer par ses amis et soutiens, Bolloré, Niel, Drahi, Bergé, j’en passe et des moins pires.
Retraités ou travailleurs, si vous pouvez détacher un instant les yeux du doudou duveteux suavement parfumé Bernard Arnault avec lequel il vous chatouille les narines, jetez un œil à son bilan, et après regardez un peu plus en détail le programme de ce si attachant nounours.
Dites-moi ensuite les yeux dans les yeux que lui Président, ce ne sera pas Hollande en pire !

Mais ne me croyez pas sur parole, renseignez-vous sur l’innocent petit Emmanuel et sur sa fabrication par des médias désormais asservis.
Aude Lancelin, par exemple, vous en dit déjà beaucoup sur son blog avec l’article que voici :


Je joins le lien vers son excellent blog :
Emmanuel Macron, un putsch du CAC 40

Et un lien vers un entretien décapant où elle met en lumière l’état actuel de la presse :
Une discussion avec Aude Lancelin sur l’état (désastreux) de la presse hexagonale

Pas question pour autant d’aller voter Le Pen !
Même si ce serait bien fait pour les salauds qui l’ont amené aux portes du pouvoir et veulent nous refaire le coup du « Tout sauf le FN » !
Tout sauf le FN, vraiment ? Ça veut dire quoi, au juste, ce « Tout sauf le FN ! » bramé par les bonnes consciences hypocrites ou naïves de l’élite autoproclamée ?
Si je comprends bien l’article mediapartien et assez martien publié avant-hier par Noël Mamère, nos élites sont archi corrompues et mènent depuis trente ans une politique injuste et catastrophique, mais il faut voter pour les maintenir en place afin d’éviter qu’arrive au pouvoir un parti fascisant qui, soit dit en passant, ne peut guère être tenu pour responsable du désastre actuel. Bref, soyons modernes, votons pour les salauds à la mode d’aujourd’hui contre les salauds ringards.
Je ne vote pas pour des salauds, d’où qu’ils viennent et où qu’ils prétendent me mener. Raison pourquoi j’avais refusé de choisir entre la peste Chirac et le choléra Le Pen en 2002, pour des raisons évidentes hélas amplement vérifiées par la suite, n’en déplaise à ceux qui confondent commodément bonne conscience et éthique.
J’approuve donc pleinement la position de Mélenchon, parfaitement cohérente avec sa vision du monde et son engagement, n’en déplaise au doucereux Tartuffe qu’est trop souvent le chroniqueur politique de France-Inter. Cohérente elle aussi, la Bourse, malgré le ridicule déni du chroniqueur « économique » de la même radio, a clairement indiqué hier que Macron est bien la divine surprise qu’espéraient les marchés.
Entre deux dangers mortels auxquels je ne peux me soustraire, je choisis le refus de choisir. Choisit-on entre la peste et le choléra ? Rien ne peut légitimement obliger un citoyen doué de raison à participer à un jeu de cons dont il sait pertinemment que les dés sont pipés.

À force de crier au loup…
Il n’est d’ailleurs peut-être pas mauvais de revenir un peu sur le bon usage, si j’ose dire, du Front National par les serviteurs de l’oligarchie financière mondialisée.
Cet usage, si profitable qu’il est devenu systématique, presque réflexe, des manipulations faussement habiles et réellement perverses initiées par le double (à tous les sens du terme) président Mitterand est désormais trop voyant, et explique en partie le rejet de plus en plus violent des partis au pouvoir au profit de l’extrême-droite, qui ne vaut pourtant pas mieux qu’eux, tant s’en faut. Au moins, disent avec une attendrissante ingénuité beaucoup d’électeurs qui votent FN, eux, on ne les a pas encore essayés. Voici donc ce que j’écrivais à ce propos il y a un an :

À force de se cacher derrière le Front National et de le diaboliser pour faire passer leurs turpitudes, les politiciens de droite et de gauche lui ont offert sur un plateau – sur tous les plateaux ! – une audience que ce parti à l’idéologie et au comportement odieux n’aurait jamais obtenue sans leur aide intéressée.
Ces calculs aussi savamment pervers qu’irresponsables ont permis de focaliser l’attention sur un éventuel danger futur en faisant du même coup oublier des dangers on ne peut plus présents.
Le FN est un parti d’extrême-droite, aucun doute là-dessus. Mais les politiques néo-libérales et leur loi de la jungle financiarisée constituent une forme bien plus moderne et dangereuse de totalitarisme, nous sommes en train de l’apprendre à nos dépens !
Car si je déteste le FN, je ne vois pas à quel titre on pourrait lui mettre sur le dos la folle et criminelle dérive libérale-nazie qui est en train de détruire aussi bien l’humanité que son environnement.
Les crises financières, c’est le FN ?
Le dérèglement climatique, c’est le FN ?
Les lois liberticides et autres états d’urgence, c’est le FN ?
Sivens, Notre-Dame-des-Landes, c’est le FN ?
Les centrales nucléaires pourries, le diesel, le compteur Linky, le WiFi, les perturbateurs endocriniens, les pesticides, c’est le FN ?
La vérité, c’est que le FN n’est que potentiellement dangereux, raison bien suffisante pour ne jamais voter pour lui, mais que l’oligarchie financière qui a peu à peu pris le pouvoir depuis une quarantaine d’années est très réellement, très mortellement dangereuse.
Au point d’être aujourd’hui en passe, avec notre lâche complicité, de nous détruire tous.

P.S : Je crois utile de rajouter ici un lien vers le très intéressant BILLET DE BLOG d’Olivier Tonneau sur Mediapart, suivi du commentaire que j’ai cru devoir lui adresser hier soir :

Face au FN : lettre aux Insoumis tentés par l’abstention

Pour l’essentiel, on ne peut qu’être d’accord, c’est un billet utile. Non pour m’amener à voter Macron, ce qui est hors de question, mais parce qu’il pose bien la problématique en jeu.

À un point près, qui détermine mon abstention : je crois qu’il y a une grave erreur de perspective à croire le FN plus dangereux que la mondialisation financière néo-libérale, que je considère comme la résurgence faussement policée des idéaux nazis, "racisme" compris, mais sous une autre forme (on change de bouc émissaire, mais il y a un bouc émissaire, tiens au hasard, le populisme). Macron est de la race des seigneurs, qui finit toujours, comme elle a généralement commencé, par être la race des saigneurs. Aujourd’hui, j’ai bien plus peur du GIGN que des trois douzaines de fascistes à gros bras que peut aligner le Front National, ce fascisme ringard et embourgeoisé. Macron, c’est du dur, et le système actuel, car il y en a bien un, qui s’installe de plus en plus ouvertement à travers la mondialisation numérique, est autrement solide et impitoyable que les partis "populistes" qu’il manipule à son profit, au risque un jour ou l’autre de se brûler les doigts (risque mineur, voir la façon dont industriels et financiers allemands ont réussi à éviter d’être entraînés dans la chute de leur poulain, laissant l’addition au bon peuple abusé). Le Pen rêve chichement d’une France isolée, Macron et ses amis cultivent l’hubris d’une fin de l’histoire encore plus folle que le fantasme hitlérien d’un Reich de 1000 ans.

Je peux me tromper, j’espère me tromper, mais je crains que beaucoup de militants de gauche se laissent aveugler par le doigt qu’on leur présente pour qu’ils oublient de voir la lune. Quant à la violence actuelle, ne serait-elle pas d’abord celle d’un inconscient collectif mondial qui malgré notre aveuglement volontaire a pris conscience du danger mortel que court l’espèce tout entière ? Nous ne sommes pas désorientés, nous sommes paniqués sans même le savoir, et il y a de quoi !

D’où la nécessité de tenter de rester bienveillants, je m’y efforce non sans mal, votre billet m’y encourage…



J’ajoute pour finir l’argumentation reçue du Pardem (auquel je précise que je n’adhère pas, ert avec lequel je ne suis pas toujours d’accord, loin s’en faut) qui mérite à tout le moins d’être examinée. Grosso modo, je me sens plus proche de cette analyse que des braiements des bonnes consciences pharisiennes à la Joffrin, qui se disent de gauche tout en étant de facto des soutiens on ne peut plus actifs du si confortable (pour eux) système financiaro-médiatique.


Ni Macron ni Le Pen,
appel pour leur infliger un carton rouge par l’abstention citoyenne

Par le Parti de la démondialisation

Le 26 avril 2017

En démocratie, voter c’est choisir.

Les électeurs, au premier tour de l’élection présidentielle, ont choisi de liquider les partis duettistes de l’alternance, PS et LR. Mais le 7 mai, pour le deuxième tour, se laisseront-ils berner par les fausses alternatives qu’on leur propose ? Car malgré ce que l’on tente de nous faire croire, Marine Le Pen n’est pas l’inverse politique d’Emmanuel Macron, mais son complément indispensable et l’impasse symétrique. Il n’existe aucun véritable choix, les deux conduisent le peuple dans une impasse.

Voter pour Marine Le Pen reviendrait à voter pour la xénophobie organisée et une vision identitaire de la nation. Ce serait voter pour un programme incapable de sortir notre pays de la crise, qu’il s’agisse du chômage et de la précarité, des services publics et de la protection sociale. Sur ces derniers secteurs, ce serait même à coup sûr une aggravation supplémentaire.
Voter pour Emmanuel Macron reviendrait à voter pour la finance dont il est l’agent direct et pour l’Union européenne. Ce serait prolonger, donc aggraver le cauchemar cinq années supplémentaires, car Hollande faisait du Macron et Macron fera du Hollande (c’est-à-dire du Fillon, du Sarkozy, du Chirac, du Jospin…). Tout son programme repose sur les vieilles recettes néolibérales qui sont les véritables causes de la crise actuelle.

Déjouer le piège grossier du « front républicain » brandi par les duettistes de droite comme de gauche

Le 7 mai, un carton rouge doit être la réponse massive pour sortir du jeu les deux candidats finalistes. La réponse du peuple sera une abstention massive. Cet acte politique de grande portée vise, d’abord, à délégitimer le résultat de cette élection présidentielle et à affaiblir son vainqueur. Si le total des abstentions, des blancs et des nuls est supérieur à 50%, ou même dépasse le score obtenu par le gagnant du deuxième tour, c’est le peuple qui détiendra la légitimité. Il sera fondé à l’exprimer dans la rue par la mobilisation sociale. Donner un carton rouge par l’abstention massive vise à reconstituer le peuple en tant que corps politique souverain.

Il est d’autant plus important de délégitimer ces deux candidats néfastes qu’ils auront tous les deux bien du mal à réunir une majorité parlementaire claire et stable. S’ils ont été mal élus, avec une faible participation, leur capacité de nuisance, énorme pour tous les deux, en sera d’autant plus réduite. C’est donc le seul acte électoral responsable devant les dangers pour le peuple que représentent ces deux personnages.

Carton rouge aux pseudo bien-pensants à la solde du système néolibéral et de l’Union européenne

Comme en 2002, les appels à « barrer la route à l’extrême droite » se multiplient et à « sauver l’Europe » du péril que représenterait l’élection de Madame Le Pen. Un rassemblement artificiel s’est constitué pour soutenir Monsieur Macron, allant du PCF à la CFDT, en passant par Messieurs Hollande, Valls, Fillon, Juppé, Madame Arthaud, le PS, LR, EELV… Ils sont à l’unisson avec les vibrantes déclarations de Madame Parisot et de Monsieur Gattaz du MEDEF, du milliardaire Bernard Arnault… Malgré leur défaite électorale du 1er tour, il ne leur vient pas à l’idée que leur alliance prétendument anti-FN est contre-productive, suscitant au contraire un surcroît de rejet à leur encontre, qui pourrait se traduire par une forme de neutralité, voire même des signes de sympathie à envers ce FN honni par l’« Établissement ».

Ils refusent de voir – ou plus exactement font semblant de ne pas voir – que les deux finalistes sont les deux faces de la même médaille, et qu’ils incarnent chacun à leur façon le système. Le FN a été installé précisément pour rendre tout choix politique impossible, en permettant l’assimilation de tout projet de démondialisation au FN. Car qui, en effet, pourrait voter pour la haine, la xénophobie, l’attisement de toutes les peurs ? Le vote pour le « moins pire » est ainsi présenté comme un acte de résistance pour sauver le pays. Les partis se revendiquant de gauche ou de droite, main dans la main avec le grand patronat, une fois encore, s’unissent pour rappeler au peuple qu’il n’y a pas d’alternative.

À chaque fois qu’un « front républicain » de pacotille se constitue, le résultat est toujours la consolidation du Front national, qui se voit ainsi formidablement crédibilisé comme l’ennemi public numéro un des partis en place. Alors qu’il en est le secret compagnon, le complément indispensable.

Avec cette conception, l’oligarchie pourra continuer éternellement d’agiter l’épouvantail FN. Il est stupéfiant d’observer, à cet égard, comment cette manipulation du PS (depuis Mitterrand) a anesthésié des colonies entières de « révolutionnaires » et d’ « antifascistes » en peau de lapin, qui se font rouler dans la farine et croient encore qu’il existe actuellement une menace fasciste en France. Le FN est certes xénophobe et néfaste, mais il ne porte pas un projet fasciste dont personne ne veut aujourd’hui, surtout pas les classes dominantes qui ont à leur disposition un système bien plus efficace : l’Union européenne et l’euro.

Délégitimer le vainqueur du 2e tour

Au premier tour, pour la seconde fois dans l’histoire de la Ve République (après 2002), le nombre et donc le pourcentage des abstentions, des blancs et des nuls a été supérieur au résultat du candidat arrivé en tête, Emmanuel Macron. Ce dernier obtient 8 433 346 voix (18,21%) des exprimées, alors que le total des abstentions, des blancs et des nuls est de 10 912 694 (23,34%).

Ces Français-là ne se sont pas sentis représentés parce qu’on ne leur proposait aucune sortie crédible de l’impasse néolibérale. Ils n’ont pas oublié que nous vivions toujours dans un ordre institutionnel qui n’est plus légitime depuis que le Parlement a adopté en 2008 le traité de Lisbonne et bafoué le NON au référendum sur le traité constitutionnel de 2005. Le Pardem est à leur côté pour délégitimer dans les urnes des candidats illégitimes dans les faits.

Nous appelons tous les citoyens qui ne sont pas dupes de la mascarade de ce 2e tour, tous les citoyens qui ne veulent plus du néolibéralisme, tous ceux qui ont voté au premier tour pour l’un des quatre candidats euro-critiques (Asselineau, Cheminade, Dupont-Aignan, Mélenchon), les syndicalistes, à se mobiliser le 7 mai pour infliger à Madame Le Pen et à Monsieur Macron, représentants du système, un immense carton rouge par leur abstention !
Carton rouge pour Macron et Le Pen ! Abstention citoyenne !

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