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dimanche 14 mai 2017

RECORDS BATTUS ET BIJOUX DE FAMILLE

Et pendant qu’obnubilés par l’élection pestilentielle nous votions Macron, Le Pen ou blanc, ou pas, et que s’agitaient les haineux fantoches, la vraie vie continuait.
Jusqu’à quand ?
Hypnotisés par les anecdotes, nous oublions sans cesse l’essentiel.
Et nous le faisons sinon consciemment, du moins volontairement, non seulement parce que nous ne savons comment résoudre les problèmes que nous ne cessons pas de nous créer, mais parce que nous n’avons pas vraiment envie de les résoudre tant ils remettent en cause nos chers conforts, l’intellectuel et le matériel.
Nouveaux Gribouilles, nous nous croyons raisonnables parce que nous poussons toujours plus loin la schizophrénie dans laquelle nous avons pris la douillette habitude de nous réfugier.
Pendant que la nature grâce à nous devient folle, nous battons sans cesse nos propres records de bêtise, nous enfonçant chaque jour davantage dans un délire suicidaire dont nous n’avons même plus conscience tant nous sommes devenus capables de nous aveugler nous-mêmes…
Plutôt que d’affronter la réalité, nous voulons nous rassurer en fermant les yeux pour écouter les joueurs de flûte et nous laisser mener par ces beaux parleurs, moutons qui lèchent la main du berger qui les mène à l’abattoir.
Il faut être optimiste, me direz-vous peut-être. De quel optimisme parlons-nous ? De celui qui fait prendre à chacun de nous le risque d’agir, ou de celui qui se défausse sur des « responsables » qui veulent tout changer pour que rien ne change ?
Ça fait 50 ans qu’il faut être optimiste et « riscophile », pour quel résultat ?
1% = 99% ! Warren Buffet a certes de bonnes raisons d’être optimiste, il est en train de gagner la guerre qu’il nous fait, et vous venez d’élire celui qui vous la fait.
Vous allez en avoir sacrément besoin, de votre bel optimisme bien propre sur lui !
Cet optimisme-là n’est que le faux-nez de la lâcheté et de la corruption qui achèvent de détruire une « civilisation » gangrenée par d’insoutenables contradictions et dont l’implosion est déjà en cours, dans le déchaînement progressif d’une barbarie planétaire.
Voyez ci-dessous, c’est édifiant.
Jusqu’où irons-nous ? Tous les espoirs sont permis.
Après tout, il y a encore les législatives…
On va pouvoir continuer à regarder le doigt pour ne pas voir la lune.
Elle est pas belle, la vie ?

Tous les indicateurs du réchauffement climatique sont au rouge

 
RESTE AVEC MAMAN, MON BIJOU !

« Comble de mauvais goût ou signe d’une perte absolue du sens des réalités ? Il a fallu quelques vérifications avant de présenter ici cette information qui semble proprement incroyable : une société artisanale australienne, Baby Bee Hummingbirds, propose de transformer les embryons surnuméraires en bijoux pour leur donner une fin « digne ». Non, ce n’est pas un mauvais canular ni un fake news : il y a réellement des familles, des mères qui font fabriquer des bagues ou des pendentifs à la suite d’une fécondation in vitro pour garder sur elles des embryons qui n’auraient pas été utilisés pour obtenir une grossesse.

Le pire, c’est qu’il ne s’agit pas de leur part d’une option « ultralibérale » ou « mercantiliste » comme on l’entend souvent dire à propos des évolutions de plus en plus surréalistes de la culture de mort. Sincèrement attachées à ces plus petits des tout-petits dont elles savent bien qu’il s’agit de minuscules êtres humains, ces mamans cherchent en quelque sorte à les honorer, peut-être pour ne pas vivre avec l’atroce conscience de les avoir fait fabriquer pour les faire tuer, au cours d’une procédure qui se moque largement de la valeur unique de la vie humaine.

Baby Bee Hummingbirds crée des bijoux à partir de matériaux humains

La société Baby Bee Hummingbirds a été créée il y a trois ans par une Australienne qui était à la fois sage-femme et créatrice de bijoux. Voyant que beaucoup de jeunes mères aiment à garder un souvenir de la naissance de leur enfant, elle a lancé une ligne de bijoux en résine avec des inclusions plus ou moins appétissantes, depuis une première boucle de cheveux jusqu’à quelques gouttes de lait maternel ou des fragments de placenta. On pourrait appeler cela du nombrilisme fusionnel.

Baby Bee Hummingbirds propose également, pour la modique somme de 80 à 600 dollars australiens, des bijoux fabriqués à partir de cordons ombilicaux ou de cendres, en cas de fausse couche.

Mais si on a l’estomac retourné par ce genre de pratiques, ce n’est rien par rapport à « l’immortalisation » des embryons obtenus en éprouvette. Amy McGlade, fondatrice de la société, n’a pas eu l’idée toute seule : ce sont des parents qui l’ont sollicitée à la suite de procédures de fécondation in vitro qui s’accompagnent de la création d’embryons qui ne seront jamais implantés dans le sein d’une femme.

C’est ce que raconte le site australien destiné aux jeunes parents, Kidspot, en proposant l’exemple de Belinda et Shaun Stafford. Le couple qui essayait en vain d’avoir des enfants s’est tourné vers la procréation médicalement assistée. Au bout de six ans de multiples fécondations in vitro, ils sont aujourd’hui les fiers parents d’un garçon de quatre ans et de deux jumeaux de 21 mois — et d’un nombre plus important d’embryons surnuméraires. Il n’était pas question pour eux de les donner à un autre couple, ni de payer un abonnement annuel pour leur conservation par le froid : trop coûteux. Les détruire ? Inimaginable, constate la journaliste qui les a interrogés. Les Stafford se sont donc tournés vers le recyclage artistique de leurs tout-petits.

Des embryons surnuméraires portés en sautoir

« Aujourd’hui Mme Stafford a tous ses bébés auprès d’elle chaque jour – y compris sept embryons enfermés dans un pendentif en forme de cœur qu’elle porte près de son cœur à chaque moment », apprend-on. Elle a trouvé dans cette démarche une forme de paix et de réconfort : « Mes embryons étaient mes bébés – figés dans le temps. Lorsque notre famille a été complète, je n’avais pas le cœur à les détruire », explique-t-elle.

Amy McGlade, de son côté, est fière de son travail. A ce jour, sur les 4.000 pièces de bijouterie qu’elle a créées à partir de matériaux humains pour commémorer des naissances ou des grossesses, il y en a eu 50 faits à partir d’embryons : « Je crois qu’il n’y a aucune autre société au monde qui créé des bijoux à partir d’embryons humains, et je crois fermement que nous sommes les pionniers de cet art sacré. »

« L’art sacré » du macabre : c’est un massacre à grande échelle qui est ici mis en écrin, puisque les embryons surnuméraires, comme on dit, ne sont ici jamais que les déchets humains de procédures de fécondation artificielle par lesquels l’homme se rend maître de la vie et de la mort. Le raisonnement, comme toujours dans la culture de mort, est inversé et donc infernal : le vocabulaire aussi.

L’Australie, pionnière d’un nouvel « art sacré » infernal

« C’est très spécial parce que ces embryons signifient souvent la fin d’un voyage, et nous offrons une manière belle et significative de fermer la porte avec douceur… Quelle manière plus belle de célébrer votre don le plus précieux, votre enfant, qu’à travers un joyau ? C’est le souvenir éternel tangible d’un être aimé que vous pourrez garder pour toujours », ose dire Amy McGlade.

C’est un « projet parental » d’un nouveau genre, rendu possible par une technique de conservation des paillettes d’embryons qui permet en même temps de fixer leur ADN dans une sorte de petite tombe portative que la mère, cimetière ambulant, va pouvoir porter avec elle.

Ils ne savent pas ce qu’ils font. »

 REGARDEZ CE QUE JE FAIS, PAS CE QUE JE DIS !


AVANT LES LÉGISLATIVES, à propos du nouveau président, de ce qu’il représente et de ce qu’il compte réellement faire si nous lui en laissons le loisir, 5 articles de fond pour continuer un décryptage bien nécessaire à qui veut s’informer plutôt que d’avaler tout cru un storytelling débile destiné à l’aider à avaler dans la foulée … de grosses couleuvres !


Macron, un nouveau très ancien, ou L’art du rebranding


À droite toute ! La « société civile » de Macron


Macron, des réformes mortifères ?


Les inégalités à l’origine du malaise social


De la prise d’otages, par Frédéric Lordon

vendredi 12 mai 2017

ET SI ON REGARDAIT LA LUNE PLUTÔT QUE LE DOIGT ?

Comme le disait George Orwell au sortir de la Seconde Guerre mondiale, « lorsque les fascistes reviendront, ils auront le parapluie bien roulé sous le bras et le chapeau melon ».

Cet ensemble de textes publié sur mon blog de Mediapart le 6 mai, avant le second tour, il me semble utile de le mettre avant les législatives à la disposition des visiteurs du Globe de l’homme moyen, qui n’en méritera que mieux son nom !
Il s’agit de tenter de mettre en perspective cette consternante anecdote qu’a été l’élection pestilentielle avec l’ensemble des problèmes essentiels d’une humanité mondialisée en pleine frénésie d’autodestruction – comme vous pourrez le constater dans mon prochain billet.
Car ce qui m’a le plus frappé dans toute cette histoire shakespearienne revue et corrigée façon vespasienne, c’est l’absence totale de vision politique digne de ce nom partagée par presque tous les candidats et l’immense majorité des médias et des « commentateurs » de tout poil.
Un tel degré d’aveuglement ne peut être dû au hasard, et nous appelle à une radicale remise en question d’une vision du monde aussi répandue qu’obsolète. Terriblement ralentie par un autruchisme volontaire qui fait encore consensus pour beaucoup d’entre nous, la prise de conscience est d’autant plus urgente qu’elle est tardive. Si je pouvais y participer si peu que ce fût, je me sentirais un peu moins inutile et moins impuissant…


Ceux qui votent blanc ou s’abstiennent ont été l’objet depuis 8 jours d’attaques d’une virulence surprenante de la part d’une gauche-œufs de lump visiblement paniquée et s’abaissant à des oukases et des injures dignes… du Front National !
On nous accuse de faire le jeu de Le Pen et du FN, ce qui est totalement faux.
Nous refusons simplement d’entrer dans le jeu de bonneteau que nous impose l’oligarchie financière, grande spécialiste de ce genre de marché gagnant-perdant intitulé TINA et qui se résume à la célèbre formule : Pile, je gagne, face, tu perds.
Je souhaite donc éclairer notre position
– d’abord en fournissant quelques éléments d’information que les médias dépendant de ladite oligarchie se gardent bien de monter en épingle puisqu’ils informent sur ce qui se joue et sont donc de nature à contrarier leur communication (leur propagande en clair, un matraquage incroyable)
– ensuite en précisant ma position et en relayant quelques textes qui remettent les choses au point et les pendules à l’heure, qui est selon moi beaucoup plus grave encore que ne le pensent ceux qui prennent Macron pour un démocrate, puisque, comme c’était évident dès le départ, c’est bien lui qui sera élu, l’arbre FN ayant une fois de plus servi à cacher la forêt néo-libérale.

Si, ce que je comprendrais très bien, vous n’avez pas le temps ou l’envie de lire ces textes, qui constituent un mini-corpus dans lequel vous pouvez picorer ce qui vous intéresse, je me permets d’insister pour que vous regardiez la vidéo de l’entretien de quelques minutes accordé en 2012 par un cadre du Crédit Agricole à propos de ce qu’allaient faire Hollande et Macron après l’élection du redoutable ennemi de la finance.
C’est une vidéo que devraient voir tous ceux qui comme moi ont voté Hollande en 2012 et ceux qui s’apprêtent à voter Macron en 2017. Si après ça vous pensez encore être en démocratie, je ne peux plus rien pour vous !

LA « GAUCHE » FINANCIÈRE LA VÉRITÉ SUR HOLLANDE ET MACRON François Ruffin Cliquez sur ce lien : https://youtu.be/Wn72T4dTFho

Macron - Histoire d’une Haute Trahison - Les preuves accablantes
par François Ruffin (Merci Patron !)

Nous publions ici des documents qui ne devaient pas être portés à la connaissance du public.
Cette interview d’un financier du Crédit Agricole qui remonte au début de 2012 démontre clairement qu’il y a bien un complot de la Haute Finance depuis au moins cette date, pour imposer Macron. 
Ils veulent à présent tout le pouvoir politique, en plus du pouvoir économique, pour finaliser l’avènement du Nouvel Ordre Mondial. 
Macron est là pour achever le (droit du) travail, sous les ordres de la Haute Finance, pour une Haute Trahison de la France et des Français...
Grâce à la complicité active des politiciens, des journalistes, et la soumission pathétique d’une grande partie des Français eux-mêmes...


Voici maintenant ma position personnelle :

 PILE IL GAGNE, FACE NOUS PERDONS

Qui vote Le Pen collabore à l’émergence du Front National et au risque d’une prise de pouvoir par une extrême-droite fascisante.
Qui vote Macron devient de fait le collabo des banques qui ont déjà pris le pouvoir et sont en route à travers leur dernier avatar, EM, vers le pouvoir absolu auquel la France reste un des obstacles.
Nous ne pourrons pas dire ensuite : Je ne savais pas, comment aurais-je pu savoir ?

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ
Personne ne me convaincra d’aller voter si je ne le veux pas, et de mon côté, je n’ai pas l’intention d’essayer de convaincre qui que ce soit, non par indifférence, loin de là, mais par simple respect.
Car le prosélytisme m’a toujours plus que gêné, il me choque. Convaincre, c’est la plupart du temps vaincre un con, et cela suppose de toute façon qu’il y ait un con vainqueur et un con vaincu.
Que vaut la pensée de quelqu’un qui n’a pas su se convaincre lui-même ? Tenter de convertir autrui, c’est toujours d’une certaine façon le mépriser en croyant détenir une vérité qu’il ne saurait trouver lui-même. Tout l’objet de la maïeutique socratique consiste à faire en sorte que la personne découvre par elle-même sa part de vérité.
Échanger, débattre, oui, témoigner de sa petite vérité individuelle, absolument. Témoigner est un droit, et selon moi un devoir. Cela exclut de hurler avec les loups qui nous invitent à rejoindre leur vérité comme si c’était forcément la nôtre, qu’ils soient d’extrême-droite ou qu’ils se prétendent de gauche.
Penser par oukases comme le font les belles âmes qui nous enjoignent de voter Macron pour des motivations qui me paraissent en fin de compte tout aussi inspirées par leurs intérêts bien compris que par la morale à géométrie variable dont ils se gargarisent, je m’y refuse.

DÉBOUSSOLÉS ?
Comme souvent quand leur « raison » n’a plus de prise sur une réalité qui a évolué à leur insu, ceux d’entre nous qui se croient « raisonnables » deviennent fous furieux. Leur logiciel ne fonctionnant plus, saisis de panique, ils se mettent à dire et faire n’importe quoi.
Leurs analyses se focalisent aujourd’hui sur des conséquences (le FN) dont l’éradication restera impossible tant qu’on ne remédiera pas à leurs causes (notamment la mondialisation libérale-nazie et la façon dont les « élites » gouvernantes françaises ont instrumentalisé le FN comme repoussoir pour pérenniser leur pouvoir).
Ce qui se passe actuellement en France n’est qu’une partie d’une catastrophe en cours déjà bien avancée : l’autodestruction de l’humanité par la mondialisation néo-libérale. À l’échelle mondiale, au moment où l’humanité a presque achevé de scier la branche sur laquelle elle est assise, le FN n’est qu’un épiphénomène, l’un des symptômes d’une pandémie en plein essor.
Le « populisme » dénoncé avec une perversité dans le culot absolument effarante par les tenants du système oligarchique me semble être d’abord une très logique réaction collective inconsciente à la perception très concrète du désastre actuel, d’où le fait qu’il se répand comme une traînée de poudre un peu partout dans les pays dits développés.
En ce sens, nos débats de ces jours derniers me semblent à la fois ridicules et tragiques. Nous regardons le doigt à la loupe pendant que la lune nous tombe dessus. Ce que je crois être l’inconscient collectif, comme toujours beaucoup plus conscient que notre conscience, perçoit ce danger que nous refusons de voir. C’est le coup du Titanic : on a le pressentiment, l’inconscient nous avertit, des indices viennent renforcer notre intuition, mais par bêtise, par inertie, par arrogance, on chausse les lunettes roses de la raison radotante, des idées reçues et du consensus mou (« Ça ne peut pas nous arriver, pas à nous quand même… »).

UN ENJEU PLANÉTAIRE
Dans le débat d’hier entre les deux représentants de l’inhumanité, pas un mot, pas un seul, sur l’écologie, rien sur le réchauffement climatique. Curieuse conception de la sécurité !
Pratiquement rien sur nos institutions désormais mortifères qui prennent l’eau de toutes parts et préparent les fuites en avant de la révolution ou, pire, de la dictature, déjà partiellement mise en place.
Mélenchon n’est pas parfait mais si j’ai fini par voter pour lui, c’est qu’il est à mon avis le seul à avoir largement compris ce qui se passe réellement et à avoir tenté de replacer le cas particulier de la France dans le cadre mondial dont il dépend, afin d’essayer de trouver de vraies solutions d’ensemble.
Ce qui est en jeu aujourd’hui, au-delà du FN, au-delà des migrants, c’est notre sort à tous. Là est la question. Alors assez de cet apitoiement obscène sur « ces pauvres migrants » dont nous acceptons en fait sans bouger le petit doigt qu’ils soient traqués, enfermés, déportés, noyés, expulsés, alors que ceux qui souhaitent rester en France ne demandent qu’à s’intégrer et se mettre au service du pays (je parle ici d’expérience, à la fois ancienne et récente).
Que les bonnes consciences cessent de se draper dans des principes qu’elles ne respectent que quand ça les arrange ! Qu’elles cessent, du haut de leurs certitudes intéressées, de nous enjoindre de voter pour le moins pire sous peine de haute trahison ! Nous sommes en plein naufrage, savoir s’il faut se jeter directement à l’eau ou se battre pour monter dans une chaloupe bondée qui coulera dès sa mise à l’eau, c’est jouer les Gribouille.
Choisir Macron c’est à mes yeux ne pas voir que la bête immonde qui à juste titre nous fait à la fois peur et horreur a muté, et que sous une forme nouvelle, plus habile et insidieuse, elle est déjà dans la bergerie, d’où elle nous tend le piège du chantage antifasciste.

ÊTRE ANTIFASCISTE AUJOURD’HUI, c’est refuser non seulement les sursauts du fascisme d’hier mais l’hégémonie destructrice du néo-libéralisme actuel. Quoi de plus authentiquement fasciste que le "There Is No Alternative" systématique qui exclut de fait toute possibilité de démocratie pour imposer la loi, non de la jungle, qui est nettement plus civilisée, mais du profit, de l’argent-roi, lequel a toujours eu partie liée avec le fascisme ?
Hitler ne serait jamais arrivé au pouvoir s’il n’avait été dès le début soutenu par l’oligarchie industrielle et financière allemande, celle-là même qui avait soutenu l’infâme Ludendorff quand il avait à l’aube de la première guerre mondiale théorisé et systématisé la notion de guerre totale qui allait porter de si beaux fruits par la suite.
Depuis deux cents ans, à la lumière de Lumières beaucoup moins éclairantes que ne le croient encore des rationalistes mécanistes d’autant plus manipulés par leur inconscient qu’ils ne veulent pas entendre parler de lui, les apprentis sorciers que nous sommes n’ont cessé de jouer avec le feu en tous domaines. Selon les lois de la thermodynamique, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Parce que nous n’avons pas su ni voulu le gérer, ce que nous appelons souvent imprudemment le progrès nous revient de toute part, boomerang irrésistible des conséquences imprévues, en pleine figure. Le cauchemar est en route, mais il est réel et il ne suffira pas de se réveiller pour le dissiper.
C’est entre autres pourquoi il est exclu que je vote Macron. Il y a à mes yeux un monde entre ce que dit Macron et ce qu’il a fait et veut faire. En ce sens, Le Pen et lui se valent, loups déguisés en bergers. Libre aux amateurs de sensations libérales fortes de jouer les Petits Chaperons rouges, très peu pour moi, merci, j’ai déjà donné.

Et puis il y a eu LE « DÉBAT ». VOUS AVEZ DIT DÉBAT ?
Je croyais connaître la peur. J’avais tort. Je sais depuis hier soir ce qu’est la peur. Le débat entre les deux candidats qu’a réussi à imposer l’oligarchie au pouvoir m’a d’abord mis dans une colère noire. Qui cachait en fait la terreur qu’a provoqué en moi ce débordement réciproque de haine. Aucun de ces deux personnages répugnants n’aura mon vote.
Alain Sagault

Je voudrais rappeler maintenant que les mots disent beaucoup plus de choses que nous ne le croyons et qu’ils constituent parfois des prisons mentales dont on ne sort qu’en en prenant conscience :

STYLE JOURNALISTIQUE ET DÉMOCRATIE

Notre époque de délire normalisateur semble autoriser ceux qui considèrent détenir la vérité et la science infuse à multiplier les injonctions souvent paradoxales et arguments d’autorité irrecevables par essence (Il faut voter Macron, il faut faire barrage à Le Pen, il faut se laver les dents trois fois par jour, il faut manger cinq fruits et légumes par jour).
Ainsi de ce titre paru ce 4 mai dans Mediapart, et qui a, je n’en doute pas, échappé en toute innocence et bonne foi à la conscience de ses auteurs :
« Ce qu’il faut retenir de deux heures et demie d’échanges tendus »
Il me semble intéressant de proposer à la suite de ce titre, typique des mauvaises habitudes inconsciemment prises par les médias, mais aussi par nous, simples particuliers, à la suite des intellectuels de pouvoir (voir la tournure infantilisante et culpabilisante si répandue depuis quelques années chez les « experts » de tout poil : « Il faut savoir que ») un texte du créateur du Seitaï, Haruchika Noguchi commentant Tchouang-Tseu à sa manière si personnelle et pertinente :
« Notre vie est limitée, or il n’y a pas de limite aux « il faut » et « il ne faut pas », et si, avec nos limites, nous essayons de nous conformer aux « il faut » et « il ne faut pas » qui sont sans limites, tout ce qui va nous rester c’est l’angoisse d’être incapables de nous y conformer. Pourtant, les gens courent toujours après les « il faut » et « il ne faut pas ». Et leur anxiété augmente.
On suit la voie de l’hygiène avec comme seul résultat la multiplication des « il faut » et « il ne faut pas » ; les « il faut » et « il ne faut pas » auxquels les gens doivent faire attention se multiplient de plus en plus ; et alors l’angoisse d’avoir à observer ces règles conjuguée avec la peur de ne pas en être capable rend les gens toujours plus timorés et abattus.

Quand les « il faut » et « il ne faut pas » contrôlent l’activité humaine, alors les êtres humains ont déjà forgé des chaînes pour eux-mêmes. La connaissance est une arme pour les êtres humains, et un pouvoir pour l’accomplissement de leurs intentions. Mais quand on accumule les connaissances et que la liberté des êtres humains est restreinte, les gens deviennent incapables de vivre avec vivacité à cause des « il faut » et « il ne faut pas », un peu comme les bois d’un cerf deviennent pour lui une gêne. Et alors il n’y a rien de mieux à faire que de se libérer en tranchant cette connaissance et en la jetant. »
Je soumets ce texte aux donneurs de leçons patentés et autres adjudants ratés en leur suggérant de dire leur chapelet en méditant sur un « Il faut » plus légitime et plus sain que les leurs : Faut pas trop faire chier…


À propos de la nature de l’abstention, un texte qui remet les choses en perspective dans le contexte actuel :

 L’abstention est-elle une idiotie ?

Un point de vue assez proche du mien et que je vous soumets donc ! :

 NE NOUS SOUMETTONS PAS !

Par Henri Pena-Ruiz, Philosophe, écrivain — 30 avril 2017 à 15:22
 
Seule la France Insoumise a su proposer une véritable alternative face à la montée du lepénisme, mais il faut désormais compter sur le troisième tour : les législatives. Pour faire barrage contre l’extrême droite et éviter un score à la soviétique pour Monsieur Macron, adepte du 49-3 et des ordonnances.

Selon Montesquieu le propre du despotisme est de gouverner à la peur. Or qui veut nous faire peur aujourd’hui ? Ceux qui prétendent que le FN est aux portes du pouvoir alors qu’il sera loin d’avoir la majorité à l’Assemblée Nationale, et par conséquent ne pourra pas gouverner. Les amis de M.Macron, avec sans doute l’appui d’un président qui a trahi ses promesses pour se faire élire, mettent en scène leur rêve, en forme de ruse machiavélique. Orchestrer la peur de voir Mme Le Pen gouverner afin de construire pour leur candidat une « majorité présidentielle » écrasante. Et disposer ainsi d’une majorité nette à l’Assemblée nationale pour continuer la politique d’un quinquennat sinistre.
C’est typiquement la logique de la cinquième République, hélas aggravée naguère lorsque Monsieur Jospin crut devoir inverser le calendrier électoral. La monarchie présidentielle prenait ainsi davantage encore le pas sur l’élection des représentants du peuple, ligotant celui-ci dans des alternatives mystifiantes. Quant à la lutte contre le FN, certains feraient bien de balayer devant leur porte. Qui donc a cyniquement joué sur un score élevé du FN pour substituer la peur à tout inventaire critique d’une politique de trahison fondée sur une tromperie initiale ?

Non au chantage à l’apocalypse
Sauver la démocratie ? Allons donc ! Monsieur Macron annonce son intention d’aggraver la Loi El Khomri par ordonnances…pendant les vacances d’été, afin d’éviter toute contestation. Jolie façon de réaliser la « démocratie participative » ! Naguère il proposait aux jeunes d’avoir pour seul idéal de devenir milliardaires. Sans doute en exaltant un système « Qui produit la richesse en créant la misère » (Victor Hugo). Belle profession de foi humaniste !
Ouvrons les yeux. Ras-le-bol de ce chantage à l’apocalypse pour désespérer encore une peu plus les laissés pour compte du néo-libéralisme et de la « concurrence libre et non faussée ». Avant de pleurnicher sur la montée du lepénisme, il serait bon de s’interroger sur ses causes et de proposer une véritable alternative, comme le fait La France Insoumise. Qui vient de faire reculer le score de Marine Le Pen, sinon Jean Luc Mélenchon ? Le score du FN est passé de 28 % à 21,5 % tandis que celui du candidat de la France Insoumise a atteint 19,6%.
Sa proposition de soumettre toute décision concernant le second tour à une réflexion collective des militants qui l’ont soutenu est toute à son honneur. Elle est en phase avec notre volonté de changer la politique par l’invention d’une sixième République. Elle répond à la complexité d’une situation qui mérite réflexion et délibération, à rebours de toute image d’Epinal. Ceux qui osent traiter Jean Luc Mélenchon de dictateur le calomnient, une fois de plus. Leur rage est d’ailleurs inconséquente. Tantôt ils lui reprochent son autoritarisme vertical, tantôt ils croient devoir s’indigner de sa refondation horizontale de la politique, soucieuse de faire parler le peuple. Il faudrait savoir !
Nous, fossoyeurs de l’Europe ? Une Europe construite à rebours de tous les idéaux de justice qu’elle était censée incarner. Victor Hugo inventa l’expression « Etats-Unis d’Europe », sur le mode confédéral d’une union des nations. Des nations libres dans une union libre, tournées vers le progrès social et la culture délivrée des inégalités économiques. Il doit se retourner dans sa tombe au regard de la caricature de son idéal par l’Europe actuelle. Une Europe néolibérale voulue par Jean Monnet, attachée à corseter les peuples dans la négation quasi irréversible des conquêtes sociales qui forcèrent le capitalisme à s’humaniser. Qui refuse la régression de civilisation que représente le credo du moins-disant social imposé par l’Europe actuelle ? Qui demande en Europe une harmonisation des droits sociaux par le haut ? La France Insoumise, avec das Linke, Podemos et Syrisa. Bref c’est la construction actuelle de l’Europe qui en creuse la tombe.
Monsieur Hollande avait promis de renégocier un traité européen, le TSCG. Il ne l’a pas fait. Et il ose maintenant reprocher à Jean-Luc Mélenchon de vouloir le faire ! Qu’a donné la litanie d’un changement intérieur de l’Europe ? Rien, car elle a sous-estimé l’emprise d’une finance mondialisée et elle a finalement abdiqué devant elle. Le terrible sort réservé au peuple grec en est la preuve. Relisons la mise en garde prémonitoire de Pierre Mendès-France contre cette orientation mortifère pour l’Europe. C’est notre acte d’insoumission qui réconciliera les peuples avec elle par une refondation politique, écologique et sociale.

De la souveraineté populaire
Par ailleurs, qui mène la bataille des idées contre le FN en expliquant le rôle des immigrés dans la reconstruction de la France, et en rappelant que les immigrés paient plus de cotisations qu’ils ne touchent de prestations ? Qui rejette le nationalisme d’exclusion inspiré par l’opposition du « eux » et du « nous » chère à Carl Schmitt ? Qui combat la thèse de Samuel Huntington selon laquelle les civilisations s’opposeraient et se hiérarchiseraient inéluctablement ? Qui ouvre la réaffirmation de la souveraineté populaire au niveau national à l’internationalisme, avec la promotion du progrès social pour tous les peuples ? La France Insoumise. Pour faire reculer les réflexes racistes ou xénophobes, ne nous contentons pas de condamnations moralisantes. Agissons sur les causes et déconstruisons les préjugés obscurantistes. Nous n’avons pas de leçons à recevoir des principaux responsables de la montée du FN !
« Populisme » ! Allons bon, encore un mot magique pour disqualifier sans argumenter ! Le propre du populisme de droite est de flatter le peuple et non de le servir. C’est d’ailleurs le sens littéral du mot démagogie, en grec ancien. Mais si défendre réellement les classes populaires c’est être populiste, alors soyons populistes. Par une telle défense, nous défendons également l’intérêt général. D’où la lutte contre la dévastation des droits sociaux et des acquis du programme du CNR, comme la Sécurité sociale et les services publics, et le refus de la déconstruction du code du travail à coup de 49-3 et bientôt d’ordonnances. Trêve de mots pièges et d’amalgames odieux entre les « deux extrêmes ». Un amalgame qui soit dit en passant banalise le FN puisqu’il lui donne le même statut qu’à la France Insoumise !

Le barrage à l’extrême droite ? Les législatives
Ensemble, en 2012, nous avions chassé la droite. Et pendant cinq ans nous avons eu la droite déguisée en gauche, avec l’exception honorable du Mariage pour tous courageusement promue par Christiane Taubira, réforme sociétale juste, mais qui n’aurait pas dû dispenser de l’attention à la question sociale. Il faut comprendre la désespérance du monde du travail, sans justifier pour autant n’importe quel vote protestataire. Je comprends qu’en l’état actuel des choses on puisse se sentir écartelé entre un vote blanc, improprement appelé « nul », qui marque le dégoût d’une pratique politique désespérante, et un vote Macron, posé un peu vite comme seule alternative à l’extrême droite. Les deux votes sont respectables, et je dénie à quiconque le droit d’en disqualifier un. Mais c’est désormais un troisième tour, celui des Législatives, qui permettra de dresser un véritable barrage contre l’extrême droite, et non un score à la soviétique pour Monsieur Macron, adepte du 49-3 et des ordonnances.
Un dernier mot sur l’incroyable faute déontologique et le manque d’esprit laïque du président de la République. Comment Monsieur Hollande a-t-il considéré les devoirs de sa fonction lorsqu’il a violé la réserve qu’il avait annoncé vouloir respecter, n’étant pas candidat ni chef de parti mais Président de tous les Français ? Ses accusations insensées, aux limites de la calomnie, sur la prétendue complicité de Jean-Luc Mélenchon avec Assad et Poutine, ou sa propension supposée dictatoriale, ont rompu l’égalité de traitement des candidats alors que la constitution lui faisait un devoir de la respecter. Décidément l’immunité présidentielle, elle aussi, devra être revue par la sixième République dans le cadre de la moralisation de la vie politique !
Dernier ouvrage paru : Dictionnaire amoureux de la laïcité, Editions Plon. 
Henri Pena-Ruiz Philosophe, écrivain



À propos de la nature du libéralisme actuel, voici quelques extraits d’un article paru dans Mediapart sur un essai collectif tout récent publié par un groupe de chercheurs :

ESSAIS

 « Échapper à la grande régression »

2 MAI 2017 PAR JOSEPH CONFAVREUX

Le coordinateur de ce livre collectif écrit en introduction :
« Tout ce qui avait pu être écrit, il y a presque vingt ans de cela, sur les répercussions, alors encore à venir, de la globalisation, s’est avéré pour l’essentiel exact, sans que la moindre leçon en soit tirée pour autant. »

« Face à Trump ou Clinton, incarnations réciproques d’une extrémisation droitière ou d’une faillite libre-échangiste, le philosophe juge qu’une « politique de gauche à opposer à ces deux-là devrait consister à élaborer des traités internationaux d’un genre inédit : des accords visant à contrôler les banques, à instaurer des critères écologiques précis, à protéger les droits des travailleurs, à garantir à tous de mêmes soins de santé, à protéger les minorités sociales et ethniques, etc. La grande leçon du capitalisme global, c’est que les États-nations ne peuvent faire à eux seuls le travail – seule une entité politique internationale d’un type inédit serait, peut-être, à même de brider le capital global ».
À ce programme déjà (trop ?) vaste, le philosophe Bruno Latour ajoute une nouvelle pierre, dans ce qui constitue la contribution la plus lumineuse de l’ouvrage, en explorant les contours du « nouveau régime climatique » qui « balaye depuis longtemps toutes les frontières et nous expose à tous les vents, sans que nous puissions construire de murs contre ces envahisseurs-là. Si nous voulons défendre nos identités, il va falloir identifier ces migrants sans forme ni nations qu’on appelle climat, érosion, pollution, épuisement des ressources, destruction des habitats. Même en scellant les frontières aux réfugiés sur deux pieds, jamais vous n’empêcherez les autres de passer ».
Pour le philosophe, nous sommes face à une situation, où, pour « reprendre la métaphore éculée du Titanic : les gens éclairés voient l’iceberg arriver droit sur la proue, savent que le naufrage est assuré, s’approprient les canots de sauvetage ; demandent à l’orchestre de jouer assez longtemps des berceuses pour qu’ils profitent de la nuit noire pour se carapater avant que la gîte excessive alerte les autres classes ! ». Cette configuration permet de comprendre que « ce que l’on appelle à partir des années 1980 la “dérégulation” et le “démantèlement de l’État-providence” ; à partir des années 2000 le “climato-négationnisme” et, surtout, depuis quarante ans, l’extension vertigineuse des inégalités, que tout cela participe au même phénomène : les élites ont été si bien éclairées qu’elles ont décidé qu’il n’y aurait pas de vie future pour tout le monde, qu’il fallait donc se débarrasser au plus vite de tous les fardeaux de la solidarité – c’est la dérégulation ; qu’il fallait construire une sorte de forteresse dorée pour les quelques pour cent qui allaient pouvoir s’en tirer – c’est l’explosion des inégalités ; et que pour dissimuler l’égoïsme crasse d’une telle fuite hors du monde commun, il fallait absolument nier l’existence même de la menace à l’origine de cette fuite éperdue – c’est la dénégation de la mutation climatique ».

Voici une très éclairante approche du dilemme scélérat qui nous est proposé, qui rme convient d’autant plus qu’elle rappelle opportunément les vertus du silence :

04/05/2017 10:24 PAR DIOGÈNE DE TOURS EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE THEORTIE LE 04/05/2017 02:53
 

 
PUISSANCE DU SILENCE

LE « CHOIX DE SOPHIE » ET LE « SILENCE DE LA MER »

Vous connaissez toutes et tous, sans doute, l’argument dit du « choix de Sophie » : une jeune maman est prisonnière, aux mains d’un salaud quelconque (SS ou similaire, en n’importe quelle armée ou milice) qui la désire et qui a pouvoir de vie ou de mort. Elle a deux enfants, et le salaud lui dit qu’un seul enfant sur les deux peut être sauvé, et il lui demande de choisir lequel. Apparemment, la situation est sans issue pour Sophie : il lui faut répondre, mais sa réponse ne peut que la détruire à ses yeux en tant que mère. Et le salaud jouit atrocement du piège qu’il a ainsi monté.
Beaucoup d’esprits bavards ont glosé sur ce « choix de Sophie ». Peu ont reconnu que Sophie, de toutes façons, garde aussi le choix du silence, et que ce silence est - logiquement et moralement - le meilleur choix. Car, seul le silence protège l’infime chance qui lui reste, et qui peut à la fois la sauver pour elle- même, à ses yeux, et sauver ses deux enfants. Chance infime, oui, car le plus probable est, bien sur, qu’ils meurent tous les trois dans un délai plus ou moins court. La probabilité qu’elle et ses enfants meurent est la plus forte, quelle que soit ce qu’elle décide, vu les circonstances et le cynisme atroce du salaud dont il serait vraiment stupide de croire qu’il peut simplement respecter sa parole.
Comment, en effet, un salaud pourrait-il être crédible, sinon selon sa propre saloperie ? Un salaud jouit d’abord de sa puissance, et il ne se sent jamais aussi puissant que lorsqu’il tue. Sophie le sait. Sa puissance à elle est dans le refus de jouer à ce jeu pervers. Si elle et ses enfants meurent, il faut alors que cela soit du seul fait du salaud. Non de son fait à elle. Son silence, et seulement son silence, renverra au salaud sa responsabilité. Elle ne donc doit rien dire. Surtout ne pas répondre. Ne jamais dire un mot. C’est difficile, mais face au « silence de la mer », c’est le salaud – et lui seul - qui devra choisir. Et il aura perdu dans le plus ignoble de son désir : faire entrer Sophie dans le choix de tuer. Mais Sophie, paniquée, fait le choix. Elle sacrifie sa fille de 7 ans, voulant garder son fils. Le reste de sa vie sera un enfer, et elle ne saura même pas ce que deviendra son fils.
On ne prend jamais assez conscience de la puissance du silence face aux multiples situations où l’on nous impose de parler immédiatement, et de choisir une chose plutôt qu’une autre ; où on tente de nous faire le coup du « devoir », de choisir obligatoirement entre deux issues mauvaises. On veut souvent nous faire croire que le choix du silence est impossible. Mais c’est une tromperie répugnante : la vertu extraordinaire du silence est qu’elle renvoie à ceux qui l’ont plus ou moins manigancé la perversité originelle du choix imposé. Et le choix du silence, s’il est maintenu malgré toutes les pressions, n’est finalement pas plus risqué, loin de là, que de succomber à choisir soi-même le pire.
Imaginons ainsi un pays dont le roi est élu pour cinq ans avec pratiquement tous les pouvoirs, y compris celui de nommer lui-même les juges. Un tel pays, çà n’existe pas, évidemment, c’est juste pour donner un exemple de pire. Dans ce pays, imaginons que l’absurdité aille jusqu’à imposer le choix final du roi-pour- cinq-ans entre les deux candidats au trône arrivés en tête au premier tour de scrutin. Ces deux-là uniquement, même s’ils n’ont pas obtenu ensemble la moitié des voix ! Evidemment, croire une telle chose possible dans la réalité est le comble du pessimisme. Encore une fois, c’est juste pour renforcer par l’exemple du pire la pédagogie de l’opportunité du silence.
Allons donc encore plus loin dans l’imagination purement pédagogique : disons que l’un des deux candidats représente la fureur exacerbée, devenue malveillante, de ceux et celles qui sont réellement frustrés par les accaparements toujours plus grands, et eux aussi malveillants, de ceux et celles qui soutiennent l’autre candidat... Dans ces conditions on ne peut plus grotesques, absurdes (et heureusement invraisemblables) le choix par le vote ne semble plus que de poursuivre, par l’un ou par l’autre - « one more time » - le cercle vicieux opposant toujours plus les uns aux autres. Or, penser devoir voter ainsi, c’est oublier qu’il reste aussi le choix du silence. On peut encore choisir le silence qui montre de façon évidente, et impressionnante, ce que l’on pense au fond de ce « jeu de cons » électoral.
Certes, dans cette étude de cas ô combien théorique, grâce à Dieu, l’un ou l’autre des candidats sera officiellement le roi-pour-cinq-ans. Mais, le silence massif des électeurs aura parlé. On n’a jamais connu de roi dans l’Histoire - ni pour cinq ans, ni pour la vie - qui ait vraiment su comment répondre, sans craindre pour sa tête ou son cul, au peuple.

 
Le point de vue d’Onfray, avant le « débat » :

LE FIGARO : MICHEL ONFRAY : « CETTE ÉTRANGE PERVERSION QUI CONSISTE À NOURRIR LE MONSTRE LE PEN QU’ON PRÉTEND COMBATTRE »
28-04-2017
INTERVIEW - Le philosophe analyse les résultats du premier tour de l’élection présidentielle et notamment le score important réalisé par le Front national. Il considère que le parti de Marine Le Pen est moins combattu qu’utilisé comme épouvantail pour que rien ne change.
LE FIGARO. - En 2002, après l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle vous avez fondé l’université populaire. 15 ans plus tard, Marine Le Pen est au second tour. Êtes-vous surpris ?
Michel ONFRAY. - Pas du tout car ce qui a rendu possible la famille Le Pen depuis un quart de siècle que dure cette saga n’a été ni attaqué ni combattu. Au contraire : ce qui a généré son succès a même été amplifié. On ne combat pas cette résistible ascension par la diabolisation, mais en asséchant le marais qui nourrit leurs ambitions. En l’occurrence avec une politique vraiment de gauche en faveur des gens modestes.
Qu’est-ce qui explique cette étrange perversion qui consiste à nourrir le monstre qu’on prétend combattre ? Une raison bien simple : ceux qui tapent sur elle mais épargnent ce qui la rend possible font très exactement partie de ce qui la rend possible.
Je m’explique : quand Mitterrand est élu en 1981, le FN est en dessous de 1%. Aujourd’hui, Marine Le Pen arrive à la deuxième place du premier tour avec plus de 20% des suffrages et il faut que tous se liguent contre elle, droite et gauche confondues, pour qu’elle ne soit pas élue.
Marine Le Pen peut dire merci à nombre de gens qui l’ont rendue possible depuis si longtemps : à tout seigneur tout honneur, commençons par François Mitterrand qui, en renonçant à la gauche avec son tournant libéral en 1983 et en renonçant également à toute souveraineté, donc à toute possibilité de faire de la politique avec Maastricht en 1992, a vidé la gauche de sa substance et laissé les pleins pouvoirs aux marchés ; merci à tous les socialistes qui ont avalisé ce virage à droite de leur camp et voté « Oui » à Maastricht, dont un certain Jean-Luc Mélenchon ; merci au PCF qui , pour des raisons boutiquières (il lui fallait payer ses cadres et ses permanents...) s’est contenté d’une opposition verbale pendant qu’il collaborait la nuit à cette politique qu’il dénonçait le jour ; merci au même Mitterrand qui a promu comme nouveau modèle de gauche l’homme d’affaires bien connu des tribunaux et des gardiens de prison, Bernard Tapie, avec un message simple : l’argent est le dieu des temps moderne, le patron est son prophète et la gauche à son service ; merci à Serge July et, déjà, à Laurent Joffrin qui, en 1984, dans Libération , ont fait une mémorable opération marketing et politique avec une « une » intitulée : « Vive la crise ! » dans laquelle Yves Montand, un ancien stalinien reconverti dans la gauche caviar, fustigeait les chômeurs coupables de ne pas créer leurs entreprises et morigénait ces salauds de pauvres coupables d’être des assistés ; merci à Terra Nova, le think tank de cette gauche de droite qui, en 2012, faisait circuler une note stipulant qu’il fallait abandonner les ouvriers, le prolétariat, les précaires au Front national, où ils étaient de toute façon déjà partis (la faute à qui ? À ces gens-là...) pour se concentrer sur un autre cœur de cible comme on dit : le peuple de substitution issu de la pensée structuraliste - homosexuels, LGBT, immigrés, fumeurs de pétards, les bobos contre les prolos ; merci à cette gauche qui, en bon soldat du capitalisme soucieuse de disposer d’une main d’œuvre bon marché, a adoubé l’immigration comme « une chance pour la France » et qui a généré cette hyper-prolétarisation d’un monde dont l’avant-garde a imaginé le salut dans un islam politique ennemi de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, de la laïcité, du féminisme ; merci à la gauche caviar et à la droite cassoulet, à l’époque Hollande et Chirac, puis Sarkozy, d’avoir méprisé le peuple quand, en 2005, il a voté « Non » à la formule libérale de l’Europe et qu’en 2008 ces branquignols lui ont tout de même imposé cette Europe en mobilisant les représentants du peuple contre le peuple, ce qui fut perçu par les nonistes comme un coup d’État, un véritable déni de démocratie ; merci aussi à tous les va-t-en guerre qui, derrière BHL, Kouchner, Pierre Bergé, Valls, tous ralliés à Macron, ont justifié et légitimé toutes les guerres qui ont détruit des États laïcs musulmans comme l’Irak et la Libye. Ces guerres ont généré une anarchie à l’origine des flux migratoires partout en Europe, de milliers de morts en Méditerranée, et de quatre millions de morts musulmans sur la planète ; merci à Pierre Bergé qui a clairement dit que les femmes pauvres n’avaient qu’à louer leurs utérus aux riches qui voulaient acheter un enfant et qu’il s’agissait d’un progrès de gauche...
On comprend qu’aucun de ceux qui ont ainsi rendu possible Marine Le Pen ne puisse faire autre chose que la transformer en diable alors qu’ils ont nourri consciencieusement ce démon qu’ils prétendent haïr depuis un quart de siècle, mais qui leur est bien utile pour obtenir que la présidence de la République soit toujours assurée par l’un des leurs - un ami du capital...
Pour ma part, je n’ai rien soutenu en vingt-cinq ans qui l’ait rendue possible...
En 2002, vous aviez refusé de défiler en compagnie « du patronat et de l’Evêché » contre Jean-Marie Le Pen. Vous pensez que les manifestations et le front républicain ne sont pas efficaces ?
Tout ce petit monde joue à se faire peur et à faire peur et je ne suis pas du genre à avoir peur d’autre chose que de ce qui le mérite. Quand un candidat se trouve au second tour des présidentielles face à Le Pen, il est sûr d’être élu. Cette consultation est devenue une élection à un tour. Voilà pourquoi toute cette clique a besoin de cette femme et fait tout ce qu’il faut pour qu’elle soit présente au second tour.
Quant à l’appellation « front républicain », elle mérite au moins une remarque : quelles leçons républicaines ont à nous donner ceux qui ont tenu pour nul et non avenu un référendum qui ne leur convenait pas ? J’en vois peu qui sont habilités à donner des leçons de républicanisme dans ce fameux front...
Vous avez rédigé un carnet de campagne, La cour des miracles, (Éditions de l’observatoire) qui sortira au mois de mai. Comment qualifier cette campagne ?
Pitoyable, minable, nulle... Les véritables questions n’ont jamais été abordées : qui a parlé d’identité nationale ? De l’avenir de notre civilisation ? De propositions géostratégiques permettant de replacer la France dans le monde ? De projets haut-de-gamme pour notre pays dans le prochain quart de siècle ? Personne...
J’avais prédit sans grand risque que cette élection permettrait de changer d’homme mais pas de politique - qui est peu ou prou la même depuis 1983. Ce fut d’ailleurs la raison de mon abstentionnisme - pas question de voter pour une élection dont le résultat est connu à l’avance. Je ne me suis hélas pas trompé...
Diriez-vous que l’émotion, la morale, l’indignation ont pris le pas sur le raisonnement et l’art politique ?
Je dirais que cette présidentielle est une formidable machine à faire vendre du papier journal et du taux d’audience médiatique aux publicitaires. Pour ce faire, il faut la construire comme un feuilleton de télé-réalité sur le principe christique : annonciation (dépôt des candidatures), nativité (entrée dans les sondages), apparition (y compris sous forme d’hologramme...), prophéties (programmes), sermons (chiffrages de programme), prédications (le paradis sur terre en cas d’élection), homélies, prêches, procès (vestons offerts, attachés parlementaires payés pour autre chose, voitures de fonction après avoir quitté la fonction, piston pour les enfants, déclarations de fortune à trou...), tribunaux (médiatiques), condamnation (les « unes » de presse), crucifixion (cathodique), crachats (enfarinage, concerts de casseroles, jets d’œufs), passion (jour du scrutin), résurrection (élection) - avant le retour d’un nouveau prophète qui voudra être vizir à la place du vizir...
Mais tout cela est une fable. L’essentiel est ailleurs. Le Capital met en scène ces diversions qui lui permettent de rester dans l’ombre et d’oeuvrer à sa tâche tranquillement. Le lundi, c’est jour de reprise ; et rien n’a changé.

Deux réactions, après le consternant « débat » :

04/05/2017 11:52 PAR JEAN-MARC CONSTANT
Ce n’était pas un débat entre deux conceptions d’essence différente que l’on a vu hier soir, mais un combat absurde comme l’opposition des deux mâchoires d’un étau, entre deux entités d’une même logique : la réunion physique (le « corps à corps ») de l’Effet avec la Cause servie « en même temps » sur un même plateau. Un aspect « match de catch » avec tout l’artifice requis destiné à nous la jouer sur le mode différence. Quand MLP envoie à EM qu’il ne fait que défendre le plus fort, qui pourrait dire le contraire ? Seulement le boomerang revient illico en pleine poire de la valseuse de Vienne, héritière du GUD, Occident et autres doux nervis. On s’en voudra du plaisir malsain ressenti parfois à l’énoncé de ce genre de vérités multipliables par deux, déplorant surtout amèrement que notre pays en soit là, à choisir entre la mort ou le coup à échéance mortel.

CAUSEUR : MACRON-LE PEN : INDIGNES !
04-05-2017
Un débat à la hauteur de la campagne qui l’a précédé
On aurait aimé en plaisanter. On aurait aimé dire qu’on attendait patiemment que l’un des deux protagonistes explique à l’autre quelle était sa recette du pot au feu, comme dans le film La gueule de l’autre.
Mais à vrai dire, on n’a pas le cœur d’en plaisanter. Car il devait s’agir du débat entre deux personnalités concourant pour la magistrature suprême de la cinquième puissance mondiale. Au lieu de cela, nous avons assisté à un spectacle indigne. Même un débat sur une chaîne info en plein été à onze heures du soir entre éditorialistes de troisième zone aurait été de meilleure qualité.
Ce débat était à l’image de cette « recomposition low-cost » dont nous avons ici décrit la mise en place. La véritable recomposition avait trop attendu. Elle disposait, au moment où elle devait intervenir, sans doute il y a quinze ou vingt ans, de personnalités à la hauteur, cultivées et complexes. Les vieux partis, accrochés à leurs prébendes, l’ont retardée avant de subir l’énorme échec du premier tour de cette élection présidentielle. Nous en récoltons le résultat : une foire d’invectives entre deux personnages caricaturaux et manifestement indignes de la fonction présidentielle.
L’abstention leur dit merci !
Mais que pouvions-nous attendre d’autre, au terme de la pire campagne présidentielle de la Ve République, naviguant entre le pathétique et le grotesque ? Après le débat, les journalistes sur les plateaux avaient beau jeu de fustiger ce spectacle affligeant. Notre presse ne fut guère à la hauteur et a contribué grassement à la mise en scène de ce naufrage du débat public. Rappelons-nous l’émission-phare du service public de télévision, « L’Emission politique », avec ses invités-mystères, ses clashs prémédités et son cynique et irresponsable Monsieur Loyal, David Pujadas. Ce dernier avait d’ailleurs l’eau à la bouche avant le face-à-face d’hier soir, en empruntant à la sémantique du commentaire sportif.
On peut prévoir que l’abstention ne soit pas découragée dimanche prochain après l’écoeurement suscité par cette foire d’empoignes. Reste à savoir quel camp sera le plus démobilisé. Quel que soit le vainqueur, même si Emmanuel Macron semble le plus probable, on peut légitimement se demander s’il est raisonnable de lui envoyer une majorité à l’Assemblée nationale. Nous en sommes là : voir dans une France ingouvernable un moindre mal. Et tout cela dans un monde dangereux. Hier soir, je me suis souvenu de Philippe Séguin posant il y a bien longtemps le diagnostic sur notre démocratie malade et sur notre crise morale. Nous sommes en phase terminale.
Source :
David Desgouilles Blogueur et romancier. - Publié le 04 mai 2017 / Politique (http://www.causeur.fr/debat-macron-le-pen-presidentielle- 44132.html)http://www.causeur.fr/debat-macron-le-pen- presidentielle-44132.html (http://www.causeur.fr/debat-macron-le- pen-presidentielle-44132.html)

Sur la nature du libéralisme actuel, un texte de l’an dernier, plus que jamais d’actualité :

« Libéralisme et fascisme constituent les deux versants profondément interconnectés du système mondial capitaliste. » Nancy Fraser, philosophe

 LE NÉOLIBÉRALISME EST UN FASCISME

Manuela Cadelli,
présidente de l’Association Syndicale des Magistrats de Belgique

Mis en ligne jeudi 3 mars 2016, 10h02
La carte blanche de Manuela Cadelli, présidente de l’Association syndicale des magistrats.

Le temps des précautions oratoires est révolu ; il convient de nommer les choses pour permettre la préparation d’une réaction démocrate concertée, notamment au sein des services publics.
Le libéralisme était une doctrine déduite de la philosophie des Lumières, à la fois politique et économique, qui visait à imposer à l’Etat la distance nécessaire au respect des libertés et à l’avènement des émancipations démocratiques. Il a été le moteur de l’avènement et des progrès des démocraties occidentales.

Le néolibéralisme est cet économisme total qui frappe chaque sphère de nos sociétés et chaque instant de notre époque. C’est un extrémisme.
Le fascisme se définit comme l’assujettissement de toutes les composantes de l’État à une idéologie totalitaire et nihiliste.
Je prétends que le néolibéralisme est un fascisme car l’économie a proprement assujetti les gouvernements des pays démocratiques mais aussi chaque parcelle de notre réflexion. L’État est maintenant au service de l’économie et de la finance qui le traitent en subordonné et lui commandent jusqu’à la mise en péril du bien commun.

L’austérité voulue par les milieux financiers est devenue une valeur supérieure qui remplace la politique. Faire des économies évite la poursuite de tout autre objectif public. Le principe de l’orthodoxie budgétaire va jusqu’à prétendre s’inscrire dans la Constitution des Etats. La notion de service public est ridiculisée.
Le nihilisme qui s’en déduit a permis de congédier l’universalisme et les valeurs humanistes les plus évidentes : solidarité, fraternité, intégration et respect de tous et des différences. Même la théorie économique classique n’y trouve plus son compte : le travail était auparavant un élément de la demande, et les travailleurs étaient respectés dans cette mesure ; la finance internationale en a fait une simple variable d’ajustement.

Déformation du réel
Tout totalitarisme est d’abord un dévoiement du langage et comme dans le roman de Georges Orwell, le néolibéralisme a sa novlangue et ses éléments de communication qui permettent de déformer le réel. Ainsi, toute coupe budgétaire relève-t-elle actuellement de la modernisation des secteurs touchés. Les plus démunis ne se voient plus rembourser certains soins de santé et renoncent à consulter un dentiste ? C’est que la modernisation de la sécurité sociale est en marche.
L’abstraction domine dans le discours public pour en évincer les implications sur l’humain. Ainsi, s’agissant des migrants, est-il impérieux que leur accueil ne crée pas un appel d’air que nos finances ne pourraient assumer. De même, certaines personnes sont-elles qualifiées d’assistées parce qu’elles relèvent de la solidarité nationale.

Culte de l’évaluation
Le darwinisme social domine et assigne à tous et à chacun les plus strictes prescriptions de performance : faiblir c’est faillir. Nos fondements culturels sont renversés : tout postulat humaniste est disqualifié ou démonétisé car le néolibéralisme a le monopole de la rationalité et du réalisme. Margaret Thatcher l’a indiqué en 1985 : « There is no alternative ». Tout le reste n’est qu’utopie, déraison et régression. Les vertus du débat et de la conflictualité sont discréditées puisque l’histoire est régie par une nécessité.
Cette sous-culture recèle une menace existentielle qui lui est propre : l’absence de performance condamne à la disparition et dans le même temps, chacun est inculpé d’inefficacité et contraint de se justifier de tout. La confiance est rompue. L’évaluation règne en maître, et avec elle la bureaucratie qui impose la définition et la recherche de pléthore d’objectifs et d’indicateurs auxquels il convient de se conformer. La créativité et l’esprit critique sont étouffés par la gestion. Et chacun de battre sa coulpe sur les gaspillages et les inerties dont il est coupable.

La Justice négligée
L’idéologie néolibérale engendre une normativité qui concurrence les lois du parlement. La puissance démocratique du droit est donc compromise. Dans la concrétisation qu’ils représentent des libertés et des émancipations, et l’empêchement des abus qu’ils imposent, le droit et la procédure sont désormais des obstacles.
De même le pouvoir judiciaire susceptible de contrarier les dominants doit-il être maté. La justice belge est d’ailleurs sous-financée ; en 2015, elle était la dernière d’un classement européen qui inclut tous les états situés entre l’Atlantique et l’Oural. En deux ans, le gouvernement a réussi à lui ôter l’indépendance que la Constitution lui avait conférée dans l’intérêt du citoyen afin qu’elle joue ce rôle de contre-pouvoir qu’il attend d’elle. Le projet est manifestement celui-là : qu’il n’y ait plus de justice en Belgique.

Une caste au-dessus du lot
La classe dominante ne s’administre pourtant pas la même potion qu’elle prescrit aux citoyens ordinaires car austérité bien ordonnée commence par les autres. L’économiste Thomas Piketty l’a parfaitement décrit dans son étude des inégalités et du capitalisme au XXIe siècle (Seuil 2013).
Malgré la crise de 2008, et les incantations éthiques qui ont suivi, rien ne s’est passé pour policer les milieux financiers et les soumettre aux exigences du bien commun. Qui a payé ? Les gens ordinaires, vous et moi.
Et pendant que l’État belge consentait sur dix ans des cadeaux fiscaux de 7 milliards aux multinationales, le justiciable a vu l’accès à la justice surtaxé (augmentation des droits de greffe, taxation à 21 % des honoraires d’avocat). Désormais pour obtenir réparation, les victimes d’injustice doivent être riches.
Ceci dans un Etat où le nombre de mandataires publics défie tous les standards mondiaux. Dans ce secteur particulier, pas d’évaluation ni d’études de coût rapportée aux bénéfices. Un exemple : plus de trente ans après le fédéralisme, l’institution provinciale survit sans que personne ne puisse dire à quoi elle sert. La rationalisation et l’idéologie gestionnaire se sont fort opportunément arrêtées aux portes du monde politique.

Idéal sécuritaire
Le terrorisme, cet autre nihilisme qui révèle nos faiblesses et notre couardise dans l’affirmation de nos valeurs, est susceptible d’aggraver le processus en permettant bientôt de justifier toutes les atteintes aux libertés, à la contestation, de se passer des juges qualifiés inefficaces, et de diminuer encore la protection sociale des plus démunis, sacrifiée à cet « idéal » de sécurité.

Le salut dans l’engagement
Ce contexte menace sans aucun doute les fondements de nos démocraties mais pour autant condamne-t-il au désespoir et au découragement ?
Certainement pas. Voici 500 ans, au plus fort des défaites qui ont fait tomber la plupart des Etats italiens en leur imposant une occupation étrangère de plus de trois siècles, Nicolas Machiavel exhortait les hommes vertueux à tenir tête au destin et, face à l’adversité des temps, à préférer l’action et l’audace à la prudence. Car plus la situation est tragique, plus elle commande l’action et le refus de « s’abandonner » (Le prince, chapitres XXV et XXVI).
Cet enseignement s’impose à l’évidence à notre époque où tout semble compromis. La détermination des citoyens attachés à la radicalité des valeurs démocratiques constitue une ressource inestimable qui n’a pas encore révélé, à tout le moins en Belgique, son potentiel d’entraînement et sa puissance de modifier ce qui est présenté comme inéluctable. Grâce aux réseaux sociaux et à la prise de parole, chacun peut désormais s’engager, particulièrement au sein des services publics, dans les universités, avec le monde étudiant, dans la magistrature et au barreau, pour ramener le bien commun et la justice sociale au cœur du débat public et au sein de l’administration de l’État et des collectivités.
Le néolibéralisme est un fascisme. Il doit être combattu et un humanisme total doit être rétabli.

Pour finir, en complément du texte qui précède, ce rappel indispensable du fait évident que dans le monde actuel les pouvoirs même quand ils se disent démocratiques n’informent pas, ils communiquent et manipulent :

 La "Fabrique du consentement" et la démocratie



Dans Public Opinion (1922), Lippmann étudie la manipulation de l’opinion publique.
Selon lui, pour « mener à bien une propagande, il doit y avoir une barrière entre le public et les évènements » Il décrit alors l’avenir qu’il entrevoit. Il conclut que la démocratie a vu la naissance d’une nouvelle forme de propagande, basée sur les recherches en psychologie associées aux moyens de communications modernes. Cette propagande implique une nouvelle pratique de la démocratie. Il utilise alors l’expression « manufacture of consent » qui signifie littéralement la « fabrique du consentement :

"Le peuple est un troupeau égaré, bien trop émotif, incapable de s’occuper de ses propres affaires, et qui doit-être encadré, contrôlé et conduit par une avant garde, une élite de décideurs éclairés.
Les gens doivent être détournés vers des buts inoffensifs.
Il faut les noyer sous une masse d’informations qui ne leur laisse pas le temps de réfléchir.
Il faut les persuader qu’ils sont incapables de provoquer des changements, il faut les convaincre que la révolte entraîne toujours le pire.
Il faut les faire voter de temps à autre, leur donner l’illusion de décider, l’illusion nécessaire."
 
*Walter Lippmann né à New York le 23 septembre 1889, mort le 14 décembre 1974, penseur et commentateur politique américain.

dimanche 30 avril 2017

VOTER MACRON OU S’ABSTENIR : CHOISIR ENTRE DISCOURS CREUX ET PAROLE HABITÉE

Je reçois à l’instant d’un ami ce beau et fort texte de Dimitris Alexakis. Il formule clairement l’essentiel de ce que nous pouvons répondre aux tenants de l’oligarchie néo-libérale mondialisée quand ils entament l’infâme ritournelle du chantage aux "valeurs". Il est passionnant et très instructif de comparer le texte de Cornu (vous le trouverez ci-dessous à la suite de celui d’Alexakis, vous pourrez ainsi juger sur pièces !) et celui qui suit. Leur confrontation met en lumière ce qui sépare un discours creux d’une parole habitée, et les artifices d’une rhétorique tournant à vide de l’analyse lucide d’une situation réelle. Cornu cherche à imposer une norme et une conduite, Alexakis tente de partager un point de vue et l’engagement qu’il détermine. Le premier parle du haut d’une chaire, le second du fond du cœur, Cornu veut répondre à notre place à une question qu’Alexakis se pose et nous pose.

C’est toute la différence entre un tenant de l’oligarchie et un amoureux de la démocratie.

 FACE AU CHANTAGE : À PROPOS DU 7 MAI 2017

Je n’aurai pas le temps de lire aujourd’hui d’autres articles, d’autres études sociologiques, d’autres analyses et d’autres déclarations, il faut garder la petite, préparer le travail du soir, écrire le texte que je devais rendre le 25 avril et dont la remise a été reportée au 2, mais j’en sais déjà assez, je crois. Il faudra bien que je me passe des analyses d’Emmanuel Todd (que j’aimerais lire mais qui sont en accès payant : quelqu’un pourrait-il les publier sur sa page ? sur son profil ?), et de tant d’autres— il arrive forcément un moment où l’on doit décider seul, avec ce que l’on a, ce que l’on sait en l’état et ce que l’on est.

Je sais quelque chose, même si cela fait longtemps que je n’ai plus le temps de lire et de m’informer autant que je le voudrais (de lire comme à 15 ans, à 20 ans ou à 30) : je sais que la montée du FN n’a cessé d’accompagner l’abandon déclaré, assumé, des classes populaires, des « bastions ouvriers », des chômeurs que les ouvriers de naguère tendent de plus en plus massivement à devenir depuis le tournant des années 80, ne cessent de devenir encore, à Florange, Amiens, Saint-Nazaire, des jeunes travailleurs précaires qui se sont démultipliés dans un champ du travail de moins en moins lisible à partir du milieu des années 70 et aussi, et peut-être avant tout, du monde rural, par les partis et l’ensemble des gouvernements qui se sont succédés depuis 1981 comme par toute une frange de la population (des « classes moyennes éduquées », pour parler à traits larges, et des intellectuels, de ceux qui sont avant tout possesseurs d’un capital culturel, de ceux qui, à un moment de leur vie ou tout au long de leur vie, ont eu le temps de lire).

Je sais que l’alternative qui nous est aujourd’hui proposée (entre la finance ou le fascisme) est une forme particulièrement viciée, particulièrement perverse de reconduction de ce pacte passé dès les premières années du gouvernement socialiste (1983) entre ces mêmes classes moyennes, les professions libérales et le patronat, sur le dos de ceux qui ne possèdent pas de capital et, en particulier, pas de capital culturel.

Je sais que, par rupture avec toute une partie du mouvement ayant suivi Mai 68, l’écrasante majorité des intellectuels « de gauche » a, à un moment crucial, pris le parti ou décidé de se retirer du jeu, de la construction de solidarités entre les classes, de l’organisation de transferts et d’échanges réciproques de savoir permettant de bâtir des luttes entre pratiques ouvrières, agricoles et savoir livresque, théorie, réflexion collective, création d’espaces pour un discours et une expérience politique en commun entre l’usine, les champs et l’université : de cesser d’incarner un point de connexion, de jonction, entre classes populaires et classes passées par l’université (et cela vaut autant pour le monde de la production industrielle que pour le monde rural ; mais aussi, de manière chaque jour plus aiguë, de la solidarité en acte avec les migrants).

Je sais que la reconduction de ce pacte marqué par l’égoïsme bourgeois le plus étroit ne peut plus aujourd’hui se prévaloir, s’il l’a jamais pu, de cette caution morale qu’était jusqu’à présent censée lui apporter l’injonction du « tous ensemble contre le fascisme », en premier lieu parce que la gauche de gouvernement a transformé l’antiracisme en serpillière de ses opportunismes et de ses reniements, en second lieu parce qu’aucune réflexion sociale n’a jamais accompagné aucun « sursaut républicain ». Privé de toute véritable réflexion sur les causes sociales de la montée de l’extrême-droite, cet antiracisme-là (celui de SOS Racisme comme des grandes manifestations unitaires des années 90 — mais certainement pas celui, dans notre enfance, de la belle marche pour l’égalité) n’a jamais été qu’une passoire, qu’un crible ne faisant dans le fond barrage à rien — la preuve en est apportée aujourd’hui, de la façon la plus critique, la plus criante et, au vrai, la plus dramatique qui soit.

Je sais aussi quelque chose du racisme profond qui habite depuis des décennies la société française. Je ne devais pas avoir 8 ans lorsque le gardien de notre ILM (Immeuble à loyer modéré) de Place des Fêtes m’a menacé un jour de me renvoyer dans mon pays « avec un coup de pied dans le cul » — et cette remarque m’a certainement marquée à vie. Dans l’immeuble de la rue du docteur Potain où nous avons grandi, mon frère et moi, nos amis s’appelaient Bichara, Céline, David, Samuel, Reda, Karim, Eric, Basile, Lamine, Stratos, Frédéric, Moussa, Aïssatou, Heidi. Je me souviens des bavures et du mot ratonnades dont l’écho a suivi toute notre adolescence, et des noms. Je me rappelle avoir, quelques années plus tard, été saisi à la gorge par un policier du commissariat du Forum des Halles et soulevé, contre le mur, au bord de l’asphyxie : je venais de protester et de m’opposer à un contrôle d’identité humiliant. Je sais quelque chose de ce racisme : je l’ai reçu dans la face comme une insulte, très jeune, je l’ai senti se refermer sur ma gorge — moi qui suis pourtant, comme le disait Pasolini, « un petit bourgeois », un privilégié, quelqu’un que les livres protègent, quelqu’un qui, en cas de démêlés avec la justice, aura plus de chances d’échapper à l’incarcération que, par exemple, la plupart de nos amis d’enfance.

Je sais aussi, pour avoir vécu en Grèce ces quinze dernières années, que l’alternative Macron / Le Pen est une nouvelle forme du non-choix auxquels les Grecs, singulièrement, ont été confrontés en juillet puis en septembre 2015. Le chantage exercé alors sur le peuple grec par l’Eurogroupe consistait à faire jouer la menace d’une sortie en catastrophe de l’euro et de l’effondrement, du jour au lendemain, du système bancaire. Le chantage exercé aujourd’hui sur le peuple français est peut-être plus violent encore, car il utilise une arme de nature éthique, ou morale : votez pour la finance afin de faire obstacle à l’horreur, au parti de la haine de l’autre. Votez pour les plans d’austérité que nous vous infligerons, car vous n’avez plus le choix.

Mais la finance n’est-elle pas, aussi, un parti de la haine ? De la haine des pauvres, des réfugiés, des ouvriers, des chômeurs, des sans dents, des incultes ? Derrière le visage étrangement lisse d’Emmanuel Macron, ne faisons pas semblant de ne pas apercevoir les chiffres atroces et le réel des plans d’austérité, celui, notamment, de l’accroissement de la mortalité infantile et des suicides dans les pays du Sud, ni la réalité sordide des camps de réfugiés organisés en Grèce sous les auspices de l’Union européenne, ni le silence de ceux qui continuent de mourir en Méditerranée.

Le propre de la gouvernance néo-libérale est de nous contraindre à apposer notre signature à son programme de guerre sociale alors même que nous savons qu’il est dirigé contre nous, contre la société, contre ses solidarités les plus élémentaires. De lui donner notre aval, fût-ce sous la menace d’un chantage cru.

Quelle « caution morale » et quel assentiment subjectif apporter à un mouvement incarnant la destruction de plus en plus accélérée, à travers l’Europe, des classes populaires, de toute une partie des classes moyennes, mais aussi, à l’échelle mondiale, des ressources naturelles et de la planète elle-même ?

L’antiracisme quinquennal des classes dirigeantes françaises n’est fondamentalement que la caution morale d’un égoïsme et d’un cynisme de classe : le vernis dont les intellectuels et une grande partie de l’électorat socialiste tentent de recouvrir leur trahison historique.

Cet antiracisme-là doit finir, est fini : chacun le sait, tant son masque apparaît désormais craquelé, boursouflé, caricature ne pouvant même plus se prévaloir, par différence avec 2002, de la tradition républicaine.

Fascisme, austérité, silence. La seule issue, pour la gauche, consiste désormais à se tenir à distance des injonctions morales d’une hypocrisie absolue de ceux (journalistes, intellectuels organiques du capital) qui, en la pressant de se prononcer en faveur d’E. M., n’ont pas d’autre objectif que de la voir abjurer — ce qu’Alexis Tsipras, après six mois de gouvernement, s’est résolu à faire, et ce dont Jean-Luc Mélenchon s’est pour le moment heureusement bien gardé.

Elle est surtout de travailler à une nouvelle alliance de classes, de groupes sociaux, de fragments dispersés, désunis, de modes de travail, de modes d’être et de vie, de cultures (« nouvelle » dans le sens où le travail a, depuis les années 70, subi des transformations décisives), en faveur de la redistribution et de la justice sociale : contre une accumulation des richesses devenue proprement monstrueuse, pour leur partage, et pour la circulation du savoir à travers l’ensemble du champ social.

Nous sommes des milliers, en ce moment-même, à débattre (ou à nous déchirer) sur les décisions que nous prendrons le 7 mai, mais peut-être conviendrait-il d’abord de dire l’évidence : que les termes du débat sont faussés. Que ce débat est un piège, car il repose sur un chantage et sur l’appui objectif apporté depuis des décennies par l’establishment aux thèses de l’extrême-droite, au détriment des revendications de justice. (Favorisons la création du monstre, nourrissons-le, puis déclarons : Votez pour la finance, sans quoi nous sortirons le monstre de sa cage.) Ce débat vicié doit et peut être, maintenant, radicalement dénoncé, contesté dans ses termes. L’alternative entre Macron et Le Pen est le symptôme le plus éclatant de la perversion profonde du système capitaliste contemporain, dans sa forme néo-libérale et (forcément) autoritaire. Nous ne devons pas nous résoudre à ce que « gouvernance » soit désormais, dans tout le continent européen, et au-delà, synonyme de « chantage ». Cette imposture doit être maintenant, aujourd’hui, dénoncée et ramenée à ses causes.
Alexakis poursuit sa réflexion ce dimanche, vous pouvez la suivre en cliquant sur ce lien :
LE FASCISME NE VIENT JAMAIS SEUL


 MOUVEMENT SOCIAL ET CRISE DÉMOCRATIQUE

29 AVR. 2017 PAR LES INVITÉS DE MEDIAPART ÉDITION : LES INVITÉS DE MEDIAPART`

Il s’agit en l’occurrence d’un universitaire, historien, Pierre Cornu.

« Qui peut prétendre trouver dans la haine de Francfort et de Bruxelles la continuité du mouvement social dans sa dimension historique ? Qui ne voit que la haine de l’oligarchie produit non des prises de la Bastille, mais des pogroms ? », s’interroge Pierre Cornu, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Lyon, pour qui la gauche doit « défendre, envers et contre tout, les instruments de la démocratie et de la coopération européennes ».

Il se trouve donc, dans la France de 2017, des électeurs de gauche qui, confrontés, lors d’une élection présidentielle qui concentre tous les instruments de la raison d’État dans les mains d’une seule personne, au choix entre un candidat démocrate, libéral et pro-européen, et une candidate populiste, réactionnaire et nationaliste, restent sur leur quant à soi. Fort bien, suivons leur logique.

L’ennemi, pour ces électeurs, c’est la finance, l’oligarchie capitaliste. Hier bourreaux des peuples, aujourd’hui fossoyeurs de la planète, les « puissances d’argent » mènent le monde vers l’abîme. Emmanuel Macron a travaillé pour la banque Rothschild, il est soutenu par des industriels et des financiers, il serait donc l’ennemi. Marine Le Pen, elle, est l’héritière d’un instrument politique de captation du vote des perdants réels ou potentiels de la société de la compétition libérale, et dénonciateur obsessionnel de la finance et des élites « cosmopolites », le Front national. Elle serait donc, au regard de la lutte contre l’ennemi capitaliste, une simple concurrente. Confronté à un choix entre la figure de l’ennemi et celle de la concurrence, que faire ? Relire Marx, peut-être, et pourquoi pas Lénine aussi, qui lui, au moins, savait analyser froidement les rapports de force et ne se laissait pas griser par les moyens réclamés par ses fins.

Déçu des promesses non tenues de la social-démocratie, inquiet de la dégradation accélérée de l’habitabilité de la planète, l’électorat de gauche est en effet travaillé par un processus de radicalisation politique dont on peut comprendre les ressorts – la menace bien réelle que fait peser l’absolutisme du profit sur des équilibres sociaux et écosystémiques au bord du collapsus –, mais qui révèle de manière cruelle la misère philosophique de l’anticapitalisme contemporain, et sa propension désespérante à faire le jeu de son ennemi et le bonheur de ses adversaires. Certes, la complexité, c’est compliqué. Le monde interconnecté, hyper-technicisé, à la fois violemment conflictuel et puissamment syncrétique de ce début de XXIe siècle a de quoi faire perdre ses repères au militant socialiste et écologiste le plus convaincu. Mais les pères du socialisme, eux aussi, avaient affaire, dans leur propre entourage, à des dérives doctrinaires et à des tentations simplificatrices. Et c’est parce que leur œuvre avait un rapport exigeant à la vérité et à la durée qu’elle demeure féconde aujourd’hui encore. À condition, bien entendu, qu’elle soit véritablement lue et méditée, et pas seulement paraphrasée de manière approximative, ou transformée en millénarisme kitsch. Quant un enfant gâté de la globalisation renverse la table, il ne réalise pas un acte révolutionnaire, mais un caprice. Faut-il que la gauche française soit tombée si bas qu’elle se laisse emporter par un spontanéisme révolutionnaire à contre-temps et à contre-emploi, qui, la chronique des temps modernes l’atteste, n’a jamais produit que des désillusions sanglantes ? Et faut-il que les dirigeants de la gauche française aient oublié à ce point leur propre histoire pour s’imaginer qu’ils pourront tirer les marrons du feu d’une époque de haine de soi et d’autrui ?

La présente campagne électorale, dominée par la mise en scène d’un combat existentiel de tous les instants entre une nation désemparée et des intérêts acharnés à sa perte, porte en effet tous les stigmates du capitalisme postindustriel : inscrite dans l’économie de la consommation immatérielle, cette mise en scène du « match » entre populisme et oligarchie applique consciencieusement le marketing de l’industrie pornographique, qui consiste à capter l’énergie des individus pour la drainer et l’épuiser par des stimuli sans cesse plus puissants et plus destructeurs. Pour les promoteurs de cette déréalisation mortifère de la vie sociale, peu importent, d’ailleurs, les valeurs au nom desquelles les électeurs choisissent de détruire les instruments de la régulation démocratique, pourvu que celle-ci ne s’en relève pas et laisse le champ libre à une économie de la prédation généralisée. Que l’on écoute avec attention les discours anti-systèmes, « dégagistes » et purificateurs de cette campagne, la façon également dont des intellectuels et des cadres politiques renient leur position et leurs responsabilités pour se faire les porte-parole vengeurs des « damnés de la terre », c’est en effet une impression de jouissance morbide qui s’en dégage. Et l’observateur attentif ne peut que s’alarmer des similitudes objectives entre cette passion nihiliste et la bigoterie mesquine et haineuse qui se développe comme une épidémie du sous-continent indien aux États-Unis. Qui, en effet, peut prétendre trouver dans la haine de Francfort et de Bruxelles la continuité du mouvement social dans sa dimension historique ? Qui ne voit que la haine de l’oligarchie produit non des prises de la Bastille, mais des pogroms ?

Porteur des aspirations à la dignité des peuples, le mouvement social se nourrit depuis le XIXe siècle d’un juste équilibre entre réalisme et idéalisme, dans l’affirmation obstinée et incarnée de ce que le travail n’est pas une marchandise, et que la vie sociale n’est pas un marché. Par ses luttes, le mouvement social ne cherche pas à détruire, mais à bâtir la modernité ; non pas à réduire, mais à cultiver la liberté d’expérimenter, de créer, d’exprimer ; non pas à épurer l’existence humaine de toute jouissance, mais à lui imposer les principes de partage et, aujourd’hui, de souci de la durabilité. Les sciences et les techniques, la connaissance de l’homme et de la nature, les jeux de l’échange eux-mêmes, ne sont pas intrinsèquement des instruments d’oppression, comme une critique nihiliste de la modernité tendrait à le faire croire, mais les enjeux mêmes de la conquête démocratique.

Les mouvements réactionnaires, eux, se nourrissent depuis la même époque de l’anxiété générée par la dynamique de la modernité, et à chaque fois que l’opportunité s’en présente, cherchent à la transformer en panique autodestructrice, le plus souvent au profit de régimes répressifs, qui habillent d’une mythologie de pacotille leur entreprise de pillage des ressources du travail et de la nature. De fait, ce n’est que dans la panique qu’une société peut accepter la perte en rationalité qui lui permet de troquer ses intérêts de long terme contre la satisfaction émotionnelle d’un pur moment de destruction et d’aliénation à une figure fantasmatique de l’ordre, celle du chef providentiel – telle qu’elle se réinvente aujourd’hui en Turquie par exemple. Qui ne se souvient des désastres que causèrent au XXe siècle les échecs ou les trahisons du mouvement social face à cette chimère réactionnaire ?

Or, une analyse clinique de la situation sociale de la France et de l’Europe de ce début de XXI siècle oblige à considérer que le mouvement social se trouve dans un moment de grande faiblesse, en raison d’une part du processus de désindustrialisation et d’automatisation du travail, et d’autre part du développement de la consommation de masse, y compris et surtout de biens immatériels saturés de fausses significations qui inhibent le potentiel d’engagement collectif du corps social. Faut-il s’étonner, dès lors, que les adversaires objectifs du mouvement social encouragent les factions réactionnaires à capter son héritage par une stratégie d’hystérisation des rapports sociaux et de désignation opportuniste de nouveaux boucs émissaires – élites et minorités fondues dans une même altérité menaçante ?

Ainsi, quoi qu’en disent les prédicateurs de la repentance antilibérale, le désespoir aveugle qui semble saisir la société française n’est pas une réaction « naturelle » à la crise économique et sociale, il est produit, entretenu, dirigé. La désignation fantasmatique d’Emmanuel Macron, héritier d’un humanisme européen qui doit une bonne partie de son éthique politique au mouvement social, en ennemi de la nation, n’est pas un produit de l’analyse marxiste, mais du vichysme le plus rance. Nulle surprise à ce que l’extrême-droite se complaise dans cet imaginaire. Mais qu’une partie de la gauche, par aveuglement, ne voie plus dans la démocratie et dans les droits de l’homme que des à-côtés du libéralisme économique, et se place dès lors en alliée objective de la réaction – au seul profit de cette dernière –, voilà ce que l’on ne saurait accepter.

Que l’on ne se méprenne pas sur le sens de cette analyse politique. Les urgences sociales et environnementales sont bien réelles, les menaces géopolitiques hélas substantielles. Le mouvement social ne peut plus, comme naguère, considérer que le temps joue pour lui. La mythologie du progrès a vécu. Mais ce n’est pas en détruisant, dans un autodafé rageur, les instruments du traitement de la crise systémique qui touche le monde actuel – l’intelligence critique et prospective, les règles démocratiques, les institutions transnationales – que l’on va permettre de la dépasser. C’est au contraire parce que le futur proche se présente comme un abîme que l’on ne peut se permettre le luxe de détruire les institutions et les ressources existantes.

Que faire, donc, dans un contexte de pré-panique et de menace de perte collective en rationalité ? Ne pas donner raison à la déraison, ne pas jouer le jeu de l’adversaire, ne rien aliéner du capital symbolique du mouvement social. Résister, garder confiance, préparer son heure, dans une vie syndicale, associative, politique, scientifique et culturelle pleinement réinvestie, voici la mission historique d’un mouvement social national conscient des enjeux de l’époque et de l’échelle à laquelle les choses se jouent. Ce qui signifie, dans une élection présidentielle française scrutée par le monde entier comme un point de basculement décisif entre deux devenirs possibles, défendre, envers et contre tout, les instruments de la démocratie et de la coopération européennes, avec tous les hommes et femmes de bonne volonté qui ne se résignent pas à la guerre de tous contre tous et qui croient encore en la puissance transformatrice de l’intelligence collective.

mercredi 26 avril 2017

ENTRE UN JOUEUR DE PIPEAU ET UNE MARCHANDE DE POISON, QUE CHOISIR ?

Si Macron n’est pas le candidat de la finance, je voudrais bien savoir pourquoi, le lendemain du premier tour qui le voit se qualifier, la Bourse prend d’un coup plus de 4% !

À y regarder d’un peu plus près, le joueur de flûte douce de l’Orchestre de la Mondialisation Heureuse me semble tout aussi facho et tout aussi dangereux que la grosse caisse de l’Orphéon des Fanfarons Nationaux.

Voilà un gugusse sorti de nulle part comme un lapin d’un chapeau par des prestidigitateurs marrons, vieux chevaux de retour du libéralisme le plus pervers, la Banque Rotschild, Attali, Minc, Hollande. Cet ectoplasme brillamment formaté, les médias assujettis au CAC 40 le font gonfler en quelques mois sous les yeux énamourés des ménagères de plus de 50 ans travaillées par une ultime poussée d’œstrogènes.
Sorti de nulle part ? Au fait, il n’aurait pas déjà un sacré bilan, le chérubin virginal à sa mémère ?
Peuple oublieux !
Somme toute, il a seulement inspiré la politique économique stupide et catastrophique du quinquennat qui s’achève (cas de le dire !), du désastreux CICE à la loi El-Komri, qui ne lui paraît pas aller assez loin dans la destruction du Code du Travail, en passant par la grotesque loi fourre-tout qui porte son nom.
Il a accepté et soutenu à peu près toutes les mesures antidémocratiques de ce quinquennat ignoble, de l’usage systématique du 49/3 aux lois liberticides.
Excusez du peu !
Pour un nouveau-né à peine sevré, il a déjà un sacré casier politique, notre angelot…

Et il compte bien l’embellir !
Lui Président, à peine arrivé au pouvoir après une campagne de parfait démagogue, noyant le poisson avec un sens du flou artistique digne de David Hamilton et caressant tout le monde dans le sens du poil, il compte gouverner par ordonnances.
Main de velours, mais gant de fer. C’est qu’il s’agira de faire au plus vite les réformes, je veux dire les régressions qu’attendent ses commanditaires de la haute finance mondialisée, à commencer par ses amis et soutiens, Bolloré, Niel, Drahi, Bergé, j’en passe et des moins pires.
Retraités ou travailleurs, si vous pouvez détacher un instant les yeux du doudou duveteux suavement parfumé Bernard Arnault avec lequel il vous chatouille les narines, jetez un œil à son bilan, et après regardez un peu plus en détail le programme de ce si attachant nounours.
Dites-moi ensuite les yeux dans les yeux que lui Président, ce ne sera pas Hollande en pire !

Mais ne me croyez pas sur parole, renseignez-vous sur l’innocent petit Emmanuel et sur sa fabrication par des médias désormais asservis.
Aude Lancelin, par exemple, vous en dit déjà beaucoup sur son blog avec l’article que voici :


Je joins le lien vers son excellent blog :
Emmanuel Macron, un putsch du CAC 40

Et un lien vers un entretien décapant où elle met en lumière l’état actuel de la presse :
Une discussion avec Aude Lancelin sur l’état (désastreux) de la presse hexagonale

Pas question pour autant d’aller voter Le Pen !
Même si ce serait bien fait pour les salauds qui l’ont amené aux portes du pouvoir et veulent nous refaire le coup du « Tout sauf le FN » !
Tout sauf le FN, vraiment ? Ça veut dire quoi, au juste, ce « Tout sauf le FN ! » bramé par les bonnes consciences hypocrites ou naïves de l’élite autoproclamée ?
Si je comprends bien l’article mediapartien et assez martien publié avant-hier par Noël Mamère, nos élites sont archi corrompues et mènent depuis trente ans une politique injuste et catastrophique, mais il faut voter pour les maintenir en place afin d’éviter qu’arrive au pouvoir un parti fascisant qui, soit dit en passant, ne peut guère être tenu pour responsable du désastre actuel. Bref, soyons modernes, votons pour les salauds à la mode d’aujourd’hui contre les salauds ringards.
Je ne vote pas pour des salauds, d’où qu’ils viennent et où qu’ils prétendent me mener. Raison pourquoi j’avais refusé de choisir entre la peste Chirac et le choléra Le Pen en 2002, pour des raisons évidentes hélas amplement vérifiées par la suite, n’en déplaise à ceux qui confondent commodément bonne conscience et éthique.
J’approuve donc pleinement la position de Mélenchon, parfaitement cohérente avec sa vision du monde et son engagement, n’en déplaise au doucereux Tartuffe qu’est trop souvent le chroniqueur politique de France-Inter. Cohérente elle aussi, la Bourse, malgré le ridicule déni du chroniqueur « économique » de la même radio, a clairement indiqué hier que Macron est bien la divine surprise qu’espéraient les marchés.
Entre deux dangers mortels auxquels je ne peux me soustraire, je choisis le refus de choisir. Choisit-on entre la peste et le choléra ? Rien ne peut légitimement obliger un citoyen doué de raison à participer à un jeu de cons dont il sait pertinemment que les dés sont pipés.

À force de crier au loup…
Il n’est d’ailleurs peut-être pas mauvais de revenir un peu sur le bon usage, si j’ose dire, du Front National par les serviteurs de l’oligarchie financière mondialisée.
Cet usage, si profitable qu’il est devenu systématique, presque réflexe, des manipulations faussement habiles et réellement perverses initiées par le double (à tous les sens du terme) président Mitterand est désormais trop voyant, et explique en partie le rejet de plus en plus violent des partis au pouvoir au profit de l’extrême-droite, qui ne vaut pourtant pas mieux qu’eux, tant s’en faut. Au moins, disent avec une attendrissante ingénuité beaucoup d’électeurs qui votent FN, eux, on ne les a pas encore essayés. Voici donc ce que j’écrivais à ce propos il y a un an :

À force de se cacher derrière le Front National et de le diaboliser pour faire passer leurs turpitudes, les politiciens de droite et de gauche lui ont offert sur un plateau – sur tous les plateaux ! – une audience que ce parti à l’idéologie et au comportement odieux n’aurait jamais obtenue sans leur aide intéressée.
Ces calculs aussi savamment pervers qu’irresponsables ont permis de focaliser l’attention sur un éventuel danger futur en faisant du même coup oublier des dangers on ne peut plus présents.
Le FN est un parti d’extrême-droite, aucun doute là-dessus. Mais les politiques néo-libérales et leur loi de la jungle financiarisée constituent une forme bien plus moderne et dangereuse de totalitarisme, nous sommes en train de l’apprendre à nos dépens !
Car si je déteste le FN, je ne vois pas à quel titre on pourrait lui mettre sur le dos la folle et criminelle dérive libérale-nazie qui est en train de détruire aussi bien l’humanité que son environnement.
Les crises financières, c’est le FN ?
Le dérèglement climatique, c’est le FN ?
Les lois liberticides et autres états d’urgence, c’est le FN ?
Sivens, Notre-Dame-des-Landes, c’est le FN ?
Les centrales nucléaires pourries, le diesel, le compteur Linky, le WiFi, les perturbateurs endocriniens, les pesticides, c’est le FN ?
La vérité, c’est que le FN n’est que potentiellement dangereux, raison bien suffisante pour ne jamais voter pour lui, mais que l’oligarchie financière qui a peu à peu pris le pouvoir depuis une quarantaine d’années est très réellement, très mortellement dangereuse.
Au point d’être aujourd’hui en passe, avec notre lâche complicité, de nous détruire tous.

P.S : Je crois utile de rajouter ici un lien vers le très intéressant BILLET DE BLOG d’Olivier Tonneau sur Mediapart, suivi du commentaire que j’ai cru devoir lui adresser hier soir :

Face au FN : lettre aux Insoumis tentés par l’abstention

Pour l’essentiel, on ne peut qu’être d’accord, c’est un billet utile. Non pour m’amener à voter Macron, ce qui est hors de question, mais parce qu’il pose bien la problématique en jeu.

À un point près, qui détermine mon abstention : je crois qu’il y a une grave erreur de perspective à croire le FN plus dangereux que la mondialisation financière néo-libérale, que je considère comme la résurgence faussement policée des idéaux nazis, "racisme" compris, mais sous une autre forme (on change de bouc émissaire, mais il y a un bouc émissaire, tiens au hasard, le populisme). Macron est de la race des seigneurs, qui finit toujours, comme elle a généralement commencé, par être la race des saigneurs. Aujourd’hui, j’ai bien plus peur du GIGN que des trois douzaines de fascistes à gros bras que peut aligner le Front National, ce fascisme ringard et embourgeoisé. Macron, c’est du dur, et le système actuel, car il y en a bien un, qui s’installe de plus en plus ouvertement à travers la mondialisation numérique, est autrement solide et impitoyable que les partis "populistes" qu’il manipule à son profit, au risque un jour ou l’autre de se brûler les doigts (risque mineur, voir la façon dont industriels et financiers allemands ont réussi à éviter d’être entraînés dans la chute de leur poulain, laissant l’addition au bon peuple abusé). Le Pen rêve chichement d’une France isolée, Macron et ses amis cultivent l’hubris d’une fin de l’histoire encore plus folle que le fantasme hitlérien d’un Reich de 1000 ans.

Je peux me tromper, j’espère me tromper, mais je crains que beaucoup de militants de gauche se laissent aveugler par le doigt qu’on leur présente pour qu’ils oublient de voir la lune. Quant à la violence actuelle, ne serait-elle pas d’abord celle d’un inconscient collectif mondial qui malgré notre aveuglement volontaire a pris conscience du danger mortel que court l’espèce tout entière ? Nous ne sommes pas désorientés, nous sommes paniqués sans même le savoir, et il y a de quoi !

D’où la nécessité de tenter de rester bienveillants, je m’y efforce non sans mal, votre billet m’y encourage…



J’ajoute pour finir l’argumentation reçue du Pardem (auquel je précise que je n’adhère pas, ert avec lequel je ne suis pas toujours d’accord, loin s’en faut) qui mérite à tout le moins d’être examinée. Grosso modo, je me sens plus proche de cette analyse que des braiements des bonnes consciences pharisiennes à la Joffrin, qui se disent de gauche tout en étant de facto des soutiens on ne peut plus actifs du si confortable (pour eux) système financiaro-médiatique.


Ni Macron ni Le Pen,
appel pour leur infliger un carton rouge par l’abstention citoyenne

Par le Parti de la démondialisation

Le 26 avril 2017

En démocratie, voter c’est choisir.

Les électeurs, au premier tour de l’élection présidentielle, ont choisi de liquider les partis duettistes de l’alternance, PS et LR. Mais le 7 mai, pour le deuxième tour, se laisseront-ils berner par les fausses alternatives qu’on leur propose ? Car malgré ce que l’on tente de nous faire croire, Marine Le Pen n’est pas l’inverse politique d’Emmanuel Macron, mais son complément indispensable et l’impasse symétrique. Il n’existe aucun véritable choix, les deux conduisent le peuple dans une impasse.

Voter pour Marine Le Pen reviendrait à voter pour la xénophobie organisée et une vision identitaire de la nation. Ce serait voter pour un programme incapable de sortir notre pays de la crise, qu’il s’agisse du chômage et de la précarité, des services publics et de la protection sociale. Sur ces derniers secteurs, ce serait même à coup sûr une aggravation supplémentaire.
Voter pour Emmanuel Macron reviendrait à voter pour la finance dont il est l’agent direct et pour l’Union européenne. Ce serait prolonger, donc aggraver le cauchemar cinq années supplémentaires, car Hollande faisait du Macron et Macron fera du Hollande (c’est-à-dire du Fillon, du Sarkozy, du Chirac, du Jospin…). Tout son programme repose sur les vieilles recettes néolibérales qui sont les véritables causes de la crise actuelle.

Déjouer le piège grossier du « front républicain » brandi par les duettistes de droite comme de gauche

Le 7 mai, un carton rouge doit être la réponse massive pour sortir du jeu les deux candidats finalistes. La réponse du peuple sera une abstention massive. Cet acte politique de grande portée vise, d’abord, à délégitimer le résultat de cette élection présidentielle et à affaiblir son vainqueur. Si le total des abstentions, des blancs et des nuls est supérieur à 50%, ou même dépasse le score obtenu par le gagnant du deuxième tour, c’est le peuple qui détiendra la légitimité. Il sera fondé à l’exprimer dans la rue par la mobilisation sociale. Donner un carton rouge par l’abstention massive vise à reconstituer le peuple en tant que corps politique souverain.

Il est d’autant plus important de délégitimer ces deux candidats néfastes qu’ils auront tous les deux bien du mal à réunir une majorité parlementaire claire et stable. S’ils ont été mal élus, avec une faible participation, leur capacité de nuisance, énorme pour tous les deux, en sera d’autant plus réduite. C’est donc le seul acte électoral responsable devant les dangers pour le peuple que représentent ces deux personnages.

Carton rouge aux pseudo bien-pensants à la solde du système néolibéral et de l’Union européenne

Comme en 2002, les appels à « barrer la route à l’extrême droite » se multiplient et à « sauver l’Europe » du péril que représenterait l’élection de Madame Le Pen. Un rassemblement artificiel s’est constitué pour soutenir Monsieur Macron, allant du PCF à la CFDT, en passant par Messieurs Hollande, Valls, Fillon, Juppé, Madame Arthaud, le PS, LR, EELV… Ils sont à l’unisson avec les vibrantes déclarations de Madame Parisot et de Monsieur Gattaz du MEDEF, du milliardaire Bernard Arnault… Malgré leur défaite électorale du 1er tour, il ne leur vient pas à l’idée que leur alliance prétendument anti-FN est contre-productive, suscitant au contraire un surcroît de rejet à leur encontre, qui pourrait se traduire par une forme de neutralité, voire même des signes de sympathie à envers ce FN honni par l’« Établissement ».

Ils refusent de voir – ou plus exactement font semblant de ne pas voir – que les deux finalistes sont les deux faces de la même médaille, et qu’ils incarnent chacun à leur façon le système. Le FN a été installé précisément pour rendre tout choix politique impossible, en permettant l’assimilation de tout projet de démondialisation au FN. Car qui, en effet, pourrait voter pour la haine, la xénophobie, l’attisement de toutes les peurs ? Le vote pour le « moins pire » est ainsi présenté comme un acte de résistance pour sauver le pays. Les partis se revendiquant de gauche ou de droite, main dans la main avec le grand patronat, une fois encore, s’unissent pour rappeler au peuple qu’il n’y a pas d’alternative.

À chaque fois qu’un « front républicain » de pacotille se constitue, le résultat est toujours la consolidation du Front national, qui se voit ainsi formidablement crédibilisé comme l’ennemi public numéro un des partis en place. Alors qu’il en est le secret compagnon, le complément indispensable.

Avec cette conception, l’oligarchie pourra continuer éternellement d’agiter l’épouvantail FN. Il est stupéfiant d’observer, à cet égard, comment cette manipulation du PS (depuis Mitterrand) a anesthésié des colonies entières de « révolutionnaires » et d’ « antifascistes » en peau de lapin, qui se font rouler dans la farine et croient encore qu’il existe actuellement une menace fasciste en France. Le FN est certes xénophobe et néfaste, mais il ne porte pas un projet fasciste dont personne ne veut aujourd’hui, surtout pas les classes dominantes qui ont à leur disposition un système bien plus efficace : l’Union européenne et l’euro.

Délégitimer le vainqueur du 2e tour

Au premier tour, pour la seconde fois dans l’histoire de la Ve République (après 2002), le nombre et donc le pourcentage des abstentions, des blancs et des nuls a été supérieur au résultat du candidat arrivé en tête, Emmanuel Macron. Ce dernier obtient 8 433 346 voix (18,21%) des exprimées, alors que le total des abstentions, des blancs et des nuls est de 10 912 694 (23,34%).

Ces Français-là ne se sont pas sentis représentés parce qu’on ne leur proposait aucune sortie crédible de l’impasse néolibérale. Ils n’ont pas oublié que nous vivions toujours dans un ordre institutionnel qui n’est plus légitime depuis que le Parlement a adopté en 2008 le traité de Lisbonne et bafoué le NON au référendum sur le traité constitutionnel de 2005. Le Pardem est à leur côté pour délégitimer dans les urnes des candidats illégitimes dans les faits.

Nous appelons tous les citoyens qui ne sont pas dupes de la mascarade de ce 2e tour, tous les citoyens qui ne veulent plus du néolibéralisme, tous ceux qui ont voté au premier tour pour l’un des quatre candidats euro-critiques (Asselineau, Cheminade, Dupont-Aignan, Mélenchon), les syndicalistes, à se mobiliser le 7 mai pour infliger à Madame Le Pen et à Monsieur Macron, représentants du système, un immense carton rouge par leur abstention !
Carton rouge pour Macron et Le Pen ! Abstention citoyenne !

dimanche 12 mars 2017

PARLEZ, MON GÉNÉRAL !

PARLEZ, MON GÉNÉRAL !

Jamais eu envie de pratiquer le spiritisme.
Mais aujourd’hui, pour la première fois, ça me démange !
Vous n’aimeriez pas demander à de Gaulle ce qu’il pense de son émule mise en examen, de ses actes, de sa conduite, de sa campagne ?
Pas sûr que le candidat résistant aimerait beaucoup les réponses du Général, qu’il imite si mal qu’on croirait qu’il le confond avec Pétain.
Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai du mal à croire que son grand homme ferait Courage Fillon Compagnon de la Libération.
Peut-être la médaille de la Résistance, à condition d’enlever la majuscule, afin que le costume ne soit pas trop grand pour lui…

mercredi 8 mars 2017

LA CAROTTE ET LE BÂTON


Pour qui voter ? Pourquoi voter ?

Cliquez sur la vignette pour voir pour qui vous devez voter…


LA CAROTTE ET LE BÂTON



Pour ce premier tour, nous disent éditorialistes et sondages, afin d’éviter que l’extrême Marine soit en tête, vous avez le choix, carotte ou bâton ?
Donc, nous avons le choix. Entre Macron et Fillon, entre la carotte et le bâton.

Ce que j’appelle le libéral-nazisme, ce régime oligarchique faussement démocratique et insidieusement dictatorial nous donne encore (pour combien de temps ?) le choix.
Nous serons violés, mais ça peut se faire doucement ou non.
Je commencerai par rappeler que proposer un faux choix, une fausse alternative, c’est déjà un viol, comme était déjà un viol le « There is no alternative » de cette brave Mrs Thatcher.
Dans les deux cas, il y a viol, puisqu’on prétend nous imposer quelque chose dont nous ne voulons pas et que dans un cas comme dans l’autre ce faux choix sera irréversible.
« Ou tu me laisses te baiser, ou je te viole », tel est le choix qu’on nous offre, si j’ose dire.

Fillon, c’est la version brutale. Le passage en force.
Jusqu’ici, le libéral-nazisme mondialisé, surfant sur l’addiction numérique, s’est installé en douceur, évitant autant que possible l’usage du bâton, mais n’omettant pas de montrer qu’il existe, et qu’il est gros.
Tôt ou tard, la méthode forte dont se rengorge le viril Fillon s’imposera, à mesure que s’aggrave le désastre causé par une mondialisation économique gérée par 1% de prédateurs aux dépens des 99% qui constituent leurs proies plus ou moins consentantes. Pour que les riches continuent à s’enrichir, il faut bien prendre l’argent chez ceux à qui il en reste un peu…

Macron, c’est la version douce. C’est lisse comme une pub de yaourt, soft comme un paquet de Lotus triple épaisseur, commercialement consensuel comme un sourire de Pujadas.
Soft, Macron ? Les « réformes » (entendez les régressions) que ce godelureau veut engager sont tout aussi radicales voire davantage que celles qu’annonce l’agité du bocal sarthois, tant en ce qui concerne l’emploi, toujours plus précaire, que pour les retraites, toujours plus tardives et réduites, ou la finance, qu’il veut toujours plus libérée, afin que nous en soyons toujours davantage captifs.

Le fonceur fou fronce les sourcils, l’affable banquier arbore un sourire ingénu. Le premier nous saute dessus bille en tête, le second nous joue la sérénade avant de nous enlacer.
Nous avons le choix, le tank ou le landau…
Dans les deux cas, pile, ils gagnent, face, nous perdons. TINA !

Devant cette violence de plus en plus évidente à mesure que s’accélère la fuite en avant causée par une panique humaine mondialisée d’autant plus irrésistible qu’elle est refoulée dans l’inconscient collectif par un déni encore à peu près absolu, que pouvons-nous faire, citoyens lambda dépassés par les événements ?
Deux attitudes à première vue possibles, pas forcément efficaces, mais qui au moins soulagent, la marotte ou le Caton, Charline ou Mélenchon.
Le fou du roi, qui brocarde ce pouvoir devenu fou, ou le censeur, qui dénonce et dévoile la réalité sordide cachée derrière les grands mots.
Les deux attitudes peuvent se recouper, l’essentiel étant d’arracher de notre mieux leurs masques à ces détestables polichinelles (au sens exact du terme1) tout en sachant que ceux qui ne veulent pas voir la réalité en face continueront à voir le masque même quand nous leur aurons fait toucher le mufle.

Une dernière possibilité s’offre à nous, une autre façon de résister et pas la pire selon moi, tourner le dos à ce cirque malsain et s’abstenir : refuser de voter tant que ce ne sera pas pour une Constituante nous permettant de passer de la Ve à la VIe.

Une chose est sûre : si notre incorruptible employeur fictif est élu Président de la République, ce qui serait à mes yeux de la part des électeurs à la fois une erreur et un crime, je ne céderai pas. Suivant son exemple exaltant, à mon tour, je résisterai ! Pas question de reconnaître à ce démagogue populiste plus de légitimité qu’il n’en reconnaît aux juges.
En attendant, je n’aurai pas un mot d’injure envers lui : je n’en trouve aucune suffisante. Sa conduite seule suffit à le juger.
Quant à Macron, sous-marin doucereux de la mafia financière qui dirige de fait notre planète mondialisée, tout doit être fait pour lui barrer à lui aussi la route du pouvoir, son avenante carotte « nouvelle » n’étant qu’un grossier trompe-l’œil, alléchant emballage censé dissimuler la potion magique néo-libérale, ce poison mortel qu’est l’argent-roi.
Le « vote utile », ce piège à électeur gogo, est non seulement inutile mais nuisible.
Le seul vote utile, parce que c’est le seul vote honnête, c’est le vote de conviction.
Ce qui implique d’admettre que l’abstention est parfois le seul vote possible.
Nous aurons une chance d’entrer en démocratie le jour où une majorité d’entre nous sera capable de refuser de participer à ce perpétuel jeu de dupes qu’est l’élection présidentielle, pardon pestilentielle, pour exiger une refondation de nos institutions.
Ce n’est sans doute pas demain la veille…

Comme le prouve ce matin même sur France-Inter le ralliement au financier ultra-libéral d’un des plus purs représentants de la gauche bidon néo-libérale, Delanoé, en une pantomime jésuitique et tartuffesque digne de remplacer la danse du ventre du père Larcher dans le Livre Guinness des records.
C’est Carnaval, et valsent les polichinelles !
Grazie infinite, dit Marine.

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1 Définition du grand Robert : Polichinelle : Personne inconsistante dont les opinions changent sans cesse. Cf Fantoche, Marionnette. Traiter les ministres de Polichinelle.
Et Voltaire : « Ce monde est une grande foire où chaque polichinelle cherche à s’attirer la foule. »

mardi 7 mars 2017

CANCER NÉO-LIBÉRAL ET SERVITUDE VOLONTAIRE...

Et pendant ce temps-là…

Baie de Wissant, 22 décembre 2016


CANCER NÉO-LIBÉRAL ET SERVITUDE VOLONTAIRE


Il n’y a pas de différence de fond entre les entrepreneurs néo-libéraux, la race des seigneurs nazis et la nomenklatura communiste soviétique. Les mêmes « valeurs » sont à l’œuvre dans leur élitisme aussi féroce qu’injustifié, le même cynisme et les mêmes comportements de prédation et d’accaparement.
Ceux que j’appelle les libéraux-nazis ont simplement remplacé la propagande par la communication, se sont avancés masqués un peu plus longtemps. Mais ils vont aussi loin que leurs prédécesseurs dans l’exploitation de l’homme par l’homme. Et ils manquent tellement de mesure et de bon sens dans leur comportement qu’on peut se demander si leur fuite en avant ne révèle pas le désespoir fondamental qui habite tout homme de pouvoir et de profit, tout esclave du veau d’or.
Comme les nazis et les staliniens, les néo-libéraux n’ont en fin de compte qu’un but, qu’une visée : exercer un pouvoir de plus en plus absolu dans tous les domaines. En ce sens, ils sont aussi fondamentalement nuisibles qu’eux, leur ambition n’étant pas seulement illégitime et destructrice, mais littéralement contre nature – comme le prouve le saccage programmé de notre environnement.
Rendre la vie à peu près impossible à 99% des humains pour enrichir le 1% restant, voilà l’idéal du néo-libéralisme : la liberté totale d’une minorité ne peut se construire que sur le total esclavage de la majorité.
La réussite des néo-libéraux, ç’a été, grâce à la communication (Le Lay et Gœbbels, même combat) et avec l’aide intéressée d’une prétendue science économique qui cache sous des oripeaux pseudo-mathématiques l’idéologie la plus grossière et la plus sommaire, d’imposer leur dictature sans trop passer par la violence physique, le militarisme et les « forces de l’ordre », du moins dans les débuts et dans les pays de tradition démocratique, le caractère ultra violent des libéraux-nazis apparaissant en revanche très tôt au grand jour dans le traitement réservé aux pays pauvres.
Consommation et communication ont ainsi permis d’obtenir que les citoyens, renonçant à la démocratie, se mettent pratiquement d’eux-mêmes dans l’état de servitude volontaire si justement dénoncé il y a déjà bien longtemps par La Boétie.
Comme tous les régimes d’essence fasciste, au-delà des grands mots et des théories fumeuses censées masquer la réalité crue de la recherche du pouvoir et du profit, les régimes néo-libéraux fonctionnent sur un système oligarchique de type mafieux mis en place par des élites auto-proclamées. Il y a déjà un bon moment que les états occidentaux ne sont plus que des caricatures de démocraties qui virent peu à peu au régime autoritaire et policier sans lequel la prédation libérale-nazie ne pourrait se maintenir au-delà d’un certain seuil. Voyez la dérive de ce dangereux pantin qu’est Fillon…
En effet, le problème des néo-libéraux (revers de cette insatiable avidité qui fait leur force et qui est particulièrement visible dans la progression géométrique de la corruption, des paradis fiscaux et des rémunérations des grands de ce monde), c’est qu’ils ne savent pas s’arrêter à temps, c’est à dire au moment où l’oppression, ne menaçant pas encore la survie des opprimés, demeure « acceptable », « gérable », pour parler comme eux.
Comme Hitler voulait toujours plus d’espace vital, comme Staline voulait toujours mieux contrôler l’état et la population, les fous de pouvoir et de profit en veulent toujours plus. Jusqu’à la caricature : rémunérations démentes, profits insensés, escroqueries colossales, domaines immenses (voir par exemple l’accaparement de la Patagonie par ces nouveaux riches), prise de possession des grandes villes par la spoliation des couches populaires (Paris, Venise sont de bons exemples de ces nettoyages par le vide), bref privatisation progressive du patrimoine commun de l’humanité. C’est Goering razziant les musées européens, c’est le régime nazi dépouillant les juifs.
Si bien que tôt ou tard, quand la cruauté du système se fait jour à travers son discours lénifiant, les libéraux-nazis sont contraints de passer à la version dure – que d’ailleurs beaucoup d’entre eux appellent de leurs vœux (lié à leur incapacité à aimer, le sadisme plus ou moins policé de la plupart des hommes de pouvoir et de profit transparaît régulièrement dans leurs relations à autrui comme dans leur discours).
Répression, état policier, obsession sécuritaire, contrôle de la population, terrorisme et contre-terrorisme, tous les ingrédients de la mise en place du régime dictatorial-libéral sont peu à peu mis en œuvre. Mais il est clair qu’en dépit de ses efforts désespérés le néo-libéralisme finira par s’autodétruire d’une façon ou d’une autre : il est dans sa nature d’être contre nature, l’idéologie libérale n’est pas viable et la vie la fera disparaître tôt ou tard.
Comme tous les systèmes d’exploitation de l’homme par l’homme, le libéral-nazisme est un cancer. Cette tumeur parasitaire finit par détruire l’organisme dont elle se nourrit, et la mort de la victime entraîne celle de son bourreau : le cancer meurt de sa victoire même.
Au faîte de sa puissance, le néo-libéralisme est déjà en chute libre et ses tenants le sentent, plus ou moins consciemment – ce qui décuple leur rage de pouvoir et de profit en attisant leur fondamentale insécurité.
Car contrairement à ce qu’ils prétendent, les libéraux-nazis ne sont pas des riscophiles – ou seulement pour les autres ! Les seuls risques qu’ils prennent, ce sont ceux dont ils ne se rendent pas compte. L’idéologie néo-libérale est une idéologie de la peur généralisée, et les ultralibéraux sont l’incarnation même de la trouille, de la peur de vivre, de la lâcheté devant l’autre et de la haine ; ils ont du présent une telle peur panique qu’ils sont prêts à lui sacrifier le passé et l’avenir.
Le problème, c’est que les néo-libéraux nous entraînent avec eux dans leur chaos final, tout comme Hitler a enseveli l’Allemagne avec lui dans son apocalypse, tout comme l’implosion du communisme a détruit la société russe.
Entre ceux qui prophétisent la fin de l’histoire, ceux qui voulaient un Reich de mille ans, et ceux qui annonçaient la lutte finale et les lendemains qui chantent, il y a la naturelle complicité des « idéaux » totalitaires…
Hitler a certes perdu la seconde guerre mondiale. Mais il est en train de gagner la troisième. Il ne trouverait rien à redire au faux darwinisme néo-libéral qui érige la force en droit et le pouvoir et le profit en raisons de vivre : une telle idéologie mène en toute logique à la consécration d’une race de seigneurs exploitant les faibles et liquidant les déviants.
Sida, guerres civiles et génocides constituent ainsi le début d’une solution finale du problème africain. Dérégulation et délocalisation sont l’amorce d’une solution finale du problème de l’emploi ; et les OGM, prévus pour asservir les paysans aux semenciers, sont essentiellement le début d’une solution finale au problème de l’auto-suffisance…
Liquider tout ce qui fait obstacle à sa mégalomanie, tel est le vrai programme du néo-libéralisme. C’est pourquoi, allant au bout des logiques totalitaires nazie et soviétique, le cancer néo-libéral ne détruit pas seulement l’humanité, mais la nature et met en péril la planète entière.
Parce que, pour la première fois dans l’Histoire, l’homme de pouvoir, ce raté de l’évolution, est en mesure de réaliser ses rêves et de concrétiser sa démence, l’humanité est en danger de mort.
Nous ne sommes pas assez nombreux à être convaincus que l’humanité doit muter ou disparaître. Muter pour mûrir, ou s’entêter pour mourir, je l’écrivais déjà il y a plus de trente ans, Cassandre parmi d’autres.
Rien n’a changé. Ce n’est pas par hasard.
Il faut reconnaître que si les hommes de pouvoir sont encore au pouvoir, c’est parce qu’au fond de nous, nous les acceptons. Nous nous sentons plus ou moins solidaires de nos bourreaux, ils sont un peu nos héros, ceux qui se permettent ce que nous n’osons pas nous autoriser. Tout comme les allemands se sont plus ou moins consciemment sentis solidaires d’Hitler, tout comme beaucoup de russes se sont sentis solidaires de Staline, nous sommes dans notre grande majorité plus ou moins consciemment solidaires de la consommation, de la croissance, du développement, de l’économisme et de la « loi de la jungle » ; nous espérons une petite part du gâteau, ou au moins quelques miettes, nous voulons davantage tirer notre épingle de ce jeu absurde qu’y mettre fin.
C’est notre acceptation des hommes de profit et de pouvoir, ce sont notre résignation à leur idéologie, notre acquiescement à leur existence qui leur donnent un pouvoir qu’ils ne pourraient prendre et encore moins conserver sans notre complicité.
Comme le lapin par le cobra, nous sommes encore presque tous fascinés par ce que j’appelle les trois P, cette Sainte Trinité de l’inhumanité : le paraître, le pouvoir et le profit. Et d’autant plus paralysés que nous croyons sincèrement au quatrième, qui sert de masque aux trois autres : le Progrès.
Tant que l’essentiel des motivations humaines se résumera aux trois P, tant que nous accepterons que l’être humain puisse ne raisonner et agir qu’en termes de paraître, de pouvoir et de profit, aucun progrès digne de ce nom ne sera possible.

jeudi 9 février 2017

IL N’Y A PLUS D’OISEAUX

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Bien sûr, je pourrais prendre des précautions oratoires, ménager mes chers petits lecteurs : après tout, je peux me tromper, j’espère me tromper. Mais c’est bien ainsi que je sens les choses depuis près de quarante ans, les faits ne me contredisent malheureusement pas, il me faut donc bien donner mon son de cloche, même s’il a des allures de glas.


IL N’Y A PLUS D’OISEAUX…



Il n’y a plus d’oiseaux.
Cette année, pour la première fois, dans mon jardin, il n’y a plus d’oiseaux.
Peu vous chaut ? Vous avez bien tort.
Ce n’est pas seulement dans mon petit jardin montagnard si longtemps préservé qu’il n’y a plus d’oiseaux. C’est notre planète qui perd ses oiseaux à toute allure, comme tout le reste d’ailleurs, insectes, poissons, amphibiens, coraux, banquises, et qui s’apprête à nous perdre.
Depuis des décennies, pendant l’hiver souvent très hivernal de la Vallée, je nourrissais mes oiseaux, qui m’ont toujours bien fait comprendre qu’ils n’étaient pas du tout « mes » oiseaux, mais des compagnons de passage qui ne me devaient rien, tout en me donnant beaucoup par leur seule présence.
J’ai vu peu à peu leur nombre et leur diversité diminuer, s’abréger la durée de leur présence, et depuis quelques mois je ne les vois plus.
Un merle, un seul, hante encore le jardin, quelques corbeaux passent un instant au sommet du grand épicéa, tous portent le même deuil, celui des passereaux.
J’avais chaque hiver, en sus de la présence quasi permanente des mésanges charbonnières et bleues, la visite de la mésange nonnette et de la mésange noire, celle de la mésange huppée, et parfois, brièvement, le passage de l’acrobatique petite troupe des mésanges longue-queue.
Le poirier m’offrait les déplacements assez vertigineux du grimpereau et de la sitelle torchepot, qui venait souvent à la mangeoire dont ne s’approchait qu’avec circonspection le rouge-gorge.
À part la sitelle, entr’aperçue une ou deux fois, je n’ai pas encore vu un seul de ces oiseaux cette année, même au moment du froid le plus vif, quand il faisait –16°. Par le passé, le jardin servait souvent de refuge à des migrateurs fatigués, il a ainsi hébergé pendant un mois en décembre 2007 un couple de grives litorne.
L’été dernier, la fauvette était là, mais pas le rossignol. Très peu de martinets, très peu d’hirondelles. Je n’ai pas revu le pic épeiche, ni la huppe, ni le pinson des arbres encore fréquent il y a peu, ni les gros becs casse-noyaux, ni les rouge-queue. Je n’ai vu cet été qu’une seule bergeronnette grise, un seul geai est passé becqueter les poires du poirier cet automne. Même la pie semble avoir disparu.
Cette désertification s’est produite en moins de dix ans, et elle n’a cessé de s’accélérer depuis trois ans, au point que la gent ailée semble en voie d’éradication dans mon quartier, contrairement aux moustiques…
Verrai-je encore arriver dans quelques semaines le couple de chardonnerets qui depuis quatre ans faisait son nid décoré de myosotis en haut du vieux poirier, au-dessus du nichoir dévolu au couple de mésanges bleues ? Entendrai-je encore, début mai, la flûte tremblotante et pure du petit-duc ?
Ces questions-là, je m’en excuse humblement auprès de mon lecteur, me paraissent autrement plus importantes, même pour ledit lecteur, et à vrai dire pour nous tous, que le fait de savoir si cette sinistre canaille de Fillon-Ulysse réussira ou non à poursuivre en compagnie de sa Pénélope si bien nommée sa minable Odyssée de candidat de l’hypocrisie, de la corruption et du déshonneur. Les escrocs et les tartuffes passent, la vie continue, du moins je l’espère, mais n’en suis plus si sûr : il n’y a plus d’oiseaux dans mon jardin.

Le hasard, s’il existe, m’a fait tomber tandis que je relisais ce billet sur une fable de notre bon La Fontaine (comme aimaient à l’appeler benoîtement les manuels de ce siècle bourgeois que fut le 19e).
Au moment où notre excessif et trop rapide « progrès » semble se retourner contre nous, cette fabulette prend des allures de prophétie…

Cliquez sur la vignette et la fabulette cherra ! {PNG}
Cliquez sur la vignette et la fabulette cherra !



Dans le prolongement de ce que je viens d’écrire, cela vaut vraiment la peine de voir « La Vallée des loups » de Jean-Michel Bertrand, de lire « Le génie de la bêtise », dernier opus de Denis Grozdanovitch, « La silicolonisation du monde » d’Éric Sadin, « Une brève histoire de l’extinction en masse des espèces » de Franz Broswimmer et « Osons rester humain » de Geneviève Azam. Et, cerise sur le gâteau, de déguster le délicieux et profond petit livre que remettait sans cesse sur le métier mon défunt ami Georges Roditi, « L’esprit de perfection ».

Et puis, pour plus tard, les « Cinq méditations sur la beauté » de François Cheng, et Suarès, tout Suarès, par petits bouts s’il vous nourrit trop. C’est un immense privilège de pouvoir méditer en compagnie de ce prophète de vie, ennemi juré de tous les faux prophètes, fou d’exigence et à mes yeux le plus grand poète en prose qu’ait connu la langue française.


P.S : À propos, entre autres, d’Emmanuel Macron et François Fillon :
CE N’EST PAS PARCE QU’IL N’Y A PLUS D’OISEAUX QUE VOUS DEVEZ NOUS PRENDRE POUR DES PIGEONS !
Si vous voulez vous faire une idée de ce qu’est réellement la Macronite aiguë, cette épidémie de marketing populiste propagée par l’oligarchie libérale-nazie, l’article en PDF ci-dessous peut utilement contribuer à votre information. Une chose est sûre, impossible d’être plus intégré au « système » que ce candidat prétendument hors système !
Petit robot à la carrosserie brillante, parfaitement formaté, Macron est le dernier avatar des Terminators liberticides fabriqués par les maîtres de la mondialisation technologique antihumaniste. C’est, tout bêtement, le candidat des multinationales. Et c’est bien pourquoi, pour citer l’article en question, « Emmanuel Macron n’apprécie guère qu’on le réduise à son passage chez Rothschild, célèbre banque d’affaires où il conclut avant d’entrer à l’Élysée le rachat des laits infantiles de Pfizer par Nestlé, énorme opération à 9 milliards d’euros qui lui rapporta gros (lire notre article). »
Quand on sait les terribles dégâts provoqués particulièrement en Afrique par les campagnes anti-allaitement au sein et l’usage de laits en poudre pour bébés, on voit de quoi est réellement capable cette sinistre caricature d’enfant de chœur.


LA MACRON COMPANY



Dans le même ordre d’idées, l’article qui suit renvoie à un rappel bien utile de ce que cache un certain centrisme, dont le cœur n’est « ni de droite ni de gauche », pour la bonne raison qu’il a un portefeuille et un bulldozer à la place.

Si vous êtes abonné à Mediapart, suivez ce lien pour voir les photos…
https://blogs.mediapart.fr/bertrand-rouzies/blog/060217/ce-que-loeuvre-de-lecanuet-nous-dit-du-projet-de-macron

CE QUE L’ŒUVRE DE LECANUET NOUS DIT DU PROJET DE MACRON

6 févr. 2017 par Bertrand Rouzies blog : le blog de Bertrand Rouzies
Emmanuel Macron n’a pas encore pu apprécier directement les effets du progrès "en marche" tel qu’il le conçoit, mais les habitants du secteur prolétarien du vieux Rouen se rappellent bien ce que son modèle, Jean Lecanuet, qui fut maire de la ville, entendait par libéralisme modéré et moderne.
Il n’aura échappé à personne qu’Emmanuel Macron, papier tue-mouche idéologique, a emprunté à Jean Lecanuet, du temps où celui-ci, sémillant quadra, taillait des croupières à De Gaulle à l’élection présidentielle de 1965, la formule « en marche », ainsi que le vernis de renouveau dont il enrobe sa profession de foi. Mais qu’est-ce que peut bien signifier une marche qui, sous couvert de libération de l’esprit d’entreprise, ne change rien aux fondamentaux du « darwinisme social », lequel attribue « au plus fort la pouque », comme on dit en Normandie ? Éléments de réponse en images.

À la fin des années 1960, Jean Lecanuet, qui accède à la mairie de Rouen, décide, conjointement avec le ministère de la reconstruction et de l’urbanisme (MRU), d’accélérer le processus de « rénovation » du centre ville historique en faisant démolir purement et simplement près de 80 % du secteur prolétarien épargné par les bombardements de 1944, soient les quartiers Saint-Nicaise, Croix-de-Pierre et Martainville, où vivait un Rouennais sur trois. De l’aveu même d’un fonctionnaire du MRU, pris d’un accès démiurgique, la Seconde guerre mondiale « n’[avait] pas assez rasé Rouen »[1]. On prétendit mieux faire que les forteresses volantes.

Ces quartiers prolétariens, qui concentraient 40 % des garnis de la ville, comptaient nombre d’immeubles insalubres, dont les courées sales et obscures, embuées par d’incessantes et vaines lessives, abritaient germes tuberculeux, ateliers de fortune, jardins potagers et trafics en tout genre. On ne s’y aventurait pas sans risques à partir d’une certaine heure et par les nuits sans lune. Voilà pour la caricature, en partie vérifiée, bien entendu, car pour le reste, il y régnait une convivialité que tous les anciens habitants regrettent amèrement. La misère endémique n’excluait pas une grande mixité sociale, et même – comme cela sonne étrangement à nos oreilles ! – culturelle, puisque que des familles somaliennes vivaient là, attirées par les promesses de travail sur les chantiers de la reconstruction, en parfaite harmonie avec les indigènes, des Cauchois et des Bretons, fondus les uns dans les autres depuis le XIXe siècle. Ces quartiers, très scolaires et très religieux, possédaient tous les commerces utiles, en plusieurs exemplaires et parfois en vis-à-vis. Le bâti était vétuste, certes (la faute à la manie de plâtrer les pans de bois, qui accélérait, en emprisonnant l’humidité, le pourrissement des structures, et aux deux guerres mondiales, qui, en gelant les loyers, avaient privé les propriétaires des moyens d’entretenir les toitures et la zinguerie), mais restaurable. Certaines demeures à encorbellement remontaient au XIVe siècle et côtoyaient d’élégants hôtels particuliers de style Henri II. Quasiment toutes les maisons et immeubles étaient à colombages plus ou moins apparents.

Sur les 2 410 immeubles du secteur est, 132 seulement tombaient sous arrêté de péril. 600 autres réclamaient des réparations urgentes[2]. Mais non, on ne fit pas dans la dentelle. La marche en avant de Lecanuet piétina tout cela, sauf les plus belles pièces, démontées et remontées en décor moyenâgeux dans l’hypercentre touristique, et l’on bétonna et l’on goudronna à tour de bras, parce que c’était à la mode, parce que ça faisait propre, parce qu’il fallait produire du neuf à tout prix et fournir des débouchés aux cimenteries et aux aciéries françaises. On nettoya du même coup la population. Les trois-quarts des habitants, incapables de payer les loyers des immeubles modernes qui se dressèrent à la place de leurs bicoques, furent « déportés » (c’est leur mot) et dispersés dans de nouveaux ensembles moins cossus, à la périphérie, loin de leurs repères et de leurs amis. Les quartiers est n’avaient pas été ravagés par les bombardements, ils le furent par les urbanistes et la municipalité. Lorsqu’il fut décidé de détruire l’îlot B (quartier bas Saint-Nicaise), un des lieux les plus pittoresques de la ville, où André Hunebelle était venu tourner en 1962 Les Mystères de Paris, la pilule passa tellement mal que, la main sur le cœur, on dut promettre en vrac l’installation d’artisans d’art, l’ouverture d’hôtels, de restaurants, de galeries, d’une Maison de l’Europe, d’une Maison des jeunes, d’une Maison de la culture et d’un cinéma d’art et d’essai. Rien ne tout cela n’advint et de bêtes clapiers poussèrent, pour lapins aisés. Un dortoir résidentiel. Un de plus.

Lecanuet orchestra avec le sourire un massacre sociologique de masse, par ignorance de ce qui fait le tissu conjonctif d’une ville vivante. S’il s’était posé un peu avant de se mettre en marche, il n’eût pas abîmé « sa » ville comme il l’a fait, il n’eût pas imposé sa conception hygiéniste et eugénique de l’épanouissement et du mieux-être à des Rouennais plus riches humainement que matériellement, qui perdirent dans l’opération le peu qu’ils avaient. Il n’y eut certes pas mort d’homme, mais une mort sociale a de multiples conséquences, et pas des moins ravageuses pour les générations qui suivent.

Le néo-libéralisme macronien a une dentition refaite mais il mord comme l’ancien, car il repose sur les mêmes présupposés. La meute des accapareurs aux pieds lourds ne s’y est d’ailleurs pas trompée, qui l’entoure de ses lapements énamourés, prête à tout mettre en œuvre pour que la marche en avant fasse du sur place. Énième resucée de l’adage guépardien : « Il faut que tout change (en surface) pour que rien ne change (en profondeur) » À bon entendeur…


[1] Patrice Quéréel, Tout pour la gueule, Rouen 1952, une mission photographique en secteur prolétarien, Rouen, Asi Éditions, 2006, p. 11.
[2] Michel Quoist, La Ville et l’Homme, Rouen, Étude sociologique d’un Secteur prolétarien, Paris, Éditions Ouvrières, 1952.

Même un d’Ormesson ne s’est pas laissé prendre aux grosses ficelles macroniennes…




DEUX MISES AU POINT BIEN NÉCESSAIRES FACE À L’INCROYABLE MAUVAISE FOI D’UN POLITICIEN VÉREUX…

RÉAGIR FACE À LA CORRUPTION



Noël Mamère
Le 07/02/2017
Le « Fillongate » dépasse de loin tout ce qu’on a connu des Chirac et autres bonimenteurs, dans la mesure où le candidat de la droite a remporté la primaire de son camp sur la vertu, l’intégrité et l’honnêteté, reprochant, en sous texte, à son principal adversaire de ne pas l’être. Aujourd’hui, malgré une conférence de presse visant à le réhabiliter, François Fillon est devant ses contradictions ; l’homme public soi-disant vertueux ne parvient plus à effacer l’homme d’argent, le gagne-petit, prêt à toutes les combines et à tous les conflits d’intérêt pour épaissir son matelas de châtelain. Désormais, comment va-t-il pouvoir imposer son programme d’austérité à la Churchill avec « du sang et des larmes », pour les pauvres et une baisse des impôts pour les plus riches, 500 000 fonctionnaires en moins et l’allègement du Code du travail ? Aucune opération de communication, aussi habile soit-elle, ne parviendra à faire oublier ces montages mesquins organisés pour s’enrichir sur le dos du contribuable. Et ces « salauds de pauvres » auxquels il veut s’en prendre devront avoir de la mémoire et dire qu’on ne la leur fait pas. 
C’est le même Fillon qui, en 2007, avait déclaré la « France en faillite », tentant d’incarner avec sa figure de triste sire, le remède miracle, la potion magique du redressement du pays, administrée comme des lavements, aux salariés, chômeurs, retraités.
Le candidat de la droite est la caricature de la caste politique dont il était jusqu’alors une des têtes de gondole. Il est victime d’abord de lui-même : ce titulaire incontesté du Master d’Hypocrisie politique a été pris à son propre piège. Il s’est fracassé sur l’autel de la vertu. Ce qui apparaissait juste normal avec Sarkozy ou Le Pen, est devenu insupportable à l’ensemble des Français mais surtout à son propre électorat qui s’est senti floué, volé, arnaqué. Il avait tant misé sur le personnage que la déception n’en est que plus grande. Fillon est devenu synonyme de Filou. Le Cahuzac de la droite est désormais disqualifié politiquement. Ce qui choque dans cette affaire est bien le décalage entre les principes affirmés, les valeurs affichées, les propositions de réformes assumées et la réalité des magouilles de bas étage. Il n’est que la énième confirmation du caractère hors-sol de la politique sous la Vème République. Il y a toujours eu des scandales depuis que le Parlement existe. Mais auparavant les députés représentaient des intérêts de groupes sociaux ou de territoires : Untel était le porte-parole des bouilleurs de cru, untel celui des ouvriers, tandis que les autres défendaient, qui l’artisan ou le commerçant, qui le paysan de la Beauce ou de Bretagne… Avec la Vème République, et l’affaiblissement des pouvoirs du Parlement au profit exclusif de l’Exécutif, les députés ne représentent souvent qu’eux-mêmes. Sans moyens, comparativement aux Congressmen américains, ils sont soit des députés godillots, destinés à voter les textes préparés par l’administration, soit une opposition impuissante. A quoi peuvent donc servir des assistants parlementaires dans ce cas ? Telle est la question que nous devrions nous poser avant même de porter un jugement sur l’enrichissement personnel de la famille Fillon.
Ceux qui émergent dans ce vent de folie expriment tout à la fois le ras-le-bol des électeurs mais aussi le besoin d’un renouvellement. Les trois meetings du week-end et l’investiture du candidat socialiste démontrent qu’une page se tourne dans la vie politique française et pas seulement en termes de génération.
Les deux partis de gouvernement qui ont vampirisé l’espace politique des quarante dernières années apparaissent comme à bout de souffle. Le candidat socialiste peut ainsi représenter son camp sans que le premier ministre en exercice et la plupart des ministres soient présents à son investiture. Il peut à la fois soutenir un projet écologiste et social, demander l’abrogation de la loi Travail et soutenir la candidature de Myriam El Khomri ou de Manuel Valls, sans se soucier des contradictions d’un PS en fin de partie.
Un ex-ministre de l’économie d’un gouvernement dit de « gauche » peut ainsi se présenter avec un programme que ne renierait pas « la Revue des deux mondes » ou « le Point » de Franz Olivier Giesbert. Marine Le Pen peut s’afficher sans complexe comme candidate de substitution au grand blessé de de Sablé sur Sarthe et lancer un appel au rassemblement des « patriotes » de droite et de gauche sans choquer personne. Et Jean-Luc Mélenchon se dupliquer en hologramme pour disserter sur la conquête de l’espace !
Certes l’heure est à l’ouverture de nouvelles frontières politiques ; Hamon, Mélenchon et Jadot sont en train de les dessiner, suscitant un formidable espoir chez tous ceux qui ne croyaient plus à la gauche et à l’écologie. Il est urgent qu’ils écrivent ce récit sur le même papier, avec le même crayon, pour ne pas décevoir tous ceux qui les pensent capables de se dépasser. Chiche !
 

jeudi 20 octobre 2016

VAGABONDER L’ART

Avant de laisser la parole à Jean Klépal, maître d’œuvre de cette aventure, une remarque personnelle pour dire combien je suis heureux d’y participer : le lien entre écriture et peinture qui est au cœur de cette rencontre, et dont Henri Michaux a donné un exemple particulièrement frappant, m’est essentiel, et j’y avais consacré lors du Printemps des poètes de 2004 une exposition intitulée « Peindrécrire », par laquelle je me situais sans en avoir pris conscience dans le prolongement de plusieurs des peintres de ma famille, que l’usage quotidien du pinceau n’avait pas empêché de manier la plume…
C’est peut-être en partie pour cela que je suis depuis mes débuts profondément touché par la tradition extrême-orientale de l’association, voire de la fusion, de l’écriture et de la peinture dans une même œuvre, initiée par les peintres-poètes de la Chine antique, tradition que notre époque ouverte à toutes les tentatives permet de reprendre et de tenter de renouveler.


VAGABONDER L’ART
une exposition à venir à Marseille



L’invitation en pdf


VAGABONDER L’ART


L’idée est née du constat que l’écrit est toujours le complément du dispositif exposition. D’abord les œuvres, assorties de quelques commentaires, ensuite l’accès aux publications les plus diverses. Ce schéma classique accompagne un désir d’approfondissement supposé chez le visiteur, en même temps qu’il sépare les genres.
Et si, une fois, on tentait d’inverser les facteurs ? Ce qui voudrait dire que l’on accorderait presque autant d’importance à l’écrit qu’aux œuvres.
Que serait une exposition où l’accent serait mis d’entrée de jeu sur l’écrit préalable, ou au moins concomitant, à la vision des œuvres ?
Que serait une exposition où un amateur auteur de nombreux textes inviterait quelques-uns des artistes auxquels il prête attention ? Et qui par conséquent mêlerait les genres ?
Il fallait en parler avec des artistes, les convaincre. Il fallait ensuite trouver un lieu susceptible d’accueillir le projet.

Les noms de trois artistes avec lesquels j’ai plus particulièrement commis divers écrits, livres entre autres, apparurent d’emblée :
- Alain Nahum, cinéaste et photographe dont les images magnifient le non-vu habituel ;
- Serge Plagnol, peintre exigeant, ami des écrivains ;
- Alain Sagault, aquarelliste fort attachant, également homme d’écriture.
L’accord s’établit assez aisément pour une aventure commune, à définir.

La Galerie Art Est Ouest[1] est un lieu convenant à une exposition plurielle. Ses responsables prêtèrent une oreille attentive au propos. Le chemin d’une rencontre appropriation restait à parcourir. Des échanges nourris, fructueux, permirent peu à peu de donner corps à la chose. Si la radicalité initiale est tempérée par les contraintes d’une mise en œuvre, l’intention demeure, nette et très perceptible.
Il s’agit de clairement montrer qu’écrire, donc donner à lire, affûte le regard. Il s’agit également de montrer que le franchissement des frontières entre les genres, c’est-à-dire les transgressions, ne peut qu’enrichir l’imagination. Ce que nous savons bien depuis Dada et le Surréalisme, notamment.

Voilà pourquoi « Vagabonder l’Art » intitule l’exposition à venir. Il s’agit de prendre des chemins de traverse pour célébrer la valeur affective de l’art. Les hiérarchies instituées prennent des allures de vieilles lunes, apprenons à façonner les traits d’union qui nous conviennent ! C’est le trait d’union qui détermine la nature de la relation.
Carambolages était justement nommée une exposition insolite aux Galeries du Grand Palais, à Paris, au printemps dernier[2].

L’art, qui est tout sauf la marchandise triviale que certains affairistes voudraient imposer, tire l’une de ses plus grandes forces de sa capacité à féconder des relations oublieuses des particularismes et des chapelles. La beauté de la pratique artistique tient surtout à ce qu’elle suscite en chacun. Elle permet des rencontres poétiques inattendues. (L’exposition que le très parisien Pompidolium consacre cet automne à René Magritte en affirme la preuve, éclatante.)

Non seulement photo, peinture, aquarelle, écriture, vont se trouver réunies, mais aussi la vidéo, puisqu’une ancienne élève d’un lycée des quartiers nord de Marseille, désormais étudiante, va présenter le film qu’elle a réalisé autour des acteurs de l’exposition. Elle propose au spectateur une confrontation privilégiée entre les propos tenus et les œuvres présentées.
Il s’agit clairement de déplacer les regards, de les rendre mobiles, de favoriser des analogies en prenant appui sur l’inaccoutumé.

Les trois artistes accueillis par la Galerie Art Est Ouest pratiquent un aller-retour permanent entre art et littérature. Ils s’inscrivent dans une vaste lignée remontant au Moyen-âge gothique où le mélange peinture écriture est courant.
Plus près de nous, Proust, Zola, Rilke, conversent avec les œuvres, tandis que Victor Hugo s’affirme excellent dessinateur, qu’Antonin Artaud évolue sans cesse d’un domaine à l’autre, que Raymond Queneau réalise gouaches et aquarelles, et que Picasso se fait à l’occasion auteur dramatique.
Les frontières sont souvent fluctuantes entre peinture et écriture, et fort nombreuses les analogies langagières, en tous cas.

Une rencontre avec le public aura lieu samedi 19 novembre à 17h30, autour du thème Écrire pour affûter le regard.

Comme on dit dans les milieux branchés « Save the date », autrement exprimé « A vos agendas ! » C’est du 8 au 27 novembre.


[1] Galerie Art Est-Ouest - 22 cours Franklin Roosevelt – 13001 Marseille, à une portée d’arquebuse de l’Église des Réformés. Exposition « Vagabonder l’Art », 8-26 novembre 2016.
[2] Carambolages, sous la direction de Jean-Hubert Martin, livre-objet, Réunion des Musées Nationaux, 2016.

Voir en ligne : VAGABONDER L’ART

samedi 1er octobre 2016

" DIPINGERE IL SILENZIO ", L’ALBUM MUET

« 


Juste, sans un mot de commentaire ("ssss !" comme me fait dire, dans la caricature dont il m’a gratifié, l’ami Ivo Pavone), 10 photos de l’accrochage de l’exposition à la Galleria delle Cornici, Lido di Venezia, du 10 au 23 septembre 2016.


Cliquer pour agrandir

vendredi 29 juillet 2016

Lettre d’Infos Août 2016

Chers tous,

A toutes fins utiles, voici l’annonce de ma prochaine exposition, Galleria delle Cornici, Lido di Venezia, du 10 au 23 septembre 2016.

Elle sera suivie du 8 au 27 novembre d’une exposition collective à la Galerie Est-Ouest à Marseille, autour de Jean Klépal et des livres qu’il a commis avec les exposants, Alain Nahum, Serge Plagnol et votre serviteur.
Amitié
Alain

« Hommes, il faut savoir se taire pour écouter l’espace. »

Proverbe touareg

Que mes lecteurs ne s’étonnent pas de me voir annoncer largement à l’avance ma prochaine exposition, qui me permet de retrouver Venise et les vénitiens à la Galleria delle Cornici, au Lido. C’est que j’espère y retrouver aussi certains des amis – voire quelques nouveaux ! – qui m’avaient fait la joie de venir partager les beaux moments vécus lors de l’exposition QUASI NIENTE, I COLORI DELLA LUCE, merveilleusement accueillie en janvier 2013 par l’Alliance française de Venise, dans ce lieu magique où elle a son siège, le Casino Venier.

Vous trouverez la suite avec l’affiche et tous les détails nécessaires en cliquant sur ce lien : DIPINGERE IL SILENZIO

Le lien que voici mène à l’avant-dernier texte publié sur mon blog et intéressera peut-être certains d’entre vous, ceux notamment qui l’ont connue : http://www.ateliersdartistes.com/LA-MORT-LA-MORT-TOUJOURS-RECOMMENCEE.html

Alain SAGAULT

- Courriel : alain@sagault.com
- Site : www.sagault.com
- Blog : Le globe de l’homme moyen
- Tél : 09 52 10 42 18

dimanche 17 juillet 2016

DIPINGERE IL SILENZIO

« Hommes, il faut savoir se taire pour écouter l’espace. »

Proverbe touareg



Que mes lecteurs ne s’étonnent pas de me voir annoncer largement à l’avance ma prochaine exposition, qui me permet de retrouver Venise et les vénitiens à la Galleria delle Cornici, au Lido. C’est que j’espère y retrouver aussi certains des amis – voire quelques nouveaux ! – qui m’avaient fait la joie de venir partager les beaux moments vécus lors de mon exposition QUASI NIENTE, I COLORI DELLA LUCE, merveilleusement accueillie en janvier 2013 par l’Alliance française de Venise, dans ce lieu magique où elle a son siège, le Casino Venier.




Alain Sagault, à la recherche du silence


L’art de l’aquarelle est un art exigeant, impitoyable. C’est un art où l’excellence est rare.
Réussie, l’aquarelle se caractérise par la subtilité de son élégance, de son raffinement. Elle est sans cesse sur un fil ou la mièvrerie la guette. Rapidité d’exécution, coup d’œil, requièrent à coup sûr de la virtuosité.
L’aquarelle convient parfaitement à qui désire suggérer, vibrer avec l’indicible, fixer ce qui ne fait que passer, l’à peine perceptible.

Il est question de saisir la légèreté fugace de l’instant au moment même du ressenti de l’émotion.
L’artiste réussit ou échoue, sans appel possible.

Pratiquer l’aquarelle et s’y tenir relève soit de la naïveté, de l’audace occasionnelle, ou d’une obsession, c’est-à-dire d’une recherche sans fin.

L’aquarelle, art désuet, art mineur ?
Allons donc ! Il faut beaucoup de caractère pour effleurer le papier humide, contrôler les irisations, et n’inscrire que la trace de l’essentiel minimum. Dürer, Turner ou Cézanne y parvinrent magistralement ! Turner et Cézanne, par leur pratique des réserves non colorées, surent donner au non peint une intensité parfois plus forte que celle du peint.

A sa manière bien personnelle, Sagault s’efforce avec bonheur à leur suite. Il œuvre à la recherche du peu, signifiant. En cela, il se situerait dans une filiation de Giorgio Morandi.
La côte ouest de l’Irlande, la lagune à Venise et la Manche à Wissant sont ses principales sources d’inspiration.
Il nous offre en partage ses surprises, ses émerveillements, son acharnement.

Il faut décidément beaucoup d’audace pour oser l’aquarelle, art de l’instant, qui oblige à l’attention la plus soutenue, celle de l’artiste comme celle du regardeur.
Tenter de saisir l’infini singulier du presque rien, du vague, du vain, de l’invisible.
Il s’agit d’un travail précieux ; il importe avant tout d’écouter le silence, en soi, autour de soi.

Plus elle est légère, plus l’aquarelle donne à voir car elle est alors source d’inspiration.

Jean Klépal
juillet 2016


DIPINGERE IL SILENZIO


À Venise, la lagune, certains jours, nous parle en silence d’un monde qui nous préexiste et nous survivra, et que j’aime d’autant plus que nous ne faisons qu’y passer, la plupart du temps sans même prendre réellement conscience de son existence, seul moyen d’y être au bout du compte heureux.
L’on est sur l’eau et les éléments se pénètrent et s’unissent au point de se confondre en une harmonie si parfaitement équilibrée qu’elle engendre chez le navigateur attentif cette paix dans le mouvement qui est notre seul mode d’approche et de compréhension de ces deux axes de l’univers que sont l’éternité et l’infini.

Venise est pour moi la ville du présent perpétuel, ce lieu magique où l’on peut retrouver l’éternité dans l’instant, le fini dans l’infini, se vivre microcosme au sein du macrocosme, pièce minuscule et irremplaçable du mouvant puzzle de l’espace et du temps.

Il y a plus de trente ans, dans le silence des nuits vénitiennes, un ami peintre m’a fait découvrir le dérangeant apaisement du mutisme. J’ai appris à partager son silence et celui de sa peinture, jusqu’à tenter de peindre à mon tour.
Sans que je l’aie voulu, mais par nécessité, par capillarité avec la nature que je tentais d’évoquer, le silence comme une acqua alta s’est mis à sourdre du papier et à se peindre.
Peinture de silence, au bord de l’invisible. Constamment tentée de disparaître, de se fondre dans la lumière ou la nuit. Murmure visuel à peine audible, comme d’un coquillage porté à l’oreille.
Peindre le silence, c’est pour moi partir à la découverte de l’infinie complexité du presque rien. De l’extraordinaire richesse et profondeur des couleurs de la lumière.
Ce que je tente d’atteindre, c’est ce moment où, enfin indissociables, perçus réciproquement l‘un à travers l’autre, le visible et l’invisible engendrent ce que j’appellerai l’âme du paysage.
Alors s’impose, comme une bienheureuse évidence, le lumineux instant de la contemplation silencieuse.
Entre la création et celui qui la découvre, le pont du silence.

A.S.



L’opera di Alain Sagault è per me una essenza di quello che si potrebbe percipire della laguna.
Cattura i dettagli essenziali di un affollato universo dove il meno è più...
lasciando al nostro io più profondo il contemplarci e il contemplare Venezia.
Da un opera a un altra il silenzio può risuonare dentro di noi, come in un spartito musicale... arriva l’allegro.
Una metafora di splosione che può essere un vulcano o il semplice fluire del vento.
La natura è anche silenzio.
Le sue opere prendono questo silenzio per risuonare dentro le nostre percepsioni.
Nelle sue macchie, la sua pittura, il nulla e il tutto condividono uno spazio.
Il colore, la luce, il gesto metafisico della sintesi cosmica.
Come la sua scultura, che ascolta... Brillante e trasparente.

Daniella P. Bacigalupo



Lo scorrere dell’acqua


La curiosità di Alain è in sintonia empatia con Venezia e Venezia ne è piena dai portoni, dai riflessi dell’acqua, dalle storie delle pietre del camminamento, dalle immagini antropomorfe che ti appaiono e risorgono e scompaiono sotto le maree.
E le paline sono testimoni dello scorrere e del crearsi nell’armonia di canali di velme. Quando Venezia comincia a prendere coscienza di voler esistere e di essere Venezia.
Sensazioni, la scienza dell’osservazione che si trasformano nei più bei pensieri che avvengono nel silenzio e nella notte e nell’oscurita, diventano colore.
Il personaggio non teatrale ma vitale è l’acqua, la laguna e le nuvole una reazione in amore verso loro così come il bisogno di ottenere la qualità dello scorrere dell’acqua, della laguna, della vita.

Franco Renzulli

vendredi 15 juillet 2016

LA MORT, LA MORT TOUJOURS RECOMMENCÉE

Est-ce ce qui s’est passé hier à Nice ?
Est-ce le décès tout récent d’une camarade du temps des beaux jours du Garage Laurent et du Brouillon ? Je me décide à publier ce texte qui n’attendait qu’un prétexte. J’aurais préféré qu’il me soit tout personnel, mais nous sommes tous concernés.


BERNADETTE

25 mars 2016
La vie nous est allouée, et nous ne savons jamais la durée de notre bail. Même de notre mort, nous ne sommes que locataires. Et plus encore de celles de ceux que nous aimons et qui nous quittent sans retour.
On a beau s’y préparer, quand ça arrive, c’est un coup de tonnerre dans un ciel serein. Et l’on découvre ce dont on se doutait sans oser y croire : tout préparé qu’on était, on n’était pas prêt du tout. Le fil fragile qu’on avait réussi à nouer avec l’autre casse net, et il faut rechercher d’autres fils, dispersés par l’explosion silencieuse du dernier soupir, et tenter de les tisser à nouveau, mais on sait bien que cette déchirure ne sera jamais réparée.
Cette vie-là trouée, il va falloir s’en trouver une autre.
Face à cette absence si présente, béant comme une porte qui ne ferme plus, on se réfugie dans la prose du quotidien, dans des automatismes un peu puérils mais commodes et confortables, qui posent sur le vide un filet de sécurité ténu, fragile, mais vivant de cette continuité obtuse dont nous ne pouvons nous passer.
On fait comme si on oubliait, mais aux moments qu’elle choisit et qui nous prennent souvent par surprise, la vérité se fait jour, et l’on sent chaque fois dans sa chair que la mort coupe comme un rasoir, et que les deux lèvres de la plaie qu’elle inflige, l’avant et l’après, ne se rejoindront jamais.
La cicatrice n’existe pas, la mort est un gouffre et si nous pleurons, c’est que nous savons trop bien que toutes nos larmes ne pourront pas combler ce tonneau des Danaïdes. Nous pleurons dans le vide ouvert sous nos pieds, et nos jambes tout à coup privées de force tremblent comme des arbustes desséchés secoués par le vent et battus par la pluie.
« Je suis enfin libérée », m’a-t-elle demandé de dire à son enterrement.
Le mort est peut-être libéré, il l’est de lui-même en tout cas, mais en se libérant de la vie, il nous y emprisonne.
Il nous faut alors apprendre à vivre de sa mort en attendant la nôtre.

Je me demande : les morts peuvent-ils nous aider à vivre parce qu’ils vivent encore en nous, ou seulement parce que nous les oublions peu à peu ?
Cinq ans ont passé. Bernadette ne m’est pas présente à tout instant, mais elle revient très souvent, de bien des manières, et son sourire jaillit hors de l’oubli comme on émerge parfois de ce puits qu’est le sommeil, un rêve encore accroché à nos yeux fermés.
Je me réponds : Oui, Bernadette est morte, mais Bernadette est. Et demande à être. La voici, rappelée.





BERNADETTE EST MORTE

Je lui en voudrais presque, à Bernadette.
J’aurais tellement voulu mourir avant elle.
Somme toute, j’avais onze ans de plus qu’elle.
Et le monde avait encore davantage besoin de son sourire que de ma colère.
Je ne suis qu’un vieux croûton enragé par la vie de mort qu’avec notre complicité passive ou active le rationalisme mercantile nous impose depuis trop longtemps.
Impossible de ne pas penser que Bernadette a comme tant d’autres été victime de ce chaos technologique que nous nous obstinons contre toute évidence à décorer du nom fallacieux de progrès.
Je sais, contrairement aux terroristes, les nuages radioactifs, saisis de respect devant la liberté, l’égalité et la fraternité, s’arrêtent aux frontières du pays des droits de l’homme.
Je sais, rien ne prouve « scientifiquement » que les nombreux cancers de toute sorte qui ont poussé comme des champignons vénéneux dans la Vallée de l’Ubaye et ailleurs depuis 1986 soient dûs à l’explosion de Tchernobyl.
J’admets que la mort « naturelle » de la femme que j’aimais a pu avoir d’autres causes, et a peut-être été innocemment provoquée par les pesticides, les additifs alimentaires, bref par l’un ou l’autre des merveilleux produits destinés à nous rendre toujours plus maîtres du monde et à favoriser la croissance illimitée de nos « richesses ».
Toutes ces causes possibles sont d’autant moins prouvées qu’aucun effort n’a été fait pour les rechercher, et qu’au contraire tout a été mis en œuvre pour occulter les dégâts. C’est qu’il est beaucoup plus rentable pour la machine économico-financière de guérir que de prévenir…
Et puis qu’importe les morts, tant que les victimes se reproduisent !
L’un ou l’autre ou tous ensemble, la physique et la chimie et la statistique n’en sont pas moins selon moi les causes directes de la mort de Bernadette.
Je n’ai rien contre la science ni contre l’économie, tant qu’elles restent à leur place, c’est à dire à notre service.
Mais quand, confisquées ou séduites par la recherche du pouvoir et du profit, elles nous mettent à leur service, font de nous des esclaves tout juste bons à servir de bêtes de somme ou de cobayes, il me vient des envies de mordre.
Je sais, l’arsenal médical avec sa chirurgie, ses radiothérapies, ses chimiothérapies, lui a permis de survivre pendant plus de cent cinquante mois en menant un combat perdu d’avance, si bien que la technique qui la tuait a pu en toute bonne conscience tirer profit de sa longue agonie.
Sans l’avoir cherché, Bernadette a beaucoup fait pour la croissance du PIB et le déficit de la Sécurité Sociale, et je m’étonne, je m’indigne même, que son sacrifice n’ait pas été reconnu par un de ces rubans rouges qui servent à récompenser les escrocs bien en cour.
Morte au champ d’horreur, Bernadette aurait bien mérité la Légion du même nom.
Parce qu’elle a jusqu’au bout honoré et célébré la vie dans un monde qui ne cesse de la mépriser et de la détruire.
Parler d’elle, c’est tenter de marcher à sa suite.

jeudi 17 mars 2016

REMARQUES EN PASSANT 28

En post-scriptum anticipé, deux remarques d’actualité toute fraîche :

Il faut cesser de calomnier les riches. Nous sommes très injustes avec eux : comme le prouvent les réactions des habitants du 16e arrondissement de Paris, les riches sont solidaires, on ne peut plus solidaires.
Entre eux.

Hier matin sur France-Inter, dans Boomerang, une émission que je n’aime pas beaucoup plus que l’hystérique mondain qui l’anime, une bouffée d’air frais : Alejandro Jodorowski venu parler d’art et de vie avec ce mélange de gaieté et de profondeur qui le rend si précieux. Sur la nécessité de l’art et l’engagement qu’il exige, ce véritable artiste est autrement convaincant que les zozos de l’art contemporain de marché…


Il y a près de quatre mois que je n’ai rien fait paraître sur le globe de l’homme moyen, et plus d’un an que j’y proposais quelques-unes de mes Remarques en passant, dont vous trouverez ci-après la vingt-huitième livraison. C’est que je me refuse à réagir en permanence, et que je me demande de plus en plus si dans l’universelle clameur à laquelle nous sommes constamment soumis le meilleur moyen d’être entendu ne serait pas de se taire ; savoir faire silence est du moins la voie la plus sûre pour s’entendre soi-même et cesser d’être stupidement réactif à la manière pavlovienne des « créateurs de richesses » et autres stupides et terrifiants amateurs de pouvoir, de profit et de paraître dont la race maudite persiste à vouloir nous tuer pour nous apprendre à vivre.
Commençons donc par évoquer le silence…

« Le silence, qui rend possible l’attention et la concentration, est ce qui nous permet de penser. Or le monde actuel privatise cette ressource ou la confisque. »

Matthew Crawford



« À partir du moment où il y a silence et écoute, le sacré devient possible. »

Juliette Binoche, France-Inter, 23 mai 2015



« La poésie est une éternelle jeunesse qui ranime le goût de vivre jusque dans le désespoir. »

André Suarès, Temples grecs, Maisons des dieux, 1937



Une autre raison de mon silence réside dans la consternation que je ressens à voir se vérifier mes pires craintes quant à l’état du monde et à celui de notre pays. J’aurai l’occasion de revenir sur la succession d’infamies par lesquelles s’illustre depuis 2012 l’actuel gouvernement de gauche ultra-libérale, dévoué serviteur de l’oligarchie économico-financière mondialisée. Je me contenterai ici de quelques citations qui me semblent éclairantes.

« Un gouvernement qui accroît les pouvoirs de la police et de l’armée tend inexorablement vers le fascisme. »

Le cinéaste Paul Verhoeven, lors d’un entretien avec Télérama début 2016



« La manifestation (et l’organisation) de la peur, dans ses formes banales et pathologiques, est le fil rouge de toute existence. L’histoire de chaque individu peut être racontée en observant la manière dont il réagit, interagit et négocie avec ses peurs, dès sa naissance et tout au long de sa vie.
La peur ne marque pas seulement l’existence individuelle mais aussi la vie sociale. Au fond, cela a été observé, toute culture peut être décodée comme un ingénieux mécanisme qui rend la vie vivable malgré la conscience et la peur de la mort. »
« L’organisation et la régénération méthodique de la peur constituent l’essence même de la méthode mafieuse, et l’instrumentum regni au moyen duquel la mafia devient un centre de pouvoir. »

Roberto Scarpinato, Le retour du Prince, pouvoir et criminalité



« Nous résistons au mal en refusant de nous laisser entraîner par la surface des choses, en nous arrêtant et en réfléchissant, en dépassant l’horizon du quotidien. »

Hannah Arendt



« L’esprit de désobéissance naît de votre jugement moral d’adulte qui vous dit que quelque chose ne tourne pas rond dans la société et vous incite à résister. La désobéissance morale est la clé du progrès. »

Une activiste québecoise



Pendant la guerre, on demanda à Churchill de diminuer le budget de la culture en faveur de la guerre. Il répondit : « Alors pourquoi nous battons-nous ? »


Terminons en beauté par cette saillie de Jean Cocteau, qui n’est pas si bête qu’elle en a l’air :
« Si je préfère les chats aux chiens, c’est parce qu’il n’y a pas de chats policiers. »

Et puisque nous en sommes à la dangerosité animale, je vous livre cette photo prise en Piémont, qui, si vous faites l’effort de cliquer dessus, vous confirmera que les chiens sont plus dangereux que les loups, maintenant qu’ils conduisent.
Sans doute un dommage collatéral de la campagne « Boire ou conduire, il faut choisir ! »



REMARQUES EN PASSANT 28



AMOUREUX
Envers et contre tout, je reste amoureux.
Amoureux de la vie, et souvent amoureux comblé.
Amoureux de l’humanité et très souvent amoureux déçu, amoureux trompé et enragé, crevant d’envie d’étrangler celle qu’il aime encore et ne peut qu’haïr.

ART
De Cioran, dans L’inconvénient d’être né, ces quelques lignes sur l’art de son temps, toujours actuelles :
« La physionomie de la peinture, de la poésie, de la musique, dans un siècle ? Nul ne peut se la figurer. Comme après la chute d’Athènes ou de Rome, une longue pause interviendra, à cause de l’exténuation des moyens d’expression, ainsi que de l’exténuation de la conscience elle-même. L’humanité, pour renouer avec le passé, devra s’inventer une seconde naïveté, sans quoi elle ne pourra jamais recommencer les arts. »
« À mesure que l’art s’enfonce dans l’impasse, les artistes se multiplient. Cette anomalie cesse d’en être une, si l’on songe que l’art, en voie d’épuisement, est devenu à la fois impossible et facile. »

« ARTISTES »
Comment devenir un artiste sans se fatiguer, telle est la leçon de l’AC, cette tumeur maligne qui a confisqué l’appellation « art contemporain ». Ne demandez pas aux artistes contemporains de travailler ; ils n’ont pas le temps, ils communiquent.
C’est qu’il leur faut entrer dans le moule de l’art officiel, je veux dire du terrorisme académique. Les écoles des Beaux-Arts sont désormais des écoles de conformisme et produisent à la chaîne non des artistes ayant un métier, mais des commerciaux capables de « faire art » avec n’importe quoi, de pratiquer brillamment ces singeries que sont l’originalité formatée et la provocation obligatoire, et de théoriser à l’aide d’un métalangage stéréotypé leur totale impuissance à créer autre chose que des ectoplasmes sans vie.
Ainsi formaté et reproductible à l’infini, l’artiste contemporain de marché excelle à faire semblant de sortir des clous sans jamais dépasser les limites du bon mauvais goût ni sortir des rails du consensus institutionnel qui lui garantit que, pourvu qu’il reste convenablement attaché à sa mangeoire, il pourra tout au long d’une brillante carrière commerciale brouter paisiblement les lauriers du succès tout en ruminant les avantages d’un statut qui lui permet de s’épargner les affres et les risques d’une pratique exigeante de la création artistique.
Car, ne l’oublions jamais, on est artiste aujourd’hui parce qu’on a décidé qu’on l’est, et non par ce qu’on fait. Parfait hermaphrodite, l’artiste contemporain s’engendre lui-même.
Ex nihilo…

AVARICE
Vouloir ne rien perdre conduit à ne plus rien posséder.

CARPE DIEM
Refuser de profiter de l’instant parce qu’on n’est pas sûr qu’il puisse durer, c’est lâcher la proie pour l’ombre, puisque la durée n’est faite que de la succession des instants.

COMMON DECENCY
La common decency chère à Orwell, plus qu’en France, je la trouve en Italie chez mes amis du Saluzzese et mes amis vénitiens. Impression de vivre en société, d’une convivialité naturelle, nullement forcée. Une ambiance, mieux une atmosphère, un air de douce liberté, une sorte de bénévolence ; quelque chose chante, on ne sait quoi, une note faible et légère, la cloche un peu lointaine et tremblante d’un paradis perdu un instant retrouvé, au détour d’une rue, sur une façade, à une devanture.
Et même quand le parfum s’évanouit, on sent qu’il n’est jamais bien loin, toujours sur le point de revenir, pour peu qu’on garde tous les sens entrouverts et le cœur en paix.
Illusion peut-être, survivance presque évanouie, mais qui fonctionne encore, comme un reste de société humaine dans un monde déraciné et décérébré.

CORRUPTION (inconsciente ?)
Une nommée Catherine Pégard, directrice du château de Versailles, se félicitait sur France-Inter d’avoir fait éditer par son sponsor Hermès des foulards à l’effigie dudit château. Elle « justifiait » ce pitoyable et assez sordide mélange des genres par un discours ignoble, bourré d’éléments de langage d’un pharisianisme particulièrement répugnant, dans le style de l’immonde Descoing. Qui nous délivrera de ces fausses élites prêtes à toutes les bassesses, rompues à toutes les prostitutions ?

DAESH OU L’ART CONTEMPORAIN
Si l’art « interroge », Daesh est le plus grand artiste de notre temps.
Car il est un domaine où Daesh affiche une expertise que nous pouvons lui envier, celui de l’art contemporain : depuis la nuit des temps les barbares ont toujours été des as de la communication…
L’art contemporain, tel qu’il se définit à la suite de Duchamp et de sa ridicule et si dangereuse prétention à faire œuvre d’art par la seule décision arbitraire de « l’artiste » (montrant bien par là qu’il ne s’agit plus dès lors de créer véritablement, mais de revendiquer, de façon terroriste, un statut dépourvu de toute légitimité), cet art-là a sans doute aujourd’hui trouvé ses plus grands artistes, ses vrais démiurges, les créateurs de Daesh, qui en sont la conséquence logique et le suprême aboutissement. Ce sont eux qui font aujourd’hui le plus bel acte de création duchampesque : la décapitation, l’égorgement, et la façon dont ils les mettent en scène, voilà des performances qui ont une autre allure qu’un chichiteux plug anal ou qu’un étron desséché sous vitrine, et qui questionnent un peu plus sérieusement le sens de la vie – et celui de la mort.
La destruction de Palmyre par ces plasticiens ultimes, ça a tout de même une autre gueule qu’un malheureux urinoir, apocryphe de surcroît…
Avec l’ingénuité du néophyte, ce révolutionnaire par innocence, les barbares de Daesh portent l’art contemporain à son point d’incandescence, là où la vie et la mort deviennent, grandiose oxymore, spectacle réel par la transmutation de la réalité en spectacle.
L’art contemporain de marché n’est en réalité qu’un art de la communication, et ne se distingue en rien de la publicité à qui il emprunte la plupart de ses tics et de ses trucs.
Tout étant désormais art par la grâce de la mégalomanie généralisée, les égorgeurs de Daesh pourraient donc revendiquer à bon droit d’être les artistes suprêmes. Une logique infernale était à l’œuvre dans le putsch aussi stupide que criminel de Duchamp, logique parfaitement en harmonie avec les crimes monstrueux du siècle passé. Même mégalomanie, même prise de pouvoir fondée sur l’imposture érigée en système. Rien d’étonnant à ce que cette conception académique terroriste de l’art ait été adoubée par le capitalisme financier, dont elle reprend le goût du pouvoir, le cynisme mondain, l’absence de scrupules et la malhonnêteté foncière tout en lui fournissant une inépuisable matière à juteuses spéculations.
Comme tel, il se coupe de façon radicale de ce qu’est un art véritable. Il était intéressant d’entendre, aussitôt après que France-Inter ait exalté le « génie » de Duchamp à la suite d’une émission dans laquelle l’argent était le seul critère et qui prétendait parler de Tendances alors qu’il ne s’agissait que de mode, le directeur de la rédaction de Society conclure : « Maintenant, l’art supposé grand et l’art de la mode se croisent ».
Tout ça, ça va de soi, c’est la même chose…
Mais alors, du moment qu’il n’y a plus d’autre critère que la valeur financière et la célébrité, pourquoi les gens de Daesh s’empêcheraient-ils de commettre leurs atrocités, ces admirables œuvres d’art au merveilleux impact communicationnel, donc promotionnel, qui leur permet à peu de frais d’augmenter leur pouvoir et leurs profits ?
Le relativisme qui règne aujourd’hui a été et demeure la porte ouverte au terrorisme tous azimuts qui caractérise notre époque et ne s’arrête nullement aux terroristes proclamés, mais contamine l’ensemble de nos sociétés, dont les gouvernements ne cessent de jouer avec la terreur sous toutes ses formes, comme le prouvent Guantanamo, la pratique des assassinats « ciblés » avec ou sans drones, les bombardements volontairement aveugles et tant d’autres saloperies de plus en plus ouvertement assumées voire célébrées par notre belle civilisation occidentale.
L’art contemporain de marché est ainsi l’un des chevaux de Troie de la complaisance à l’entropie, entretenue par la recherche effrénée du pouvoir et du profit, recherche dont l’incohérence pourtant évidente nous a conduit au désastre actuel, lequel, comme nous le savons ou le sentons tous, ne fait que commencer.

DÉCADENCE
Nous vivons aujourd’hui une décadence que, par la grâce de notre triomphale technologie, nous avons cru être notre apogée, et dont, toujours grâce à elle, nous sommes en train de faire une apocalypse.

DÉCALAGE (horaire)
André Suarès écrivait superbement à son ami Louis Jou : « Chacun étend à tout l’univers les plis de son propre caractère. »
Depuis presque 70 ans que je fréquente l’humanité en moi et hors de moi, je ne suis arrivé qu’à une seule certitude : quelle que soit sa bonne volonté, pour le meilleur et pour le pire, chacun voit midi à sa porte. Nous ne sommes donc jamais à la même heure…

DICTIONNAIRES
Encore une raison de bougonner, le fait exaspérant que rien ne change, confirmé par cette citation tirée du délectable Dictionnaire national et anecdotique de Chantreau, paru en 1790.
« Capitaliste : ce mot n’est connu qu’à Paris et dans quelques villes de France (heureux temps, oserai-je dire ! Le mot n’a depuis que trop gagné en notoriété). Il désigne un monstre de fortune, un homme au cœur d’airain, qui n’a que des affections métalliques. Il n’a point de patrie, il est domicilié sans être citoyen ; et cet être isolé ne craint point que la fiscalité s’exerce sur son bien, qui est immense. »
Comme tu vois, lecteur, la bibliophilie n’est pas qu’un divertissement pascalien !

DIGNITÉ
La moindre des choses est d’être assez orgueilleux pour se refuser à être immodeste.

DISCERNEMENT
Contrairement à ce qu’on essaye sans cesse de nous faire croire, ce n’est pas être passéiste, ce n’est pas être un conservateur rétrograde que de refuser, dans son époque, ce qu’elle produit de pire. Et son évolution actuelle fait qu’à moins d’être un salaud intégral ou un parfait crétin, on ne peut accepter ce qu’elle est en train de produire.
Il n’y a aucune raison d’accepter comme nécessaire, inévitable et source de progrès ce qui constitue une régression, une involution, et aboutit à une situation pire que celle qui précédait.

ÉCRITURE
Dans mon enfance, fidèles à une tradition désormais surannée, beaucoup d’écrivains ne s’occupaient pas encore de ce que le peuple des lecteurs voulait entendre, mais de ce qu’ils avaient à dire. Ils créaient une œuvre, aujourd’hui on élabore un produit. Mutation, peut-être, progrès sûrement pas.

ÉRADICATION
La Commission de Sécurité routière souhaite faire abattre tous les arbres des routes.
Logique : ce sont eux qui sont dangereux, pas nous…
Éradiquons, éradiquons, vivent les solutions finales !
Mais prenons garde que notre mère Nature, prenant exemple sur nous et jalouse de notre « efficacité », ne décide d’éradiquer le pire de ses nuisibles et le seul capable de la mettre en danger, l’homme.
Je donnerais cher pour voir les arbres décider d’abattre les gros cons de la Commission de Sécurité routière. Pas de danger que ça arrive, hélas : les arbres sont plus humains que nous, tout comme les loups à quatre pattes sont infiniment moins stupides et moins dangereux que les loups à deux pattes.

ÉRUPTION
Qui danse sur un volcan ne devrait pas s’étonner s’il entre en éruption.

EUROPE
Il est temps d’en finir avec l’Europe : elle n’existe pas. Ou plus.
Elle est devenue le cheval de Troie du libéral-nazisme, et devant la montée des résistances, ne s’en cache même plus. Comme je l’avais prévu, et c’était à vrai dire facile à prévoir, l’oligarchie, n’ayant plus les moyens de nous fournir de la carotte, a désormais recours sans façons ni faux-semblants au gros bâton. En avant pour l’état d’urgence permanent !
L’Europe n’est plus récupérable parce qu’elle est depuis des décennies, et chaque jour davantage, tout entière bâtie sur une série de mensonges ayant peu à peu entraîné une invraisemblable et mortifère contradiction entre ses paroles et ses actes.
L’enfer européen était au départ pavé de bonnes intentions. Mais les idéalistes initiaux ont peu à peu laissé la place à une technostructure sans âme, inféodée à l’oligarchie économico-financière internationale, et fonctionnant très consciemment et volontairement de façon de plus en plus antidémocratique.
Comme dans le 1984 d’Orwell, l’ordre, c’est l’anarchie, organiser le chaos permet d’imposer la contrainte. Faire naître la peur et la folie mène au désir d’ordre à n’importe quel prix…
Le fond du problème, c’est peut-être que les hommes de profit et de pouvoir sont eux-mêmes rendus fous par la peur intérieure qui motive leur quête de démesure, et d’autant plus fous qu’ils sont incapables de s’en rendre compte, bloqués qu’ils sont dans une philosophie des lumières fondée sur un rationalisme matérialiste mécaniste archidépassé. Nous vivons aujourd’hui le désastreux triomphe de la folie d’une rationalité que son incapacité à prendre en compte l’irrationnel rend radicalement irrationnelle…
Il me semble donc que la violence mondialisée, généralisée, ne naît pas seulement de l’oppression par un système pervers. Si elle s’exacerbe, en même temps d’ailleurs qu’à l’inverse s’approfondissent l’avachissement et l’autruchisme des peuples « développés », c’est qu’elle relève d’une panique globale devant les conséquences… de notre inconséquence !
La violence est fille de la peur, et l’humanité actuelle, dépassée par ses « progrès », et prenant peu à peu conscience de son effondrement en cours, est en pleine panique et se débat en touts sens, multipliant comme à plaisir les remèdes pires que le mal. Ai-je vraiment besoin de donner quelques exemples ? Diesel, pesticides, OGM, pollutions de toutes sortes y compris sonores et lumineuses, « croissance verte », lutte « anti-terroriste », transhumanité…
Nous ne sommes pas tant dans une crise « politique » que dans une crise existentielle, pris au piège de notre hubris comme des rats dans une nasse qu’ils auraient eux-mêmes tissée. Cela dépasse individus et sociétés, c’est l’espèce en tant que telle qui est concernée. En ce sens, se focaliser sur la « renaissance » des extrêmes-droites alors que nous sommes totalement entre les mains de ce que j’appelle depuis plus de quinze ans le libéral-nazisme ne me semble pas pertinent. N’y a-t-il pas là une dangereuse erreur de perspective ? Ce qui ne signifie nullement qu’il faille approuver l’extrême-droite, mais simplement qu’il serait plus utile de s’attaquer aux causes qu’aux conséquences…

FAIBLESSES
On a beau connaître parfaitement ses faiblesses, elles restent des faiblesses. Tant qu’on ne sait pas en jouer.

FROMANGER (Gérard)
Que vient faire en peinture cet affichiste publicitaire ? Qualifier Fromanger de peintre, c’est insulter à la fois l’intelligence et la peinture. Quand serons-nous débarrassés de ces industriels de l’image dont les puérils barbouillages encombrent galeries et musées et contribuent pour le présent comme pour le futur à la dilapidation intéressée des deniers publics ?

HARMONIE
Mozart disait : « Je cherche les notes qui s’aiment. » Essayons d’en faire autant avec les mots, cherchons les mots qui s’aiment. Et plus encore les mots qui sèment. Ce sont souvent les mêmes, dès qu’on les réunit.

L’HEURE JUSTE
J’ai tant de retard sur elle que je suis largement en avance sur mon époque.

IDÉE
Une idée qui ne s’incarne pas n’est même pas une idée morte ; ce n’est pas une idée. C’est le propre des civilisations décadentes devenues paresseuses faute d’énergie que de croire qu’une idée puisse exister sans s’incarner, et que la réalité est dans les mots et non dans ce qu’on en fait. Il n’y a pas plus de concepts abstraits que d’art conceptuel.

INDÉPENDANCE
Se vouloir totalement indépendant, quelle servitude !

INDIVIDUATION
L’individualisme, c’est le contraire de l’individuation. L’individualisme néo-libéral veut que l’individu prenne toute la place, alors que l’individuation consiste à trouver sa place au sein de notre monde.
Plus nous devenons individualistes, plus nous devenons grégaires et cherchons à nous identifier à une équipe, car plus notre solitude augmente…

ISLAM
Quoiqu’assez porté au mysticisme, ou peut-être à cause de cela, j’éprouve d’expérience la plus grande méfiance envers les religions constituées. Je les respecte profondément, quand elles se respectent assez elles-mêmes pour respecter ceux qui ne croient pas en elles…
L’Islam est une religion qui peut prendre des visages extrêmement différents, en vertu des contradictions réelles ou apparentes de son texte fondateur, le Coran.
Les quatre années passées en terre d’Islam, au Maroc, m’ont donné le sentiment que la religion musulmane n’était souvent dans ce pays qu’une couverture, une sorte de vêtement social qu’on portait sans trop y croire, par obligation et par conformisme, me rappelant en cela mon enfance catholique et « l’éducation » religieuse qui a failli me priver à tout jamais de ma part de mysticisme.
J’ai certes eu la chance de connaître quelques authentiques croyants, proches du soufisme, à la foi aussi ferme et digne que tolérante, des exemples accomplis d’humanité rayonnante.
Mais la majorité des élèves et des professeurs avec qui je travaillais étaient tout à fait absents d’une religion dont ils prenaient bien soin d’afficher à l’extérieur les signes distinctifs tout en la reléguant aux oubliettes dès la porte de leur domicile privé fermée.
L’Islam que j’ai vu pratiquer dans ce pays splendide était une religion d’autant plus exigeante sur la forme qu’elle l’était peu sur le fond, capable de justifier tout et son contraire à l’aide des nombreuses contradictions entre les sourates qui rendent l’interprétation du Coran si problématique, pour ne pas dire périlleuse. Religion installée, ancrée dans la vie quotidienne par le poids des habitudes entretenues par des rites très formalistes. Religion d’apparences, empesée par une irrésistible tendance au rabâchage, voire au radotage : pas d’enseignement plus systématique et plus creux que celui de l’école coranique…
Conciliante sur l’essentiel, féroce sur les détails, la religion musulmane m’est apparue avant tout comme une sorte de code civil assez lâche, un mode d’emploi du quotidien fort peu soucieux de la profondeur de la foi mais très sourcilleux quant au respect des apparences.
Au Maroc, elle me semblait fonctionner, hors de tout sens spirituel, comme une sorte d’ossature de la société civile, soutien du pouvoir établi, instrument de conditionnement, de censure et de répression, et c’est à ce titre que la plupart des jeunes la rejetaient plus ou moins ouvertement.
C’est d’ailleurs ce côté rituel ordonnateur de la cohésion sociale qui a séduit des colonisateurs comme Lyautey qui ont bien vu que l’Islam, religion sécularisée, se prêtait parfaitement, pourvu que son clergé y trouve son compte, à être instrumentalisé par le pouvoir colonial : honorer l’islam et le favoriser, c’était le récupérer et l’associer aux intérêts à long terme du colonisateur aussi bien qu’aux siens. Garant de la paix sociale, l’Islam le fut donc aussi de la paix du protectorat…
Ce délitement d’un Islam figé, desséché et vermoulu est probablement l’une des causes du développement de l’islamisme. Celui-ci malheureusement ne cherche nullement à redonner une valeur spirituelle à une religion qui peut d’autant plus difficilement s’approfondir que le Coran étant présenté par son inventeur comme la parole même de Dieu, il est d’entrée impossible d’y rien changer. Religion intrinsèquement absolue, l’Islam balance constamment entre l’absence spirituelle d’un formalisme creux, donc tolérant, et la présence très concrète d’un despotisme fanatique, donc radicalement intolérant.
Il est dès lors en toute logique inévitable que le prosélyte qui veut retrouver la « pureté » d’un Islam originel largement fantasmé ait pour objectif premier de revenir à la stricte application des préceptes sociaux les plus arbitraires et les plus rétrogrades avec un rigorisme fanatique qui annihile toute possibilité de vie spirituelle. Cet Islam-là n’est pas une religion, c’en est une mauvaise caricature – comme telle donnant très logiquement et légitimement prise à la caricature.

JUGER (ne pas)
Regardons-nous juger, et jugeons notre regard : nous voilà déjà bien plus indulgents qu’en faisant semblant de ne pas juger. Car où nous jugeons le plus, et le plus mal, c’est quand nous croyons ne pas être en train de le faire. Quand nous avons la ridicule prétention d’être capables de ne pas juger…
L’absence de jugement (à tous les sens de cette expression !) si caractéristique de notre époque se fonde ainsi sur le refus de juger, au nom d’une tolérance dont la lâcheté est liée au douteux confort d’un relativisme paresseux lui-même issu d’un humanisme dévoyé.
À la vérité, nous jugeons sans cesse, ne pouvant vivre sans juger. Se croire objectif est évidemment le comble de la subjectivité, alors que se savoir subjectif est un premier pas vers l’objectivité.
« Ne jugez pas ! », voilà une injonction paradoxale presque aussi stupide et dangereuse que « Soyez spontané ! ». À ce propos, une amie chère me parle de mon goût pour le paradoxe. Je ne fais pas de paradoxes, j’ai l’air d’en faire parce que notre époque, assez démente pour pratiquer l’inversion systématique des valeurs, voit dans l’usage du bon sens un extravagant défi au sens commun…
Mes prétendus paradoxes ne sont que des tentatives plus ou moins adroites pour remettre en cause les idées reçues, et tenter de faire naître une réflexion critique en mesure de démasquer ces authentiques paradoxes que sont les dogmes aberrants de l’idéologie néo-libérale, dont la novlangue en vigueur a imposé le consensus quasi universel par un matraquage de tous les instants dont la froide perversité n’a rien à envier au Big Brother d’Orwell. Promotion du chaos sous le nom de gouvernance, mise en place d’un ordre du désordre qui trouve sa plus belle incarnation dans l’ubuesque et atterrante création d’un état d’urgence permanent !

JUSTESSE
« C’est l’une des facultés de la justesse : elle dote le trait (ou le son, ou la voix, ou le geste, ou le plan) d’une force symbolique singulière, suscitant une émotion parfois bouleversante. » Olivier Céna, Télérama, 13 mai 2015

LÂCHETÉ
Ce qui me frappe dans l’universelle lâcheté contemporaine, c’est l’extraordinaire ingéniosité des prétextes qu’elle parvient toujours à se trouver pour accepter l’inacceptable… et si possible en profiter !

LAGUNE
À Venise, la lagune, certains jours, nous parle en silence d’un monde qui nous préexiste et nous survivra, et que j’aime d’autant plus que nous ne faisons qu’y passer, la plupart du temps sans même prendre réellement conscience de son existence, seul moyen d’y être au bout du compte heureux.
L’on est sur l’eau et les éléments se pénètrent et s’unissent au point de se confondre en une harmonie si parfaitement équilibrée qu’elle engendre chez le navigateur attentif cette paix dans le mouvement qui est notre seule mode d’approche et de compréhension de ces deux axes de l’univers que sont l’éternité et l’infini.

LANGUE (morte)
« Le divorce de la littérature et du savoir est une plaie de notre époque et un aspect caractéristique de la barbarie moderne où, la plupart du temps, on voit des écrivains incultes tourner le dos à des savants qui écrivent en charabia », observait un jour Simon Leys.
Ce sont l’inculture et la paresse qui tuent les langues vivantes, et non pas je ne sais quelle évolution naturelle, fallacieuse excuse à notre laissez-aller et à notre inconscience. Ainsi de ce bulletin météo de France-Inter au cours duquel je fus cueilli à froid par la perle que voici : « En matière de temps, la Bretagne est bien moins lotie ». On ne saurait mieux prouver qu’on ne comprend plus sa propre langue…
Ce qui rendait plus choquante encore, quelques instants plus tard si je me souviens bien, la stupidité si typiquement journalistique de l’insupportable Hélène Jouan, opposant de façon particulièrement mal venue le désir de lire des syriens bombardés au désir manifesté par certains et visiblement ridicule à ses yeux de conserver l’accent circonflexe en français. Inutile d’essayer de faire comprendre à pareille dinde qu’il n’est de langue, donc de livre, possible sans un ensemble de règles suffisamment précises, claires et durables pour assurer non seulement la compréhension des locuteurs entre eux à un moment donné, mais aussi, dans toute la mesure du possible, face à l’inévitable entropie, sa pérennité, condition de la durée d’une culture et de la société dont elle constitue à la fois l’ossature et le levain. Comment s’étonner que notre langue se délite à toute vitesse, quand ceux qui ont la parole depuis une trentaine d’années ne savent plus la parler, et ne la comprennent pas plus qu’ils n’en comprennent le fonctionnement ?
J’exagère ? Allez, un jouissif petit florilège :
La plus que redoutable Léa Salamé, France-Inter, le 25 juin 2015, parle de « ce qui a été paru. » Et que, mauvaise langue, je publie ici !
Du 29 juin 2015, cette merveille, barbarisée par le fringant Patrick Cohen : « Donc, la Grèce est pris en étau ». Et Michel Sapin de reprendre sans frémir : « La Grèce est pris en étau. »
Pire, cette annonce faite avec le plus complet détachement par un autre journaliste de France-Inter : « Déception pour Serge Atlaoui, son recours en grâce vient d’être refusé. » Déception, vraiment ? Le gars est condamné à mort, c’était son tout dernier recours, il va être fusillé, il est déçu…
« Les Écossais ont dit non à l’indépendance du Royaume-Uni », déclare benoîtement un autre. Qui a dit oui à l’indépendance de la langue et du sens…
Jusqu’où ira l’intrépide exploration des tréfonds de la plus épaisse connerie entreprise par les médiacrottes, pardon, les médiocrates ? Très loin, à en juger par ce qui suit.
« L’ensemble des migrants a été traité » déclare benoîtement je ne sais quel élu du PS à propos de l’expulsion manu militari par la police d’un « camp » de migrants. Comme toujours, nos mots nous disent à notre insu de notre plein gré, et cet aveu sémantique on ne peut plus clair me confirme dans l’usage du néologisme libéral-nazisme pour désigner l’oligarchie mafieuse actuellement au pouvoir.
« Cette élection rend fou la moitié de la classe politique ! », assène sans trembler, d’une voix aussi sûre que martiale, l’inénarrable Thomas Legrand.
Concluons pour l’instant avec le sémillant directeur des rédactions du Figaro bavant en toute sérénité cet accord plus qu’imparfait : « la difficulté auquel beaucoup de ces candidats vont être confrontés ».
Pas de doute, nos prétendues élites sont confrontées à de rudes difficultés quand il s’agit de parler français correctement.

MAGISTRATURE DEBOUT
En France, la principale caractéristique de la magistrature debout, c’est d’être toujours prête à se coucher.

MASQUES (Bas les)
Ces glissements de plus en plus marqués, non vers la droite, mais vers l’extrême-droite, montrent que ceux que j’appelle les libéraux-nazis, nos modernes barbares, n’hésitent plus à ôter le masque démocratique qui n’est plus tenable maintenant que le désastre créé par leur avidité exclut le recours à la carotte et nécessite l’usage de moins en moins modéré du bâton pour préserver la continuité de leur enrichissement aux dépens de leurs sujets, le reste de l’humanité. Ce qui est étrange, et relève de notre lâcheté, c’est que cette « élite » formée d’1% des humains ( humains, vraiment ?) puisse mettre peu à peu en esclavage les 99% restants.
Puisqu’ils lisent Machiavel, il serait temps pour nous de le lire, puis de nous pencher sur La Boétie, et de mettre ses conseils en pratique !

MASQUES (démasqués)
Me promenant un dimanche de Carnaval à Venise, nimbé de brume dorée par un soleil lui aussi masqué mais bien présent derrière le rideau impalpable d’un ciel d’hiver aux gris délicats, j’ai la sensation assez pénible de voir le touriste déguisé s’accrocher désespérément à l’image d’un passé dont il ne peut plus sentir la réalité concrète, même quand elle est encore sous ses yeux, parce qu’il n’en comprend ni le fonctionnement matériel ni la portée symbolique. Au mieux aborde-t-il ces deux aspects séparément, alors que dans la vraie vie du passé elles étaient organiquement, intimement liées. Même sans appareil photo pour le dénoncer, le fêtard carnavalesque flotte et dérive dans des costumes trop grands pour lui, qu’il ne sait, littéralement, pas faire marcher. Du jean au bas de soie, du symbole au cliché, des stemmi nobiliaires au logo de marque, du jeu du destin au simulacre de la fête, un gouffre bée.
C’est qu’il n’y a plus d’enjeu.
Far finta, faire semblant, ce n’est pas revivre, c’est se regarder mourir, c’est avouer qu’on n’est déjà plus. On ne ranime pas une civilisation à l’agonie en lui transfusant les cendres d’une histoire plus forte qu’elle, on la renvoie seulement à l’évidence de sa décadence et au désespoir de son impuissance acceptée, revendiquée et assumée, à l’orgueil stupide de cette mégalomanie autodestructrice qu’elle a contre toute raison choisi de nommer progrès.
Rien ne démasque comme un masque qu’on ne sait pas habiter.
Venise pleine à craquer fête le vide paresseusement hystérique d’une époque épuisée de toutes les formes de vanité qu’elle cultive pour ne pas affronter l’horreur de sa terrifiante vacuité, esclave qu’elle est de ce Dieu Argent auquel elle a vendu son âme en croyant faire une bonne affaire…
Le masque était d’or, mais sous lui grimaçait la tête de mort.

MÉGALOMANIE
La mégalomanie relève de cette forme typiquement humaine de paresse qui, confondant beaucoup et bien, veut que la quantité soit un critère de qualité. Plus grand est forcément plus beau. C’est tellement plus simple et plus pratique.

OBSTINATION
La différence entre ceux qui obtiennent ce qu’ils veulent et ceux qui ne l’obtiennent pas tient généralement en un mot : l’obstination.

OPTIMISME (forcé)
Il faudrait s’entendre sur ce que signifient ces deux mots si souvent employés improprement, selon moi du moins. M’amusent avant de m’exaspérer tous ces optimistes par omission qui, un bandeau sur les yeux, des boules Quies dans les oreilles et la tête enfoncée aussi profondément que possible dans le sable de leur ignorance volontaire se proclament optimistes et vous reprochent d’être pessimistes parce que vous prenez la peine d’ouvrir les yeux et de regarder la réalité en face.
Tout positiver, ce n’est pas être optimiste, c’est être lâche.
Les vrais optimistes ne sont jamais ceux qui disent contre toute évidence que tout va bien, ce sont ceux qui ne se laissent pas décourager parce que tout va mal.
Être optimiste, c’est je crois avoir assez de courage et de foi dans la vie pour faire un état des lieux aussi honnête et complet que possible afin de voir la réalité non comme on voudrait qu’elle fût mais telle qu’elle se présente, et de pouvoir ainsi tenter de construire l’avenir sur des bases solides et non sur la politique de Gribouille.
Les gesticulations des optimistes forcenés ne sont au fond que l’expression de leur pessimisme foncier…

PAROLE
La donner à tout le monde est le plus sûr moyen d’empêcher ceux qui ont quelque chose à dire d’être entendus.
Voyez la Toile et tous les courageux pseudo-penseurs sous pseudonyme qui y entretiennent une clameur de basse-cour en folie.

PAYSAGE
Il ne s’agit pas de reconnaître un paysage, mais de le découvrir. Le montrer ne suffit pas à créer, c’est l’évoquer qu’il faut. C’est déjà quelque chose d’avoir un regard ; c’est encore mieux d’avoir une vision. Il y a loin du talent au génie.

PEINTURE
D’une dame entre deux âges, à son petit-fils qui lui demandait :
– Qu’est-ce qu’il fait, le monsieur ?
– Il peint. Aaah, il peint moderne, ouiii… Mon mari aussi, il peint. Oh, ça fait passer un moment…

PÈRE (meurtre du)
Passé un certain âge, continuer à tuer le père a quelque chose de suicidaire. Car en vieillissant on finit par s’apercevoir qu’on lui ressemble de plus en plus. Nous l’avons foutu à la porte de notre âme, il y revient par la fenêtre. Il habite en nous, et plus nous voulons l’ignorer, plus nous lui faisons prendre de la place.

PERTE
Vieux dilemme : « Je n’ai pas envie de te perdre. Mais de là à me perdre pour ne pas te perdre… »

PERLE (d’inculture)
Un jour de février sur France-Inter, une journaliste me pond impavidement cette superbe perle : « Le Premier Ministre prendra une décision dans les heures qui vient ». Ce qui me vient, parfois, ce sont des envies de meurtre, puisque, comme Cioran, « je rêve d’un monde où l’on mourrait pour une virgule. » Dans un tel paradis, cette plumitive mériterait cent fois la damnation éternelle…

PLASTIQUE
La réalité est loin d’être aussi plastique qu’on cherche à nous le faire croire aujourd’hui. Certes nous ne voyons pas le monde tel qu’il est, mais selon notre petit point de vue. Nous ne voyons pas le monde, mais notre vision du monde ; cela n’empêche pas le monde d’exister indépendamment de nous.

POLITESSE
Qu’on ne s’y trompe pas, j’apprécie la politesse. Et s’il m’arrive d’être fort impoli, c’est presque toujours en faveur de butors m’ayant provoqué à les rejoindre sur leur terrain, je veux dire dans la bauge de leur grossièreté.
Cependant, point trop n’en faut : il en va de la politesse comme de tout le reste, on en peut faire un bon usage, ou s’en servir à des fins qui n’ont en définitive que peu à voir avec la vraie courtoisie. Quand il s’agit par exemple d’en faire le véhicule d’une hiérarchie sociale implicite, qu’elle contribue alors à justifier, mettre en valeur et renforcer avec autant d’efficacité que de discrétion. Elle relève dans ce cas d’une forme d’hypocrisie particulièrement perverse.
C’est ainsi que m’a laissé plus que perplexe un petit livre de Bertrand Buffon, membre distingué de l’élite oligarchique acutellement en cour, opuscule intitulé « Le goût de la politesse ». Très bien écrit, façon Ancien Régime, ce qui n’est pas pour me déplaire, même si l’on frôle parfois le pastiche, ce traité de savoir-vivre, ambitieux jusqu’à l’excès, souffre de la mégalomanie quasi totalitaire dont fait preuve son auteur en déclarant la politesse alpha et oméga de toute civilisation digne de ce nom. Ce qui l’entraîne, par la faute d’une volonté de convaincre qui finit par manquer aussi bien de tact que d’efficacité, à délayer abusivement son propos sur près de 90 pages, et plus gravement, surtout considérant son souci constamment réaffirmé d’élégance, de mesure et de congruence, à se répéter avec une insistance qui laisse à penser qu’il a sur l’intelligence de ses lecteurs une opinion plus que réservée…
La politesse dont il se targue, et qu’il met sur un piédestal trop haut pour elle comme pour lui, eût voulu qu’il dérobât ce jugement peu charitable sous le voile pudique des plus exquises bonnes manières. Hélas, emporté par sa passion pour cette vertu nonpareille, il va trop loin et trop longtemps, finissant par devenir si franchement importun que, rassasié de politesse jusqu’à l’écœurement, on a quelque mal à ne pas refermer son militant opus avant la fin.
On le regrette, car il a le sens de la formule et toucherait souvent juste s’il ne se fendait presque à chaque fois trop à fond. C’est qu’un éloge aussi poussé, aussi ostentatoire et presque terroriste de la politesse ne pouvait à force, malgré les précautions oratoires dont il est entouré, que ressembler à un Éloge de la Castration. Un monde où serait pleinement appliquée la vision de la politesse défendue par l’auteur serait un monde terriblement uniforme et mortellement ennuyeux, tant le souci de plaire et d’être conforme à l’idéal de l’homme poli y raboterait les différences, les caractères et l’imagination. Il est certes utile de mettre de l’huile dans les rouages, mais à les y noyer on les fait patiner dans le vide, et l’huile rance du consensus obligatoire finit par l’emporter sur tout le reste.
C’est qu’il y a quelque chose de bien plus important que la politesse, et c’est la justesse. Aussi n’est-ce nullement par hasard que ce livre apparaît à ce moment précis de notre histoire. À un moment où nous vivons un retour de moins en moins insidieux et hypocrite à l’Ancien Régime, et l’émergence de plus en plus brutale d’une nouvelle féodalité fondée sur le mariage incestueux de l’oligarchie politico-financière et des mafias de tout poil, cette résurgence de la politesse est loin d’être innocente. Il faut au 1% de nouveaux riches qui nous gouvernent à la matraque de nouvelles règles de bienséance qui leur donnent le vernis de civilisation qui leur manque tout en imposant aux peuples subjugués des codes de comportement intégrant et magnifiant les nouveaux rapports hiérarchiques…
Fourrier de l’esclavage qu’on nous impose de plus en plus, l’auteur a pour tâche sous-jacente de déguiser sous le masque mensonger des convenances et de justifier par l’usage une nouvelle société de classes organisée selon une hiérarchie d’autant plus infrangible qu’elle fait appel à des idéaux détournés, sacralisant ainsi la soumission à l’ordre établi et faisant du conformisme une vertu individuelle autant qu’un idéal collectif. Il s’agit en effet de nous polir, mais pour mieux nous ajuster – à tous les sens du terme…
Il s’agit en somme pour Bertrand Buffon de faire en sorte que la politesse embellisse la vie, afin d’éviter que des malappris soient tentés de chercher à l’améliorer. S’adapter au moule devient la vertu suprême, ne pas faire de vagues le summum du courage, plaire à tous le comble de la vertu.
On balaye la poussière sous le tapis, on gaze agréablement les sujets qui pourraient fâcher, tout doit être, ou du moins paraître, beau et harmonieux, at peace, même et surtout ce qui ne l’est pas.
Si bien que ce discours d’abord intéressant et parfois légitime s’avère au fil d’une démonstration de plus en plus tirée par les cheveux parfaitement captieux et pour tout dire éminemment dangereux. La domestication du naturel qu’il promeut en vient à institutionnaliser au nom d’un idéal social on ne peut plus flou une véritable castration de la personnalité, un refus de toute déviance, au final un rejet de toute possibilité de création autre qu’académique, une mainmise absolue du collectif sur la personne. Douce violence d’une politesse qui à force d’exigence contradictoires réussit ce prodige de devenir à la fois sadique et masochiste !
L’auteur sent bien le piège, mais voulant à tout prix pousser à fond sa démonstration il finit par se contredire autant qu’il se répète.
C’est que l’idéologie qui sous-tend ce petit traité est beaucoup moins innocente qu’elle ne s’en donne l’air : en fait de savoir-vivre, il s’agit au fond de nous tuer pour nous apprendre à vivre, et ce n’est sans doute pas par hasard que l’auteur exalte le règne de Louis XIV, de toute l’histoire de France le moment où l’hypocrisie a régné le plus franchement et le plus absolument, et où seule était naturelle l’absence de naturel…
La thèse qu’il soutient à grand renfort de redites de plus en plus fastidieuses constitue en définitive la partie culturelle de la reprise en main générale dont témoigne la désastreuse évolution de nos prétendues démocraties : nos gouvernants actuels sont engagés chaque jour davantage dans une recherche hystérique du maintien de l’ordre qui sous couleur de rendre notre société plus policée est en train d’en faire une société policière. Ainsi le contrôle de soi hautement vanté par notre auteur est-il en fin de compte le moyen d’obtenir par l’autocontrôle et l’autocensure de chacun le contrôle de tous par le pouvoir établi. On ne veut plus des citoyens, mais des hommes d’ordre, des hommes bien élevés qu’on adoube ou des hommes mal élevés que l’on écarte. Il n’est pas de société plus parfaitement policée, ni plus impitoyable, que la fourmilière…
Au nom de la société, entité abstraite que l’auteur personnifie de façon tout à fait abusive, car elle semble n’exister à ses yeux que comme paravent des intérêts d’une classe dominante qui veut imposer aussi bien ses goûts et sa vision du monde que sa domination matérielle, l’individu est fermement, quoique poliment, invité à se soumettre à l’autorité suprême, la politesse, gant de velours à l’usage des mains de fer de nos supérieurs en même temps qu’ultime moyen de sélection des élus et pierre de touche du bon goût.
Il y a en somme chez cet auteur si avenant un côté larbin stylé des puissants, très logiquement associé à un élitisme particulièrement hypocrite qui, dût la politesse en souffrir, suscite davantage la répugnance, pour ne pas dire le mépris, que le respect.
Plume de plusieurs personnalités politiques, Bertrand Buffon est incontestablement un « nègre » talentueux, mais il n’est apparemment que cela. Rien d’étonnant donc à ce que le hongre veuille couper les étalons pour les réduire à sa triste condition…
Je lui dois en tout cas de m’avoir fait mieux que jamais sentir le sens de l’expression « trop poli pour être honnête ».

PORTÉE
À mesure que nous vieillissons, notre vue devient plus étroite, mais elle porte plus loin. Et ce n’est pas seulement physique : à notre esprit aussi, il pousse des œillères, mais qui nous aident à aller à l’essentiel.

POSITION (connaître sa)
Quand on tente de créer, s‘il est important de ne pas savoir où l’on s’arrêtera, il est essentiel de savoir d’où l’on part.

PRÉSENT
Il n’y a pas de présent sans passé pour le soutenir, puisqu’à proprement parler, le présent n’existe pas. Le présent est à tout instant mort-né, et ne prend un semblant de vie qu’en passant – qu’en étant passé…

PRÉSENT PERPÉTUEL
Quelle plus belle recherche, quelle plus juste célébration de la vie à l’œuvre que de chercher à la vivre au présent perpétuel ? Retrouver l’éternité dans l’instant, le fini dans l’infini, être microcosme au sein du macrocosme, pièce minuscule et irremplaçable du mouvant puzzle de l’espace et du temps. Se mettre en présence du monde, seul moyen d’être soi.
« Quiconque entend une mélodie l’entend, l’a entendue et s’apprête à l’entendre en même temps. Chaque mélodie nous déclare que le passé peut être là sans qu’on s’en souvienne et l’avenir sans qu’on le connaisse à l’avance. »
Victor Zuckerkandl, Sound and Symbol, 1956

RASE-MOTTES
Quand on ne vole pas haut, le plus sûr moyen de se crasher, c’est de se prendre pour un avion.

RÊVES
C’est dans nos rêves que vit notre réalité la plus profonde. C’est pourquoi, quand l’un d’eux sonne juste, il nous faut tenter de le réaliser.

RICHESSE (danger de la)
Je ne résiste pas au plaisir de livrer à votre réflexion ce court texte de Nietsche, qui définit de façon si actuelle – ô Pinault, ô Arnaud, ô Aillagon, c’est à vous que ce discours s’adresse ! – l’intrinsèque stupidité et l’effroyable perversité du règne de la finance.
« Danger de la richesse. - Seul devrait posséder celui qui a de l’esprit : autrement, la fortune est un danger public. Car celui qui possède, lorsqu’il ne s’entend pas à utiliser les loisirs que lui donne la fortune, continuera toujours à vouloir acquérir du bien : cette aspiration sera son amusement, sa ruse de guerre dans sa lutte contre l’ennui. C’est ainsi que la modeste aisance, qui suffirait à la vie de l’esprit, se transforme en véritable richesse, résultat trompeur de la dépendance et de la pauvreté intellectuelles. Cependant, le riche apparaît tout autrement que pourrait le faire attendre son origine misérable, car il peut prendre le masque de la culture et de l’art : il peut acheter ce masque. Par là il éveille l’envie des plus pauvres et des illettrés - qui jalousent en somme toujours l’éducation et qui ne voient pas que celle-ci n’est qu’un masque - et il prépare ainsi peu à peu un bouleversement social : car la brutalité sous un vernis de luxe, la vantardise de comédien, par quoi le riche fait étalage de ses "jouissances de la culture", évoquent, chez le pauvre, l’idée que "l’argent seul importe", – tandis qu’en réalité, si l’argent importe quelque peu, l’esprit importe bien davantage. » « La possession possède. – Ce n’est que jusqu’à un certain degré que la possession rend l’homme plus indépendant et plus libre ; un échelon de plus et la possession devient le maître, le possédant l’esclave : il faut dès lors qu’il lui sacrifie son temps, sa réflexion, et il se sent dès lors obligé à certaines fréquentations, attaché à un lieu, incorporé à un État – tout cela peut-être à l’encontre de ses besoins intimes et essentiels. »

SÉDUCTION
On parle toujours du besoin de séduire. Il me semble qu’il est un besoin bien plus essentiel : le besoin d’être séduit.

SÉRIEUX (excès de)
Impossible à un homme sensé de prendre au sérieux les gens qui se prennent au sérieux.

SOPHISTICATION
À Venise, lu de Gracq Un beau ténébreux. J’avais trouvé Un balcon en forêt absolument délectable, une merveille d’écriture juste. Je suis resté perplexe face au surréalisme artificiel et froid de cet ouvrage de jeunesse excessivement virtuose (certains passages véritablement subjuguent, mais l’ensemble sent l’effort), péniblement élitiste, et par trop intellectuel.
Il y a quelque chose de vain dans tout effort littéraire alambiqué… Sans doute parce que là où la tête l’emporte, la vie disparaît, faute de cœur et de tripe – de simplicité, en somme. Mon maître japonais disait que le ki meurt à la forme, c’est ce qui arrive à mes yeux dans ce livre réellement original, mais corseté par un épuisant et assez vain volontarisme.

SUARÈS (André)
J’ai déjà publié le début de ce texte, je le reprends ici, complété, parce que la lecture de cet auteur qui n’est pas méconnu par hasard me paraît essentielle à une perception un peu plus juste de ce que certains mots, civilisation, art, littérature, beauté, amour, pour ne prendre que ceux-là, peuvent signifier quand au lieu de se contenter de les prononcer on se donne la peine de les vivre.
« Où le cœur n’est point, il n’y a rien, ni dans l’art ni dans l’homme. »
André Suarès, Idées sur Edgar Poë, Sur la vie, 1909

Suarès, c’est la vie en mouvement. Toute la vie et tout le mouvement. Jamais Suarès ne se fige, il ne tient pas en place, mais il est toujours là où il est, nulle part ailleurs, donc jamais là où on l’attend. C’est un kaléidoscope qui tourne autour d’un axe immuable : la quête de la beauté parfaite, l’exaltation de la vie, la recherche inlassable de la perfection.
Suarès ignore la compromission : quoi qu’il arrive et quoi qu’il en coûte, il est toujours lui-même.
Suarès, immense connaisseur du passé et du présent, « voyait » du coup si bien le futur qu’il nous demeure étonnamment contemporain. Il n’est pas de mort plus vivant, parce qu’en tout et à tout prix il allait toujours à l’essentiel. La flamme qui l’animait éclaire et réchauffe encore, presque à chaque ligne.

TAILLE
On se grandit à reconnaître et assumer sa petitesse.

TECHNOLOGIE
La plupart des gadgets prétendument indispensables dont nous étouffe le progrès technologique, y compris l’ordinateur, dans beaucoup de ses applications en tout cas, sont parfaitement inutiles, voire carrément néfastes. Ils ne font pas appel à la nécessité, même pas à un besoin raisonnable, mais à l’ego et à ses préoccupations, envie de paraître, volonté de pouvoir et, pour ceux qui les conçoivent et les commercialisent du moins. dément désir de profit.
Les smartphones, pour ne prendre que cet exemple, ne sont en fin de compte que des tirelires pour leurs fabricants et des outils à nous tenir en prison dans des cages dorées, où l’or, qui n’est pourtant qu’un grossier placage, permet de ne pas voir que les barreaux sont solides, forgés dans l’acier bien trempé des besoins qu’on se crée et dont on ne peut plus s’échapper, tant par rapport à l’image qu’on donne aux autres qu’en raison de celle qu’on veut voir de soi.
Ces objets dont nous devenons peu à peu les sujets, les obligés, tendent pratiquement toujours à la valorisation de l’individu-roi.
D’où la difficulté d’envisager ce véritable progrès que serait l’abandon au moins partiel de nos béquilles technologiques, pour retrouver la liberté de marcher par nous-mêmes, à travers le refus d’un confort payé bien plus cher qu’il ne vaut.
Confort apparent puisqu’il consiste en vérité à échanger une servitude contre une autre.
Car la technologie actuelle ne nous prive pas seulement de notre liberté en nous enfermant dans ses rutilantes prisons dorées, elle nous vole littéralement notre temps avec ses outils de progrès.
Le peu qu’ils nous en font gagner est largement compensé par celui qu’ils nous font perdre, sans parler des espèces sonores et trébuchantes que nous y engloutissons, puisque ces gadgets, contaminés par l’idéologie de la nouveauté permanente et de la recherche du profit indéfini, sont rendus obsolètes à peine produits, et doivent être changés à bref délai, même s’ils fonctionnent encore parfaitement.
Ces artefacts censés nous simplifier la vie nous la rendent ainsi chaque jour plus compliquée : nous devons sans cesse nous initier au nouveau gadget qui remplace l’ancien (je veux dire celui de l’an dernier), et qui nous fera gagner une petite partie du temps que nous aurons perdu à réapprendre à nous en servir, alors que l’autre, après de longs efforts et de nombreux déboires nous donnait enfin toute satisfaction…
La plupart du temps, les possibilités de nos jouets pour adultes excèdent d’ailleurs de beaucoup celles d’un individu même très entraîné, si bien que, comme pour notre cerveau que nous négligeons pour eux, nous n’utilisons qu’une infime partie des mirifiques services qu’il brûle de nous rendre.
Car ces outils puissamment addictifs servent avant tout à nous sidérer, à nous rendre toujours plus passifs, à nous aliéner à nous-mêmes, à nous insérer dans des réseaux de consommation où nous restons englués, livrés à toutes les tentations du marketing universel par la grâce de ces fascinantes pompes à fric dont nous sommes si fiers.
Ainsi, pendus à nos réseaux sans fil, sommes-nous toujours davantage hors de nous-mêmes, et à l’abri de la vraie vie, qui n’est pas celle que l’on crée pour nous, mais celle que nous nous créons.

TINTAMARRE (marre du)
Un concert de l’ensemble jazz-rock « Doolin » à Barcelonnette. Nous quittons après la première partie. Instrumentistes remarquables, musiciens peu inspirés. Comme si souvent actuellement, la performance, qu’on ne peut que saluer, l’emporte sur la musique et la frénésie sur l’émotion. C’est très virtuose, très en place, mais tout à fait dépourvu d’âme. Une totale incapacité à faire sa place au silence tétanise la musique, boursouflée de plus par une électronique qui la pousse bien au-delà de ses limites naturelles, jusqu’au bruit. Ce culte barbare du trop (le toujours plus débouche forcément sur l’excès, qui achève de le rendre insignifiant) me confirme dans le sentiment que faute de silence on perd son âme pour tomber dans une mécanique stérile.

TRAVAIL
Le plus beau travail, c’est celui qui ne se voit pas.

TWITTER
Le degré zéro de la réflexion, l’apothéose de la réaction épidermique, l’abandon irresponsable à la jouissance du premier mouvement. Twitter, c’est le triomphe du réflexe conditionné, de la vacuité intellectuelle, de la vanne facile, du crétinisme autosatisfait, c’est la marque distinctive de la Petite Poucette débile du sinistre Michel Serres. Simplifions, simplifions, il restera toujours quelque chose…
Que reste-t-il ? Cinq cents mots de vocabulaire, une écriture phonétique, une caricature de langue sans syntaxe, et des pulsions, des pulsions, toujours plus de pulsions, toujours moins de pensée, toujours moins de vécu.
Pas étonnant que les politiques adorent Twitter, il est à leur image comme à celle de leurs électeurs : inexistant.

UTOPIES
Le problème avec les utopies, c’est que quand on tente de les réaliser elles deviennent très souvent des utopires.

VENISE
Apothéose de la lumière ruisselante ou silence habité de la Venise nocturne, la Sérénissime ne se donne qu’à ceux qui la hantent. Aux autres, elle ne prête que ses appas rances, et Dieu sait qu’elle n’en manque pas…

mercredi 25 novembre 2015

EST-ON EN SÉCURITÉ QUAND ON DANSE SUR UN VOLCAN ?



Hollande, ton Union Sacrée Obligatoire nous fout les boules…



DANSER SUR UN VOLCAN EXPOSE AUX ÉRUPTIONS…



Danser sur un volcan en cours d’éruption n’a jamais été le moyen le plus sûr d’être en sécurité. Cette évidence semble échapper à la majorité d’entre nous, trop occupés à jouer les autruches et à pratiquer le divertissement pascalien sous toutes ses formes pour admettre enfin que la réalité est en train de faire justice de nos fantasmes mégalomaniaques.
Face à l’énormité des problèmes engendrés par ce que nous appelons contre toute logique le progrès, les appels à l’Union sacrée, qu’ils concernent la lutte contre le terrorisme ou contre le réchauffement climatique, pour ne citer que ces deux désastres dont on m’excusera de penser que le second est infiniment plus grave que le premier, sont à mes yeux à la fois dérisoires et obscènes.
L’Union sacrée ne se décide pas, sauf à être mort-née. Elle s’impose d’elle-même ou n’est, et c’est presque toujours le cas, qu’une cynique manipulation, un déni de réalité gros de désunions à venir.
L’Union sacrée autour d’un canon, même alcoolisé, voilà une résistance qui ressemble furieusement à une démission, celle des aveugles volontaires que nous sommes, tout occupés à faire assez de vacarme pour ne pas entendre l’éruption qui monte.
L’ennui est qu’à force de penser et surtout d’agir comme si « Après nous le déluge… » était un sésame ouvrant les portes dorées d’un avenir forcément radieux, nous constatons aujourd’hui qu’il faut désormais dire :« À nous le déluge ! »
La tempête se lève, nous n’avons plus de cap, ouvrons les yeux et tâchons de sauver ce qui peut encore l’être : notre humanité.
Les remarquables textes qui suivent, différents mais complémentaires, me semblent pouvoir nous y aider mieux que les décisions aussi stupides que dangereuses d’une classe politique manipulatrice, corrompue et irresponsable.
Le premier article revient sur la notion de guerre et sur ce qu’elle signifie dans le contexte actuel.
Le second pointe les dangers de l’Union sacrée et l’erreur morale et politique que constitue le fait d’entrer dans la logique de l’adversaire.
Le troisième oppose à la commode simplicité des fantasmes collectifs entretenus par les médias et les pouvoirs en place la complexe réalité de nos expériences personnelles et collectives.
Le quatrième dénonce la manipulation que constitue l’interdiction des manifestations autour de la Cop 21, rappelle que le dérèglement climatique est une violence et pose cette question centrale : qui sont les personnes dont la sécurité est considérée comme importante dans notre monde asymétrique ?
Le cinquième examine de près les contradictions de la « guerre » contre le terrorisme et l’assez étrange rapport des sociétés occidentales à la violence.
Le sixième met en lumière le lien organique entre sécurité et changement climatique, volontairement occulté, mais de plus en plus manifeste.
Le septième rappelle combien nos sociétés sont de bien des manières fondées sur toutes les formes de violence et sur leur diffusion et leur consommation.
Un dernier texte nous suggère que c’est d’abord en nous que nous pouvons trouver la joie et la paix…


APRÈS LES ATTENTATS, CHANGER D’IMAGINAIRE Christian Salmon



L’UNION SACRÉE EST UNE DÉFAITE DE LA PENSÉE

17 novembre 2015 | Par Noël Mamère – Mediapart.fr

Il est normal et juste que l’Etat montre sa détermination face à l’ère de ténèbres, que le Président préside, que le gouvernement gouverne, que les institutions fonctionnent. Il est normal et juste que le Congrès puisse se réunir, que le Président se concerte avec les forces politiques, vienne auprès des victimes, organise la riposte à l’horreur. Mais pour que la société puisse se défendre, elle doit comprendre, mettre des mots sur les événements. Et ces mots ne peuvent se réduire à ceux de la feuille de route du président de la République, fut-elle rebaptisée « Union Sacrée ».
 L’Histoire nous prouve que l’Union Sacrée a toujours été utilisée pour amener la gauche à se soumettre à la logique de guerre de la droite. Le premier à mettre en œuvre ce « concept » politique, fut le président Poincaré, le 4 Août 1914, au lendemain de l’assassinat de Jean Jaurès qui s’opposait à la guerre, pour en appeler à l’union de tous les partis et lancer la France dans la guerre contre l’Allemagne. On sait ce qu’il advint : une génération fauchée par les marchands de canon. En Mars 1956, L’Union Sacrée vote les pouvoirs spéciaux à Guy Mollet, pour lutter contre le FLN algérien. C’est la guerre d’Algérie. L’Union Sacrée n’est qu’un stratagème qui a pour but de dissimuler les désaccords de fond au sein d’une société et de faire passer le projet d’une République sécuritaire.
Personne, ici, ne nie la nécessité de répondre au défi lancé par l’Etat Islamique. Ces morts, nos morts, qui venaient faire la fête, écouter de la musique, regarder un match, se sont retrouvés victimes d’une guerre qu’ils croyaient lointaine. Mais la guerre n’est que le prolongement de la politique par d’autres moyens. Et la guerre, nous la faisons depuis quinze ans. D’abord en Afghanistan, puis sur d’autres théâtres d’opérations, comme la Libye, le Mali, l’Irak et la Syrie. Ceux à qui nous faisons la guerre ripostent à leur façon, asymétrique, face à nos bombardements, à nos drones, à nos assassinats ciblés. Ils l’ont d’ailleurs dit eux-mêmes, avec leurs mots et avec leurs balles, au Bataclan, vendredi soir. C’est la loi de toute guerre.
Si nous sommes en guerre, comme le dit le Président de la République, alors soit, mais identifions l’ennemi. Cet ennemi, c’est l’islamo-fascisme, c’est-à- dire un fascisme religieux, qui se réclame de l’Islam mais qui n’a rien à voir avec la tradition musulmane et même, oserais-je dire, avec l’islamisme politique. Il est le produit de la fusion entre le fanatisme religieux et une barbarie occidentale, le national-socialisme, dont s’est largement inspiré, dès son origine, le parti Baas, puis Al Qaïda en Irak. Ce dernier a été influencé par un prédicateur, Sayyid Qotb, mort en 1960, qui avait rompu avec les Frères musulmans sur un point capital : Il ne voulait plus faire de compromis avec toute souveraineté, même celle d’un Etat musulman. Pour lui, tout individu devait obéir et appartenir à Dieu, comme dans le nazisme, tout aryen devait appartenir au Führer. Cette théorie a plusieurs conséquences : la destruction de tout corps intermédiaire, de tout espace public et privé, de tout parti, syndicat ou association qui n’est pas soumise à la seule loi non écrite de la Charia. C’est un courant idéologique et politique transnational, qui agit avec méthode, qui se pense comme Califat à vocation mondiale. Daech, l’Etat Islamique, ce monstre à la confluence du Moyen-Age, du totalitarisme du 20ème siècle et des réseaux sociaux du XXIème, en est l’incarnation. Nous avons affaire à une organisation politico-militaire à vocation terroriste planétaire, dotée d’un projet politique, qui se pense comme telle. Elle possède une armature idéologique structurée, dispose de sa propre agence de communication, construit un Etat, lève des impôts, mobilise des dizaines de milliers de soldats, entretient depuis près de 18 mois des milliers de fonctionnaires dans un territoire comprenant la moitié de la Syrie et de l’Irak…
Dès lors, c’est un contre-sens de s’acharner à vouloir essentialiser ses membres comme « musulmans » ou « fous » ou « jeunes des quartiers ayant des problèmes », même s’ils peuvent présenter ces caractéristiques et bien d’autres. Mais quand ils agissent, c’est avant tout comme des militants fascistes religieux. Et ils doivent être combattus et défaits comme tels.
Tandis que nous tentons d’affaiblir l’Etat Islamique (et non Daech, acronyme qui ne lui donne pas son véritable nom en arabe), par des moyens militaires, il s’en prend à nos seules vraies défenses que sont nos libertés et essaie de nous déstabiliser. Rappelons-nous que, il n’y a pas si longtemps, la guerre du Vietnam n’a pas été perdue militairement par l’armée américaine mais parce que cette guerre avait perdu sa légitimité auprès du peuple américain.
Ce que l’EI tente d’affaiblir, c’est notre cosmopolitisme. En janvier, avec Charlie, leur cible était la liberté d’expression, la liberté de penser des dessinateurs, des journalistes et, en même temps, une tradition française, née de la lutte contre le despotisme en 1789. Les juifs aussi, incarnation, avec l’esprit diasporique, de ce « Tout Monde » dont parle le poète Edouard Glissant. Le cosmopolitisme toujours. Le cosmopolitisme insurgé des villes rebelles comme Paris, ce Paris de la Commune, des MOI, de la résistance à l’oppression, des barricades de 1830 à 1968, ce Paris métissé, qui est notre véritable ligne de défense contre le fascisme religieux.
L’EI peut être vaincu, mais à condition de ne rien lâcher sur nos valeurs, nos principes, nos convictions. Ce n’est pas en stigmatisant un peu plus les musulmans, en prenant des mesures inefficaces et discriminatoires que l’on combat le fascisme. Au contraire, on va dans le sens de l’EI, qui cherche à faire des musulmans un bouclier humain.
L’EI peut être vaincu, mais pas avec les méthodes que les Etats-Unis et la Russie utilisent depuis deux décennies, de l’Irak à la Tchétchénie.
La politique d’intervention militaro-humanitaire, ça n’a pas marché. Les interventions au sol ou dans les airs, ça n’a pas marché. Les assassinats ciblés, ça n’a pas marché. Avec leur commande des massacres à distance, les drones sont d’ailleurs la politique inversée de Daech. Ceux qui tuent à des milliers de kilomètres et commettent une bavure contre un mariage ou une fête rituelle, ou un hôpital de MSF en Afghanistan, ressemblent aux commanditaires des attentats de Paris. Ils tuent avec leur bonne conscience… Et produisent en retour des monstres. La seule chose qui a fonctionné jusqu’à présent, c’est la résistance kurde en Syrie et en Irak. Parce qu’elle est l’œuvre du peuple, qui résiste seul sur place. Parce que, depuis Kobane, les brigades de l’Armée Syrienne Libre se joignent à elle. Parce qu’elles ne dépendent pas du seul jeux des puissances mondiales ou régionales, arc boutées sur la défense de leurs seuls intérêts d’Etat.
Nous avons aujourd’hui le devoir de défendre la société, une société de libertés, contre tous ceux qui chercheront à les remettre en cause, à les rogner, une société d’égalité pour tous contre tous ceux qui discrimineront en fonction de la couleur de peau, de la religion, du sexe… Une société de fraternité et de solidarité.
Nous sommes en guerre, certes, mais ce n’est pas une raison pour sombrer dans le renoncement à ce qui est le sens même de nos valeurs. Le « pacte sécuritaire » qui nous est proposé, n’est qu’une habile triangulation pour faire avaler à la gauche la camelote de la droite : état d’urgence prorogé de trois mois sans explication, et éventuelles modifications profondes décidées dans l’urgence de l’émotion, interdiction des manifestations, approbation du principe de déchéance de la nationalité, expulsions massives, régression de l’Etat de droit par la constitutionnalisation d’un Patriot Act à la française… Ce n’est rien d’autre qu’une logique de guerre intérieure permanente qui nous est imposée à la faveur du massacre du vendredi noir. Elle n’en sera pas plus efficace pour autant. Notre besoin n’est pas de banaliser le tout sécuritaire, mais de renforcer les moyens de renseignement et de contre-terrorisme, de justice et de police sur le terrain, de faire moins d’esbroufe pour faire croire que l’on protège la population et plus d’infiltrations et d’asséchement des réseaux, plus de politique internationale et moins de vente d’armes à des régimes qui encouragent, de fait, l’insurrection djihadiste.
Une dernière remarque, cet événement nous aura appris au moins une chose : nous savons maintenant ce qui pousse des femmes, des hommes, des enfants, à risquer leur vie en traversant la méditerranée et à errer de murs en murs à travers l’Europe. Ils ont les mêmes visages que ceux qui ont été assassinés lâchement au Bataclan ou rue de Charonne, vendredi soir, mais ils en ont connu des dizaines chez eux. Ce n’est pas la France qui est touchée, c’est l’humanité que l’on assassine à Paris, à Alep ou ailleurs. C’est nous. La seule Union Sacrée qui vaille, c’est celle de l’humanité blessée, qui doit oser se révolter contre la barbarie.L’union sacrée est une défaite de la pensée
17 novembre 2015 | Par Noël Mamère - Mediapart.fr


LETTRE À MA GÉNÉRATION : MOI JE N’IRAI PAS QU’EN TERRASSE

20 novembre 2015| par Sarah Roubato

Salut 

On se connaît pas mais je voulais quand même t’écrire. Il paraît qu’on devrait se comprendre, puisqu’on est de la même génération. Je suis française, je n’ai pas trente ans. Paris, c’est ma ville. J’ai grandi dans une école internationale où on était plus de quatre-vingt nationalités. J’ai beaucoup voyagé et je parle plusieurs langues. J’ai « des origines » comme on dit maghrébines. Je suis auteur compositeur interprète, artiste, et même un peu anthropologue.
J’ai toujours adoré les terrasses. La dernière fois que j’étais à Paris j’y ai passé des heures, dans les cafés des 10e 11e et 18earrondissements. J’y ai écrit un livre qui s’appelle Chroniques de terrasse. Il est maintenant quelque part dans la pile de manuscrits de plusieurs maisons d’édition. Ça fait drôle d’y penser maintenant. J’aurais envie de rajouter quelques pages. Pourtant aujourd’hui, ce n’est pas en terrasse que j’ai envie d’aller.
Depuis plusieurs jours, on m’explique que c’est la liberté, la mixité et la légèreté de cette jeunesse qui a été attaquée, et que pour résister, il faut tous aller se boire des bières en terrasse. C’est joli comme symbole, c’est même plutôt cool comme mode de résistance. Je ne suis pas sûre que si les attentats prévus à la Défense avaient eu lieu, on aurait lancé des groupes facebook « TOUS EN COSTAR AU PIED DES GRATTE-CIELS ! » ni qu’on aurait crié notre fierté d’être un peuple d’employés et de patrons fiers de participer au capitalisme mondial, pas toi ? 
On nous raconte qu’on a été attaqués parce qu’on est le grand modèle de la liberté et de la tolérance. De quoi se gargariser et mettre un pansement avec des coeurs sur la blessure de notre crise identitaire. Sauf qu’il existe beaucoup d’autres pays et de villes où la jeunesse est mixte, libre et festive. Vas donc voir les terrasses des cafés de Berlin, d’Amsterdam, de Barcelone, de Toronto, de Shanghai, d’Istanbul, de New York ! 
On a été attaqués parce que la France est une ancienne puissance coloniale du Moyen-Orient, parce que la France a bombardé certains pays en plongeant une main généreuse dans leurs ressources, parce que la France est accessible géographiquement, parce que la France est proche de la Belgique et qu’il est facile aux djihadistes belges et français de communiquer grâce à la langue, parce que la France est un terreau fertile pour recruter des djihadistes.
Oui je sais, la réalité est moins sexy que notre fantasme. Mais quand on y pense, c’est tant mieux, car si on a été attaqué pour ce qu’on est, alors on ne peut pas changer grand chose. Mais si on a été attaqué pour ce qu’on fait, alors on a des leviers d’action : 
- S’engager dans la recherche pour trouver des énergies renouvelables, car quand le pétrole ne sera plus le baromètre de toute la géopolitique, le Moyen-Orient ne sera plus au centre de nos attentions. Et d’un coup le sort des Tibétains et des Congolais nous importera autant que celui des Palestiniens et des Syriens. 
- S’engager pour trouver de nouveaux modèles politiques afin de ne plus déléguer les actions de nos pays à des hommes et des femmes formés en école d’administration qui décident que larguer des bombes, parfois c’est bien, ou qu’on peut commercer avec un pays qui n’est finalement qu’un Daesh qui a réussi.
-  Les journalistes ont montré que les attentats ont éveillé des vocations de policiers chez beaucoup de jeunes. Tant mieux. Mais où sont les vocations d’éducateurs, d’enseignants, d’intervenants sociaux, de ceux qui empêchent de planter la graine djihadiste dans le terreau fertile qu’est la France ?
Si la seule réponse de la jeunesse française à ce qui deviendra une menace permanente est d’aller se boire des verres en terrasse et d’aller écouter es concerts, je ne suis pas sûre qu’on soit à la hauteur du symbole qu’on prétend être. L’attention que le monde nous porte en ce moment mériterait que l’on sorte de la jouissance de nos petits plaisirs personnels.

Ma mixité
Qu’on soit maghrébin, français, malien, chinois, kurde, musulman, juif, athée, bi homo ou hétéro, nous sommes tous les mêmes dès lors qu’on devient de bons petits soldats du néo-libéralisme et de la surconsommation. On aime le Nutella qui détruit des milliers d’hectares de forêt et décime les populations amazoniennes, on achète le dernier iphone et on grandit un peu plus les déchets avec les carcasses de nos anciens téléphones, on préfère les fringues pas chères teintes par des enfants du Bengladesh et de Chine, on dépense des centaines d’euros en maquillage testé sur les animaux et détruisant ce qu’il reste de ressources naturelles. 
Ma mixité, ce sera d’aller à la rencontre de gens vraiment différents de moi. Des gens qui vivent à huit dans un deux pièces, peu importe leur origine et leur religion. Des enfants dans les hôpitaux, des détenus dans les prisons. Des vieilles femmes qui vivent seules. De ce gamin de douze ans à l’écart d’un groupe d’amis, toujours rejeté parce qu’il joue mal au foot, qui se renferme déjà sur lui-même. Des ados dans les banlieues qui ne sont jamais allés voir une pièce de théâtre. Ceux qui vivent dans des petits villages reculés où il n’y a plus aucun travail. Les petits caïds de carton qui s’insultent et en viennent aux mains parce que l’un n’a pas payé son cornet de frites au McDo. D’habitude quand ça arrive, qu’est-ce que tu fais ? Tu tournes la tête, tu ris, tu te rassures avec un petit "Et ben ça chauffe !" et tu retournes à ta conversation. Si tous ceux qui ont répondu à l’appel Tous en terrasse ! décidaient de consacrer quelques heures par semaine à ce type d’échange... il me semble que ça irait déjà mieux. Ça apportera à l’humanité sans doute un peu plus que la bière que tu bois en terrasse.

Ma liberté
Je ne vois pas en quoi faire partie du troupeau qui se rend chaque semaine aux messes festives du weekend est une marque de liberté. Ma liberté sera de prendre un autre chemin que celui qui passe par l’hyperconsommation. D’avoir un autre horizon que celui de la maison, de la voiture, des grands écrans, des vacances au soleil et du shopping.
Ma liberté sera celle de prendre le temps quand j’en ai envie, de ne pas m’affaler devant la télé en rentrant du boulot, d’avoir un travail qui ne me permet pas de savoir à quoi ressemblera ma journée.
Ma liberté, c’est de savoir que lorsque je voyage dans un pays étranger je ne suis pas en train de le défigurer un peu plus. C’est vivre quelque part où le ciel a encore ses étoiles la nuit. C’est flâner dans ma ville au hasard des rues. C’est avoir pu approcher une autre espèce que la mienne dans son environnement naturel. 
Ma liberté, ce sera de savoir jouir et d’être plein, tout le contraire des plaisirs de la consommation qui créent un manque et le besoin de toujours plus. Ma liberté, ce sera d’avoir essayé de m’occuper de la beauté du monde. "Pour que l’on puisse écrire à la fin de la fête que quelque chose a changé pendant que nous passions" (Claude Lemesle).

Ma fête
Ma fête ne se trouve pas dans l’industrie du spectacle. Ma fête c’est quand j’encourage les petites salles de concert, les bars où le musicien joue pour rien, les petits théâtres de campagne construits dans une grange, les associations culturelles. Passer une journée avec un vieux qui vit tout seul, c’est une fête. Offrir un samedi de babysitting gratuit à une mère qui galère toute seule avec ses enfants, c’est une fête. Organiser des rencontres entre familles des quartiers défavorisés et familles plus aisées, et écouter l’histoire de chacun, c’est une fête. 
La fête c’est ce qui sort du quotidien. Et si mon quotidien est de la consommation bruyante et lumineuse, chaque fois que je cultiverai une parole sans écran et une activité dont le but n’est pas de consommer, je serai dans la fête. Préparer un bon gueuleton, jouer de la gratte, aller marcher en forêt, lire des nouvelles et des contes à des jeunes qui sentent qu’ils ne font pas partie de notre société, quelle belle teuf !
N’allez pas me dire que je fais le jeu des djihadistes qui disent que nous sommes des décadents capitalistes… s’il vous plaît ! Ils n’ont pas le monopole de la critique de l’hyper-consommation, et de toute façon, ils boivent aux mêmes sources que les pays les plus capitalistes : le pétrole et le trafic d’armes. 
Voilà. Je ne sais pas si on se croisera sur les mêmes terrasses ni dans les mêmes fêtes. Mais je voulais juste te dire que tu as le droit de te construire autrement que l’image que les médias te renvoient. Bien sûr qu’il faut continuer à aller en terrasse, mais qu’on ne prenne pas ce geste pour autre chose qu’une résistance symbolique qui n’aura que l’effet de nous rassurer, et sûrement pas d’impressionner les djihadistes (apparemment ils n’ont pas été très impressionnés par la marche du 11 janvier), et encore moins d’arrêter ceux qui sont en train de naître. 
Ce qu’on est en train de vivre mérite que chacun se pose un instant à la terrasse de lui-même, et lève la tête pour regarder la société où il vit. Et qu isait... peut-être qu’un peu plus loin, dans un lambeau de ciel blanc accroché aux immeubles, il apercevra la société qu’il espère.
Sarah


COP21 : L’INTERDICTION DES MANIFESTATIONS EST UN ABUS DE POUVOIR


Naomi Klein, journaliste canadienne, auteure, cinéaste et militante altermondialiste considère l’interdiction de manifester pendant la conférence Climat comme un révélateur des injustices politiques actuelles. « Encore une fois, un pays occidental riche place la sécurité des élites devant les intérêts de ceux qui se battent pour leur survie. Encore une fois, le message est : notre sécurité n’est pas négociable, la vôtre ne compte pas. »

Qui protège-t-on, quand on cherche à assurer la sécurité par tous les moyens nécessaires ? Et qui est sacrifié, alors que l’on pourrait faire beaucoup mieux ? Ces questions sont au coeur de la crise climatique. Les réponses sont la raison pour laquelle les sommets du Climat finissent si souvent dans l’acrimonie.

La décision du gouvernement français d’interdire les manifestations, marches et autres « activités en extérieur » pendant le sommet du Climat est perturbante à plusieurs niveaux. Ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’elle reflète l’injustice fondamentale de la crise climatique elle-même, et cette question centrale : qui sont les personnes dont la sécurité est considérée importante dans notre monde asymétrique ?

La première chose à comprendre, c’est que les personnes exposées aux pires effets du dérèglement climatique ne peuvent quasiment pas se faire entendre dans le débat public occidental, quand on se demande s’il faut agir sérieusement pour empêcher un réchauffement catastrophique. Les gigantesques sommets du climat comme celui que Paris s’apprête à accueillir sont de rares exceptions. Pendant deux petites semaines, les voix de ceux qui sont touchés, en premier et le plus fort, ont un peu de place pour se faire entendre là où des décisions majeures sont prises. C’est pour cette raison que des habitants des îles du Pacifique, des chasseurs Inuits et des personnes de couleur pauvres vivant à la Nouvelle Orléans parcourent des milliers de kilomètres pour y participer. Participer à ce sommet est une précieuse occasion pour parler du dérèglement climatique du point de vue de la morale, et de mettre des visages humains sur la catastrophe en train de se produire.

Le deuxième point important c’est que même lors de ces rares moments, les voix de ceux qui se trouvent en « première ligne » n’ont pas assez de place dans les réunions officielles, où dominent les gouvernements et les ONG les plus riches. Les voix des gens ordinaires s’expriment surtout dans les rassemblements de base qui se tiennent parallèlement au sommet, ainsi que dans les manifestations et les moments de protestation qui attirent de cette manière l’attention médiatique. Or le gouvernement français a décidé de confisquer le plus puissant de ces porte-voix, en affirmant qu’assurer la sécurité des manifestations mettrait en péril sa capacité à garantir la sécurité de la zone du sommet officiel où les dirigeants politiques vont se rencontrer.

Certains disent que cela se justifie dans la situation de riposte contre la terreur. Mais un sommet du climat des Nations-Unies n’est pas comme une réunion du G8 ou de l’Organisation Mondiale du Commerce, où les puissants se rencontrent et ceux qui n’ont pas de pouvoir tentent de gâcher leur fête. Les évènements concomitants de la « société civile » ne sont pas un ajout ou une distraction de l’évènement principal. Elles font intégralement partie du processus. C’est pourquoi le gouvernement français n’aurait jamais dû être autorisé à décider quelle partie du sommet il annule, et quelle partie il continue d’accueillir.

Après les épouvantables attaques du 13 novembre, il aurait plutôt dû décider s’il avait la volonté et la capacité d’accueillir tout le sommet, avec la pleine participation de la société civile, y compris dans les rues. S’il ne le pouvait pas, il aurait dû y renoncer et demander à un autre pays de le remplacer. Pourtant, le gouvernement de François Hollande a pris une série de décisions qui reflètent une échelle de valeurs et de priorités très particulières quant à qui et quoi obtient la pleine protection de sa sécurité par l’Etat. Oui aux dirigeants du monde, aux matchs de foot et aux marchés de Noël. Non aux manifestations pour le climat et aux rassemblements qui reprochent aux négociations, compte-tenu du niveau des objectifs de réduction des gaz à effet de serre, de mettre en danger la vie et les conditions de vie de millions, si ce n’est de milliards de personnes.

Et qui sait où cela finira ? Doit-on s’attendre à ce que l’ONU révoque arbitrairement les accréditions de la moitié des participants de la société civile ? Ceux qui semblent le plus susceptible de causer de l’agitation à l’intérieur du sommet bunkerisé ? Je n’en serais pas du tout étonnée.

Il est important de réfléchir à ce que l’annulation des manifestations et protestations signifie en réalité et au plan symbolique. Le dérèglement climatique est une crise morale car à chaque fois que les gouvernements des pays riches échouent à agir comme il le faudrait, ils envoient le message que nous, au Nord, plaçons notre confort immédiat et notre sécurité économique devant la souffrance et la survie de certains des habitants les plus pauvres et les plus vulnérables de la planète.

La décision d’interdire les espaces les plus importants où les voix des personnes affectées par le climat auraient pu s’exprimer, est l’expression dramatique de cet abus de pouvoir profondément non éthique. Encore une fois, un pays occidental riche place la sécurité des élites devant les intérêts de ceux qui se battent pour leur survie. Encore une fois, le message est : notre sécurité n’est pas négociable, la vôtre ne compte pas.

Un dernier point : j’écris ces lignes depuis Stockholm, où je participe à une série d’événements publics sur le climat. Quand je suis arrivée, la presse s’excitait autour d’un tweet envoyé par la ministre de l’environnement, Asa Romson. Peu après la nouvelle des attentats de Paris, elle a tweeté sa colère et sa tristesse face à ces morts. Puis, qu’elle pensait que c’était une mauvaise nouvelle pour le sommet du climat, une pensée qui a traversé l’esprit de tous ceux que je connais, et qui ont un rapport avec le sommet du climat. Pourtant, elle a été jetée au pilori à cause de son insensibilité supposée : comment pouvait-elle penser au dérèglement climatique alors que venait de se produire un tel carnage ?

Cette réaction est révélatrice de l’idée que le changement climatique est une question mineure, une cause sans véritables victimes, un événement futile. En particulier quand les problèmes sérieux de la guerre et du terrorisme sont au centre de l’attention. Cela m’a fait penser à ce que l’auteure Rebecca Solnit a écrit récemment : « le dérèglement climatique est une violence ».

C’est une violence. Une partie de cette violence est infiniement lente : la montée du niveau des mers qui efface peu à peu des nations, les sécheresses qui tuent des milliers de personnes. Cette violence est aussi terriblement rapide : les tempêtes qui portent les noms de Katrina et Haiyan emportent des milliers de vies en un seul instant ravageur. Quand les gouvernements et les grandes entreprises échouent en conscience à agir pour empêcher la catastrophe du réchauffement, c’est un acte de violence. C’est une violence si grande, si mondiale, et infligée à tant de périodes temporelles à la fois (cultures anciennes, vies présentes, futur potentiel) qu’il n’existe pas encore de mot capable de decrire toute cette monstruosité. Faire preuve de violence pour réduire au silence ceux qui sont le plus vulnérables à la violence climatique est une violence de plus.

Pour expliquer pourquoi les matchs de foot se tiendraient comme prévu, le ministre français des Sports a déclaré : « la vie doit continuer ». Oui, c’est vrai. C’est la raison pour laquelle j’ai rejoint le mouvement pour la justice climatique. Parce que quand les gouvernements et les grandes entreprises échouent à prendre en compte toutes les vies sur Terre, ils doivent être contestés.
Traduction de Jade Lindgaard


BOMBARDER BRUXELLES ?
OU QUELQUES CONTRADICTIONS DE LA GUERRE CONTRE LE TERRORISME…


18 NOV. 2015 par Mathias.DELORI BLOG : LE BLOG DE MATHIAS.DELORI
Une idée domine le discours public depuis les attentats tragiques de vendredi dernier : la France est en guerre. Le président Hollande a déclaré cette guerre de manière solennelle devant le Congrès réuni à Versailles ce lundi. À la suite de son discours, l’ensemble des parlementaires ont entonné une marseillaise plus martiale que jamais. Il importe de remarquer, à ce propos, que ces discours et ces chants ne sont pas une posture symbolique.
Une idée domine le discours public depuis les attentats tragiques de vendredi dernier : la France est en guerre. Le président Hollande a déclaré cette guerre de manière solennelle devant le Congrès réuni à Versailles ce lundi. À la suite de son discours, l’ensemble des parlementaires ont entonné une marseillaise plus martiale que jamais. Il importe de remarquer, à ce propos, que ces discours et ces chants ne sont pas une posture symbolique. Les Rafales et les Mirages 2000 français bombardent depuis dimanche la ville de Raqqa, un des fiefs de l’État Islamique. Une alliance militaire de grande ampleur se prépare avec la Russie de V. Poutine. Cette guerre se justifie par le fait que les auteurs des attentats de vendredi ont une connexion avec l’État Islamique. Abdelhamid Abaaoud, le commanditaire présumé, a par exemple séjourné en Syrie. Il s’est d’ailleurs pavané dans une vidéo macabre avec d’autres combattants de l’État Islamique.

Pourtant, l’enquête sur les attentats dramatiques de vendredi dernier renvoie autant, sinon plus, à Bruxelles qu’à Raqqa. Abdelhamid Abaaoud n’est pas syrien mais belge et, qui plus est, bruxellois. Tout comme ses complices de ce triste vendredi 13 et leurs cousins de janvier dernier (A. Coulibaly et les frères Kouachi), il est un enfant de l’Europe. Fort de ce constat, Eric Zemmour a récemment proposé de bombarder le quartier bruxellois de Molenbeek, foyer présumé du terrorisme. Ne le prenons pas aux mots mais faisons une expérience de pensée en nous posant deux questions : Comment réagirions-nous si la France décidait, demain, de bombarder Bruxelles, Lyon ou Munich au prétexte que ces villes auraient servi de repère ou de lieu de vie à plusieurs terroristes ? Avons-nous réagi de la même manière quand nous avons appris, dimanche, le début des bombardements sur Raqqa ?

Le politiste Martin Shaw a exploré cette question dans sa théorie du « transfert de risque ». Shaw observe, pour commencer, que la guerre contre le terrorisme (islamique) est une guerre globale au sens où les puissances occidentales la mènent sur deux fronts : le front dit « intérieur » - le territoire des États-Unis, de l’Europe, etc. - et le front dit « extérieur » : l’Afghanistan, le Mali, l’Irak, la Syrie, des pays qui ont pour point commun d’être à la fois des pays à majorité musulmane et des pays anciennement colonisés. Bien qu’il s’agisse de la même « guerre », les puissances occidentales n’utilisent pas du tout les mêmes armes sur ces deux terrains. Dans le premier cas, elles utilisent des instruments politiques « normaux » : la police, la justice ou, dans les cas d’urgence, des commandos d’élite au sol. Dans le second, en revanche, les puissances occidentales larguent des bombes à partir de drones ou de chasseurs-bombardiers.

La raison de cette différence dans les modalités de la « neutralisation » des terroristes n’est pas technique. Il est possible d’envoyer des commandos d’élite en dehors des frontières. Les États-Occidentaux ne se privent d’ailleurs pas de le faire en certaines circonstances. Pensons, par exemple, à l’assassinat de Ben Laden le 2 mai 2011.

Ces modalités différentes de « traitement » des terroristes prend racine dans un phénomène plus fondamental : le rapport des sociétés occidentales à la violence. Même si les opérateurs de drones et les pilotes de chasseurs bombardier font tout leur possible pour épargner les vies civiles, les bombes qu’ils larguent font – mécaniquement ou cinétiquement – beaucoup plus de « dommages collatéraux » que les balles des policiers ou des tireurs de commandos d’élite. Or si les responsables politiques sont prêts à assumer la probabilité de voir une balle perdue tuer un civil occidental, ils ne sont pas disposés à voir des dizaines de leurs concitoyens mourir à quelques mètres de l’impact d’une bombe de 250 kg lâchée par un Rafale, un Mirage 2000 ou un F18.

Cet usage d’instruments sécuritaires si différents conduit M. Shaw à relever une première contradiction de la guerre contre le terrorisme. Alors que celle-ci est menée au nom de valeurs humanistes, modernes et libérales qui proclament l’égalité de toutes les vies humaines, certaines vies (civiles) ont visiblement moins de valeurs que d’autres. Reprenons l’expérience de pensée évoquée plus haut : que serait la victime collatérale d’une bombe française s’écrasant à Bruxelles ? Probablement une personne humaine qu’on pleurerait (légitimement) en apprenant son nom, son histoire, les multiples anecdotes racontées par ses proches. Qu’est-ce qu’une victime collatérale d’une bombe française s’écrasant à Raqqa : le paramètre invisible d’une équation ou, au mieux, une victime regrettée mais justifiée au nom de ce que Eyal Weizmann appelle le « principe du moindre mal ».

On remarquera, au passage, que cette différence dans la valeur accordée aux vies humaines se lit dans un dispositif capitaliste concret : les compensations financières versées par les gouvernements occidentaux aux victimes de cette guerre. En moyenne, les familles de victime des attentats du 11 septembre ont reçu la somme de 1,8 million de dollars. Les familles afghanes et irakiennes victimes des bombes américaines peuvent prétendre, sous des conditions en réalité drastiques, à 2 500 dollars.

Ces éléments illustrent un fait simple mais important pour notre propos : le cadrage humaniste est distordu par une préoccupation plus traditionnelle, à savoir le fait qu’on a plus de sympathie pour les proches que pour les autres lointains. Or il importe de bien mesurer la portée de ce phénomène en apparence trivial. En effet, ce raisonnement communautariste caché ne s’applique pas seulement aux civils mais, également, aux combattants occidentaux. C’est ici que l’expression « transfert de risque » prend tout son sens. Les sociétés et les forces occidentales ne veulent à aucun prix de victime occidentale, y compris parmi les combattants. Dès lors, elles préfèrent transférer aux populations (civiles) non-occidentales les risques de cette guerre. Ce raisonnement explique la centralité, dans la nouvelle guerre contre le terrorisme, des frappes aériennes et des drones. Même si ceux-ci font plus de morts civils non-occidentaux que les commandos d’élite des forces spéciales projetés au sol, ils présentent une vertu inestimable : ils garantissent la (sur)vie des combattants occidentaux.

Cette expérience de pensée – bombarder Bruxelles - présente un autre mérite : illustrer le fait que la « guerre contre le terrorisme » est… une guerre. Cette guerre présente en effet une particularité historique : elle n’est pas perçue comme telle par la plupart de ses supporters. Nous avions relevé ce point lors des attentats de janvier. Il existait un décalage entre le discours d’une partie des manifestants et le sens concret de leur geste. En effet, si l’aile droite des manifestations proclamait sa haine de l’Islam de manière (déjà) martiale, l’aile gauche inscrivait son action symbolique dans un autre champ lexical : le refus de la violence, la mixité inter-ethnique, la défense de la liberté d’expression, etc. La présence à la tête du cortège parisien du 11 janvier du Secrétaire général de l’OTAN, de B. Netanyahou et de 70 autres responsables politiques intéressés par la guerre contre le terrorisme suscita, certes, quelques interrogations. Toutefois, ces personnes qui proclamaient leur refus de la violence ne descendirent pas dans les rues pour protester quand M. Valls déclara la guerre au terrorisme (le 10 janvier), quand les députés français entonnèrent une Marseillaise (déjà) martiale et quand le président Hollande décida d’intensifier les frappes contre Daesh. Toutes les décisions de l’exécutif allaient dans le sens de la guerre. Or celui-ci gagna vingt points de popularité dans les sondages. Cette contradiction explique la surprise et la stupeur d’une partie de l’opinion depuis vendredi. N’ayant pas totalement conscience d’être en guerre, de nombreuses personnes s’étonnent de voir Daesh décider, à son tour, de rendre les coups.

Cette guerre contre le terrorisme (islamique) comporte une troisième contradiction : elle est menée dans une incohérence stratégique absolue. Plusieurs collègues ont relevé ce point en ce qui concerne la « grande stratégie », c’est-à-dire les alliances géopolitiques. La France et les États-Unis sont alliés avec l’Arabie Saoudite, laquelle est fortement soupçonnée d’avoir financé les attentats du 11 Septembre ainsi que le Front al-Nosra en Syrie. De plus, le précédent historique de la guerre américaine contre le terrorisme devrait nous inciter à la prudence. Contrairement à ce qu’affirment quelques « orientalistes » trop présents devant les médias, les États-Unis n’ont pas terrassé Al Qaïda en 2001-2002 et encore moins les Talibans (après avoir fait, au passage, plusieurs milliers de victimes civiles afghanes). Ils ont certes porté un coup à Al Qaïda mais suscité, dans le même geste, des milliers de vocations pour son cousin proche-oriental : Daesh. Cette logique de constitution du terrorisme par l’anti-terrorisme prit une forme encore plus massive lors de l’invasion de l’Irak en 2003. Daesh est directement le fruit de la déstructuration de l’État irakien engendrée par l’intervention américaine.

Cette cécité stratégique est également perceptible dans le volet actuel de cette guerre, à savoir les frappes contre Daesh et la constitution (à venir) d’une alliance avec Poutine. Les partisans de ce « tournant stratégique » ne se rendent-ils pas compte qu’ils réagissent, précisément, selon les modalités souhaitées par leur ennemi ? En effet, plusieurs éléments suggèrent que Daesh espère une intensification des frappes occidentales : le mode opératoire « terroriste » (qui fabrique des émotions belligènes de peur et de blessure identitaire), le fait que cette organisation politique puise sa légitimité dans une rhétorique anti-impérialiste dénonçant les « croisades » occidentales, les accents virilistes de son communiqué – qui fait parfaitement écho, d’ailleurs, à celui de la classe politique française -, etc. Or comme le remarquent Eric Fassin, Edwy Plenel et d’autres, le b.a.-ba de la stratégie stipule qu’il ne faut pas réagir conformément aux attentes de l’adversaire, mais au contraire le surprendre. D’où cette admonestation formulée récemment dans Le Monde par David Van Reybrouck : « Monsieur le président, vous êtes tombé dans le piège ! ».

La guerre contre le terrorisme présente une autre contradiction : alors qu’elle est menée au nom de la démocratie et du libéralisme politique, elle n’a qu’une conséquence pratique sur le plan intérieur : la restriction des libertés. Le discours du président Hollande devant le Congrès est de ce point de vue un cas d’école. Il propose, tout simplement, de constitutionnaliser l’état d’exception qui se met en place depuis janvier dernier.

On nous objectera que ce phénomène se produit lors de toutes les guerres. Admettons, mais c’est précisément là que le bât blesse. La France a systématiquement renié tous ses principes démocratiques à chaque fois qu’elle est entrée en guerre. Cette histoire a commencé avec l’Union sacrée de 1914, union sacrée qu’on nous somme de respecter encore aujourd’hui. À l’époque, un député allemand avait sauvé l’honneur pluraliste (donc démocratique) de l’Allemagne : le socialiste Karl Liebknecht. Celui-ci avait refusé de voter les crédits de guerre. Jaurès assassiné, tous ses camarades français se jetèrent dans la mêlée. Or qu’est-ce qu’une démocratie où le peuple agit comme un seul homme ? Un état totalitaire.

Cette histoire prit une forme bien plus tragique encore en 1939-1940. Le 18 novembre 1939, le gouvernement républicain d’E. Daladier décida d’interner (déjà !) tous les « individu(s), Français ou étranger, considéré(s) comme dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Cette catégorie englobait la plupart des Allemands se trouvant sur le territoire français. Ces milliers de personnes – pour la plupart Juifs et/ou opposants au nazisme – avaient rejoint la France car ils voyaient en elle la patrie des droits de l’Homme. Arriva ensuite la défaite de juin 1940, la dissolution – votée par les parlementaires ! – des institutions démocratiques et l’article 19 de la convention d’armistice qui décidait de livrer ces hommes et ces femmes à Hitler. On connait la suite…

On pourrait en dire autant, bien évidemment, à propos de la guerre d’Algérie. Il est vrai que la France n’a pas attendu la révolution algérienne pour renier ses principes démocratiques au Sud de la Méditerrannée. Dans les départements algériens, le droit français établissait deux catégories juridiques : les citoyens (chrétiens, juifs ou athées) et les sujets (musulmans) qui se voyaient privés de tous les droits politiques. Cette logique s’est cependant accentuée de manière inouïe pendant la guerre d’Algérie à proprement parler avec la censure, les arrestations sommaires, la torture, etc. La « métropole » ne fut d’ailleurs pas épargnée par ces dérives anti-démocratiques. Pensons, par exemple, aux complicités préfectorales dans le massacre des manifestants pacifistes algériens à Paris le 17 octobre 1961.

La comparaison avec la guerre d’Algérie permet d’ailleurs d’illustrer une dernière contradiction de la guerre contre le terrorisme. Bien qu’elle se drape dans les habits du libéralisme politique, cette guerre est menée en dehors de tout cadre légal. Les militaires n’y sont pour rien. J’ai fait de multiples entretiens avec des militaires français qui combattent le terrorisme. Je peux témoigner qu’ils ont, pour la plupart, une conception noble et parfaitement respectable de leur métier. Le problème réside dans le cadre politique de cette guerre. Pour commencer, la distinction entre « civil » et « combattant » - le fondement du droit de la guerre – n’a pratiquement plus cours. Dans bien des cas, est considérée comme « combattante » toute personne de sexe masculin et adulte située sur un site qualifié de « stratégique ». On comprend, dans ces conditions, pourquoi les décomptes relatifs au nombre de victimes civiles divergent de part et d’autre… Par ailleurs, ces combattants sont considérés comme « illégaux » (selon la terminologie états-unienne), ce qui signifie une chose très simple : les conventions de Genève ne les concernent pas.

Sous le mandat de G. W. Bush, le choix de refuser à ces hommes la dignité de combattant légal était pensé de manière instrumentale. Il s’agissait de rendre possible la torture dans le cadre de la quête de renseignement menée par la CIA. Depuis quelques années, ce choix a pris une forme plus identitaire liée à la prétention « humanitaire » de cette guerre. Dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, on ne combat pas un alter-ego menaçant : un « boche », un « Franzmann », un « soviétique », etc. On affronte au contraire des ennemis de l’humanité, qualifiés plus couramment de « barbares ». Or que fait-on des non-humains ? On les « éradique », pour reprendre un terme devenu populaire dans le discours public. Cette remarque nous ramène à la comparaison avec la guerre d’Algérie. Franz Fanon écrivait à ce propos que « sous l’occupation allemande les Français étaient demeurés des hommes. Sous l’occupation française [de l’Allemagne de 1945 à 1949], les Allemands sont demeurés des hommes. En Algérie, il n’y a pas seulement domination, mais à la lettre décision de n’occuper somme toute qu’un terrain ». Franz Fanon savait de quoi il parlait : il fut à la fois un grand révolutionnaire algérien et un grand résistant français.

Précisons, si besoin était, que ces remarques ne puisent pas leur inspiration dans une condamnation morale de la guerre ou dans une sorte de pacifisme intégral. L’histoire nous a appris à nous méfier de ce type de raisonnement. Les grands stratèges nous enseignent cependant que l’usage de la force armée n’est pas le seul instrument de résolution des problèmes de sécurité. Si l’on admet la thèse selon laquelle le terrorisme qui a frappé Paris est d’abord européen ou occidental dans sa généalogie, appliquons-lui les mêmes recettes qu’aux autres terrorismes. Au cours de la Seconde moitié du XXe siècle, la France a traité et résolu de multiples problèmes terroristes (d’extrême droite, d’extrême gauche ou encore régionaliste) de manière policière et judiciaire. Les forces de police et les juges anti-terroristes s’y attèlent d’ailleurs avec courage et efficacité depuis vendredi. Pourquoi ne pas concentrer ses efforts sur ces instruments ? Si l’on retient la thèse que le terrorisme islamique nous vient surtout du Moyen-Orient, il existe aussi l’option diplomatique. Après les attentats de Madrid de mars 2004 (près de 200 morts), le nouveau Premier ministre José Luis Rodriguez Zapaterro a maintenu sa promesse de se retirer d’Irak et les attentats ont cessé. Il est vrai que cette proposition paraîtra curieuse à ceux qui estiment (en bons humanistes ?) qu’on ne négocie pas avec les ennemis de l’humanité.

Mathias Delori. Chercheur CNRS au Centre Émile Durkheim de Sciences Po Bordeaux. Co-auteur, avec Gilles Bertrand, du livre Terrorisme, émotions et relations internationales, Paris, Editions Myriapode, 2015.


CLIMAT D’INSÉCURITÉ

LE MONDE | 23.11.2015| Par Stéphane Foucart

C’était bien évidemment la question piège. Samedi 14 novembre, sur la chaîne de télévision CBS, l’animateur du débat entre les prétendants à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle américaine a demandé à Bernie Sanders s’il pensait toujours que le changement climatique était « la menace la plus importante pour la sécurité des Etats-Unis », comme il l’avait déclaré quelques semaines auparavant. La question est presque rhétorique. La veille, Paris était ensanglantée par des attaques terroristes d’une brutalité inédite en France. L’« urgence climatique » semble reléguée, depuis, à une question vaguement subsidiaire.
Bernie Sanders a pourtant répondu qu’il maintenait « absolument » son opinion. « En fait, le changement climatique est directement lié à l’augmentation de la menace terroriste (…), a-t-il expliqué. Si nous n’écoutons pas ce que les scientifiques nous disent, nous allons voir des pays tout autour du monde – c’est ce que dit la CIA – se battre pour l’accès à l’eau, pour l’accès aux terres arables, et nous verrons surgir toutes sortes de conflits. »
Tirer un lien entre sécurité et changement climatique en fait sourire certains. Ce lien est pourtant une certitude, et une certitude suffisamment incommodante pour être systématiquement oubliée et régulièrement redécouverte.

« Multiplicateur de menaces »
En mars 2008, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité transmettait aux Etats membres un rapport sans ambiguïté sur le sujet. Sept ans après sa rédaction, force est de constater son caractère prémonitoire. Le texte estimait que le réchauffement agit comme un « multiplicateur de menaces » dans des zones déjà traversées par des tensions sociales, politiques, religieuses ou ethniques.
« Les changements climatiques risquent d’avoir, à l’avenir, des incidences sur la stabilité sociale et politique au Proche-Orient et en Afrique du Nord », détaillait le rapport, qui pointait « les tensions liées à la gestion des ressources hydriques de la vallée du Jourdain et du bassin du Tigre et de l’Euphrate, qui se raréfient » et l’aggravation de ces tensions par l’augmentation des températures.
Il mettait aussi l’accent sur « une augmentation sensible de la population du Maghreb et du Sahel » au cours des prochaines années qui, combinée au changement climatique et à la diminution des surfaces agricoles, pourrait entraîner une « déstabilisation politique » et « accroître les pressions migratoires ». Même alerte sur le Yémen.
De manière troublante, presque toutes les zones identifiées en 2008 comme les plus sensibles au réchauffement – de la Mésopotamie au Levant en passant par le Yémen, le Sahel et l’Afrique du Nord –, ont basculé sept ans plus tard dans l’instabilité ou le chaos, chaos dont les attentats du 13 novembre sont le monstrueux rejeton.
Le cas syrien, en particulier, a fait l’objet de plusieurs travaux, cherchant la part prise par le climat dans la situation actuelle. Francesca de Châtel (université Radboud de Nimègue, aux Pays-Bas), spécialiste des questions de gestion de l’eau au Proche-Orient, en a livré une chronique saisissante, publiée en janvier 2014 dans la revue Middle Eastern Studies. Le scénario combine un cauchemar environnemental à une incurie à peu près totale du gouvernement syrien dans la gestion de ses conséquences.
Entre 2007 et 2010, favorisée par le réchauffement en cours, une sécheresse d’une sévérité jamais vue depuis le début des relevés météorologiques s’installe sur la région. Les Nations unies estiment que 1,3 million de Syriens en sont affectés. En 2008, pour la première fois de son histoire, la Syrie doit importer du blé. L’année suivante, plus de 300 000 agriculteurs désertent le nord-est du pays faute de pouvoir poursuivre leur activité. Car non seulement il ne pleut pas, mais un grand nombre de nappes phréatiques, surexploitées depuis les années 1980, sont à sec… En 2010, 17 % de la population syrienne est en situation d’insécurité alimentaire.
Bien sûr, les déterminants environnementaux n’invalident nullement les autres – religieux, politiques, ethniques, etc. –, habituellement mis en avant. Mais leur rôle est clair : comment penser que la destruction partielle de la production primaire d’un pays puisse être sans effet aucun sur sa stabilité et la sécurité de ses voisins ?

Grilles de lecture
Dans une étude publiée en mai dans Journal of Development Economics, Matthias Flückiger et Markus Ludwig, de l’université de Bâle, en Suisse, donnent une illustration extraordinaire de ce lien entre environnement et sécurité. Les deux économistes ont analysé les données relatives aux actes de piraterie au large d’une centaine de pays, et à l’abondance de plancton dans les mêmes eaux. Selon leurs calculs, lorsque la quantité de plancton baisse de 10 %, le nombre d’actes de piraterie augmente d’autant…
Parce qu’elle est étrangère à nos grilles de lecture habituelles, cette corrélation peut surprendre, mais elle n’est pas si étonnante. Le plancton – affecté par le réchauffement – forme le socle de la chaîne alimentaire marine : lorsqu’il vient à manquer, ce sont les pêcheries qui trinquent. Les pêcheurs se retrouvent alors avec des bateaux qui ne peuvent plus servir à pêcher. Il faut donc trouver une autre activité permettant de les amortir, et la piraterie en est une.
En frappant Paris le 13 novembre, l’organisation Etat islamique (EI) a remis le court terme au centre de l’agenda politique. La conférence décisive sur le climat, qui doit s’ouvrir le 30 novembre dans la capitale française, est passée au second plan. Pour la lutte contre le réchauffement, c’est une mauvaise nouvelle. On aura compris que, pour l’EI et tous ceux qui prospèrent sur le désespoir des plus pauvres, c’est une formidable victoire.

LA VÉRITÉ EST TOUJOURS PLUS SIMPLE QU’ON NE LE CROIT

21 novembre 2015 | PAR Jean-Louis WAISSMANN

Le terrible massacre de ce vendredi 13 novembre 2015, que nous venons de vivre en direct à la télévision nous oblige à nous poser les vraies questions. Il est vain de tenir des discours sur l’inhumanité des terroristes, leur sang-froid, leur détermination et leur volonté de mourir.
On pouvait encore en janvier 2015 dernier, se gargariser avec ce discours, justifier notre bonne conscience de gardien de la liberté et de la démocratie dans le monde.
La répétition de l’opération de janvier dernier à une puissance exponentielle, la révélation de l’importance de la filière djihadiste, implantée notamment dans notre pays, mais sans doute dormante dans toute l’Europe, doit nous ouvrir les yeux pour poser les bonnes questions.
Comment notre société dite démocratique engendre en son sein de tels monstres ? Car les attaques ne viennent plus de l’extérieur ; on sait maintenant qu’au moins 1800 personnes issues de notre pays fréquentent la filière djihadiste et que le phénomène prend toujours un peu plus d’ampleur.
En janvier 2015, la démonstration de l’unité nationale (toute de façade) et la solidarité affichée par la communauté internationale pouvaient sembler nous protéger,( au moins pour quelques-uns, qui avaient sous-estimé l’ampleur du mal,) de nouveaux assauts.
On peut toujours se donner bonne conscience en dénonçant le mandataire de ces opérations, aujourd’hui Etat Islamique, hier El-Quaïda.
Comment encore pouvoir affirmer que nous pourrons nous protéger à l’intérieur par des mesures draconiennes qui visent à limiter les libertés et à l’extérieur par le bombardement du mandataire.
Nous ressentons tous que ces discours et ces mesures sont inopérantes, voir même contreproductives, car elles renforcent la détermination des acteurs intérieurs et extérieurs.
Les jeunes recrutés par le mandataire, ne sont plus uniquement issus de la communauté maghrébine que l’on a pas su intégrer dans la société française ; ils sont des « convertis » ,pas vraiment à la religion islamique, mais à la religion de la violence et au mythe du surhomme.
Ils n’ont aucune foi religieuse, ils rêvent de détruire par la violence un monde d’inégalité et d’injustice, qui les laissent sans espoir.
Le modèle de violence, il leur est offert à profusion et pour pas cher, par les médias et les jeux vidéos ; ils sont les enfants de cette culture de l’image.
La jeunesse est toujours porteuse de rêves extrêmes ; l’absence totale d’idéologie hors celle de la finance, qui règne en occident laisse toute latitude à un quelconque groupe plus politique que religieux, qui propose de reconstruire le passé glorieux du Califat de recruter dans ses rangs, au-delà de son centre d’intérêt et d’action.
C’est l’absence de perspectives pour les couches les plus fragiles d’une société de plus en plus inégalitaire qui fait la terreur du djihadisme pour les jeunes européens.Quant au mandataire, Etat Islamique ou El-Quaïda, ils se sont largement construits sur les ruines des états du Moyen-Orient que l’Occident a plongé dans la ruine au nom de la démocratie : Irak, Lybie.
Qui peut encore croire que l’on construit la démocratie sur le champ de ruines de nos bombardements aveugles ? Quelle reconstruction possible sur fond d’économie ruinée, des peuples hantés par la violence, de ce qu’ils ont vécus !
Et lorsque les pays voisins tentent l’aventure du printemps arabe, ils ne trouvent aucun vrai soutient de la part de ceux qui se targuent de démocratie, partout, les urnes sont bafouées que ce soit en Egypte ou la dictature reprend le dessus ou bien en Tunisie.
Ces évènements récents se situent sur fonds de soixante ans d’un conflit Israelo-Palestinien, lui aussi d’une vraie violence, la violence du fort contre le faible.
Devant ces reniements répétés, pas étonnant qu’une jeunesse arabe soit tentée de se donner au marchand d’illusions qui lui fait miroiter que la dignité sera reconquise par la mort et la terreur organisée !
Ce n’est pas en fermant ses frontières, en surveillant sa jeunesse perdue et révoltée, en se contentant de bombarder la Syrie de Daeche, par peur d’envoyer les troupes au sol, que l’Occident et la France en particulier, arrêtera l’envie de violence et de destruction nihiliste…. qui se développe dans ses rangs et au Moyen Orient.
Il est une idée simple, qu’aucune violence ne vient à bout de la violence de l’autre, ni à court terme, ni à long terme.
C’est un renversement de la vapeur dans toutes les directions qu’il convient d’agir :
Laisser les urnes s’exprimer, quel que soit le résultat et ne pas les bafouer lorsque cela ne convient pas à notre intérêt ou idéologie.
Reconstruire un monde où la communauté internationale respectera chacun pour la sauvegarde de tous : à la veille de la COP21, il est temps pour l’occident riche ,de montrer au reste de la planète, qu’elle s’emploie à réaliser ; une réorientation de l’économie mondiale respectueuse de la planète et non avide de la piller.
 Seuls des messages de paix et de sagesse peuvent venir à bout des violences et non les rodomontades. de guerre que l’on envoie.

Jl waissmann
Paris, le 15/11/2015

COMMENTAIRES SUR CE TEXTE :

23/11/2015, 00:08 | PAR CLAUZIP12
Le systeme de fonctionnement de l’humanité est actuellement basé sur le pillage sans scrupules et de maniere de plus en plus accéléré, de toutes les ressources de la planete .
Ce pillage profite à une infime minorité en laissant hors des bénéfices une tres grande quantité d’humains sur le bord de l’autoroute avec pratiquement aucune espérance si ce n’est pour une minorité les religions et la violence.
Nous ne sommes qu’au début d’une transformation négative des rapports internes à l’humanité.
L’idéologie néoliberale s’est installée dans toutes les spheres des états déshumanisant au possible les relations et les protections attendues de la démocratie et du droit.
La béte immonde neolibérale n’a rien à envier aux systemes totalitaires qu’elle soutient.
Il est intolerable pour des hommes en démocratie de subir une agression telle que celle de Paris le 13 novembre.Cela doit etre affirmé !
Pourtant,un banquier à pu gruger volontairement des centaines de milliers voire des millions de personnes avec les subprimes,les laissant sur la paille.
Cela n’a entrainé aucune sanction.
Il est possible de mettre au chômage des centaines de milliers de personnes dans le but de faire plus de bénéfices.
Il est possible d’expulser de leurs terres des peuples entiers ou de coloniser par la force leu territoires sans réaction de lONU ou d’un quelconque état !
Il peut y avoir des dizaine de milliers de mort soit par la guerre ,soit par des tremblements de terre ,cela nous émeut moins que la mort de notre animal domestique.
Pourtant les perspectives sont sombres:le dérèglement climatique dont les puissances financières veulent ignorer le fait entrainera des centaines de millions de migrants sur toute la planéte et des violences inouïes.
Nos armées n’auront d’autres objectifs de protéger les frontieres avec des conséquences terribles.
Le système financier ne prendra en compte le fait que si ses dividendes diminuent globalement parceque la main d’oeuvre laborieuse en sera à se défendre pour assurer sa survie.
C’est alors que les milices payées par l’infime minorité des financiers se développeront pour protéger leurs patrimone,les armées nationales complétement déstructurées et laissées à l’ababandon par les gouvernement fantôme ou achetés et sans les ressources des états affaiblis ou disparus.
TAFTA est la première étape de ce scénario de mort.
L’environnement sera détruit.
L’humanité sera réduite à la faim et au servage.
Il y a la nécessité pour l’humanité de prendre son destin en main.
Vraisemblablement il y aura des pertes humaines majeures pour permettre la survie des autres et leur donner l’espoir perdu après une refonte de l’économie planétaire.
 

23/11/2015, 01:37 | PAR LUC RIGAL EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE CLAUZIP12 LE 23/11/2015 À 00:08
À ce scénario-catastrophe que je crois également très plausible, on peut ajouter l’exploitation du spectacle même de la catastrophe.


Une de mes correspondantes souhaite de son côté me voir relayer le texte qui suit. Pourquoi pas ? Un peu de douceur dans ce monde de brutes ne serait pas tout à fait du luxe !

« La vie intérieure, c’est savoir que la paix n’est pas dans le monde, mais dans le regard de paix que nous portons sur le monde. C’est savoir que la joie n’est pas dans le monde comme des dragées dans une bonbonnière, et qu’il suffit d’attendre qu’une société enfin parfaite, ou des appareils, enfin complets, remplissent la bonbonnière.

C’est savoir que la joie n’est jamais pour demain, mais pour aujourd’hui, ou alors qu’elle ne sera pas. Être bien sûr que les événements, même les plus doux, la campagne, même la plus fleurie, la paix civile, même la plus durable, ne la donneront jamais. Et cela, pour la simple raison que nous l’avons déjà. »
– Jacques Lusseyran

« Parfois, lorsque je vis des moments difficiles, il y a une pensée que j’aime bien méditer : si je perds quelque chose, c’est parce que je ne l’ai jamais vraiment eu en partant. Ou parce que ce n’était pas tout à fait réel, plus exactement.

Si je perds l’espoir, c’est parce qu’il n’était pas enraciné très profondément. Si je perds ma joie, c’est parce qu’elle avait une bien faible fondation. Si je perds ma paix, c’est parce qu’elle dépendait des conditions. Si je perds mon sentiment de sécurité, c’est parce qu’il était ancré dans une illusion.

La paix, la joie et la sécurité sont intrinsèques et inconditionnelles par définition. Les seules choses qui peuvent nous être enlevées sont les substituts et les imitations.

Ainsi, après avoir pleuré toutes les larmes devant être pleurées et après avoir purgé toute ma frustration, j’aime bien me rappeler : quoi que j’aie le sentiment d’avoir perdu, il y en a une version beaucoup plus belle, beaucoup plus réelle, qui est maintenant prête à se révéler. À moi de la découvrir et de l’explorer.

Une douce journée à vous ! »

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